L'Inconscient

Monia Sanekli

Description

Le génie de Freud n'est pas d'avoir découvert l'inconscient mais plutôt d'avoir fait d'une intuition philosophique et anthropologique bien ancienne une composante de l'industrie médicale. Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche ont déjà bien perçu et bien décelé l'importance de l'inconscient comme prédicat ontologique fondamental intrinsèquement lié aux pulsions de la vitalité, de l'énergie, du biologique et du généalogique. L'inconscient n'est non seulement pas une découverte scientifique mais surtout pas pathologique, il ne se traite pas et n'obéit à aucune structure thérapeutique universelle. Il n'est ni personnel ni familial ni subjectif. Il est impersonnel, ontologique, généalogique et biologique. La mémoire et la conscience ne sont pas des thérapies mais des préjudices, il est saisi scientifiquement par l'investigation et individuellement par l'intuition et la sensibilité, l'oubli est sa force. L'homme malade n'est pas celui qui ne se rappelle de rien mais celui qui se rappelle de tout, c'est celui qui a tout perdu sauf la mémoire. Toute intervention extérieure lui est nuisible dans la mesure où elle l'engage dans des manipulations et des interactions et des projections qui lui sont totalement étrangères et parfois destructrices. L'inconscient est individuel sans être subjectif, ontologique sans être de structure universelle, c'est une puissance créatrice non pathologique. La conscience n'est qu'un détail dans l'inconscient et ne peut lui servir ni de révélateur ni de purificateur. La science de l'inconscient est à inventer, elle ne suppose point une analyse mais une investigation anthropologique, archéologique, étymologique, généalogique et politique.

Sujets

• Philosophie et théologie
• Inconscient
• Conscience

Informations

• Publié par: Connaissances & Savoirs
• Date de parution: 16 décembre 2016
• Nombre de lectures: 4
• EAN13: 9782342059205
• Langue: Français

Extrait

L'Inconscient
Monia Sanekli
Connaissances & Savoirs

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L'Inconscient
 
 
 
« L’inconscient déguisement des besoins physiologiques sous le manteau de l’objectif, de l’idéal, de l’idée pure, va si loin que l’on pourrait s’en effrayer » 1
Nietzsche
 
 
« Notre pratique est une escroquerie, bluffer, faire ciller les gens, les éblouir avec des mots qui sont du chiqué, c’est quand même ce qu’on appelle d’habitude du chiqué. » 2
Lacan
 
Abréviation
VP : volonté de puissance
NT : La naissance de la tragédie
EP : Écrits posthumes
FP : Fragments posthumes
CI  : Considérations inactuelles
HTH  : Humain trop humain
A  : Aurore
GS  : Le gai savoir
APZ  : Ainsi parlait Zarathoustra
PBM  : Par-delà bien et mal
GM  : La généalogie de la morale CW Le cas Wagner
CI : Crépuscule des idoles
AC  : L’Antéchrist
EH  : Ecce Homo
NW  : Nietzsche contre Wagner
DD  : Dithyrambes de Dionysos
 
Nous utilisons :
1-Friedrich Nietzsche œuvres T.I, II, édition Robert Laffont, S.A., Paris, 1993,
2-La volonté de puissance TI, II, Gallimard, seule édition de France, traduction, G, Bianquis, Paris 1947.
 
Introduction
Notre investigation se divise en quatre parties bien distinctes. Nous avons voulu relever dans la première partie les différentes acceptations de la notion de l’inconscient à partir de Freud et en remontant jusqu’à Spinoza et Schopenhauer. Cette première partie vise à préparer le champ à notre investigation qui a pour fil d’Ariane et fil conducteur, l’acceptation philosophique de l’idée de l’inconscient. 3 De l’inconscient comme agencement dans un appareil psychique familial et personnel chez Freud, on remonte à l’idée que l’inconscient est surtout lié à la pulsion la plus impersonnelle et la plus incontrôlable, à savoir la pulsion de domination. Ceci apparaitra chez Spinoza, autant que chez Schopenhauer, en se localisant essentiellement chez Nietzsche.
Dans la deuxième partie, notre intérêt se concentre sur les modalités et les aspects du jaillissement de l’intuition de l’idée de l’inconscient chez Nietzsche, car celui-ci, en philosophe de la métaphore et du satyre, ne se prononce guère explicitement et systématiquement. Cette partie se donne pour tâche de réorganiser le dit et le non-dit à propos de l’inconscient chez Nietzsche, prenant pour point de départ l’irrationalisme dans la pensée de Nietzsche, étant donné que c’est, d’une part, le paradigme de la postmodernité et, d’autre part, ce qui caractérise l’originalité de la pensée de Nietzsche. Nous avons pu relever que l’irrationalisme nietzschéen renvoie ipso facto à une reconstruction philologique et généalogique de l’homme comme ontologie inconsciente. Nous avons pu à travers les sous parties déterminer la dynamique et les manifestations de cet inconscient, en tant que figure de l’être et du pathos de l’homme.
La troisième partie aura pour objectif d’expliciter et de renforcer les conclusions de la partie précédente. Ayant relevé les racines et les substructions généalogiques et philologiques de l’inconscient, on s’applique à la tâche de dégager les mécanismes internes au fonctionnement de l’inconscient comme matrice de l’être et non comme appareil psychique 4 Nous avons pu relever dans ce sens que l’inconscient chez Nietzsche se manifeste comme stratégie et jeu de forces physiologiques. 5
La quatrième partie reviendra d’un point de vue logique sur les conditions de possibilité de l’acceptation de l’inconscient comme seule figure de l’être en tant que matrice et pathos de l’homme. Nous avons pu noter en effet que l’inconscient n’est pas l’opposé de la conscience, car celle-ci n’est qu’un mode de l’inconscient et ne peut se proposer ni comme mode autonome et indépendant, ni comme moyen de contrôle et de maîtrise de celui-ci ; 6 il sera d’ailleurs démontré que l’inconscient est irrécupérable, indomptable et surtout qu’il est une condition de possibilité à toute santé et toute volonté de puissance. Il sera établi que l’inconscient dans la pensée nietzschéenne s’apparente au mécanisme physiologique, nutritif et génétique qui n’est autre qu’un mécanisme politique, entendu comme stratégie et agencement de forces et de rapports de forces. Le psychique relève du politique qui lui-même, n’est autre que biologique 7 . Il sera démontré que l’homme pour Nietzsche, n’est qu’une totalité inconsciente de vitalité politico psycho-physiologique.
Nietzsche fut sans doute le philosophe le plus controversé. Il suscite la polémique, de part son caractère subversif, intempestif, de son style, du génie de ses intuitions, de ses sarcasmes, de ses ironies, et principalement de son statut de philosophe non philosophe, ou de philosophe qui se moque de la philosophie. Il suscite de même le rejet, l’admiration, la curiosité et surtout il pousse à la mise en question et au soupçon, soit par un lecteur ordinaire, soit par des lecteurs philosophes. On peut même avancer que c’est le philosophe qui a le plus marqué le 20éme siècle en créant des tendances et des orientations de réflexion sans dogmatisme ce qui convient naturellement au fond de sa pensée de ne pas avoir de disciples mais des acteurs. Il marqua l’histoire de la philosophie par ses destructions créatrices et la renaissance d’une orientation de pensée active renouant avec la vie et problématisant le réel au lieu de le sublimer. On pourrait même avancer que l’existentialisme, la phénoménologie, la philosophie politique du XXème siècle étaient des lecteurs très attentifs de Nietzsche sans pouvoir l’éviter.
Ainsi, on pourrait noter quatre axes d’interprétation de la philosophie nietzschéenne : l’interprétation phénoménologique, marquée par K. Jasper, Heidegger, Granier, Michel Henri, l’interprétation existentielle promue par J-P. Sartre, l’interprétation à portée psycho-politique initiée par Michel Foucault, G. Deleuze, Laurent Assouan et enfin l’interprétation psycho-bio-politique que l’on retrouve chez Rawls, Donagan et Hurka, Antonio Negri, Tracy Strong, Michel Hardt et Emerson. 8
La première lecture est une interprétation qui aborde Nietzsche dans la perspective de son projet du dépassement de la métaphysique ; la seconde retient de sa pensée essentiellement le concept du tragique de l’existence ; la troisième met en lumière ce que Nietzsche a le plus dévoilé à savoir le pouvoir et la puissance comme volonté extrême de l’homme ; enfin, la dernière relève en la systématisant une théorie de philosophie politique problématisant une théorie de la justice à inspiration nietzschéenne. 9
Notre investigation concernant l’intuition de l’idée de l’inconscient prendra en considération essentiellement, la lecture psycho-politique, ainsi que l’interprétation psycho-bio-politique, en ce qu’elles nous éclairent sur les différentes significations et portées de l’inconscient en tant que matrice du psycho-politique.
Notre investigation ne prétend pas à une lecture philosophique orientée par une perspective ancrée dans l’histoire de la philosophie, ou alors par un paradigme de pensée qui dénie nécessairement l’espace et le temps. Nous ne saurons nous placer ni dans une perspective analytique, critique ou phénoménologique. Nous ne serons orienté ni par le besoin de réfuter une métaphysique chez Nietzsche ni par le désir d’en trouver une, ni non plus par la volonté de restituer un système à la pensée de Nietzsche, qu’il n’a pas lui-même énoncé, car une orientation vers une lecture systématique de l’œuvre nietzschéenne n’est-elle pas déviation et déformation de celle-ci. Nietzsche nous intéresse en ce qu’il nous donne des outils nécessaires pour penser les temps présents, non pas en vue d’une solution universelle à l’homme mais plutôt à la recherche d’une éthique thérapeutique en remplacement à une morale de châtiment ou une thérapie moralisante de nivellement ; autrement dit une éthique qui ne s’engage pas dans l’universel et une thérapie de l’agir et de la volonté, non de l’analyse et de la conscience mais de l’inconscient éternel retour du même. Pour cela, notre recherche s’assimile à une sorte d’investigation philosophique motivée par un soupçon de nécessité et d’actualité à savoir l’échec de la solution psychanalytique, nourrie par la perspective nietzschéenne elle-même qui ne saurait être qu’une investigation soupçonneuse de la production et de la création des idées et le surgissement des représentations. Nous chercherons à travers l’œuvre nietzschéenne, comparée à celle de ceux qui l’ont précédé et même postérieurs, à élucider un concept, si ce n’est encore plus exactement un fait, une chose, un phénomène qui a été universalisé et surinvesti. La finalité que nous visons est de faire aboutir une démarche de dévoilement.
« L’inconscient », loin d’être juste un simple concept, est un vécu, une réalité véhiculée et problématisée par le discours philosophique, depuis les présocratiques jusqu’à son investigation totale grâce à la psychanalyse. Ceci dit, la fin à laquelle nous tendons est un questionnement fondé sur le doute, le soupçon des textes nietzschéens par rapport à l’investi contemporain de ce concept ; autrement, il s’agit de puiser dans les profondeurs de l’intuition nietzschéenne de l’inconscient afin de savoir ce qu’il en était et ce qu’il en est maintenant, ceci afin de réactualiser cette profonde intuition philosophique dans une perspective nietzschéenne.
Notre méthode de réflexion et d’investigation puisera essentiellement dans les textes et les actes spécifiques s