Maximes et réflexions morales du marquis de Sade
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Maximes et réflexions morales du marquis de Sade , livre ebook

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Description

« Pourquoi ne parle-t-on pas davantage des maximes et des réflexions morales du marquis de Sade ? Tout le monde a lu, ou connaît les Maximes de La Rochefoucauld, mais Sade conjurerait plutôt des visions de soufre ou d'enfer, alors que son œuvre abonde cependant en maximes et en réflexions morales de haute valeur. Il n'est guère de chapitre, parfois même de page, où l'un ou l'autre de ses libertins n'y aille de la sienne, et leurs actions, même les plus atroces, sont toujours expliquées dans le contexte d'une maxime ou d'une réflexion morale. Il paraîtra donc utile autant pour le curieux que pour l'étudiant d'en publier une sélection de manière à illustrer comment le sulfureux marquis se recommande aussi à la postérité par des maximes et des réflexions de valeur morale trop souvent ignorées. » Huit œuvres du célèbre libertin polémiste passées au crible pour en souligner la portée philosophique et morale : les néophytes seront surpris du paradoxe, les connaisseurs salueront cette mise en lumière de l'auteur le plus sulfureux de l'histoire, rapproché ici de La Rochefoucauld et Voltaire. Spécialiste éclairé, Norbert Sclippa vient prouver dans ce formidable travail de recherche l'essence du projet sadien, propédeutique et thérapeutique à la fois : développer la connaissance du cœur humain en créant une sorte de « contre-feu éthique » pour combattre le mal par le mal.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342161335
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Maximes et réflexions morales du marquis de Sade
Norbert Sclippa
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Maximes et réflexions morales du marquis de Sade

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Introduction
Pourquoi ne parle-t-on pas davantage des maximes et des réflexions morales du marquis de Sade ? Tout le monde a lu, ou connaît les Maximes de La Rochefoucauld, mais Sade conjurerait plutôt des visions de soufre ou d’enfer 1 , alors que son œuvre abonde cependant en maximes et en réflexions morales de haute valeur. Il n’est guère de chapitre, parfois même de page, où l’un ou l’autre de ses libertins n’y aille de la sienne, et leurs actions, même les plus atroces, sont toujours expliquées dans le contexte d’une maxime ou d’une réflexion morale. Il paraîtra donc utile autant pour le curieux que pour l’étudiant d’en publier une sélection de manière à illustrer comment le sulfureux  marquis se recommande aussi à la postérité par des maximes et des réflexions de valeur morale trop souvent ignorées. Il ne s’agit pas non plus d’un paradoxe, Sade ayant toujours souligné la nature éthique de son projet et précisé qu’il consistait principalement à étudier le cœur humain : « Ce sont les égarements du cœur humain que je développe, et je n’en dois laisser aucun pli de caché », écrit-il (par exemple) dans Juliette 2 . Il se prévaut toujours du titre prestigieux de philosophe et c’est fièrement qu’il le revendique et qu’il s’en enorgueillit : « Je suis philosophe ; tous ceux qui me connaissent ne doutent pas que j’en fasse gloire et profession » (écrit-il dans Aline et Valcour 3 . ) Les titres de ses œuvres font aussi foi de ce projet par de fréquentes allusions à l’éthique ou à la philosophie 4 , et la haute estime qu’il porte à cette dernière ne se dément jamais : « Qu’est-ce l’existence sans la philosophie ? Est-ce la peine de vivre quand on languit sous le joug du mensonge et de la stupidité 5  ? » (s’exclame la Delbène, dans Juliette ). Les préfaces de ses œuvres ne laissent aucun doute à ce sujet. Celle de La Nouvelle Justine , par exemple, explique son projet sur le modèle d’un double axiomatique. Il s’agit d’un côté de faire la peinture de libertins cruels et pervers, de manière aussi réaliste que possible, pour pouvoir de l’autre illustrer avec cette peinture son projet, l’étude du cœur humain : « On n’est pas criminel pour faire la peinture/Des bizarres penchants qu’inspire la nature », écrit-il en épigraphe à Justine et Juliette en prévention d’un jugement trop hâtif sur ses intentions. Il s’agira donc, dans son œuvre, de développer les plis cachés  du cœur humain : « Dans aucun [livre] les replis du cœur des libertins ne sont développés plus adroitement, ni les écarts de l’imagination tracés d’une manière plus forte ; dans aucun, enfin, n’est écrit ce qu’on va lire ici 6  », écrit-il dans sa préface, esthétique doublée chez lui d’une éthique : « Nous croyons que toutes les situations possibles de l’âme étant à la disposition du romancier, il n’en est aucune dont il n’ait la permission de faire usage : il n’y a que les sots qui se scandalisent ; la véritable vertu ne s’effraie ni ne s’alarme jamais des peintures du vice, elle n’y trouve qu’un motif de plus à la marche sacrée qu’elle s’impose. On criera peut-être contre cet ouvrage ; mais qui criera ? ce seront les libertins, comme autrefois les hypocrites contre le Tartuffe . 7   »
 
Le projet sadien, pédagogique et thérapeutique à la fois, n’est pas dans cette mesure sans rappeler d’autres maximes, qui sont celles de La Rochefoucauld, puisqu’il s’agit également chez Sade, tout en y ajoutant le tableau (la peinture  des passions), de développer également la connaissance du cœur humain en créant une sorte de « contre-feu éthique » pour combattre le mal par le mal, pour ainsi dire, en en donnant aussi le portrait. Là où un libertin risque de ne voir que la flamme des passions et un encouragement au vice 8 (comme l’hypocrite ne voyait qu’un encouragement à son vice dans Tartuffe ), il ne verra en fait qu’une apologie du vice justement là où Sade vise à le corriger. Il s'agit, pour Sade comme pour La Rochefoucauld, de « façonner l'esprit et fortifier l'âme », comme l'écrit ce dernier. Les deux expriment d’ailleurs une même crainte par rapport aux possibles malentendus concernant leur projet. Sade prévient qu’« [il] ne [s]’adresse qu’à des gens capables de [l]’entendre et ceux - là [le] liront sans danger 9  », et de son côté La Rochefoucauld exprime la même crainte que son intention, «  toute correcte qu’elle est, possible n’évitera-t-elle pas la censure de certaines personnes qui ne peuvent souffrir que l’on se mesle de pénétrer dans le fonds de leur cœur, et qui croyent estre en droit d’empescher que les autres les connoissent parce qu’elles ne veulent pas se connoistre elles-mêmes. Il est vray que, comme ces Maximes sont remplies de ces sortes de veritez dont l’orgueil humain ne se peut accommoder, il est presque impossible qu’il ne se souleve contre-elles, et qu’elles ne s’atirent des censeurs 10 . » Montrer du doigt les égarements du cœur humain risque toujours d’attiser la colère de l’orgueil humain, mais tel est pourtant le projet de Sade, comme l’a bien noté Simone de Beauvoir, en écrivant que Sade était un de nos plus grands moralistes 11 .
 
Il est aussi intéressant de noter que le duc et le marquis ont également tous les deux recours à la même métaphore du miroir, pour expliquer les mérites de leur projet 12 . « Voilà, Monsieur, écrit La Rochefoucauld, comme il faut parler de l’orgueil de la nature humaine, et, au lieu de se fâcher contre le miroir qui nous fait voir nos défauts, au lieu de savoir mauvais gré à ceux qui nous les découvrent, ne vaudrait-il pas mieux nous servir des lumières qu’ils nous donnent pour connaître l’amour-propre et l’orgueil, et pour nous garantir des surprises continuelles qu’ils font à notre raison 13  ? » Et Sade utilise la même image : « N’as-tu pas vu, Justine, des miroirs de formes différentes ; quelques-uns qui diminuent les objets, d’autres qui les grossissent, ceux-ci qui les rendent affreux, ceux-là qui leur prêtent des charmes ? T’imagines-tu maintenant que si chacune de ces glaces unissait la faculté créatrice à la faculté objective, elle ne donnerait pas du même homme qui se serait regardé dans elle, un portrait tout à fait différent ; et ce portrait ne serait-il pas en raison de la manière dont elle aurait perçu l’objet ? […] La glace qui l’aurait aperçu affreux, le haïrait ; celle qui l’aurait vu beau, l’aimerait ; et ce serait pourtant toujours le même individu 14 . » (Le marquis conçoit également, dans Aline et Valcour , une espèce d’arbre généalogique des vices qui permettrait de mieux comprendre la filiation de ceux-ci pour s’en protéger : « Je voudrais que tous les hommes eussent chez eux, au lieu de ces meubles de fantaisie qui ne produisent pas une seule idée, je voudrais, dis-je, qu’ils eussent une espèce d’arbre en relief, sur chaque branche duquel serait écrit le nom d’un vice, en observant de commencer par le plus mince travers, et arrivant ainsi par gradation jusqu’au crime né de l’oubli de ses premiers devoirs. Un tableau moral n’aurait-il pas son utilité ? Et ne vaudrait-il pas bien un Téniers, ou un Rubens 15  ? »)
Finalement, La Rochefoucauld et Sade avouent tous les deux une même frayeur devant le « miroir de l’âme », la loi morale : « Je pense toujours trouver à l’ouverture du livre quelque ressemblance aux mouvements secrets de mon cœur ; je me tâte moi-même pour examiner s’il dit vrai, et je trouve qu’il le dit presque toujours et de moi et des autres plus qu’on ne voudrait. D’abord j’en ai quelque dépit, je rougis quelquefois de voir qu’il ait deviné 16  », écrit La Rochefoucauld, et Sade souligne que ce n’est jamais qu’« en frémissant », qu’il ose « ouvrir le cœur de la nature ».
Simone de Beauvoir a déjà souligné l’importance éthique de l’œuvre de Sade. « Dans la solitude des cachots, écrit-elle, Sade a réalisé une nuit éthique analogue à la nuit intellectuelle dont s’est enveloppé Descartes, même s’il n’en a pas fait jaillir une évidence 17 . » Cependant, cette idée maîtresse de Sade, l’idée que « Tout est à la nature et rien à nous », idée que nos affects, nos pensées, ou nos actions sont toujours dictés par une force qui nous dépasse, que nous sommes pensés davantage que nous ne pensons, nous semble à même de représenter l’équivalent d’une nuit éthique, similaire en importance à la nuit intellectuelle cartésienne. Kant ne parlait-il pas déjà de « révolution copernicienne » par rapport à cette même conception que tout est dans la nature, et de valeur égale (que A égale B, et donc aussi que le mal égale le bien, ou le fort le faible, etc. 18 ) ? Il y a chez Sade une semblable révolution. On peut toujours objecter que tel point de vue pourrait servir à justifier toutes les atrocités ou les pires horreurs, comme le font aussi les personnages de Sade, et celui-ci en est clairement conscient tout comme La Rochefoucauld, sachant comme lui que certains lecteurs risqueront d’interpréter son œuvre à l’envers 19 , mais la vertu de Justine sert de contrepoint au vice, et il est toujours plus facile de s’identifier au faible ou au malheureux et d’oublier que, si le fort est plus fort que le faible, le faible est aussi fort que lui

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