Nietzsche moraliste français
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Nietzsche moraliste français , livre ebook

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Description

On comprendra bien mieux Nietzsche si, cessant de voir en lui un métaphysicien allemand ou le défenseur d’une doctrine naturaliste des instincts, on le considère comme un des grands moralistes français. Comme eux, il est d’une totale lucidité sur la fragilité et les défauts humains, mais sans le désespoir de Pascal et sans le mépris glacial de La Rochefoucauld pour « l’humain, trop humain ». À l’instar de Montaigne, il a voulu devenir un esprit sensé, férocement honnête et joyeux, quelqu’un qui parvienne à « s’acclimater sur terre ». Robert Pippin enseigne la philosophie à l’Université de Chicago. Sa réflexion porte notamment sur la tradition philosophique allemande depuis Kant et sur la modernité. Il est l’auteur de Modernism as a Philosophical Problem et de Idealism as Modernism : Hegelian Variations.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 février 2006
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738190673
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cet ouvrage s’inscrit dans le cadre de la collection du Collège de France chez Odile Jacob
© O DILE J ACOB, FÉVRIER  2006
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-9067-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Remerciements

Cette étude sur Nietzsche fut originellement présentée sous forme d’un cycle de conférences au Collège de France en octobre et novembre 2004. Je remercie avec gratitude le Collège et particulièrement Marc Fumaroli et Jacques Bouveresse de leur invitation et de leur hospitalité cordiale pendant mon séjour à Paris. Je suis également très reconnaissant à deux autres institutions : au Wissenschaftskolleg de Berlin, où, en qualité de chercheur, j’ai passé une année pendant laquelle ces conférences furent écrites dans leur quasi-intégralité, et à la Andrew W. Mellon Foundation , dont le généreux « Distinguished Achievement Award » a subvenu à mes efforts pour raviver mon français avec Thierry Fasquel à Berlin ainsi qu’au financement de l’excellente traduction d’Isabelle Wienand.
Chicago, 2005
Œ UVRES DE N IETZSCHE. T RADUCTIONS FRANÇAISES. A BRÉVIATIONS UTILISÉES
En allemand :
L’édition allemande de référence utilisée dans ce livre est la Sämtliche Werke. KritischeStudienausgabe (KSA), Giorgio Colli et Mazzino Montinari (éd.) 15 vol., Berlin/New York : Walter de Gruyter/DTV, 1980.
En français :
– Pour la traduction des textes posthumes, on a utilisé les Œuvres philosophiques complètes (OPC), 18 vol., Paris : Gallimard, 1968-1997. Lorsqu’un fragment posthume (FP) est cité, les références dans les OPC sont indiquées comme suit : numéro du fragment, année de rédaction, numéro du volume, puis numéro de la page.
– Pour la traduction des œuvres publiées, les éditions suivantes ont été utilisées. Elles sont listées ici par ordre alphabétique. Est indiquée entre parenthèses après le titre l’abréviation de l’œuvre.
• Ainsi parlait Zarathoustra (ApZ), traduit par H. Albert, in Œuvres , 2. vol., vol. 2, J. Lacoste (éd.), Paris : Laffont, 1993.
• Aurore (A), traduit par J. Hervier, Paris : Gallimard, 1989.
• Considérations inactuelles (CI), traduit par H. Albert (CI II et III), et par M. Baumgartner (CI IV), in Œuvres , 2. vol., vol. 1, J. Lacoste (éd.), Paris : Laffont, 1993.
• Crépuscule des idoles (CdI ) , traduit par J.-C. Hémery, Paris : Gallimard, 1974.
• Ecce Homo (EH), traduit par E. Blondel, Paris : GF-Flammarion, 1996.
• La Généalogie de la morale (GM), traduit par P. Wotling, Paris : Livre de poche, 2000.
• L’Antéchrist ( AC), traduit par E. Blondel, Paris : GF-Flammarion, 1996.
• Le Gai Savoir (GS), traduit par P. Klossowski, Paris : Gallimard, 1982.
• Nietzsche contre Wagner (NW), traduit par E. Blondel, Paris : GF-Flammarion, 1996.
• Opinions et sentences mêlées (OSM) [ Humain, trop humain (HTH II)], traduit par R. Rovini, Paris : Gallimard, 1988.
• Par-delà bien et mal (PBM), traduit par P. Wotling, Paris : GF-Flammarion, 2000.
• Le Voyageur et son ombre (VO) [ Humain, trop humain (HTH II)], traduit par R. Rovini, Paris : Gallimard, 1988.
L’abréviation « trad. mod. » (traduction modifiée) informe que le passage cité a été traduit différemment.Robert PIPPIN
Préface
par Marc Fumaroli, de l’Académie française

Préfacer, même brièvement, le livre d’un philosophe interprétant la pensée d’un autre philosophe, et cela, quand on a pris soi-même le parti, depuis la « classe de philosophie » de l’ancien lycée de s’avouer, avec Montaigne : « Je ne suis pas philosophe », relève de la gageure et frise l’imposture. Les philosophes et les professeurs de philosophie m’ont toujours semblé entretenir entre eux une conversation fort profonde, mais à laquelle je me suis senti rarement convié. Je leur dois beaucoup néanmoins. J’en ai connu quelques-uns, des plus admirables, et j’en ai lu quelques autres. Tous, bien involontairement, car ce sont en général gens courtois et indulgents envers les intrus, m’ont rappelé, du seul fait qu’ils me faisaient toucher du doigt mes propres limites, à une très profitable humilité.
Oui, mais dans le cas d’espèce, il est moins question dans ce livre de philosophie que d’une histoire d’amour, et comme chacun sait, il n’est pas besoin d’être savant en philosophie pour lever l’oreille lorsque quelqu’un, même philosophe de profession de la stature de Robert Pippin, de surcroît successeur de François Furet à la présidence du Committee on Social Thought de l’université de Chicago, vient chanter au Collège de France, et en français s’il vous plaît, une romance dont nous autres Français nous connaissons tous, je dirais presque de naissance, et l’air et les paroles : « Parlez-moi d’amour. » Cette histoire d’amour dont ce philosophe nous parle, c’est celle qui a lié intimement l’Allemand Frédéric Nietzsche, non pas aux philosophes français, mais aux écrivains dans lesquels les Français se reconnaissent le plus volontiers, Montaigne, La Rochefoucauld, Pascal, Stendhal, les convives des « dîners Magny », Flaubert, Goncourt, Renan. Cette romance a une suite, dont Robert Pippin n’avait pas à nous entretenir, mais qui rendit sans compter post mortem à Nietzsche la passion que de son vivant il avait portée aux Français, c’est celle qui a fait embrasser d’enthousiasme l’auteur de La Naissance de la tragédie et de Généalogie de la morale par les écrivains français qui l’ont lu ou entrevu dans les années 1890 (parfois en même temps que Rimbaud), l’André Gide de L’Immoraliste , le Paul Claudel de Tête d’or, le Paul Valéry du Cimetière marin et des Carnets , le Montherlant des Olympiques , en voilà quelques-uns pour l’avant-guerre 1940, et pour l’après-1940, le Maurice Blanchot de L’Espace littéraire et le Georges Bataille de La Part maudite et de L’Expérience intérieure . Rien de moins.
Sans doute, Robert Pippin n’est venu nous parler au Collège de France ni de la « réception » de la pensée de Nietzsche dans la littérature française moderne, ni même de l’« influence » des plus typiquement français de nos moralistes et romanciers sur la pensée de Nietzsche, mais en philosophe qui sait que la littérature peut être plus philosophique que les philosophes, du caractère profondément littéraire de la pensée du philosophe Nietzsche, irréductible en dernière analyse à la mécanique du démontage et remontage conceptuels dont les professeurs de philosophie sont virtuoses. Dès lors cependant que, dans ses conférences sur Nietzsche au Collège, comme dans le livre qu’il en a tiré, il s’agit d’une histoire d’amour entre un philosophe allemand, qui est aussi un grand écrivain dans sa propre langue, et toute une famille d’écrivains français, parmi les plus intelligents d’autrefois et d’hier, le Français « littéraire » que je suis se sent un peu moins indigne et incapable de préfacer un ouvrage de philosophie, en d’autres termes de le recommander à un public plus large que celui des professeurs et étudiants en philosophie.
Car il n’est pas seulement question dans ce livre d’une liaison amoureuse, en soi haletante et compliquée, entre un géant atypique de l’histoire de la philosophie allemande et tout un gynécée masculin de l’histoire littéraire française, il y est d’abord et tout simplement parlé d’amour, de l’Éros du Banquet de Platon, de la Vénus du De Natura rerum de Lucrèce, de la Caritas de saint Paul et de saint Augustin, c’est-à-dire du grand absent, antique et chrétien, de la modernité rationaliste, éthique, scientifique et technique. Nietzsche a éveillé les esprits doués d’antennes de la fin du XIX e  siècle à l’horreur et aux symptômes de cette absence, renouant avec une tâche commencée par Montaigne et nos moralistes dès l’aurore de la modernité. Mais il ne s’est pas contenté de dessiller les yeux sans ménagement sur le désert qui gagnait, il s’est efforcé, avec une prodigieuse générosité, comme l’avaient fait avant lui Montaigne et Stendhal – recourant à des oxymores, à des fictions poétiques et à des allégories, c’est-à-dire à des figures de pensée inacceptables pour la plupart des philosophes modernes (et non exemptes en effet de malentendus et d’ambiguïtés dangereuses) – d’orienter les esprits avertis vers une issue libératrice de la caverne moderne, de leur montrer la direction d’une oasis qui ne soit pas un mirage de plus du Wasteland , de leur enseigner une « gaie science » qui guérisse de la sécheresse de cœur et d’esprit dont s’accommodaient trop bien l’euphorie niaise ou la mélancolie cynique des « derniers hommes ». De cette issue, de cette oasis, de cette guérison du nihilisme bourgeois, Nietzsche lui-même n’a jamais fait l’expérience, malgré l’éloquence de son autosuggestion.
Moins radicalement exilé que lui de l’Antiquité, Montaigne est parvenu à cette victoire habituelle et naturelle sur la division débilitante de la conscience moderne. L’agir dont rêve Nietzsche et qui tirerait de son propre mouvement, et non d’une préméditation abstraite, son rythme et son sens, il l’a connu :

Quand je danse, je danse, quand je dors, je dors, voire et quand je me promène solitairement en un beau verger, si mes pensées se sont entretenues des occurrences étrangères quelque temps, quelque autre partie je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de la solitude, et à moi. Nature a maternellement observé cela, que les actions qu’elles nous a enjointes pour notre besoin

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