Pour la connaissance philosophique
188 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Pour la connaissance philosophique , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
188 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

La philosophie est-elle un savoir ? Y a-t-il des vérités philosophiques ? Peut-on démontrer en philosophie ? Deux tentations opposées sont ici dénoncées. L’une porte à présenter la philosophie comme une sorte de science éminente et dogmatique ; l’autre à la confondre avec l’exposé poétique et passionné de quelques états d’âme. L’auteur, au contraire, essaie d’établir que la philosophie, à travers sa diversité, constitue une véritable connaissance, irréductible à celle que fournit la science et n’y suppléant en aucun cas : une connaissance capable de rigueur, quoique non démonstrative, une connaissance paradoxalement sans objets.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1988
Nombre de lectures 24
EAN13 9782738168092
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Méthodologie économique
PUF, 1955
 
Pensée formelle et Sciences de l’homme
Aubier, 1960
 
Essai d’une philosophie du style
Armand Colin, 1968 ; rééd. Odile Jacob, 1988
 
Wittgenstein
Seghers, 1969
 
La Théorie aristotélicienne de la science
Aubier, 1976
 
Langage et Épistémologie
Klincksieck, 1979
© ODILE JACOB, JANVIER 1988.
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6809-2.
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
www.centrenationaldulivre.fr
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
« En un mot, tous se prennent pour des seigneurs dans la mesure où ils se croient dispensés de travailler ; et suivant ce principe, on est allé récemment si loin dans cette voie que voici que s’annonce de façon ouverte et déclarée une prétendue philosophie pour laquelle point n’est besoin de travailler : il suffit de prêter l’oreille à l’oracle au-dedans de soi-même et d’en faire son profit, pour s’assurer l’entière possession de toute la sagesse qu’on peut attendre de la philosophie. »
Kant, D’un ton grand seigneur adopté naguère en philosophie , 1796, trad. Louis Guillermit.
CHAPITRE 1
Philosopher sur la philosophie

1.1. Si aux yeux de bien des gens philosopher c’est s’évader du réel, philosopher sur la philosophie ce sera, diront-ils, s’en écarter d’un degré de plus, et se condamner à parcourir indéfiniment le cercle où l’on paraît ainsi s’être soi-même enfermé. Nous pourrions répondre, peut-être, que qui veut éviter absolument tout cheminement circulaire doit renoncer tout de bon à penser. Je dis bien : à penser tout court, puisque, dans la science elle-même, le besoin irrépressible de remonter à quelque point de départ fermement accroché ou bien engage la pensée dans une régression à la rigueur indéfinie, ou bien conduit à justifier par les conséquences ce que l’on croyait inconditionné. Le vrai problème pour une discipline de connaissance, le seul apparemment dont la solution nous soit accessible, serait non point d’éviter à tout prix le cercle, mais de préciser, dans chaque domaine, une certaine manière de le rompre, de dire jusqu’où l’on peut, en quelque sorte, remonter trop loin sans faillir, comment, selon le mot du Maître Aristote, on peut et doit s’arrêter . Sur ce point, l’activité philosophique se présenterait comme la recherche la plus générale concernant les différentes façons de décider d’un point d’arrêt. Si l’on considère dès lors que penser la vie et penser les œuvres humaines, comme fait la philosophie, c’est encore demeurer dans la vie, ou en tout cas, du moins, sur ses bords, et ne s’en écarter qu’en apparence, alors philosopher sur la philosophie ne saurait nous en éloigner davantage, d’autant que philosopher sur la philosophie c’est encore, et tout uniment, philosopher. Il faut même dire que, de ce redoublement, de cette réflexion sur soi, la philosophie est inséparable. Ce que Platon désigne par le mot διαλεκτική , ce que fait Aristote dans sa Métaphysique , les difficiles analyses kantiennes des trois Critiques , autant de figures diverses et exceptionnellement réussies d’une activité de pensée qui ne peut éluder sans faillir la question que sa propre présence lui pose. Il serait donc assez vain de vouloir s’enquérir des caractères discrimi nants qui marqueraient cet usage réflexif de la philosophie. Comme le notait Wittgenstein, la philosophie de la philosophie ne se distingue pas davantage de la philosophie en général que l’orthographe en général ne se distingue de l’orthographe du mot « orthographe » lui-même ( Philosophische Untersuchungen , 1.121, p. 82). Et si l’on veut suggérer à tout prix une différence, mieux vaut, avec lui encore, parler des « miroirs diversement placés, grands et petits, de la philosophie… » ( Notebooks , 6 mars 1915).
 
 
1.2. Il n’y a donc pas, à proprement parler, de « métaphilosophie », ou, si l’on préfère, toute philosophie est déjà « métadiscipline ». La méta-philosophie serait « l’étude de la méthode philosophique », lit-on dans un ouvrage récent qui porte justement ce titre 1 . Mais officialiser, pour ainsi dire, cette distinction suppose que l’on traite alors la philosophie comme une science, visant un objet, et constituable elle-même en objet d’un degré supérieur. Tel est bien le point de vue du philosophe auquel nous empruntons cette définition, et pour qui

la convergence effective largement répandue des sciences l’une vers l’autre, et d’elles toutes vers la philosophie, est un résultat impressionnant de la recherche récente ( On Philosophical Method , p. 27).
Il n’est donc pas étonnant que, pour lui, la méthode de la philosophie soit,

comme la méthode des sciences empiriques, exégétique, hypothétique, déductive, itérative et cumulative ( ibid .).
On verra que, loin de souscrire à cette affirmation péremptoire, nous essaierons de faire voir et comprendre comment la philosophie peut bien être un mode de connaissance valable, tout en demeurant irréductible et insubstituable à la science. La première marque de cette profonde différence serait justement que la connaissance scientifique appelle et suscite une métaconnaissance qui l’examine, la décrit, la critique ou la fonde, mais qui ne saurait elle-même, sans imposture, se prétendre de part en part scientifique ; elle est à la fois logique et philosophie de la science. La philosophie, au contraire, quel qu’en soit le premier point d’appui, appelle et suscite une reconnaissance d’elle-même dont on doit bien admettre qu’elle lui est homogène. L’opérateur « philosopher », pareil à ces opérateurs idempotents de l’algèbre, autant de fois que l’on voudra réitéré, ne produit rien de nouveau que lui-même.
 
 
1.3. En me proposant explicitement pour sujet de pensée la connaissance philosophique, je ne prétends donc nullement m’élever au-dessus d’une philosophie prise au premier degré, et en quelque sorte plus vulgaire. Nous nous garderons autant qu’il se pourra de l’illusion de légiférer, illusion dont l’auteur du présent ouvrage se sait ni plus ni moins exempt que quiconque parmi les philosophes, y compris même –  si magna licet componere parvis  – quelques-uns parmi les plus grands. Il s’agit en effet non de dire le droit ni donner la règle, mais, en un certain sens qu’il faudra justement expliquer, de décrire . Il s’agit en somme du problème transcendantal renversé. Au lieu de se demander comment une science est possible, on se propose de reconnaître comment une philosophie peut être une connaissance – et d’une certaine manière une connaissance rationnelle  – sans pourtant être une science, mais sans non plus nécessairement tomber dans un usage transcendant de la raison. Aborder l’exercice philosophique par ce biais, ce n’est pas prendre les choses de plus haut, mais seulement emprunter l’un des divers accès qui s’offrent au philosophe, de plain-pied avec tous les autres ; quoique, il est vrai, l’un des plus malaisément praticables. Sans doute ne peut-on, comme on vient de le dire, s’exercer à philosopher sans qu’apparaisse, en arrière-plan au moins, cette préoccupation qu’on voudrait ici mettre en vedette. Mais c’est de l’expliciter qu’il s’agit pour l’heure, d’en poursuivre les incidences, d’en faire le sujet principal et non plus l’accompagnement du travail de la pensée. Pour qui s’est accoutumé à prendre pour texte les œuvres de la science, ou encore l’œuvre philosophique singulier des grands philosophes, l’entreprise ne peut être envisagée que dans la crainte d’accumuler les maladresses et les insuffisances. Elle s’impose à moi pourtant, avec la promesse d’en recevoir les satisfactions et les amertumes que donne l’assurance préalable d’une exécution nécessairement imparfaite, mais passionnante, au risque cependant d’irriter le lecteur tout en espérant d’éveiller son attention bienveillante.
Au reste, le projet de traiter philosophiquement de la connaissance philosophique ne saurait donner lieu à une mise en œuvre essentiellement distincte de tout autre essai de philosophie. Il s’agit, dans tous les cas, de prendre pour point de départ, et pour texte , une expérience de culture, une expérience déjà exprimée , ou à tout le moins en voie d’expression. Il est assurément possible de se saisir des données que constituent les œuvres philosophiques comme de phénomènes, pris dans un environnement et dans une histoire, produits par des hommes dont les actes, fût-ce les actes de pensée, se trouvent plus ou moins conditionnés par un milieu très complexe ; bref, il est possible de viser à construire une sociologie et une psychologie, une histoire concrète des faits philosophiques. A notre avis, une telle connaissance, dans la mesure où elle pourrait réussir, serait une connaissance scientifique. Mais il est clair que notre propos est ici radicalement différent, et que c’est précisément la nature de cette différence qui fait tout le sujet de la recherche. Nous l’aborderons, dans ce préambule, de l’extérieur, pour ainsi dire, exposant d’abord sommairement ce que ne saurait être la connaissance philosophique 2 .

Que la philosophie n’est pas une science
2.1. Certes, il est toujours permis de donner aux mots le sens qu’on aura choisi, à condition de se faire clairement entendre. Aucune règle de discours ni de pensée ne s’oppose donc à ce que l’on attribue le nom de « science » à ce que produisent les philosophes. Néan

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents