Profession philosophe
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Description

Michel Seymour a choisi la philosophie analytique comme champ de recherche. La philosophie analytique est un courant de pensée dominé par les intellectuels vivant dans les pays anglo-saxons. Les résultats des recherches effectuées dans ce domaine sont publiés généralement en anglais, et les auteurs qui contribuent à ce courant de pensée se servent du modèle de la science pour donner un sens à leur propre activité philosophique. Le courant dominant y est en outre d’inspiration individualiste. Michel Seymour décrit ici comment se vit l’expérience de la philosophie analytique pour un Québécois francophone anti-individualiste et nationaliste qui croit à la valeur de la diversité des cultures et à l’autodétermination du Québec.
Michel Seymour est professeur titulaire au Département de philosophie de l’Université de Montréal. Il est l’auteur de plusieurs livres dont L’institution du langage (PUM, 2005).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 mai 2011
Nombre de lectures 11
EAN13 9782760625730
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MICHEL SEYMOUR


Professionphilosophe




Les Presses de l’Université de Montréal
La collection


Quel est le rôle, dans la Cité, des chercheurs, des intellectuels,des professeurs, des universitaires en général ? Qui sont-ils etque font-ils exactement ? Quel a été leur parcours intellectuel ?La Collection « Profession » répond à ces questions.

Directeur de collection : Benoît Melançon

Autres titres disponibles au 1 er novembre 2010 :


www.pum.umontreal.ca
Copyright

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Seymour, Michel, 1954-
Profession, philosophe
Comprend des réf. bibliogr.

ISBN  2-7606-2003-4
ISBN  978-2-7606-2573-0 (ePub)

1. Philosophes. 2. Philosophie - Aspect social.
3. Idées politiques. I. Titre.
b53.s492006 101 c2006-940025-3

Dépôt légal : 1 er trimestre 2006
Bibliothèque nationale du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2006 ; 2010 pour la versionePub.

Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil des Arts du Canadaet la Société de développement des entreprises culturelles du Québec(SODEC).
Introduction


J e suis philosophe de profession, mais je n’en fais pasune profession de foi. Je ne suis pas entré en philosophie comme on entre en religion. Je ne me rappellepas d’avoir décidé que j’allais faire une carrière dephilosophe. Cela m’est venu sans que je m’en rendecompte, vers l’âge de seize ans, alors que s’amorçaientmes études collégiales et que je découvrais Hegel ( Lalogique de l’être ) et Nietzsche ( Ainsi parlait Zarathoustra ). Je ne me suis jamais départi de cet enthousiasmejuvénile, je le retrouve encore lorsque, pour préparerun cours, je rassemble quelques articles photocopiésque je me propose de lire.
Je ne vais pas dans cet ouvrage raconter sur un modebiographique comment j’ai été amené à la philosophie,puisque je viens tout juste de le faire et qu’il n’y a riend’autre à ajouter. Je vais encore moins procéder à uneautobiographie intellectuelle qui serait aussi prétentieusequ’ennuyante. Je n’ai pas l’outrecuidance de penser quel’histoire de ma démarche intellectuelle est d’un quelconque intérêt pour qui que ce soit. Je me propose plutôtde répondre de diverses façons à la question de savoircomment se vit l’existence d’un philosophe dans la Cité.Quelles relations un philosophe entretient-il avec lasociété dans laquelle il se trouve, à commencer par la société des philosophes ? Il est difficile d’en rester à desconsidérations générales pour témoigner de cetteexpérience ou pour se prononcer sur le rôle que le philosophe peut ou doit jouer. Les philosophes étant eux-mêmes des personnes différentes, ils se comportentdifféremment face aux enjeux sociaux. La philosophieest en outre une discipline qui est plus que deux foismillénaire et elle recouvre des domaines très variés quipeuvent être affectés de mille et une façons par lespréoccupations citoyennes. Les philosophes formentun ensemble très diversifié de chercheurs et les ressemblances entre eux ne sont que des ressemblances defamille. Ainsi, on ne peut pas parler de l’insertion socialedu philosophe de façon univoque, parce qu’il existeplusieurs façons d’exercer cette profession.
Il existe, par exemple, un grand pan de la philosophie– je songe à l’histoire de cette discipline – qui n’exigepeut-être pas au départ que l’on se sente concerné parl’actualité sociale et politique, alors que d’autres secteursvivent plus directement ce contact. Les historiens ontaffaire à des objets d’étude, les grands penseurs del’Antiquité (des Présocratiques aux Épicuriens et Stoïciens), du Moyen Âge (de saint Augustin à Dun ScotOrigène et Guillaume d’Occam), de la Renaissance(d’Érasme à Montaigne) ou de l’époque moderne (deDescartes à Kant et Hegel) qui, pour l’essentiel, demeurent les mêmes, tout comme demeurent à peu près lesmêmes leurs épigones et les auteurs appartenant à lalittérature secondaire. Leur objet d’étude n’est pas perturbé par l’actualité politique. Du moins est-ce ainsique l’on se représente très souvent la pratique de l’historien philosophe. Les exigences méthodologiques sontbien évidemment devenues de plus en plus grandes avecle temps, car il est de plus en plus difficile de se réclamerd’une interprétation originale quand on étudie un grandtexte classique. Mais, parmi les tâches qui attendent l’historien, il n’y a pas l’urgence d’intervenir sur la placepublique. Le préjugé populaire, qu’il soit fondé ou non,veut que les exigences de l’historien n’aient pas grand-chose à voir avec une quelconque préoccupation àl’égard de la réalité sociale et politique dans laquelle ilvit. Sans aller jusqu’à dire que l’histoire de la philosophie est elle-même à l’abri des vicissitudes de l’histoire,la présence forte de la réalité sociale et politique dansla vie académique n’est pas nécessairement ce qui vientperturber le chercheur œuvrant dans ce secteur. Entant que citoyen, il n’est pas moins sollicité que lesautres par les événements de son époque et il peutmême l’être en partie à titre de philosophe. Mais il n’estpas tenu de l’être par sa propre pratique d’historien dela philosophie, au sens où il ne s’agit pas d’une nécessité inscrite dans cette pratique. Il n’est en tout cas pasdu tout poussé dans cette direction, à moins que sestravaux n’aient depuis toujours porté sur des ouvragesclassiques d’éthique ou de philosophie politique.
Il en va de même, pense-t-on, même si c’est dans unemoindre mesure, du philosophe œuvrant dans le secteurde la philosophie dite « continentale », postkantienne etposthégélienne, couvrant une période s’étalant de ladeuxième moitié du xix e siècle à nos jours. Je songe iciprincipalement à la philosophie franco-allemande, sedéployant à partir de Schopenhauer et Nietzsche. Ils’agit d’un courant de pensée qui se présente commeune critique de l’idéalisme allemand traditionnel, c’est-à-dire comme une critique de l’illusion des pouvoirsde la raison, du volontarisme et de l’autonomie dusujet individuel, au profit d’une approche plus réalistequi se propose de prendre acte des divers déterminismes affligeant la condition humaine. Certains insisteront sur les déterminismes de l’histoire et de latradition et s’en remettront à l’interprétation des grandstextes philosophiques (Gadamer, Heidegger), alors que d’autres examineront les déterminismes de la naturehumaine (Nietzsche), les déterminismes de l’inconscient (Freud) ou les déterminismes socio-économiques(Marx). D’autres demanderont qu’une attention plusgrande soit portée aux phénomènes tels que nous lesvivons et à l’égard de l’expérience intentionnelle engénéral (Husserl, Merleau-Ponty, Ricœur). Les existentialistes insisteront sur la facticité de l’existence(Sartre, Camus), tandis que d’autres thématiserontl’altérité (Lévinas). Les penseurs structuralistes serontamenés à mettre en évidence, pour les admettre ou pourles critiquer, les structures sociales ou institutionnellesqui déterminent l’être humain (Lévi-Strauss, Foucault).Enfin, certains prendront acte des déterminismesidéologiques issus de la métaphysique occidentale etproposeront, dans une perspective postmoderne, deles déconstruire (Deleuze, Derrida, Lyotard).
Là encore, le corpus est plus ou moins complété. Lesinterprétations foisonnent et peuvent parfois donnerlieu à de vives controverses, mais tout cela peut se passerdans une relative quiétude par rapport aux préoccupations contemporaines qui animent les intellectuels.Ceux qui s’intéressent à la philosophie continentalepourront estimer, non sans raison, que des questionsfondamentales doivent nous solliciter indépendamment des préoccupations de notre époque. Il n’y a riende nouveau sous le soleil, et les praticiens qui œuvrentdans ce domaine peuvent considérer comme une vertule fait de se tenir à l’écart des modes. Ils ne se situentpas en marge de l’histoire, et ce, même si les auteursqu’ils étudient proposent des considérations qui sontparfois « inactuelles », car ils sont plutôt à l’affût desinvariants de l’histoire. La philosophie est l’algèbre del’histoire, disait Merleau-Ponty.
Pourtant, il faut tout de suite préciser que les chosesne sont pas aussi simples que cela, même dans les secteurs qui sont a priori à l’abri du tourbillon de l’actualité. Tout d’abord, l’engagement social du philosophe ne dépend pas seulement de son objet d’étude,mais aussi de son propre tempérament, de ses « traitsde caractère ». Ensuite, la plupart des auteurs, sinontous, aspirent à dire quelque chose d’important concernant leur propre époque. Si le propos est intemporel,c’est qu’il vaut pour toutes les époques. Cela doit doncêtre important aussi pour les philosophes qui, à notreépoque, cherchent à comprendre ces auteurs classiques.J’ajouterais que, parmi les philosophes « continentaux », il faut inclure, en plus de Marx, les penseurs del’école de Francfort (Adorno, Horkheimer, Marcuse,Habermas) ou, comme on l’a vu, des auteurs tels queSartre, Camus et Foucault, qui ont été très engagéspolitiquement. Enfin, il y a aussi des penseurs qui,comme Heidegger et Gadamer, se sont retrouvés aucœur de la tourmente nazie et ont choisi à leurs risqueset périls d’assumer pleinement l’historicité de leurpropre condition de citoyens allemands au sein duIII e Reich. Ceux-là ne peuvent plus être lus sans quesoit thématisée la problématique de l’insertion duphilosophe dans la Cité. Pour s’en convaincre, on n’aqu’à lire l’ouvrage effrayant d’Emmanuel Faye consacré à Heidegger.
Aussi, si j’exclus la question de savoir comment leshistoriens de la philosophie et les interprètes de laphilosophie continentale pensent leur rapport à la réalité sociale, ce n’est pas parce que la question n’est paspertinente pour eux ou parce que leurs préoccupations politiques sont absentes. C’est en fin de comptetout simplement parce que le propos qui est le mienest davantage personnel. Je veux témoigner de ma propre expérience de philosophe. Or, je ne suis pas unhistorien

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