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Description

« Penser l'Europe de la défense, n'est-ce pas respecter l'Europe d'aujourd'hui à la manière de ce que pourrait être un jour sa défense ou encore dessiner ce que devrait être l'Europe de demain pour qu'elle puisse se défendre après-demain ? Qu'on nous permette alors de reprendre, vingt ans après, une alternance pertinente qui valait alors pour la France : ou bien s'en remettre à un système priori, à une alliance et perdre toute indépendance continentale, ou bien se constituer un système propre, qui ne soit dirigé contre personne, mais mondial et tous azimuts... »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 1989
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738142856
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

AUX ÉDITIONS ODILE JACOB
Que vive la République, Paris, 1989
© O DILE J ACOB et FONDATION POUR LES ÉTUDES DE DÉFENSE NATIONALE. OCTOBRE 1989. 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-4285-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
« Nous sommes tous aujourd’hui placés à la brèche. Nous sommes tous à la frontière, la frontière est partout. La guerre est partout, brisée, morcelée en mille morceaux, émiettée. Nous sommes tous placés aux marches du royaume. »
Charles Péguy
AVERTISSEMENT

La Fondation des Études de Défense Nationale m’a demandé de réfléchir aux grandes lignes de force qui, face au cours nouveau à l’Est, pourraient être à l’avenir celles d’une défense européenne. Quel avenir, quelle défense, quelle Europe ? De ces interrogations est né le livre que voici, dont l’ambition est d’en provoquer d’autres.
CHAPITRE I
Politique d’abord

De la stratégie comme moyen d’introspection
Il y a deux façons de radiographier l’âme de l’Europe, c’est de l’interroger sur sa culture et sur sa défense. Il est vrai que la culture est à l’origine de tout, et d’abord du fait européen ; et qu’avec la défense, on prend l’Europe à l’envers, en commençant par la fin. L’Europe militaire, dit-on souvent, suppose l’Europe politique, et le bon sens aura tôt fait de nous rappeler qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, ni le toit avant les murs de la maison commune. Pas d’organisation de défense sans structure politique. Pas d’entité politique sans structure de défense, on peut tourner longtemps dans le cercle logique de l’œuf et la poule sans s’interdire de manger, de temps à autre, un œuf coque. Après tout, Charles V et les Capétiens n’avaient pas encore fait l’unité des seigneuries françaises quand Du Guesclin s’est mis en marche avec ses bombardes. La meilleure preuve qu’il peut y avoir une politique de défense commune sans identité institutionnelle ni fédération des États, c’est aujourd’hui même l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. L’ OTAN fonctionne bien sans un Président élu par les nations membres de l’Alliance, et même sans Parlement euro-atlantique. Une ODE – Organisation de défense européenne – ne requiert pas nécessairement un Président élu des États-Unis d’Europe.
Le Traité de Rome, cependant, n’aurait pas été possible si les pères de la Communauté n’avaient pas fait l’impasse sur la question minée de la sécurité européenne, et il est permis de penser que l’Europe d’aujourd’hui se porte d’autant mieux qu’elle refoule d’un commun et tacite accord cette dimension maudite de son être. Examiner cet interdit éclaire utilement les intimités culturelles et morales de l’époque. La réflexion stratégique a l’inconvénient d’être absconse par sa technique et aride dans son propos, bien éloignée, en tout cas, de notre vie quotidienne. Ses adeptes sont sûrs de ne devenir ni députés ni best-sellers. Le plaisir de prêcher dans le désert leur suffit.
L’Europe de la défense a l’avantage sur sa sœur jumelle, « l’Europe de la culture », qu’elle ne peut se payer de mots ni résoudre une difficulté par un néologisme. Dans l’espace qui sépare les pirouettes verbales du saut de la mort, wishfull-thinking et langue de vent s’envolent comme fausse monnaie. Penser l’Europe de la défense, repenser l’Europe d’aujourd’hui à la lumière de ce que pourrait être un jour sa défense, ou encore dessiner ce que devrait être l’Europe de demain pour qu’elle puisse se défendre après-demain elle-même, c’est découvrir l’inanité de ce qui, sans jamais dévisager la guerre ou la paix, se donne ici et là pour profondeur. En l’occurrence, l’épreuve du réel qu’est le passage par la preuve militaire vaut pour mise à l’épreuve philosophique de l’idée d’Europe. Voilà d’emblée ce que nous aimerions répondre à ceux que décourage d’avance et non sans raison la production quasi diurétique de plans sur la comète, discours parlementaires, articles pertinents mais spécialisés, rapports administratifs sans effet aucun, colloques, forums et articles consacrés à ce thème récurrent et fastidieux. Ils n’ont pas tort de supposer qu’un sujet passible de tant de traitements à la fois péremptoires et contradictoires est encore loin d’accéder au statut d’objet stratégique consistant, et qu’il est inutile dans l’immédiat de perdre son temps. La défense nationale inspire assez peu les lyres et les cerveaux, mais elle a le mérite d’exister. Les mérites de la défense européenne poussent à la spéculation, voire à l’incontinence, mais elle n’a quasiment pas d’existence. Y a-t-il, là aussi, rapport inverse entre le faire et le dire ? Entre le parler vrai et le faire joli ? C’est vraisemblable. C’est un fait cependant que le thème national exalte désormais moins d’esprits que le thème européen, trou noir où tant d’intelligences trouvent avantage à s’engloutir. Une Communauté européenne existe, qui symbolise l’aventure humaine pour les nouvelles générations : elle vaut bien plus d’un coup de sonde. Aux sceptiques de la kermesse et aux dégoûtés des tartes à la crème, on répondra qu’il est toujours tonique de mettre les masques bas. L’Europe de la défense vaut le voyage parce qu’elle seule permet de voyager à l’intérieur de l’Europe, histoire et géographie, sans trop prendre de vessies pour des lanternes. Et ce voyage est à l’intérieur de nous-mêmes, têtes et nerfs, chair et rêve. Car la perspective-défense qui déshabille l’Europe et révèle sa difficulté d’être nous confronte aussi, nous Français, à nous-mêmes. A nos incohérences comme à nos obligations.

Un flou comminatoire
« Il est urgent et nécessaire d’édifier l’Europe politique. Le but, la visée, l’enjeu qui précède et dépasse 1993 est celui des États-Unis d’Europe... l’ère de l’État-nation absolu est désormais close 1 . »
Quand toutes les apparences de l’ère planétaire sont réunies sous nos yeux, cette affirmation paraît relever du truisme. Inutile de faire remarquer qu’à l’ère classique, la souveraineté nationale en Europe n’a jamais été « absolue », c’est-à-dire séparée ; mais deux fois relative, bornée à l’horizontale par la souveraineté de l’État voisin et subordonnée, de bas en haut, aux normes de la chrétienté, plus tard au droit des gens, au tribunal de Nuremberg enfin. Le discours européen le plus répandu combine à présent l’urgence catastrophiste propre à l’interpellation politique et les marques fulminantes de la rhétorique sacrée – invocation, jaculation, psaume. « Il faut... nous devons... nous exigeons... pas d’autre alternative... faire l’Europe ou périr... » Rédemption ou damnation. Le ton est d’autant plus comminatoire que la planche de salut reste obscure, et la nature de cette Europe imminente, mystérieuse. Comme si on cherchait à conjurer la pauvreté des mobilisations électorales par la véhémence des exhortations morales. On ne nous demande pas de comprendre, on nous somme de croire. Ouvrir l’ère de l’Europe absolue pour clore celle de l’État- nation « absolu », ne serait-ce pas substituer un fétiche à un autre ? Il est à craindre qu’on ne guérisse pas d’une première religion par une deuxième ; ce culte aveugle du supranational ressemble un peu trop à l’ancien fanatisme des cultes nationaux. S’il est encore permis d’être laïque, et sans prétendre faire pièce à la terreur spirituelle, on préférera ici les questions aux réponses, en s’inspirant de cette démarche d’interrogation qui permit jadis aux hommes des Lumières de soumettre quelques superstitions massives et évidentes à la simple raison.
On observe que les campagnes pour les élections européennes sont de plus en plus dépolitisées, alliant à l’unanimité des professions de foi l’inconsistance des programmes. Chaque force politique fait suivre le signifiant de base du discours collectif – Europe comme knack, mana ou truc – d’une signature personnalisée : les socialistes, l’Europe sociale ; les nationalistes, l’Europe des nations ; le centre, l’Europe centriste ; la droite entreprenante, l’Europe des entreprises, etc. Les plus dévots répugnent à parler politique, et encore plus à parler politiquement de l’Europe. A leurs yeux, l’entité européenne se suffit à elle-même et sa venue au monde est censée devoir dissiper les archaïsmes nationaux du temps présent. Le but ultime est d’aller vers une politique extérieure et une défense communes, en sorte que chercher à définir ce que pourrait être cette politique et ce que devrait être cette défense apparaît superflu, voire incongru. Il suffit qu’elle existe. The medium is the message. Le moyen, la fin.
Réjouissant consensus, inquiétante crédulité. Nos prédicateurs, qui ont l’esprit de suite, n’oublient pas d’ajouter que les États-Unis d’Europe devront naturellement se doter, le moment venu, d’une défense commune. Même si au sein des Douze une organisation commune de sécurité suscite l’avis favorable de sept Européens sur dix, c’est en France que l’unanimité de la classe politique est la plus forte. L’addition de deux consensus nationaux, sur le nucléaire et sur l’Europe, en produit facilement un troisième. Il n’est pas étonnant qu’en dehors des extrêmes, le thème de l’Europe de la défense soit jugé « porteur » par l’ensemble des formations et dirigeants de l’hexagone. Une enquête d’opinion récente conduite dans quatre pays européens ( RFA , Grande-Bretagne, Italie et France) montre que c’est en France,

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