Graffiti

José Voss

Description

« Une vie sans réflexion ne vaut pas la peine d'être vécue », jugeait le Socrate de Platon. Cet apophtegme, José Voss l'a fait sien, lui qui, durant plus d'un demi-siècle, a consigné ses idées et – on ne pense jamais seul – celles des autres. Œuvre d'un diariste philosophe, Graffiti est un recueil de pensées, lesquelles, ordonnées sur la flèche du temps, confèrent à l'ensemble une allure autobiographique. En optant pour le chronologique, l'auteur trace, en effet, un chemin bien à lui, entre philosophie et vie, citations remarquables et réflexions personnelles, développements philosophiques et descriptions factuelles, alternant aphorismes et boutades, mêlant allègrement le subjectif et l'objectif, le subtil et le futile, l'universel et l'individuel, et ce sans jamais se départir d'une lucidité à toute épreuve. Plus essentielle est la mise en perspective historique, qui permet de retracer, à la faveur de «?tags?» ou «?graffiti?» s'échelonnant sur la durée d'une existence, un cheminement idéel sui generis, un itinéraire spirituel personnel. C'est donc bel et bien d'une évolution intellectuelle, d'un parcours existentiel qu'il s'agit, où l'orientation résulte moins d'un but poursuivi que de la succession temporelle d'étapes toutes minutieusement datées. Et si le tragique par excellence qu'est la mort occupe une place de choix dans la réflexion de José Voss, au point d'en constituer quelque chose comme un leitmotiv, cela ne signifie pas pour autant que, pour l'auteur, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. La pensée de la mort, n'en déplaise à Spinoza, est une raison d'aimer davantage la vie.

Sujets

• Philosophie et théologie
• Pensée
• Vie
• Philosophie

Informations

• Publié par: publibook
• Date de parution: 14 décembre 2016
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782342059021
• Langue: Français

Extrait

Graffiti
José Voss
Publibook

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Graffiti
 
«  Homo sum, humani nihil a me alienum puto.  »
(« Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. »)
Térence (v. 190-159 av. J.-C.)
À propos de l’auteur
José Voss est né en 1942 à Neu-Moresnet. Après des études à la faculté de philosophie et lettres et à l’Institut supérieur de philosophie de l’Université catholique de Louvain, couronnées par un doctorat en philosophie, l’auteur a enseigné les lettres, d’abord à Eupen, puis à Arlon. Résidant, depuis 1971, au Grand-Duché de Luxembourg, il tient une rubrique philosophique hebdomadaire dans le Luxemburger Wort , premier quotidien du pays, et signe, pour le compte de l’hebdomadaire d’Lëtzebuerger Land , des critiques de concerts et de disques de musique classique, en même temps qu’il poursuit, avec une passion qui ne s’est jamais démentie depuis son adolescence, un travail de traduction allemand-français tous azimuts, mais plus particulièrement dans le domaine de la théologie. Après D’ailleurs , un essai philosophique qui fait la part belle à Dieu, Graffiti est le deuxième ouvrage publié par José Voss.
 
1960
01.01.1960
« Une vie sans réflexion ne vaut pas la peine d’être vécue », jugeait le Socrate de Platon.
25.01.1960
Philosopher, c’est penser sa vie et vivre sa pensée, à tout le moins essayer.
05.02.1960
La religion est le fait primordial de l’histoire de l’humanité.
04.03.1960
« Liebe ist die Freude am Glück des anderen. » (Gottfried Wilhelm Leibniz)
15.04.1960
L’homme n’est fondamentalement ni bon, ni mauvais. L’homme, comme dit Pascal, n’est « ni ange, ni bête ». Il y a en lui pas mal de tendances au mal et peu d’inclinations au bien.
25.05.1960
Si nous ne pensons pas toujours ce que nous disons, disons toujours ce que nous pensons.
17.06.1960
Respecter son corps, mais pas l’idolâtrer.
« Il faut prendre soin de son corps, pour que l’âme s’y plaise. » (Saint François de Sales)
02.07.1960
Auf den Waffenmessen herrscht immer eine Bombenstimmung !
12.08.1960
Humor.
« Die fliegende Gebirgsmarine » !
09.09.1960
« Pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté. » (Antonio Gramsci)
15.10.1960
« Il n’y a que deux puissances dans le monde : le sabre et l’esprit. À la longue, c’est toujours l’esprit qui finit par l’emporter. » (Napoléon)
31.10.1960
Der UN-Sicherheitsrat ? Ein Unsicherheitsrat !
16.11.1960
Gesundheit ist nicht alles, aber ohne Gesundheit ist alles nichts.
06.12.1960
Quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.
1961
01.01.1961
La vie est comparable à une partie d’échecs. L’homme y est fondamentalement libre et y a son destin en main.
02.01.1961
La psychologie est une science en devenir. Elle doit encore faire ses preuves pour mériter l’appellation de « science ».
03.01.1961
Nous vivons à une époque d’une violence extrême.
04.01.1961
On n’abolit une tradition qu’en la remplaçant par une autre.
05.01.1961
La fatalité est un terme mal choisi. Il vaut mieux parler de contingence, de Providence, de liberté, d’accident (au sens aristotélicien du terme), ou des quatre à la fois.
06.01.1961
Aliénation de l’homme ? Par la politique, qui parvient à scinder un groupe culturel homogène. Par la terreur, aussi.
07.01.1961
Le bonheur réside dans la santé de l’âme.
08.01.1961
Die Kunst des Studierens liegt darin, dass der Student nur so viel Zeit für sein Studium aufbringt wie die Bedingungen zu dessen Erfolg es fordern. Mit anderen Worten : die Kunst des Studierens ist die Kunst mit dem geringsten Aufwand an Mitteln das erwünschte Ziel, d.h. den Erfolg, zu erreichen.
09.01.1961
Bach : musique austère, mais d’une beauté absolument sublime – que dis-je ? – sublissime.
10.01.1961
C’est l’âge et l’expérience du penseur qui confèrent à sa pensée son poids.
11.01.1961
Le tout est plus que l’ensemble des parties.
Il en découle l’impossibilité de comparaisons proportionnelles de totalités.
12.01.1961
La plupart des promesses que nous faisons, nous ne les tenons que provisoirement.
13.01.1961
La structure des différents niveaux du savoir humain est comparable à la hiérarchie des catégories d’un sport comme le football (divisions 1, 2, 3, promotions, provinciales 1, 2, 3).
Cela ne veut pas dire que les joueurs de provinciale jouent mal, mais qu’ils jouent moins bien que les joueurs des ligues supérieures.
14.01.1961
Il y a plus de mérite à perdre honorablement qu’à gagner malhonnêtement.
15.01.1961
L’enfant n’est pas un adulte en miniature, un modèle réduit d’adulte. Il a sa personnalité et son univers propre.
16.01.1961
S’il y a une seconde jeunesse, il y a aussi, hélas, une première vieillesse.
17.01.1961
La religion chrétienne est une religion exigeante, mais non pas contraignante. Elle exige beaucoup de l’homme, tout en le laissant libre.
18.01.1961
Les idéalistes sont en général des natures généreuses.
19.01.1961
La bêtise, quand elle se mêle d’arrogance (laquelle est une bêtise de plus), devient proprement détestable et insupportable à l’extrême.
20.01.1961
L’expérience sensible, brute, est parfois aveugle. L’homme qui a souffert lors d’une guerre est victime d’un préjugé contre l’agresseur. Dans pareil cas, il appert que l’expérience n’est pas toujours un atout, encore moins un gage d’impartialité, une garantie d’objectivité.
21.01.1961
L’examen universitaire est un test de mémoire. Point barre.
22.01.1961
Il n’existe pas de Belgique belge.
23.01.1961
Il est plus difficile d’exprimer des choses difficiles en termes facilement compréhensibles que d’exprimer des choses facilement intelligibles en termes difficilement compréhensibles.
La maîtrise consiste dans la simplicité.
24.01.1961
Conversation :
— Que fais-tu ?
— Je fais de la philosophie.
— À quoi ça sert ?
— À devenir philosophe, pardi !
— Oui, mais je veux dire quelle carrière pratique pourras-tu envisager avec ce diplôme ?
— Enseignant, par exemple.
— À ta place, je ne m’engagerais pas dans une telle carrière avec un diplôme de philosophie. Y a-t-il d’autres carrières qui s’offrent à toi ?
— Attaché culturel dans une grande entreprise ou dans une ambassade.
— Ce sont des postes qui ne sont pas bien définis. De plus, pour ce genre de postes, il faut être passionné. Encore une question : pourquoi étudies-tu la philo à l’Institut supérieur de philosophie de l’université catholique de Louvain et non pas à la faculté de philosophie et lettres de l’UCL ? Sais-tu que les diplômes délivrés par l’ISP ne sont pas reconnus par l’État ?
— Je sais, je sais. Ce n’est qu’un diplôme dit « scientifique ». Mais cela importe peu, car je compte obtenir une place à l’Institut même comme collaborateur aux Archives Husserl.
— Combien gagneras-tu là ?
— 7 000 francs belges par mois environ.
— Le coup n’en vaut pas la chandelle. De plus, si j’étais à ta place, je renoncerais à enseigner. L’enseignement est une filière encombrée (il y a pléthore de philosophes, philologues, psychologues, pédagogues) et, de surcroît, mal rémunérée. L’avenir est clairement aux sciences, où il manque des enseignants.
— Au contraire, notre époque a besoin de philosophes.
— C’est une vue idéaliste et même naïve. Notre époque a besoin surtout de philosophie. La philosophie « en soi » est une chose fort belle. Mais, dans la vie professionnelle, elle ne mène pas à grand-chose. La philosophie doit être enseignée dans toutes les facultés à titre de « supplément d’âme » (Bergson), comme branche « à côté ». Elle doit être cultivée en marge. Car il est impossible de gagner sa vie avec la philosophie, comme il est impossible de gagner sa vie avec la religion ou la musique. La philosophie ne nourrit pas son homme et, dans la mesure où elle implique une contemplation, une méditation, elle se distingue de la vie.
— Oui, mais ce sont les philosophes qui mènent le monde. Ce sont leurs idées qui mènent le monde. Voyez Kant, les penseurs français de la Révolution (Montesquieu, Diderot, Voltaire, Rousseau), Hegel, Marx, Nietzsche.
— Cette vision idéaliste s’écarte des faits. Cette vision, je la qualifie de naïve.
— Vous êtes un matérialiste, positiviste, utilitariste, pragmatiste.
— Détrompez-vous. Je ne suis rien de tout cela. Je vois la vie, i.e. l’existence humaine, telle qu’elle est. Je suis tout simplement réaliste. Qui veut gagner sa vie s’abstienne de la « philosophie-centre de la vie » ! Die Philosophie soll « am Rande » gepflegt werden. Les idées, si généreuses soient-elles, ne paient pas leur homme. Für Ideen wird man nicht bezahlt.
— Il n’est pas grave de vivre sur le compte des autres, pourvu que, par son travail, son activité, l’on « rembourse » la dette que l’on a contractée envers autrui. La société rémunère le philosophe, afin que ses travaux soient utiles ou, en termes qui ont l’air moins utilitaristes, fructueux, propices pour la société. Or, chez bon nombre de philosophes, nous ne trouvons trop souvent, hélas, que des systèmes qui se prétendent cohérents, des systèmes abstraits, théoriques, purement spéculatifs, échafaudés souvent selon la règle néfaste du système pour le système, de l’art pour l’art, des systèmes sans applications morales, sans retombées pratiques pour l’homme. Qui plus est, les rares systèmes à conséquences pratiques ne sont pas acceptables pour un chrétien, auquel on demande de vivre, non pas selon Husserl ou Kant ou encore Aristote, mais selon les préceptes de sa religion. La philosophie est une épistèmè , une forme de connaissance