La Collonge
206 pages
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La Collonge , livre ebook

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Description

« Quand Yvette et Albert se déplaçaient ensemble jusqu'au village, à l'occasion des fêtes, ils étaient tou-jours remarqués. Ils représentaient “le couple” idéal aux yeux de beaucoup. Leurs tenues dernier cri, leurs mines radieuses imposaient le respect et faisaient des envieux. Beaucoup d'hommes auraient sou-haité quelques largesses de la part de “la reine de beauté”, comme ils avaient baptisé Yvette. Mais la reine était promise à son roi, et nul chevalier, fût-il galant, ne saurait l'emmener sur son destrier pour une destination inconnue. “Qui s'y frotte, s'y pique.” Yvette connaissait trop le dicton pour se risquer à une quelconque aventure, surtout qu'avec Albert, elle était comblée sentimentalement. Il y avait long-temps qu'elle avait trouvé son “prince” et ne voulait surtout pas le perdre. » Mais que cache ce bonheur qui semble régner sur la vie d'Yvette Collonge ? Quelle enfant était-elle ? Quels étaient ses rêves de jeune fille, ses espoirs de femme ? Se confondant avec quelques-unes de grandes thématiques propres au XXe siècle (le départ des campagnes et l'attractivité des villes, l'ascension sociale de certains membres des classes rurales, le féminin et sa libération), l'existence d'Yvette, telle que narrée par P. Bourgeat, donne à ce roman des accents sociohistoriques indéniables et forts. De petits bonheurs en grandes douleurs, de désillusions en espérances, le romancier dévoile ici une trajectoire féminine plus que réaliste et touchante : authentique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 novembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342058345
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Collonge
Pierre Bourgeat
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Collonge
 
Avertissement
Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés fictivement. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, serait pure coïncidence…
 
Hier, aujourd’hui, demain,
Sont les trois jours de l’homme…
 
Les impressions de beauté,
La confiance dans les êtres, dans les choses,
Dans la nature et dans l’avenir
Créent en moi l’état de bonheur.
Jean Vinay
Les parents Anselme
Nous habitions une maison attenante à une scierie, encadrée de toutes parts de ruisseaux. Le murmure de l’eau nous parvenait, à mon frère et à moi, jusque dans notre chambre, dont la fenêtre restait ouverte une grande partie de l’année. Ce chant du ruisseau ne suffisait pas cependant à couvrir la pétarade de la mobylette que chevauchait la Collonge, malgré son grand âge. C’est peut-être ce qui m’impressionnait le plus chez cette vieille dame. Conduire cet engin à un âge pareil me semblait relever de l’exploit. Elle était d’ailleurs la seule au village à se déplacer ainsi.
Les engins avaient tous des bruits caractéristiques. Je l’entendais venir de loin, il faut dire que sa ferme n’était distante que de cinq ou six cents mètres, que seules une autre ferme et une immense prairie nous séparaient. Pour un peu, avec un vent d’est favorable, j’aurais pu l’entendre démarrer de chez elle. Les collines de Malan et de Morellan servaient sûrement à renvoyer l’écho des mobylettes. C’était un moyen de locomotion très répandu dans les campagnes dans les années 1970-1980. Une manière économique de se déplacer, pas trop chère à l’achat, facile à conduire. Jeunes ou vieux, tous pouvaient l’utiliser.
 
Moi, je revois encore mon père partir à la chasse de cette manière. Il installait une caisse sur le porte-bagages de son engin la semaine précédente de l’ouverture. C’était une façon astucieuse de se rendre sur ses coins de chasse. Il pouvait emprunter n’importe quel chemin de terre, boueux ou pas, garer la mobylette contre un arbre ; cela ne nécessitait pas autant de place qu’une voiture. Autre avantage, il approchait au plus près « l’allière » convoitée par les grives abondantes à l’automne, ou ce bouquet de chênes qui servait de garde-manger aux palombes habituées au coin. Quand il chassait le lièvre, le faisan ou le lapin de garenne, il déposait sa chienne « Mirza » ou son « Bobby » dans la caisse solidement arrimée. Cette image est restée gravée dans ma mémoire, je n’ai aucune photo de ces moments-là, mais je n’en ai nullement besoin tant le souvenir est net et précis. Je le revois habillé de sa veste kaki, fusil en bandoulière, une paire de bottes aux pieds. J’entends encore le bruit de son Peugeot, un 49 cm 3 , rouge et noir qu’il fallait pousser une dizaine de mètres pour qu’une étincelle déclenche enfin une explosion dans le moteur. Sa mobylette, elle aussi, avait un bruit reconnaissable entre mille. Je ne l’aurais jamais confondu avec une autre, et encore moins avec l’une de celles de la Collonge. Parce que cette dame en possédait plusieurs. Cela devait être une forme de passion chez elle.
Dès qu’un nouveau modèle apparaissait sur le marché, elle s’empressait de l’acheter. Ainsi, à sa mort, ce n’est pas moins de sept mobylettes que le commissaire-priseur dut proposer aux futurs acquéreurs. Elles étaient toutes différentes, soit par la couleur, soit par la carrosserie, soit par les accessoires comme les sacoches, un rétroviseur, soit par la marque : Peugeot, Mobylette, Malaguti. Toutes étaient en parfait état de marche. Elle les utilisait tour à tour, au gré de sa fantaisie. À l’oreille, je pouvais les reconnaître, toutes, et de loin. J’avais des oreilles jeunes et sensibles. Cela me serait certainement plus difficile maintenant.
Je savais que la Collonge était veuve. Son mari était un paysan, il était mort à soixante-dix ans, usé par le travail de la terre, un travail ingrat que le machinisme n’avait pas encore envahi. L’homme et les bêtes s’associaient dans ce difficile métier de paysan d’alors. Les trente-cinq heures se réalisaient en trois jours et il fallait encore assurer le reste de la semaine, jour après jour, sans vacances. Ce mot « vacances » n’appartenait pas au vocabulaire de ces gens de la campagne. Ils connaissaient surtout travail, fatigue, joie quand les récoltes étaient bonnes, tristesse lors des années où la grêle, le gel ou le vent avaient réduit à néant tous les labeurs.
Madame Collonge ne fréquentait apparemment personne. On aurait dit qu’elle n’avait pas d’amis. Elle était toujours seule. Jamais elle ne s’arrêtait pour palabrer ou prendre des nouvelles. Pourtant elle connaissait bien notre famille. Son mari apportait régulièrement des arbres à scier. Des châtaigniers quand il s’agissait de refaire un séchoir à noix, typique avec ses liteaux carrés, espacés les uns des autres pour laisser passer l’air. Des chênes ou des peupliers pour en tirer des poutres quand il fallait consolider un toit défaillant, refaire un grangeon, des planches pour remettre à neuf un char ou une charrette. Non, elle ne s’arrêtait pas. Seul un salut de la tête indiquait qu’elle vous avait reconnu, qu’elle était polie mais sans plus. Alors je me suis souvent demandé qui elle était, pourquoi elle avait été cette femme qui paraissait si condescendante avec les autres. Le « on-dit » me donna quelques bribes d’informations.
Le père avait été sabotier dans sa jeunesse. Ou plutôt galocher. Il travaillait pour le compte de la maison Ferruit à L’Albenc. Lui fabriquait essentiellement l’ébauche de la semelle taillée dans un joli bois de hêtre. La galoche, en début de xx e  siècle, était encore en usage dans les campagnes. Elle était commune au travail, pour la maison et pour les fêtes. C’était la chaussure unique. L’arrivée du cuir marquera sa fin. Malgré tout, tout de suite après la guerre de 39-45, j’ai encore porté des galoches. Elles s’étaient améliorées. C’étaient des chaussures en cuir mais avec une semelle de bois. Nous étions nombreux à être chaussés de la sorte. Aussi, quand nous entrions en classe, le maître avait droit à une bacchanale bien rythmée qu’il s’empressait de faire cesser. N’empêche, ces chaussures étaient efficaces contre le froid comme pour les jours de pluie. Les pieds y restaient au sec, nous n’avions jamais froid. Rien à voir avec ces productions synthétiques de nos jours, perméables et incapables de protéger nos orteils contre les agressions du temps.
Galocher était un métier pénible. Il fallait rester debout des heures durant devant une scie qui faisait cadeau de la sciure aux narines, aux oreilles et à la bouche. Le bonhomme était payé à la pièce. Il n’avait pas le droit de tomber malade, sinon la maisonnée criait famine. Or, celle de Jules Anselme, le père d’Yvette, la future madame Collonge, était conséquente. Avec sa femme Marie, ce n’était pas moins de trois enfants qui composaient la famille. Cinq bouches à nourrir, cela demandait beaucoup de dextérité pour fabriquer un maximum de semelles de galoches chaque jour. Et il fallait se méfier de la scie, cette traîtresse toujours envieuse des doigts qui osaient s’approcher d’un peu trop près des dents de la lame. Elle avait vite fait d’en dévorer un ou deux, transformant le valide en infirme que nulle aide ne venait soutenir. Alors, il fallait être vigilant. Or, le Jules, comme on disait, faisait partie de ces gens adroits au travail. Il travaillait vite et bien, pour le plus grand profit de son patron mais aussi pour sa nichée. Il se levait tôt le matin, gagnait la fabrique rue des Sablons, au bout du village. C’était une sorte de hangar coincé entre deux maisons, mal protégé des courants d’air. L’hiver, la température avoisinait souvent avec le zéro, malgré le brûlot qui consommait les copeaux et la sciure, installé au centre, il ne réussissait qu’à redonner un peu de vigueur aux doigts engourdis par le froid. De temps en temps, Jules se risquait à coller ses fesses au plus près pour emmagasiner un peu de chaleur avant de retourner vers sa compagne au quotidien : la scie à ruban. L’été, c’était la chaleur étouffante. Pour donner un peu de lumière, Paul Ferruit, le patron avait posé des plaques de verre en lieu et place des tuiles, par endroits. Le soleil dardait ses rayons, la chaleur devenait pénible. La sueur gouttait aux fronts, les chemises se mouillaient et il fallait attendre la fraîcheur du soir pour retrouver un peu de bien-être. Le pantalon de velours noir n’arrangeait en rien le confort de ces hommes pourtant durs à la tâche.
Jules Anselme avait bien essayé d’autres métiers. Il n’avait pas eu le certificat d’études, la faute à une orthographe défaillante qui lui avait valu un zéro éliminatoire. Ses bras allaient donc remplacer la tête dans sa vie de travailleur. Dès quatorze ans, il avait été embauché à la tonnellerie Berthomieu à Vinay. Il aimait le travail du bois. Il apprit très vite à scier les douelles, ces lames de chêne qu’il fallait ensuite cercler pour la mise en forme des fûts. L’ambiance était sympathique. L’arrivée d’un jeune était un événement que les anciens ne manquaient pas de fêter. Boire « le canon » prenait la forme d’un bizutage emblématique. Le Jules était un gaillard solide qui pouvait résister aussi bien à « la piquette » de fabrication locale qu’au déchargement des grosses billes de chêne que les chars apportaient des chantiers de l’ent

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