Le Secret
186 pages
Français

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Le Secret , livre ebook

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Description

« Elle était bel et bien morte. Oui, morte ! L'assassin n'était autre que mon père. Pour ne rien vous cacher, je faillis commettre un crime, cette nuit-là ! J'allai à la cuisine, pris un couteau et revins droit vers mon père qui ne se doutait de rien. Je m'apprêtai à lui enfoncer le couteau dans le ventre, puis dans la gorge, puis entre les yeux, puis dans les flancs... Croyez-moi, il ne me faisait plus peur ! Il était accroupi, la tête de ma mère dans les mains. Il pleurait en criant de toutes ses forces : — Aïcha ! Ô Aïcha, ma bonne femme ! Relève-toi ! Jamais plus je ne poserai la main sur toi ! Jamais plus je ne toucherai un cheveu de toi ! Aïcha ! Aïcha ! Je me dis que l'occasion était propice. Je l'attaquerais par surprise. » Maroc, un soir de décembre 1986. Le fils d'Aïcha a vingt ans, son père est à deux doigts de le mettre à la porte du domicile familial. Un coup de colère, une dispute qui dégénère, sa mère qui vient lui porter secours prend un mauvais coup... Le père corrompra le médecin qui conclura à une mort naturelle, mais la culpabilité le rongera. Dix ans plus tard, il sera condamné... Comment vivre avec un secret de famille ? Comment se repentir ? Peut-on seulement pardonner ? Autour d'un fait divers tragique, Dahour El Mostafa illustre l'indicible et signe une étude psychologique subtile portée par une galerie de personnages plus vrais que nature.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 mars 2016
Nombre de lectures 9
EAN13 9782342051803
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Secret
El Mostafa Dahour
Publibook

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Publibook
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Secret
 
 
 
 
 
 
 
— Je ne voudrais plus te voir ici, devant moi ; tu m’entends ? Tu vas quitter définitivement cette maison. Je dis bien définitivement  !
C’était mon père, un homme violent, autoritaire, et ses décisions sont irrévocables.
À l’entendre parler ainsi, je sus que j’étais perdu. Je m’imaginais déjà dans la rue, sans le sou, sans abri et sans famille ; persécuté par la police ou maltraité par les voyous et les bandits qui peuplaient les rues, notamment pendant la nuit.
Je savais, depuis peu d’ailleurs, que ce jour fatal n’était pas loin. Moins d’une semaine auparavant, je l’avais entendu dire à ma mère, dans la cuisine : « Je ne peux pas continuer à nourrir un homme de vingt ans ! Quand j’avais son âge, je nourrissais toute une famille ! Je travaillais dur pour assumer une responsabilité aussi lourde que la terre ! »
J’étais encore au lit. Mon père criait très fort.
Ma mère ? Qu’a-t-elle dit ? Ah, cette pauvre petite femme ! Ah, ce qu’elle a enduré avec ce grand monsieur ! Elle n’osait rien dire qui puisse le contrarier. Respect et peur étaient mêlés dans son esprit, confondus, et sa devise avait depuis toujours été : servir aveuglément mon père sans jamais lui dire non, ou lui dire qu’il avait tort. Ce qui incitait ce dernier à lui distribuer à tort et à travers des ordres qu’elle se hâtait d’exécuter dans l’ordre où il les avait lancés.
Je quittai le lit sur la pointe des pieds et m’approchai de la porte entrebâillée pour voir cette scène matinale. Ah, si mon père m’avait surpris dans cette posture ! Croyez-moi, deux ou trois gifles n’auraient pas suffi à calmer sa fureur. Et quelles gifles ! Oui, j’ai vingt ans, et après ! Il n’aurait pas ménagé le moindre effort pour me flanquer en plus, et comme il l’avait toujours fait d’ailleurs, des coups de pied secs dans les fesses. Étant chétif et de petite taille comme ma mère, mon âge ne pourrait pas me servir à grand-chose contre la cruauté de cet homme géant, d’un mètre quatre-vingt-dix, et qui n’hésiterait pas à cogner sur tous ceux qui étaient plus petits que lui, même s’ils avaient soixante ans. Il n’avait pas de respect pour les petits de taille.
Je glissai mon nez dans l’entrebâillement de la porte. Mon père était debout, il criait comme un forcené et ma mère, comme à l’accoutumée, se tenait docilement devant lui, la tête baissée et les yeux rivés au sol. Je revins au lit de peur qu’il ne se doute de quelque chose. Et puis, comme s’il s’adressait à moi, à travers cette porte entrebâillée, il dit, mais plus fort encore :
— Mon père à moi m’a chassé de la maison, alors que je n’avais pas plus de dix-huit ans. Mais j’étais un homme, moi ! J’ai quitté la maison et n’y suis revenu qu’avec les poches pleines d’argent !
J’ai pensé lui dire que les temps avaient bel et bien changé, et que l’argent qui lui emplissait autrefois les poches était introuvable de nos jours, mais il ne se donnerait pas la peine de m’entendre lui dire tout cela. Dès que j’aurais ouvert la bouche, il m’aurait sauté dessus pour m’étrangler, ou me mordre, ou me faire je ne sais quoi encore. Il ne m’aimait plus et je ne savais pas pourquoi.
Ce jour fatal n’était pas loin, j’en étais sûr, mais je n’avais rien fait pour m’y préparer sérieusement. Non, hélas, je n’avais personne chez qui habiter pour quelque temps. C’est vrai, ma tante aurait bien aimé me rendre ce service, mais son mari (ah, celui-là !)… non, non ; valait mieux ne pas y penser ! Une autre idée vint m’effleurer l’esprit, mais il ne me fallut pas plus d’une fraction de seconde pour l’écarter : aller vivre à la campagne, chez la famille de mon père, que je ne connaissais que très vaguement. Mon avenir était en ville, où je comptais trouver du travail, fonder une famille, etc. Non, non, tout cela ne tenait pas debout ! Comment, si j’avais des amis ! Oui, j’en avais bien sûr et plusieurs même ; mais le seul ami qui aurait pu me nourrir et me loger jusqu’à ce que j’eusse trouvé du travail, et par conséquent un logement à moi, m’avait chassé de son cœur quelques mois auparavant, sous prétexte qu’il m’eût surpris une fois en train de lorgner sa sœur, comme si j’avais du goût pour elle ! Entre nous, je jure le Tout-Puissant que c’était faux ! Et voici, si vous le permettez, la version juste et que mon ami ne chercha même pas à savoir !
Un soir, c’était pendant le mois d’août dernier, j’allai comme d’habitude chercher mon ami à la maison ; c’était sa sœur qui m’avait ouvert. C’était une fille frivole, peu recommandable pour quiconque voulant fonder une famille et avoir une femme honnête, loin de le tromper un jour. Elle avait dix-huit ans. Elle travaillait dans une usine de textile. Elle avait quitté très tôt l’école. C’était une fille sans instruction, sa beauté étant sa seule recommandation dans la vie. Ah oui, elle était très belle ! À vous faire perdre la tête ! Mais pas à moi ! Je suis un homme de principes : la sœur de mon ami, c’est ma sœur !
À peine nos yeux se furent-ils croisés qu’elle me lança un clin d’œil qui me fit chanceler et puis son beau sourire, un sourire ensorcelant, vint inonder les lieux. Elle était en chemise de nuit et ses seins étaient à moitié découverts :
— Entre ! me dit-elle de sa voix voluptueuse. Hamid t’attend.
Elle se mit aussitôt à remonter, mais très lentement, les escaliers devant moi. À un moment, elle s’arrêta puis se retourna. Je m’arrêtai sans la quitter des yeux. Elle me dit tout bas :
— Demain, c’est dimanche, je ne travaille pas. Tu veux qu’on aille au cinéma ?
Je baissai les yeux, sans rien dire.
Qu’est-ce qu’elle était aimable ! Qu’est-ce qu’elle était douce à croquer ! Mais moi, comme je vous l’ai déjà dit, je suis un homme de principes. Jamais je ne trahirai la confiance d’un ami.
Cette nuit-là, Hamid et moi veillâmes jusqu’à une heure tardive de la nuit. À 3 heures du matin, nous dûmes arrêter notre soirée :
— C’est le dernier joint ! me dit nerveusement Hamid. Je ne vois pas comment on va continuer notre veillée sans haschich !
J’acquiesçai de la tête et me levai.
Au moment où nous nous quittions devant le seuil de la porte, tout en finissant notre dernier joint, je m’aperçus que quelque chose s’agitait au-dessus de nos têtes. C’était Naima, la sœur de mon ami, perchée à la fenêtre, et qui me faisait des signes d’adieu. Hamid, qui ne se souciait de rien, leva par hasard les yeux et surprit sa sœur, le visage souriant et le regard braqué sur moi. Au moment où il baissa les yeux, les miens étaient orientés vers la fille. Je la regardais, comme ça, le plus naturellement du monde, Dieu m’en est témoin. Mais lui, hélas, il comprit tout de travers.
Cette nuit-là, il ne me dit rien mais le lendemain, il m’invita à prendre un café avec lui, dans notre petit bistrot du quartier, et là, il me fit une de ces scènes ! Devant tous les gens qui fréquentaient le café, il me traita de chien, d’âne, de mulet, et des noms de tous les animaux qu’il n’aimait probablement pas. Tout le monde me regardait du coin de l’œil, un regard plein de mépris ; certains quittèrent même le café en vociférant des paroles offensantes à mon égard. Mon ami se leva une seconde après et me dit, les yeux rouges de colère :
— Si jamais je te vois rôder autour de la maison…
Il ne se donna pas la peine de finir sa phrase, le reste étant clair et facile à deviner.
Que faire ! Me défendre ? Me justifier ? Croyez-vous que mon ami m’en eut laissé le temps ? Il quitta aussitôt le café, renversant chaises et tables et insultant l’humanité entière.
Je ne pus que me prendre la tête dans les mains et, aussi sensible que je suis, je me mis à verser silencieusement des larmes pendant un bon bout de temps.
 
 
 
 
 
 
— Qu’attends-tu alors ? me dit mon père de sa voix de stentor. Ne va pas croire que je vais changer d’avis et avoir pitié d’un raté comme toi ! Tu as dix minutes pour ramasser tes affaires.
Je le connaissais, il ne changerait pas d’avis ! L’expression « têtu comme une mule », avec tout le poids qu’elle renfermait, n’était rien comparée à l’entêtement de mon père ! Car, en fin de compte, et après plusieurs tentatives, plusieurs coups de bâton, et probablement après plusieurs dizaines de minutes, la mule finit par changer d’avis et avancer. Eh bien, mon père non ! Quand il prend une décision, il ne change jamais d’avis, même si cela lui coûte cher ! Je me rappelle une fois, je n’avais pas plus de huit ans (et ça, personne n’a pu l’oublier dans la famille, ou dans le quartier), mon père avait dit non au mariage de ma grande sœur. Et c’était non ! Pourquoi, personne ne le savait, et personne n’avait le droit de le savoir. L’homme qui s’était présenté à ma sœur habitait dans le même quartier que nous. C’était un homme généreux, droit, bon croyant. Et comme avait dit ma tante à l’époque : il n’avait ni mère, ni sœur, ni personne qui pourrait rendre la vie infernale à notre fille ! Mais mon père avait dit non, et c’était non ! Quand ma pauvre petite mère avait glissé je ne sais quel mot pour donner son point de vue, pour se faire valoir devant la dame qui accompagnait le présumé époux de ma sœur, mon père avait quitté la pièce d’à côté où il était avec quelques hommes, était venu droit vers elle et lui avait dit, hors de lui :
— Depuis quand donnes-tu ton point de vue dans cette maison ?
Et, à la surprise générale, il lui avait donné un coup de poing en plein visage. Je poussai involontairement un cri aigu. Pour me faire tai

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