Les Berges du Marais
236 pages
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Les Berges du Marais , livre ebook

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Description

« Laetitia regardait toujours cet homme, si bien qu'en exécutant à son tour sa courte génuflexion, elle leva les yeux pour ne pas arrêter de fixer l'inconnu. Celui-ci fronça les sourcils, mais son visage demeura froid et imperturbable, les yeux aussi méprisants que tout à l'heure. Laetitia se surprit à détester cet homme sans le connaître : il avait violé son intimité et détaillait les personnes avec un air supérieur et méprisant. Mais malgré tout cela, elle le haïssait surtout car elle ne pouvait détacher ses yeux de son visage : il exerçait sur elle une véritable fascination. » En 1788, à seize ans, Laetitia quitte les siens en Angoumois pour rejoindre Paris où une tante inconnue prendra en charge son éducation. La capitale : son effervescence, ses mystères, sa violence aussi et les hommes rencontrés, qu'ils s'avèrent amis, soupirants ou individus plus insaisissables... et les femmes qui investissent la scène politique... De quoi révéler le tempérament de Laetitia qui réclame très rapidement son indépendance et sa liberté de penser... et le contexte s'y prête, car Paris fait sa Révolution. Traversant les couches de la société française de l'époque, jalonné de luttes, de tempêtes, de bouleversements, peuplé par les figures fortes de la Révolution, Les Berges du marais esquisse encore et surtout le portrait d'une jeune femme de tête et de cœur, assoiffée d'absolu et passionnée, à la trajectoire périlleuse et hors du commun.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 août 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342041460
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Berges du Marais
Laetitia Montou
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Berges du Marais
 
 
 
Photographie de l’auteur : © Stéphane Yvernogeau – http://www.steph92.book.fr
 
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://laetitia-montou.com
 
 
 
À mes professeurs d’histoire
 
 
 
 
1
 
 
 
Laetitia s’assit sur la souche d’arbre précipitamment.
Elle essaya de calmer son cœur qui battait la chamade. Venant de courir sur les chemins humides encerclés de vignes, égayées par les rires et les cris des vendangeurs en cette mi-septembre de l’année 1788, à Saint-Adjutory, son petit bois lui avait soudain souri. Au milieu des étendues vermeilles et dorées des forêts, il apparaissait comme une île mystérieuse qu’un capitaine de navire distingue alors qu’il lutte contre une tempête.
Ce petit bois était précieux pour elle ; elle vivait au rythme de la nature, mais ces forêts immenses et sombres la terrorisaient, tandis que lui était clair, comme l’eau d’un ruisseau dont on peut admirer les galets posés sur le lit de sable. Ici, les racines des arbres qui repoussaient la terre et la mousse éclataient aux yeux. Elle aimait aussi son silence agrémenté de chants d’oiseaux.
Enfin, sa respiration se calma, son visage se détendit, et ses pensées se reposèrent comme des papillons, délicatement, sur le village auréolé de son écrin multicolore. Ses toits étaient de feu, communiqué par les reflets pourpres et orangés du soleil couchant, ses façades brillaient comme des diamants dignes de leur coffret.
Puis, son regard-souvenir survola les vignes alignées sagement à l’intérieur desquelles s’agitaient des formes courbées. Les membres courbaturés par la dure journée et les haillons tristes n’empêchaient pas Laetitia de caresser tendrement les traits tirés de fatigue, de poser ses yeux sur les visages aimés. C’était son cœur qui admirait, ébloui, tout ce qui lui avait été offert, et désormais, il ne pouvait s’en détacher, ainsi une plante du sol. Elle se sentait vapeur au-dessus de sa vie comme jamais elle ne l’avait été ; une voix et un esprit analysaient son existence strictement, comme pour en retirer la lie. Pour elle, rien n’était superflu, tout était vital : elle ne pouvait donc procéder à des scissions, à des oublis volontaires. Tout était si grand, si beau, parce que c’était sa vie, c’était elle.
Tout s’écroulait et même si les paysages, l’air, le ciel et le vent étaient présents, ils lui semblaient si différents : peut-être parce que pour la première fois, elle les regardait, non point, comme chaque matin, pour y découvrir des nuages menaçants, dans les après-midi pour maudire un soleil de plomb ou dans les soirées pour y apercevoir le ciel flamboyant. Non, elle scrutait minutieusement chaque chemin, chaque pierre, chaque grain de poussière comme un ami ; chaque arbre, chaque branche, chaque feuille étaient ses confidents fidèles et attentifs ; mais en décortiquant ainsi le paysage, elle disséquait sa vie et la beauté cachée du mystère s’en était enfuie. À chercher un secret, on ne trouve que la triste vérité. Il ne restait ainsi que quelques masures perdues dans des immensités sylvestres et champêtres.
Devant ses yeux agrandis par l’accablement, ne passaient que de pauvres êtres décharnés.
Son père, Louis Montou lui apparaissait voûté, sa jambe raide accentuant sa démarche irrégulière, le visage profondément buriné ôtait tout espoir à Laetitia.
Marie Montou, sa mère, les yeux insondables continuait le travail malgré la peine de sa fille.
Sa jeune sœur, Camille la poursuivait du regard de ses grands yeux verts interrogatifs ; Laetitia ne distinguait plus en elle l’enfant blond qui courrait sur les chemins, ses vêtements flottant derrière elle comme des oriflammes.
Son frère, Charles, si secret et si éloigné d’elle lorsqu’il l’avait serrée contre lui ; elle avait lu dans ses yeux le même fatalisme que dans ceux de sa mère.
Même, Matthieu, son frère aîné, son ami, son compagnon, lui était apparu si froid ! Tout s’écroulait autour d’elle ; il lui semblait qu’elle s’enfonçait irrémédiablement dans des marécages infinis ; les visages autour d’elle s’estompaient, disparaissaient dans un brouillard opaque. Était-ce le contact avec la réalité ou le début d’un cauchemar ? Elle espérait tant que ce fut la deuxième solution ! Son esprit, parcouru de pensées noires et étourdi par tant d’événements, ne discernait rien ; lui aussi, s’échappait, afin de laisser seul le corps qu’il habitait.
 
Soudain, au sein de la protection du petit bois, Laetitia se sentit transparente au milieu d’étendues nues. Un regard perçant l’examinait, la cherchait dans tous ses détails, tendrement mais anxieusement. Les yeux noisette se levèrent, prêts à lancer un défi aux yeux verts. Aussitôt, ces derniers reprirent leur air coquin, auréolés de boucles brunes soyeuses, au milieu de la figure enfantine qui tranchait sur le corps musclé et solide.
Dans un élan spontané, Laetitia vint se blottir contre ces épaules, qui seules semblaient réelles dans cet enfer mouvant où elle étouffait.
« Maurice ! ».
Sa propre voix la sortit de sa léthargie, et elle regarda fixement son compagnon.
Dans ses yeux clairs transperçait toujours la même espièglerie ; son nez légèrement tordu, depuis le jour où ils…
Non ! Elle devait produire un effort afin de conserver une certaine magie autour des êtres aimés en ne les détaillant pas ainsi, et surtout ne plus penser au passé. L’instant présent était la seule certitude.
Le silence de son compagnon lui apprenait tant, comme toujours. Il connaissait la nouvelle comme tout le village, et il était près d’elle, silencieux et présent. Leurs relations s’étaient bâties ainsi : sur la confiance, la tendresse et le silence. Si elle était restée au village…
Oh pourquoi construire son existence sur des si ? Il fallait reprendre contact avec la réalité : il lui fallait ouvrir les yeux et accepter la situation présente. Les travaux du métayer et de sa famille ne suffisaient plus à nourrir les six Montou. La récolte avait été désastreuse et la pluie avait complètement saccagé le raisin. Pourtant les représentants du seigneur étaient venus prélever le loyer, le champart sur la récolte, puis les impôts, ensuite la taille et la gabelle, enfin la dîme pour le clergé. Mais resteraient encore à payer au seigneur les droits de chasse, de pêche, ceux du marché, le ban afin d’utiliser le pressoir et le moulin, monopole du seigneur, enfin de nombreuses corvées étaient encore dues au maître.
L’unique désir de l’ancien sergent recruteur avait été d’amasser un peu d’argent afin de payer le droit de lods, nécessaire pour que son fils aîné prenne sa succession. Laetitia connaissait la profondeur du désarroi de son père lorsqu’il s’était aperçu qu’il ne mènerait jamais à bien cette tâche. Elle savait aussi que pour prendre une telle décision, Louis Montou avait souffert dans sa chair, dans son cœur et dans son honneur.
Il avait pris la décision de placer ses enfants. Les aînés devraient vendre leurs bras en tant que journaliers… et leur fille, Laetitia, partirait à Paris, chez sa sœur.
La peine de ses parents et de ses amis cautérisait la sienne afin de se tourner vers eux. Son départ, brutal et total pour elle, était désespérant pour tous ceux du village, et c’était pour leur montrer sa force qu’elle pleurait seule dans son petit bois, afin de ne pas approfondir leur peine. Devant les yeux de Maurice, elle pouvait rester elle-même, la petite fille perdue qu’elle était, car un pacte secret les unissait : celui de connaître l’autre afin de mieux l’aimer, en toute liberté.
Le départ de Laetitia vers cette tante inconnue, au cœur d’une ville terrifiante, ne brisait pas leur accord, plus resplendissant que jamais. La tristesse et le désespoir se lisaient dans leurs yeux, la peur dans la pression de leurs doigts ; qu’était-il besoin de plus ? Les paroles de soutien et de réconfort étaient inutiles et superflues : ce départ provoquait un vide immense dans le cœur de chacun, pourquoi le dire et pourquoi essayer de le combler ? Pourquoi promettre de se revoir alors que le voyage était sans retour ? Ce que leurs yeux et leurs mains se dirent en cette fin de journée d’automne dans ce petit bois fut leur secret.
 
Le lendemain, tout le village était réveillé à l’aube. Après le repas de pain noir, de lait et de fruits, les paysans attelèrent le bœuf à la charrette et descendirent dans les vignes, prêts pour une journée de vendange. Les reflets rouges, orangés, jaunes réchauffaient l’atmosphère fraîche du matin, mais ce ne fut que lorsque le soleil apparut entièrement que les hommes comme les végétaux absorbèrent une douceur bienfaisante. Le raisin vermeil, translucide, quittait sa mère nourricière, coupé délicatement par des mains habiles, puis disparaissait dans des hottes profondes d’où il était versé dans les grandes cuves installées sur le chariot. Bientôt, il fallut d’ailleurs le ramener au village et des nombreux hommes le poussèrent afin de remonter la pente permettant d’atteindre les masures.
Mais avant que tous commencent leur effort, une paysanne, rouge, essoufflée, dévala en courant le chemin menant aux vignes. Tous la regardèrent, tendant l’oreille afin de saisir ses cris que le vent ne portait pas, ou essayant de comprendre la signification de ses gestes.
« Dame Noémie… Dame Noémie… »
Tous les cœurs se serrèrent.
« Un grand malheur… Venez vite… Dame Noémie… Elle vient de mourir ! »
Aussitôt tous

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