Les Hirondelles sont cosmopolites
474 pages
Français

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Les Hirondelles sont cosmopolites , livre ebook

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Description

« Les phares déshabillent la nuit ; bidonville, le nom sonne comme la cloche du lépreux. Le virus y surgit plus vif que le blindé russe, on y achète de la fraîcheur, commercialise des caresses, des pénétrations ; fanée, la quarantenaire se convertit en maquerelle, ici on file l'ennui, use de charités : menue monnaie, boubou usagé, repas. Au ghetto succèdent les maisons mitoyennes de plain-pied, les enseignes, bleu roi, bouton d'or, lilas, vantent les petits métiers : barbier, réparateur en électroménager, cordonnier. Les lampadaires, oubliés au long de la zone interdite, jettent de tristes éclats sur le tas de gravats, la roue de bicyclette tordue, des passants au contour d'ombre. Des policiers armés les bloquent, le conducteur, geste précis, tire des Hamilton du portefeuille, traite avec la barrette argentée. » Migratrices, les hirondelles sont cosmopolites, le personnage principal s'en convainc à la toute fin du roman. Auparavant, le lecteur aura vécu un remake du pot de fer contre le pot de terre dans l'univers du coton, suivi le héros sur la route de l'exil sans visa en compagnie du frère cadet. De rencontre en rencontre, Captain Outkin, licencié de la marine soviétique, señor Garcia, possesseur de serres à El Ejido, Ataya Mendy, péon sénégalais, Mercedes, militante du SOC, les Parédes, humanistes perpignanais, Joao Da Silva, jardinier en Arles, les époux Peyrol, agriculteurs dans les Coussouls, Manuel et Raymond, ex-légionnaires, le Patriarche et sa petite-fille qui se revendiquent Roms, ils trouveront la stabilité dans une brasserie parisienne réputée. Mais le clandestin peut-il jamais poser ses bagages ? Autour du destin d'immigrés, clandestins ou non, l'auteur signe un roman choral d'une actualité brûlante, débordant d'humanité, porté par une plume aussi immersive que poétique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 juillet 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342054460
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Hirondelles sont cosmopolites
Phil Gallo
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Hirondelles sont cosmopolites
 
 
 
 
Chapitre 1. L’euphorbe ésule
 
 
 
Gros du gradient de pression, le ventre du ciel présageait une naissance aisée mais la délivrance était retardée. Pantelants, les habitants de la vallée geignent sur la couche, maudissent les heures lourdes des meuglements du bétail. La mouche bombine, la haine tourbillonne en elle : « Viens, je te promets du plaisir ! » Le frêle organisme trépane l’air, elle tire la couverture safranée, la borde d’une mentonnière de lin jaune. Maintenant ou jamais ! L’attaque, lancée, l’ennemi gît dans le piège tiède.
Nuit, présent refluent, Dima conversait avec Aliocha, lui transférait le combiné. « Il est doux de t’entendre, tu ne m’appelles pas pour une mauvaise nouvelle ? » L’une somnole, la convoitise de l’autre palpite contre la vitre. Son électronique fine a capté le stress dont elle fait commerce, elle sonde les fenêtres, une fissure, dédaigne l’aération aux fentes piégeuses. Lucarnon, auditorium, franchis, elle dévale les marches en bourdonnant, investit la chambre, trottinement obscène sur l’avant-bras, les yeux à facettes étudient la saignée. « Ose l’abject baiser, c’en est fini de toi ! » Le meurtre aux doigts elle la balaie, soulève le drap qui masque l’absence.
Taie d’oreiller à la chlorophylle, pupilles dilatées par les photons dépressifs, les Charolaises éclairent les prés sombres de leurs robes, le cumulo-nimbus pelote les croupes à Douglas. Le cristallin inverse la bonnetière sur la rétine, elle est là qui frotte ses pattes avec la componction d’un vicaire. La main saisit un catalogue, le façonne subrepticement en massue de guerre comme si l’autre déduisait l’effet de la cause, l’abat d’un geste farouche. Meurtrie par sa violence, elle pousse le cadavre chiffonné, oriente le cadre où figure une jeune femme. L’ovale du visage, l’expression assurée, les iris myosotis, la blondeur symétrique autour de la raie tracent un avenir rectiligne comme le tropique. Sous la peau fraîche du vouloir se dissimule le chaos : la pudeur filtrera les murmures d’âme, la fidélité étouffera l’ambition, l’amour se fraiera un chemin. Pyjama sage sous le kimono elle se poste devant la psyché. Le temps a potelé les pommettes, adouci l’austère beauté, dupliqué une toile d’épeire aux commissures externes des paupières. Si la maturité lui sied, la fronce verticale sur le front augure qu’une scientifique reconnue n’échappe pas aux contingences de l’existence.
 
L’atmosphère glutineuse la repousse, son double pérégrine dans le miroir, elle prépare le déjeuner. Au nord, les nuages pesants comme le réalisme socialiste prolifèrent, les rivières débordent de leurs humeurs, au sud Hélios fend la terre à la cognée infrarouge, la forêt russe est un cimetière de cierges noirs, la suie, un encens âcre, la démagogie, un suaire sur les cadavres en charbon de bois. Les charrettes gémissent sous le foin, à l’affût des éclaircies, les éleveurs sont des voleurs de temps. Sabots en caoutchouc bleu, elle éponge les sanglots de l’aurore sur la table de jardin, verse le thé selon le rite ancestral.
Topaze et capucine un monarque butine la lavande, bouscule la mémoire. Frissons de vent sur l’envergure il survole la Volga, plonge sur l’église de Toutaïev, tabatière ocre sur la neige du dégel où un enfant sale mendie, replie les ailes sur la fresque du déambulatoire. Komsomol à la foi ardente, une médaille, un voyage dans l’Anneau d’Or gratifiaient son adhésion aux crédos du Parti. Mais pourquoi les condisciples n’exprimaient-ils pas de dépit ? Sourcil railleur, moue imperceptible, la camisole de peur glisserait des épaules de l’esprit. La chute se profilait, la liturgie se brouillait, l’Histoire accélérait. Le tonnerre grommelle alentour, les écheveaux anthracite se fissurent, les flèches de soleil bombardent la Terre avec des réminiscences d’images de communion solennelle.
 
Elle foulait le versant est de la vallée. Au-dessus du Château de Larochemillay les décibels rayonnaient en nappes, le théâtre de verdure lançait la saison avec la Bigote de Jules Renard. En contrebas du Calvaire aux Loups un tragédien répétait un rôle sur fond de chocs sourds. Plus que des phonèmes, les vibrations lui transmettaient la souffrance, la haine, elle s’immobilisa, le silence grossissait du sien. Un cri soudain, le heurt du métal sur la roche, la noyade du désir, la quiétude agreste, baume sur la frustration ? Sérénité, les plaintes derrière les noisetiers ? La compassion emporta sa réserve naturelle. Reculant jusqu’au promontoire elle considéra une scène inaccoutumée : joue sur l’avant-bras, une forme allongée tressautait de sanglots comme une Salamanca de vapeur. Les outils jetés au sol traduisaient le renoncement, les terrils, les excavations étaient des extravagances de romancier, les plants de poireaux, les pieds de pommes de terre rescapés, les témoins d’un passé révolu.
— Vous assisterai-je en quelque manière ?
Requête réitérée, elle se surprit à hurler :
— Pour l’amour de Dieu, avez-vous besoin d’aide ?
— Qui invoque l’Éternel là où règne le malheur ?
L’interlocuteur, âgé, bousculait la syntaxe :
— Excusez ma petite dame. Croyez que si la divinité existait, elle tolérerait la monstruosité ? Je vous convie à la contempler, le portail est situé à votre gauche.
Les yeux rougis sous les cheveux blancs, les mains tremblantes témoignaient du désarroi du jardinier.
— Je suis désolé, ce n’est pas mon habitude de m’emporter, mais l’irrationalité a envahi mon potager. Je suis persécuté par des plantes aux fleurs jaunes dont la beauté dissimule la perversité. À leur apparition j’ai éprouvé de la joie car elles décoraient joliment notre environnement de prairies. J’ai dégagé à la serpe celles croissant entre les légumes, le lendemain les racines avaient atteint leur taille actuelle. Constatez de visu.
La butte contournée, ils stoppaient devant un trou béant où une racine épaisse perçait la molle écorce de la planète, elle s’employa à détourner l’hôte de son mal-être :
— Est-ce la cheminée par laquelle Otto et Axel Lidenbrock s’engagèrent dans les profondeurs de la Terre ?
Son sourire gela sous les reproches.
— Vous imaginez que je suis fou ? Comme ma femme ! Mes enfants ! Je devrais relativiser, accepter de ne rien contrôler ! Je déteste ne pas comprendre.
— C’est déroutant. Avez-vous conservé une des envahisseuses telles qu’elles se sont invitées ?
— En fin de parcelle vous n’aurez que le choix.
— Me permettez-vous d’en étudier une ?
— Faites, prenez la bêche.
La randonneuse dégagea adroitement le système souterrain composé de filaments qui ne ressemblaient en rien à l’aussière de marine étudiée auparavant.
— C’est l’euphorbe ésule, à une différence près, celle du rhizome qui s’est développé après la taille. Aurait-elle muté, s’estimant victime d’une agression ?
 
L’orage gronde, les lanceurs à fusées multiples déchirent l’espace. Panier en osier, anorak de combat, elle se meut dans les rafales, se débarrasse du fil de la vierge collé à la joue. L’herbe verdit la lumière, la ronce étouffe l’oseille, elle patine sur la rosée grasse comme du confit, les escargots géants croisent cap à l’ouest, la fougère arborescente capture son bras. Elle manie le sécateur fiévreusement, libérée, atteint le verger, s’étonne que le poirier donné pour mort engendre des pousses vigoureuses. Les Marmandes brûlées pendent aux tiges noires, les dahlias courbent des têtes léonines ou étoilées. Au cœur du massif arc-en-ciel on l’analyse, la jauge. Elle s’écartera, se ressaisit : « Quel danger menacerait une femme paisible dans le Haut Morvan champêtre ? » Tiges écartées, elle discerne un énorme crapaud jaune rayé de bandes verticales orange. Il trébuche, manque basculer, reprend la reptation ; confondue par sa maladresse, elle découvre l’amputation de la patte arrière droite, les nerfs, les tendons nacrés, la chair rosâtre. Pitié, remords l’envahissent : elle a biné des mauvaises herbes à proximité, serait-elle responsable de sa déchéance ? « Impossible de l’ignorer, il est si imposant ! »
 
Elle cueillera des mirabelles, une vache électrocutée, patte dressée implorant merci, bloque le chemin. Elle la contourne, les impacts résonnent sur le battle-dress, les bruits de succion d’une armée pataugeant dans la vasière enflent, un bouleau tangue dans la tourmente, festonnant ses branches des saucisses jaunes aspirent goulument le feuillage argenté. Ballon crevé de la capuche dans la bourrasque, anguillons de cheveux collés au front, elle sanglote interminablement, les gastéropodes sur la peau ont de visqueuses caresses. Pendant des bras dépenaillés du pommier, des limaces grises géantes s’enlacent, s’éventrent, leur matière coule en filaments gluants, courbée, elle éclabousse les bottes de vomissures.
Seul lui importe de se réfugier dans la maison. Abri dévoré par les bouches avides, l’infirme se cache parmi les moignons de végétal. Le sol s’entrouvre, la gueule béante d’un lombric l’agrippe, l’entraîne dans le néant, poupée désarticulée et grotesque. Vêtements arrachés elle fuit nue, le coup de grâce tue définitivement la raison. Du champ en surplomb, des crabes rouges des cocotiers, pince dressée, dévalent la pente, se répandent dans la vallée. Elle hurle sans fin, glisse sur le sol. Plus haut sur la pente, les ramures déchiquetées, les fleurs jonchant la sente témoignent que l’invraisemblable n’est

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