Mes aventures, mésaventures entre personnes handicapées et personnes normales

René Lelièvre

Description

« L'accessibilité ! Vaste question, plutôt vaste problème jamais résolu. Avec mes amis handicapés, j'en ai à vous raconter sur ce sujet ! Et les hôpitaux, les médecins, les “spécialistes”, les bailleurs, les grandes surfaces, les petits magasins, les balades en fauteuil, le boulot, etc. Que d'aventures ! Que de rencontres drôles, dures, décourageantes ou rassurantes, avec de l'incompréhension, de la pitié, de la solidarité, de l'empathie, de la compassion ; bref, toutes les couleurs y passent ! [...] Vous allez découvrir des difficultés inattendues, des rencontres passionnantes, des événements douloureux ou festifs. » L'auteur, amputé d'une jambe, évoque le handicap et ses difficultés avec humour. De la même façon, il pointe du doigt le rôle de la société dans l'exclusion des handicapés qui les rend plus différents qu'ils ne le sont. En découle alors tout au long de ses histoires la thématique de la normalité. Qu'est-ce qu'être « normal » dans notre société actuelle ? La différence dérange, mais elle peut également être une force. « Mes aventures, mésaventures entre personnes handicapées et personnes normales » traite ainsi avec humour une réalité parfois gênante quand on aborde les moyens déployés pour faciliter la vie de tous les jours de ces hommes et femmes. Un ouvrage drôle, parfois triste, très bien dosé, qui nous fait prendre conscience avec légèreté des difficultés que ces personnes rencontrent au quotidien.

Sujets

• Philosophie et théologie
• Handicap

Informations

• Publié par: publibook
• Date de parution: 05 octobre 2016
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782342056358
• Langue: Français

Extrait

Mes aventures, mésaventures entre personnes handicapées et personnes normales
René Lelièvre
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Mes aventures, mésaventures entre personnes handicapées et personnes normales
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet : http://mesaventureshandicapes-normaux.over-blog.com
À propos de l’auteur
R. Lelièvre est né à Laval (Mayenne) le 23 mai 1946. Ses parents étaient ouvriers dans une filature de coton. En 1974, il est prêtre-ouvrier chez les Fils de la Charité. Il arrive à Douchy-les-Mines (Nord) et est embauché comme fraiseur aux ateliers centraux des Houillères à Aniche, puis Anzin. Délégué syndical CFDT, il est, durant les années quatre-vingt-dix, secrétaire de l’union locale CFDT à Valenciennes. Amputé de la jambe gauche en 1992, il prend sa retraite en 2005. Secrétaire des retraités métaux Valenciennes-Denain, il est encore membre d’associations de personnes handicapées. En 2016, il devient le président du comité des usagers du centre socioculturel de son quartier de la Chasse Royale à Valenciennes.
 
 
L’accessibilité ! Vaste question, plutôt vaste problème jamais résolu. Avec mes amis handicapés, j’en ai à vous raconter sur ce sujet ! Et les hôpitaux, les médecins, les « spécialistes », les bailleurs, les grandes surfaces, les petits magasins, les balades en fauteuil, le boulot, etc. Que d’aventures ! Que de rencontres drôles, dures, décourageantes ou rassurantes, avec de l’incompréhension, de la pitié, de la solidarité, de l’empathie, de la compassion ; bref, toutes les couleurs y passent !
Depuis plus de quatre ans maintenant, je tiens un blog que je nourris chaque semaine d’une nouvelle histoire. Ce livre est un choix fait dans ce blog qui s’appelle « Mes aventures de handicapé avec les gens normaux. »
Je raconte des événements réels 1 qui disent les difficultés le plus souvent mises sur la route de celles et ceux qui ont du mal à se déplacer. Ces difficultés pourraient disparaître si notre société le décidait, mais permettre aux personnes handicapées de participer à la vie sociale est trop compliqué (se persuade-t-on), si bien que nous sommes handicapés grâce à cette société qui remet toujours à demain des décisions qui pourraient nous permettre de devenir des gens « normaux ». 2
Vous allez découvrir des difficultés inattendues, des rencontres passionnantes, des événements douloureux ou festifs. Histoires drôles souvent (pas toujours !), situations cocasses pas toujours vraiment drôles. Je crois beaucoup en l’humour pour des rapports chaleureux entre les hommes. L’humour ne se moque pas, il nous fait égaux et si la moquerie est une faiblesse, l’humour est une force, dit Alexandre Jollien 3
L’Église 4 manque d’humour. Pas la Bible, encore moins Dieu, heureusement ! Lorsque l’Église parle des malades et des handicapés 5 , c’est en termes de souffrance, de douleur. Lorsqu’on l’entend sur ce sujet, on a l’impression que pour elle, c’est une chance d’être handicapé ou malade ! Car alors ces gens participent, toujours d’après l’Église, au salut du monde. Et ceux qui ne sont ni malades, ni handicapés ? Ils n’ont pas de chance !
Le handicap de l’autre nous fait peur. Nous avons tous en nous une idée de ce que devrait être l’homme et quand la nature dérègle nos convictions, nous avons peur. Le handicap est une atteinte à l’ordre des choses, à l’idéal que nous imaginons.
Cet idéal est très variable. Il peut être, par exemple, la symétrie, l’harmonie. Je dis cela en pensant à l’un de mes petits neveux qui me demandait, voyant mon moignon, pourquoi je n’avais pas fait la même chose à l’autre jambe.
Pour comprendre ce que je raconte, il faut savoir que je suis amputé d’une jambe, la gauche. Ça s’est passé en 2012. J’avais quarante-six ans.
J’ai plongé malgré moi dans le monde du handicap. J’ai écrit comment j’avais refait surface, lentement, durement, et ce n’est jamais terminé. J’ai au moins appris une chose : il ne faut pas fuir le handicap. Bien sûr, c’est impossible, quand il est là, il n’est pas ailleurs ; ce que je veux dire, c’est que rester enfermé n’est pas une solution. C’est une action difficile qui demande un savoir-faire des deux côtés : quand on est « normal », il faut accueillir le handicapé et, quand on est handicapé, il faut se laisser accueillir par les « normaux ».
Souvent, je dis parce que c’est vrai : la société nous rend plus handicapés que nous ne le sommes. La société, c’est nous d’abord : les handicapés fuient les braves gens qui leur rappellent sans cesse qu’ils sont diminués, incapables de, etc. La société, c’est aussi les lois qui organisent notre vie ensemble. Là aussi, y a du boulot ! L’accessibilité quel que soit le handicap (physique, sensoriel, mental) est comme le monstre du loch Ness : on en parle toujours, on ne le voit jamais. Il y a une loi fameuse qui obligerait à réaliser l’accessibilité partout. L’application de cette loi est reculée sans cesse et je suis persuadé que nous ne la verrons jamais !
Pour illustrer mon affirmation qui rend responsable la société de nous faire plus handicapés que nous ne le sommes, je vous fais déjà ci-après une petite liste des handicaps semés par cette société et que vous retrouverez tout au long des histoires racontées dans ce livre.
Un ami aveugle raconte :
— J’ai demandé un transport Sésam 6 . Il est arrivé sans prévenir. Normalement, le chauffeur doit frapper à la porte pour dire qu’il est là. Heureusement, j’ai entendu un camion, j’ai cru que c’était mon transport qui arrivait. Je suis sorti, j’ai parlé fort :
« C’est mon transport qui est arrivé ?
— Ben oui, a répondu quelqu’un, ça fait cinq minutes que je suis là, j’allais partir. Vous avez de la chance ! »
Au retour, le chauffeur veut me laisser à un kilomètre de chez moi sous prétexte que ça roule mal. J’ai eu peur, je n’avais aucun repère dans ce coin-là. Le chauffeur ne voulait rien entendre. Il a fallu que je menace de le dénoncer auprès de sa direction. Les chauffeurs doivent nous ramener devant chez nous.
 
Un autre copain handicapé parle :
— Je devais partir en Espagne aux prochaines vacances. Pour cela, je me suis inscrit dans une agence. Huit jours après, coup de fil : il n’y a plus de chambres accessibles libres et ce dans aucun des sites de cette agence… Vacances à Valenciennes plage…
 
Une copine non-voyante relate un autre fait :
— J’étais dans un train. Problème. Panne. Tout le monde doit descendre. On nous dit que le prochain départ est… le lendemain matin. Je dis à un agent de la SNCF que je suis non-voyante, au cas où il ne l’aurait pas vu !
« Et alors ? répond-il.
— Et alors ? Je ne connais personne ici, je ne connais pas la ville, je ne peux aller seule à la recherche d’un hôtel, je vous demande de me ramener chez moi. »
Il a fallu que j’insiste lourdement, que le chef de gare vienne en voyant (!) notre engueulade pour qu’enfin il m’offre le taxi pour retourner chez moi.
 
Sandrine, qui a vu sa voiture partir en fumée, a été obligée de faire une demande de duplicata pour une autre carte GIC : un mois après, toujours rien. Un simple duplicata, pas une demande de nouvelle carte ! En attendant, elle qui a une marche très difficile, doit se payer des centaines de mètres à pied parce qu’elle ne peut se garer où elle veut.
 
La copine non-voyante de tout à l’heure reprend la parole :
— À la poste d’Anzin, j’entre avec mon chien. Le gars qui est derrière le guichet me demande :
« C’est quoi ça ?
— Quoi ça  ?
— Ben ça.
Il a peut-être montré quelque chose avec son doigt mais je n’ai évidemment rien vu. Le gars insiste durement :
— Ça là, c’est quoi au bout de la laisse ?
Stupéfaite, je dis :
— Je n’ai rien au bout de la laisse. Je suis avec mon chien.
— Vous n’avez pas le droit de rentrer ici avec ça.
— Je vous dis que c’est un chien, mon chien, un chien guide pour aveugle, vous êtes content ?
— Faut pas rester longtemps avec ça.
— Faites-moi passer avant les autres, je serai là moins longtemps. »
Je dois dire qu’une personne a pris ma défense et l’autre derrière son guichet l’a fermée. Vraiment, il y a des dingues. La différence, ça les dérange et même parfois, ça leur fait peur.
 
Et la trouvaille de la gare de Valenciennes, vous connaissez ? Il y a un ascenseur pour descendre de la surface au sous-terrain mais seulement des marches du sous-terrain aux quais…
 
D’autres racontent :
Les voitures sur les trottoirs qui nous obligent à rouler sur la rue avec nos fauteuils.
Les trottoirs surbaissés à un bout mais pas l’autre, ce qui oblige à faire demi-tour.
Les marches devant de nombreux magasins qui nous empêchent de faire du shopping.
Il est aussi question d’autres marches, celles qui mènent à l’autel dans les églises : le prêtre handicapé doit rester en bas dans son fauteuil ou prendre des béquilles, s’il le peut, en essayant de ne pas tomber sur les dalles presque toujours glissantes, ou ne pas se prendre les béquilles dans l’aube blanche qui tombe sur les pieds. Prions pour qu’il n’y ait que l’aube qui tombe ! L’Église parle pourtant si bien des handicapés !
On a encore cité les ascenseurs trop petits, les escaliers à franchir pour y arriver, etc.
La liste est longue.
Tout cela pour réaffirmer que oui, la « société » nous fait plus handicapés que nous ne le sommes…
Avez-vous remarqué ? Lorsque je parle des gens normaux, je mets toujours des guillemets aux mots « normal » ou « normaux ». De fait, y a-t-il des gens « normaux » ?
La normalité, c’est quoi ? Elle est définie par qui ?
Finalem