Quand j étais goy
168 pages
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Quand j'étais goy , livre ebook

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Description

Michel Nomber crée un roman fictif à partir d'éléments clés tirés de sa propre vie, ponctué de réflexions de l'auteur lui-même. Ou la vie presque normale d'un jeune docteur de confession juive, tiraillé, entre autres, entre sa relation avec sa famille, les femmes de sa vie, son propre « moi », et ses lucides craintes inspirées par le monde politique moderne. Michel Nomber qualifie Quand j'étais goy de « bio-roman », à savoir une œuvre qui n'est pas véritablement une autobiographie, mais pas non plus totalement un roman. À vous de différencier le fictif du réel, le vrai du faux, et le vécu du romancé, dans cette œuvre au ton juste et sans complaisance.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 décembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342059281
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Quand j'étais goy
Michel Nomber
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Quand j'étais goy
 
À ma famille, A mon ami, Michel Weber, trop tôt disparu.
 
« Les romans sentimentaux correspondent en médecine à des histoires de malades. »
F. Novalis
 
 
 
« Où que j’aille, je vais en Eretz Israël. »
Rabbi Nachman de Breslau
Invite
A une époque où chacun rédige son autobiographie sur le mode du «  loft » individuel, avocat, médecin, journaliste devenu du coup « grand », du fait même de l’écrit qu’il a commis, il EST important de dire haut et fort que toute autobiographie est une élaboration secondaire qui se situe dans la non-vérité.
C’est ce que Freud a bien démontré dans son approche du « roman familial », manière dont le névrosé reconstitue l’histoire de sa vie et des relations avec son entourage sous l’emprise de sa pathologie.
Le parti pris de vérité est donc illusoire, même si la réalité des faits est bien présente. Entretenir le fantasme de l’authenticité est, dés lors, un artifice racoleur.
C’est pourquoi je préfère le style « aléatoire ». Ce récit pourrait en être un autre, comme celui de la vie de Ramon Mercader par Jorge Semprun, alors que le « héros » a bien existé.
Toute aventure littéraire conçue de la sorte peut dès lors se rattacher à Freud qui, comme dans la blague 1 , nous en dit toujours le moins possible sur lui, ou à Philip Roth et Groucho Marx qui se dévoilent beaucoup plus qu’ils ne le croient eux-mêmes.
Si l’on évite l’illusion « autobiographique » réaliste, l’écriture peut alors devenir une expérience, un montage d’associations d’idées qui a tout à voir avec la psychanalyse. Aussi ai-je appelé ce texte « bio-roman » : une aventure issue de la vie de l’auteur, en prise directe avec l’inconscient, et qui, du fait même de son évocation, va modifier le cours de son existence, un peu sur le modèle d’une rétro-action psychologique. Il est donc aisé de comprendre que ce texte aura l’air « ébouriffé ». Car ce n’est ni une autobiographie pure, ni un essai politique, ni uniquement un roman, mais tout cela à la fois.
Cher lecteur, accepte d’être dérouté, tu en seras récompensé.
I
La brume recouvre Casablanca deux fois par jour : le matin, très tôt, l’on s’en rend compte en particulier en bordure de mer, et le soir, quand la nuit vient de tomber et que la ville commence à révéler ses mystères. Parfums des orangers et du jasmin du côté du parc Lyautey, silhouettes voilées longeant les murs ou jeunes prostituées essayant de vous attirer discrètement du côté du boulevard Zerktouni.
J’avais déposé mon Solex dans le jardin de la maison du psychanalyste, sous le lampadaire, afin que ma présence soit aisément décelable de l’intérieur. Une sensation d’excitation physique, quasi érotique, me fit monter les marches quatre à quatre. Je lui amenai des gâteaux, qu’il accepta de déguster avec moi. Banco : je réussissais à la fois à passer mon premier bon moment depuis longtemps et à éviter la séance sur le divan, les yeux face au plafond (les analysants s’ingénient à trouver mille ruses pour échapper à la règle analytique).
Quelques mois auparavant, vers la fin de l’année scolaire précédente, ma vie était brutalement partie en couille. Mon père, qui avait quitté l’industrie pour devenir professeur de chimie, s’était réveillé un matin, avec un bruit dans l’oreille. Son généraliste l’avait adressé à l’oto-rhino, un notable, neveu de Lyautey, selon la rumeur casablancaise, lequel lui avait prescrit un vasodilatateur dont l’effet fut immédiatement très bénéfique.
Mais Papa, qui se demandait si la dose ordonnée n’était pas « trop élevée », se fit « confirmer » par le généraliste qu’il fallait diminuer la posologie.
Cette démarche, pour le moins paradoxale, lui fut fatale : il perdit son oreille et souffrit définitivement d’une surdité unilatérale avec acouphènes.
S’ensuivit alors une série de catastrophes dans notre famille nucléaire (nous n’étions que trois) : paralysie laryngée de mon père, hospitalisé à Paris, dépression mélancolique, donc très grave, de ma mère, et apparition, chez moi, d’une symptomatologie obsessionnelle, dont j’ai bien cru qu’elle m’enverrait à Berrechid, le Charenton casablancais dans l’indifférence complète de mes copains et de mes profs qui ne voyaient pas que je coulais.
Papa eut alors un coup de génie. Dans cette jungle de médecins casablancais, qui pratiquaient la dichotomie, il réussit à me faire échapper au psychiatre militaire que le généraliste avait indiqué en première intention, un dur de la prescription. Je débarquai finalement chez le docteur Ponsard, le psychanalyste freudien local, non sans réticence de la part du généraliste, qui le trouvait douteux dans son petit maillot de bain, le dimanche, au club de ski nautique.
Une fois les gâteaux mangés ensemble, d’un claquement mandibulaire jubilatoire, Ponsard m’obligea à m’allonger. La séance allait quand même avoir lieu :
— « Ce jour-là fut terrible. J’avais reçu les félicitations au lycée mais je n’étais pas heureux, comme si ce n’était pas moi qui étais gratifié mais un autre moi-même. C’est au cours de sciences-nat avec Rizzo que le drame se produisit.
— Rizzo  ?
— Le remplaçant de la prof de sciences nat. Il avait une sale gueule de pied-noir OAS. Je ne comprenais rien à son cours sur les roches métamorphiques, lorsque soudain il me fixa de ses grands yeux ronds et bêtes  :
— Que veut dire déliquescent ? »
Devant mon ignorance flagrante, voire mon absence totale de son cours, il se dirigea rapidement vers moi et m’envoya, sans prévenir, une gigantesque gifle dont mes amis se souviennent encore.
— « Comment avez-vous réagi  ?
— Par une indifférence apparente, comme si mon corps n’était pas mon corps, comme si j’étais en retrait ; je me suis pétrifié, alors que la classe était stupéfaite et que j’étais humilié au plus profond de moi-même.
— Continuez…
— Je suis rentré à la maison le soir, où j’ai raconté l’anecdote à mes parents qui me questionnaient sur la rougeur de ma joue gauche et sur mon état inhabituel de quasi-hébétude. Mon père ne réagit pas, mais son beau regard était triste. Le lendemain, lors d’une conversation avec ses amis, ceux-ci l’incitèrent à aller voir le proviseur et à porter plainte contre Rizzo.
— Votre père ne le fit pas  ?
— Non
— Quelles furent les conséquences pour vous  ?
— Pendant plusieurs jours, j’eus des maux de tête et un bourdonnement d’oreille. J’étais devenu quasi-mutique.
— Un bourdonnement d’oreille ? C’était quand cet épisode  ?
— Deux mois avant la maladie de mon père.
— La maladie de votre père ? Vous voulez dire quand il a perdu son oreille, qu’il a eu un bourdonnement  ?
— Oui.
— Quand il s’est mis en situation de ne pas prendre le traitement efficace prescrit par le spécialiste, sur un mauvais conseil de son généraliste, et que ce bourdonnement est devenu définitif.
— Oui. »
Mon père portait en lui les séquelles du traumatisme que j’avais subi. Par amour pour moi, il aurait pris définitivement en lui le mal qui n’avait été que temporaire pour moi. Il ne s’était pas pardonné de ne pas avoir réagi à l’agression que j’avais subie, peut-être comme tous ces parents juifs qui n’ayant pu protéger leurs enfants pendant la Shoah, ont survécu avec le souvenir de leurs petits, morts, qui les hante, parfois fracassés contre un mur sous leurs yeux.
Papa sut prendre sa revanche, vingt-cinq ans plus tard, dans une impasse du XVI e arrondissement de Paris. Un abruti en train de déménager bloque la voie étroite avec sa camionnette. Mal luné, contrarié, je klaxonne. Le type est non seulement méchant mais costaud. Il fonce vers moi, décidé à me régler mon compte alors que je sors du véhicule que j’ai enfin réussi à garer. Je reste impassible comme un psychanalyste (ou comme un névrosé !). Au moment où il va m’esquinter, un petit bonhomme costaud de quatre-vingt-cinq ans s’interpose et, d’une voix autoritaire, fait reculer l’adversaire. C’est mon père. Papa, toi qui es dans l’au-delà, je te dis merci du fond du cœur, car si j’ai pu être injuste envers ta capacité à me protéger, c’est que je n’avais pas encore mesuré le contexte de persécution atavique dans lequel tu as grandi en Pologne.
II
La vie associe le merveilleux et l’horrible, la naïveté et le traumatisme.
Nous sommes à Naples, ses lumières et sa baie. Voir Naples et mourir… Il règne sur le bateau – le rafiot, devrais-je dire – une atmosphère d’agitation vibrionnante. Tous ces jeunes, enchantés, reviennent d’Israël. Ils ont entre seize et trente ans. Le chant des guitares est étouffé par les danses folkloriques israéliennes, de style un peu soviétique, au bord de la piscine. Bien sûr, on a eu droit aux petites absurdités : deux synagogues, l’une ashkénaze, l’autre sépharade, pour Kippour qui a eu lieu deux jours plus tôt. Mais c’est déjà loin, et les passagers descendent maintenant en masse visiter la ville. La baie, croissant lumineux à l’arrière du bateau hier soir, se révèle aussi merveilleuse de jour.
 
C’est l’opportunité que nous avons, Jacqueline et moi, de mettre notre plan à exécution. Il suffit de s’emparer de la clé de la cabine collective, suspendue à la paroi, derrière la vitre du coffret, et de pénétrer dans la chambre déserte avant de refermer la porte derrière nous, afin de nous retrouver seuls pour l’éternité.
De manière fulgurante, elle enlève son soutien-gorge, me laissant découvrir la rondeur et la fermeté de ses seins. Me fixant d’un regard rieur, elle enlève le bas. Un

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