Un ange approche
130 pages
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Un ange approche , livre ebook

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Description

« Moi, c'est Alexis. J'ai treize ans. Vous ne me voyez pas mais moi, je vous regarde. Enfin, certains jours. Pas tout le temps. Pas trop souvent, d'ailleurs. Seulement les jours où la Russie, ma terre natale, me manque. Si fort. Si puissamment. Si violemment. Irrésistiblement. » La famille Romanov n'a cessé de susciter l'intérêt de l'opinion générale et de nourrir son imagination. Cette nuit du 16 au 17 juillet 1918 a marqué les esprits tout comme la fin d'une lignée impériale historique. Alexis Romanov, alors âgé de treize ans cette nuit-là, périt avec le reste de sa famille, assassiné par les révolutionnaires russes. De l'au-delà, le jeune tsarévitch s'adresse au lecteur et lui raconte son enfance marquée par la maladie, son éducation avec son précepteur français Pierre Guillard, et cette fameuse nuit destructrice... Sous ses airs de témoignage, ce roman historique magnifiquement mené relate avec une proximité déconcertante la vie du jeune Romanov. Un roman accrocheur qui éveillera la curiosité du lecteur sur cette dynastie mémorable.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 octobre 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342056907
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un ange approche
Christian Belloir
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Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Un ange approche
 
 
 
« Il est impossible que ceux dont je viens de parler aient subi en vain leur martyre. Je ne sais quand ni comment cela se fera, mais un jour ou l’autre, sans nul doute, quand la brutalité se sera comme saignée elle-même dans l’excès de sa fureur, l’humanité tirera du souvenir de leurs souffrances une invincible force de réparation morale. »
Pierre Gilliard, précepteur d’Alexis.
 
 
1
Moi, c’est Alexis. J’ai treize ans. Vous ne me voyez pas mais moi, je vous regarde. Enfin, certains jours. Pas tout le temps. Pas trop souvent, d’ailleurs. Seulement les jours où la Russie, ma terre natale, me manque. Si fort. Si puissamment. Si violemment. Irrésistiblement. Survoler frénétiquement la perspective Nevski, ruban d’architecture grandiose ! Saisir les cristaux saillants de la Neva et les serrer jusqu’à voir à nouveau mon sang couler. Musarder comme un fantôme taquin à travers le Musée russe fondé par Alexandre, mon grand-père. Courir en braillant et en slalomant entre les sapins de Crimée, qui semblent gratter le creux du ciel trop bas. Biaiser l’éclat insolent des lacs gelés en faisant glisser la visière de ma casquette sur le nez. Et surtout, retrouver le contact de la neige sur ma langue, quand petit, j’ouvrais la bouche pour la sentir tomber et me chatouiller le nez au passage. Enivré de boire le ciel, tout seul comme un grand, sans qu’on soit contraint de me porter, en raison de ma pauvre santé. Éternel fardeau. Le cadeau de tenir debout. Alors, je repense à ces jours. Et l’enfant ensanglanté à nouveau sanglote, parce que ma patrie respire encore en moi. Ce sont de bonnes larmes russes, sincères et sentimentales, une pluie chaude de souvenirs : notre merveilleux yacht Le Standart, construit au Danemark. Ses cent vingt-huit mètres fendaient les mers avec la grâce d’une danseuse ! Ses deux cheminées crachaient énergiquement des nuages de fumée et ses lustres de cristal jetaient des faisceaux d’or sur la nuit. Sûr que ça m’épatait ! Je vivais dans un écrin et j’étais le bijou sacré de ma famille. Comment ne pas se rappeler aussi la frénésie qui s’emparait de moi et de mes quatre sœurs, lors de la Fête des fleurs blanches, chaque été, à Livadia, en Crimée ? Maman et Papa avaient instauré cette manifestation pour récolter des fonds afin de soigner les tuberculeux, en souvenir de l’oncle Gueorgui qui souffrait de cette maladie (le malheureux est mort à vingt-huit ans, après une chute à vélo). Nous, les enfants, on fabriquait plein de petits objets décoratifs que les gens s’arrachaient à un prix considérable mais qui à leurs yeux valaient tout l’or du monde. Ces créations imparfaites portaient l’empreinte des petits doigts impériaux ! Des reliques sacrées ! Les fillettes et les garçonnets nous jetaient des regards plein d’admiration avec une pointe de timidité ! Je me souviens aussi, comme si c’était hier, de ces trente et un coups de canon tirés en février 1913, lors de la commémoration de l’arrivée sur le trône de mon aïeul, le premier tsar Romanov. Dans la calèche officielle, j’étais assis en face de mes parents, à côté de mon matelot protecteur : Derevenko, à l’époque, où il faisait encore partie des alliés. De temps en temps, à la dérobée, je jetais un coup d’œil timide et gêné par l’enthousiasme d’une foule excitée qui acclamait notre passage. C’est d’abord sur tout ça que je pleure, voyez-vous. Des sanglots silencieux. Papa dirait que je pleure comme une fille, car quand on est un tsarévitch, on ne pleure pas. Du moins, pas en public. De toute façon, je ne peux pas pleurer trop longtemps car je n’ai plus d’yeux, rappelez-vous. Je n’ai plus de ventre non plus, ni de cuisses ni de pieds ni de mains ni de tête. Mon corps, l’auriez-vous oublié, des gens l’ont pulvérisé ! Il n’est plus là mais je m’en souviens très bien. Ce corps, maigrichon, si souvent cabossé par un mal étrange. Pourtant, il paraît que je n’étais pas sans charme, malgré mon fort caractère. On disait que j’avais les traits fins, presque féminins, et un visage anguleux. Du charme ? Le savais-je ? Mais à qui ai-je eu le temps de plaire, sinon à ma famille ? Mes yeux étaient bleu-gris comme ceux de Maman et j’allais devenir aussi grand que Papa. Aussi fort. En tout cas, c’est ce qu’on me chuchotait à l’oreille, pour me consoler, lorsque je n’arrivais plus à tenir debout. Les hémorragies externes, ma vermine. Monstrueuse petite coulée de lave qui guettait avec avidité la moindre faille pour jaillir. Je pissais le sang, il faut bien le dire, et mes lèvres poisseuses me donnaient l’air d’un Dracula de misère. Un Dracula qui ne faisait peur qu’aux portraits des aïeux, suspendus en rang d’oignons dans les couloirs du palais de Tsarskoïe Selo. Et puis pire : les hémorragies internes, mon martyre. Douleurs souterraines. Insoutenables. Ma peau se tendait, se gondolait, faisait des trucs bizarres, qui faisaient rire mon ami Kolia parfois. J’avais tellement mal que je ne savais plus à quoi ressemblait un corps sans douleur ! Maman faisait la navette entre la salle de réception et ma chambre. Tantôt à gauche, assumant ses devoirs d’impératrice. Tantôt à droite, pétrifiée d’inquiétude sur mon sort. Maman courant, Maman courage. Sentinelle de tous mes abîmes ! Peut-être, au fond, plus malade que moi. Malade de moi. Allais-je finir comme May, sa petite sœur, morte à quatre ans de diphtérie ? Monsieur Raspoutine prétendait que non. Ce roi mage sans couronne qui fascinait Maman. D’une certaine manière, il avait raison. Ce n’est pas cette maladie qui m’a emporté. Malgré tout, avant même ma dernière heure, mon sang n’a pas cessé de couler, de se répandre, comme pour laisser coûte que coûte une trace de mon existence. D’abord sur moi, sur mes lèvres, sur mes joues, sur mon nez, sur mon menton, sur mes genoux et sur mes mains. Et puis sur des mouchoirs sortis en catastrophe, des draps souillés ou des tabliers de valets de chambre qui couraient à mon secours, tragiques infirmiers ! Puis finalement, au terme de ma courte vie, le dernier sillon rouge sur le plancher de ma dernière demeure. L’ultime empreinte du sale héritier. Certes, j’étais malade, mais le monde autour de moi était encore plus malade ! On nous voulait du mal. Je ne savais pas. Je ne savais pourquoi. Je ne savais pas qui exactement. Mes forces fondaient autant que la monstruosité grandissait autour de moi. Comment aurais-je pu concevoir qu’un garçon de treize ans, à moitié infirme, puisse représenter un danger qu’il faut vaincre par la solution extrême ? Buter l’ennemi inoffensif. Jusqu’au jour où une bande de tarés a déboulé dans la maison prison où on nous retenait pour flinguer Papa, pour flinguer Maman, pour flinguer mes sœurs. Et pour me flinguer. Cette fois-là, on a tous pissé le sang en nous vautrant à terre. Le mien pouvait enfin se libérer définitivement des fines digues qu’étaient mes veines et mes artères. Sa victoire définitive. Minable et pitoyable. C’était moche à voir. Mais pas tant que le regard de ces vauriens. Ce regard froid et diabolique que l’insolence de ma jeunesse a osé soutenir, malgré la trouille qui figeait mon visage et contractait tous mes muscles. Seul mon corps a fléchi. Pas ma fierté. Nous étions à leurs pieds, désarticulés par le choc. Troués comme du gruyère. Les représentants de la grande dynastie des Romanov réduits à l’état de bêtes crevées. Dans le monde où vous vivez aujourd’hui, on pique les chiens. Dans le monde dans lequel je vivais en 1918, on explosait le cerveau et les entrailles d’un empereur et de sa famille au fusil-mitrailleur. Coupables d’être les orgueilleux descendants des Romanov. Vous ne me voyez pas mais moi, je vous regarde. Et mon regard n’est pas gentil. J’ai le regard des jours où je ne voulais pas travailler avec Pierre, mon si bon professeur. Je ne suis pas content. Je ne suis pas content du tout ! Quelle misère ! Je suis parti sans serrer dans mes bras Kolia. Sans avoir pu lui donner mes petits soldats, sans avoir pu lui promettre de ne plus tricher aux dames. A-t-il lu la dernière lettre que je lui ai envoyée ? « Je m’ennuie sans toi, ils ont élevé la palissade devant ma fenêtre pour que je ne voie plus la rue. Privé d’aimer un paysage. Privé de rêver à courir dans les champs. Exilé de l’enfance, définitivement. Pierre m’a lu le poème Le ciel est par-dessus le toit de Paul Verlaine. Et moi, j’ai pensé, le bonheur est par-dessus cette foutue palissade, puisqu’elle nous sépare. Que le Seigneur te protège, mon bel ami. » Le docteur Derevenko, papa de Kolia, qui porte le même nom que celui de mon premier matelot, faisait le facteur puisqu’on me retenait prisonnier dans une maison à côté de la sienne mais que mon ami n’avait plus le droit de me rendre visite. Quand des grands broient des petits, le monde n’est plus qu’un vertige. Alors, je me demande simplement si vous vous souvenez de moi. Combien de nuits ont recouvert de sommeil des descendants des descendants depuis le 17 juillet 1918, jour de mon exécution sans procès ? Et de celle de ma famille. Est-ce possible que l’on puisse m’oublier ? Je suis le tsarévitch ! Mon grand-père était le grand Alexandre III, froussard à ce qu’il paraît devant les chevaux, farouche contre les révolutionnaires mais colosse aux pieds d’argile devant une œuvre picturale ! Mon arrière-grand-mère était la reine Victoria ! Le monde entier aurait dû se courber sur mon passage, même si, je l’avoue, cela m’aurait horriblement embarra

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