Chronique d un seigneur silencieux
136 pages
Français

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Chronique d'un seigneur silencieux , livre ebook

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Description

La nature lui donne vie. Au rythme du temps qui passe et des changements qu’on lui impose, il se développe, se découvre lui-même. Il déchiffre l’univers et goûte ses merveilles. Aux questions qu’il se pose, il se méfie des réponses faciles. Durant son époque, des Grands naissent, s’illustrent, s’éteignent. En dépit des doutes qui l’envahissent et des attaques qu’il subit, il leur survivra tous. Or, malgré le respect qu’il suscite, qui s’en soucierait ; il est un arbre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 juin 2023
Nombre de lectures 2
EAN13 9782898313035
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Chronique d’un seigneur silencieux / Jean-Marc Ouellet.
Noms : Ouellet, Jean-Marc, 1959- auteur.
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20230058248 | Canadiana (livre numérique) 20230058256 | ISBN 9782898313011 (couverture souple) | ISBN 9782898313028 (PDF) | ISBN 9782898313035 (EPUB)
Classification : LCC PS8629.U337 C56 2023 | CDD C843/.6—dc23


Pour l’aide à la réalisation de son programme éditorial, l’éditeur remercie la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), le Programme de crédit d’impôt pour l’édition des livres - gestion SODEC.
L’éditeur remercie également le Gouvernement du Canada pour son aide octroyée par le programme du Fonds du livre du Canada.





Éditions Crescendo ! 2075, rue Lavoisier, Suite 100, Québec, QC G1N 4L6 418-800-9979 www.leseditionscrescendo.ca
Conception de la couverture : Martin Gaboury Mise en page : Laurie Veilleux Illustrations : Virginie Tanguay
Distribution : Messagerie ADP* 2315, rue de la Province, Longueuil (Québec), Canada J4G 1G4 Tél. : 450 640-1237 - Téléc. :450 674-6237 www.messagerie-adp.com *filiale du Groupe Sogides inc. filiale du Groupe Livre Québecor Media inc.
Distribution pour la France et le Benelux : DNM Distribution du Nouveau Monde 30, rue Gay-Lussac, 75005 Paris Tél. : 01 42 54 50 24 - Téléc. :01 43 54 39 15 Librairie du Québec 30, rue Gay-Lussac, 75005 Paris Tél. : 01 42 54 49 02 www.librairieduquebec.fr
Dépôt légal : 2e trimestre 2023 Bibliothèque et Archives du Québec Bibliothèque et Archives du Canada Bibliothèque nationale de France
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction interdits sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur.





Je ne puis regarder une feuille d’arbre sans être écrasé par l’univers.
Victor Hugo



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1713
Va où tu voudras, tu y trouveras ta conscience.
Denis Diderot (1713-1784)
J’existe. Je le sais. J’en ai pris conscience un de ces jours derniers, un jour de printemps. Il faisait chaud. Les feuilles mortes qui recouvrent mes racines étaient gorgées de l’eau reçue la veille. J’ai soudain senti que j’étais là, dans ce monde. Avant, je ne m’en rendais pas compte. Quand j’y repense, je crois que c’est quand j’ai songé à mon compagnon, celui qui pousse près de moi. Pour la première fois, j’ai réalisé que quelque chose vivait en dehors de moi. Et si un autre existe hors de moi, que j’en ai conscience, c’est que je suis hors de lui, moi aussi. Donc, et vous me direz si je me trompe, si je vis par moi-même, c’est que j’existe. Une question m’est venue. Depuis quand j’existe ? Je ne pouvais le savoir, me suis-je dit, puisqu’avant, en principe, je n’étais pas là ? J’en ai parlé avec l’Ancien. Il est grand, l’Ancien. Il est gentil, aussi. Il m’a appris que j’étais là depuis un certain temps. Je lui ai opposé le fait que je venais à peine de me rendre compte que j’existais. Il a paru amusé. Comme si je voulais rire. Évasif, l’Ancien s’est lancé dans une explication compliquée que je n’ai pas comprise. Ses pensées sont souvent un mystère. Cette fois-là, il m’a dit que je venais d’une graine. Qu’un jour, cette graine avait quitté un de mes parents, que je m’étais envolé dans le vent, que j’avais atterri ici, là où je suis. J’aurais dormi un hiver entier avant que commence mon aventure, comme il a dit. C’était il y a quelques printemps. Mes racines se seraient fixées dans le sol, mon tronc serait sorti de la terre. Ça me semble bien vague. Je l’ai dit à l’Ancien.
C’est normal, mon grand, m’a-t-il répondu de son ton coutumier. Tu es jeune pour te soucier de ces questions.
N’empêche, je me les pose ces questions. Le problème de mon existence ne s’arrête pas là. Je sais que j’existe. Mais que suis-je ? Ça aussi, je voulais le savoir. Quand cette question m’est venue à l’esprit, l’Ancien paraissait dormir. Je ne l’ai pas dérangé. J’ai questionné mes amis. Ils m’ont répondu par des moqueries.



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C’est bien niaiseux comme question ! m’a répondu le plus bavard.
Qu’est-ce que cela peut faire, qui tu es, hein ? m’a répondu l’autre qui grandit près de moi, lui aussi. Nourris-toi, laisse-toi vivre au lieu de te poser ces questions ridicules.
J’ai eu de la peine. Je trouve ça important, moi, de savoir qui on est. Au moins, l’Ancien pense comme moi. À son réveil, que j’ai attendu pendant plusieurs levers de soleil, fier de moi, je crois, il m’a répondu :
Tu n’as pas à avoir honte de te poser ces questions, mon grand. Tu sais, se connaître soi-même est sans doute la plus grande des connaissances. S’y intéresser est une marque de sagesse. Tu es un arbre, mon grand.
Je ne savais pas si je devais être heureux ou déçu. J’étais un arbre. Ça ne me disait pas grand-chose.
Et… à quoi ça sert un arbre ? lui ai-je demandé sans réfléchir.
L’Ancien m’a contemplé. Il semblait content. J’ai attendu, impatient d’apprendre la vérité.



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1715
Dix mille difficultés ne font pas un doute.
Isaac Newton (1642-1727)
Les arbres ne sont pas seuls. J’en ai la preuve. Avant, je ne sentais que moi. Puis, j’ai perçu les autres, ceux de mon genre. Par la suite, j’ai cru que nous, les arbres, étions les seules créatures qui existaient. J’avais tort. J’en ai senti d’autres. Quand je l’ai appris à l’Ancien, il a ri. Ses voisins aussi. Je pensais leur annoncer une grande nouvelle.
C’était ce matin. Je me chicanais avec un ami. Nous comparions la grosseur de nos branches quand j’ai senti un chatouillement sur mon écorce. Une créature minuscule, noire comme la nuit, avançait sur mon tronc. Sous lui, de miniatures racines bougeaient. J’ai tenté de frétiller. Je voulais le repousser. Il n’a rien senti, je pense. Il a continué à se promener sur moi, si petit, indifférent, comme si je n’existais pas. À un moment, il a arraché un morceau de mon écorce, plus gros que lui-même, et l’a mis sur lui. Puis, il est reparti vers le bas et est disparu à travers les feuilles au sol. Je l’ai suivi aussi loin que j’ai pu le sentir.
Cette rencontre m’a ébranlé. J’y pense sans cesse. Pour la première fois, quelque chose de différent de nous, quelque chose de non végétal, est venu à moi. Et il semble qu’il ne sera pas le dernier. L’Ancien me l’a dit.
Mon grand, ce que tu as perçu aujourd’hui était un insecte. Dans ce monde, ils sont plus nombreux que les étoiles de la nuit. Tu verras. En dehors de ces minuscules créatures et de nous-mêmes, bien des êtres vivants existent. La plupart sont plus gros et plus impressionnants que celui-là. Un jour, tu comprendras leur importance dans nos vies. L’Univers est rempli de merveilles.
Les paroles de l’Ancien m’ont laissé songeur. Qu’y a-t-il de merveilleux d’apprendre qu’un danger existe, alors qu’on se croyait seul et en sécurité ? Si une aussi petite créature peut me chiper un morceau de moi-même, qu’arrivera-t-il quand un être plus grand s’approchera de moi ? Rien de rassurant là-dedans. D’autant plus que je ne peux me défendre. L’insecte m’a enlevé un peu d’écorce sans que



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je puisse réagir. Quand j’ai parlé de ma peur à l’Ancien, il s’est exprimé d’un air sérieux, m’a parlé de choses, qu’encore une fois, je n’ai pas comprises.
Ne sois pas inquiet, mon grand. Chaque être sur la Terre a un rôle à jouer et agit en conséquence. Tu apprendras vite comment nous vivons en symbiose pour créer un monde en harmonie. Le petit morceau que l’insecte t’a pris n’était qu’une parcelle morte de ton écorce. Elle était devenue inutile, néfaste même. Maintenant, elle nourrira peut-être cet insecte, ou bien il s’en servira pour se construire un abri essentiel à sa survie.
Je n’ai rien ajouté. Pourquoi insister ? Tout ça restait un mystère. Et j’ai toujours peur.



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1717
La beauté n’est qu’ un piège tendu par la nature à la raison.
François-Marie Arouet (Voltaire, 1694-1778)
Je suis de plus en plus grand. L’Ancien me paraît de plus en plus petit. Ses branches les plus basses se rapprochent de moi.
Les levers du soleil se suivent sans arrêt. Cette grosse boule est toujours au rendez-vous, jour après jour. Elle s’appuie sur la surface uniforme du ciel où ses amis les nuages s’accrochent aussi et le cachent parfois. Ceux-ci nous arrosent de cette eau qui nous fait tant de bien. Le soleil cessera-t-il de se lever un jour ?
Difficile à dire, m’a dit l’Ancien.
J’espère que non. Je me sens tellement bien quand il est là. Il me donne de l’énergie. Mes feuilles se tendent vers lui, s’épanouissent en sa présence. Pourquoi ? L’Ancien m’a dit qu’un jour, il m’expliquerait. Il y a tant de mystères que je ne comprends pas. Cela m’irrite. J’aimerais parfois me laisser vivre comme mes amis, être indifférent à ces phénomènes étranges, ne pas me poser ces questions qui m’obsèdent. Je suis un arbre. Et différent de mes compagnons.
Une chose est sûre : je ne suis rien en rapport de certaines créatures qui peuplent cette forêt. Hier, une boule de petites aiguilles, des poils selon l’Ancien, est passée près de moi. Elle m’a d’abord contourné. J’étais fier. Elle m’avait senti, ce qui prouve encore que j’existe. Puis elle s’est approchée de moi, a déterré ses deux racines d’en avant et les a portées à mon tronc. Ensuite, elle a allongé celles à l’arrière, a étiré une autre boule, plus petite, qui dépassait de son co

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