Sciences et prise de décision en éducation

Jean-Luc Villeneuve

Description

Les 15 et 16 juin 2018, l’Iréa a organisé un colloque sur le thème « Sciences et prise de décision en éducation » avec comme sous-titre Validation et appropriation des recherches.
Il ne suffit pas de développer les recherches en éducation, encore faut- il les valider et surtout se les approprier. Ce n’est pas le plus simple. De nombreuses questions se posent nécessairement. Comment la politique éducative se construit-elle ?
Les recherches scientifiques portant sur l’éducation conduisent à se questionner sur les certitudes, les problématiques, les consensus, les savoirs acquis... Comment ces recherches peuvent-elles agir sur les pratiques des enseignants ? De plus, comment les innovations des enseignants, les pratiques qu’ils adoptent face aux diverses réalités de leurs classes peuvent de fait influer sur les programmes de recherche ? C’est tout ce questionnement qui a conduit le conseil scientifique de l’Iréa à organiser ce colloque.
Ainsi, pendant deux jours, autour de deux conférences et de débats dans quatre tables rondes, une quinzaine d’universitaires, d’institutionnels, d’élus politiques, de syndicalistes ont débattu avec passion autour de ce questionnement et ont ainsi contribué à mettre en avant une interface entre recherche et pratique.
L’Iréa (Institut de recherches, d’études et d’animation du Sgen-CFDT) a été créé en octobre 2007. Son conseil scientifique est pluraliste, indépendant. Dans le cadre d’un Manifeste, il s’est fixé comme mission, en particulier, de servir d’interface entre la recherche et la pratique. Les actes de ces colloques sont publiés dans cette collection.

Sujets

• Sciences de la nature
• Biologie
• Sciences fondamentales
• Sciences et techniques
• Sciences de la vie
• Science
• Éducation

Informations

• Publié par: Éditions Le Manuscrit
• Date de parution: 23 septembre 2019
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782304047790
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Sous la coordination de Jean-Luc Villeneuve
Sciences et prise de décision en éducation
Validation et appropriation des recherches
Actes du colloque organisé par l’Iréa
vendredi 15 et samedi 16 juin 2018
Cité scolaire Paul Bert, 7-8 rue Huyghens. Paris 14 e
Les colloques de l’IR é A
é ditions Le Manuscrit Paris
ISBN 9782304047790
© Septembre 2019


Dans la même collection dirigée par Jean-Luc Villeneuve
Evaluer l’évaluation , 2009
L’évaluation du travail des élèves , 2010
Autonomie des établissements du second degré et le l’enseignement supérieur , 2010
La formation initiale des enseignants en Europe : convergences, divergences, évolutions , 2011
Le socle commun en France et ailleurs , 2012
Filles-garçons en famille et à l’école : reproduction des inégalités ou éducation à l’égalité ? , 2012
é cole – Formation – Territoires : Faire société ? , 2013
Enjeux éducatifs de la petite enfance , 2014
Laïcité, intégration : l’école de la République en question ? , 2017


Avertissement
La coordination de cet ouvrage a été assurée par Jean-Luc Villeneuve.
Les textes de ces Actes reprennent les interventions des participants aux tables-rondes. Ils ont tous été revus par leurs auteurs.
Nous remercions :
– les membres du conseil d’administration et du conseil scientifique de l’Iréa,
– Boris Anstett pour son travail de transcription.


Conférence inaugurale i nteractive : Carine Royer, maîtresse de conférence en psychologie Cognitive à l’université de Cergy-Pontoise et à l’ESPE de l’académie de Versailles
Table ronde 1 : Qu’est-ce qu’une veille scientifique et à quoi sert-elle ?
Ange Ansour, directrice des Savanturiers-Ecole de la Recherche
Olivier Rey, responsable de l’unité de veille scientifique de l’IFE à l’ENS de Lyon
Table ronde 2 : Chercher et faire : recherches et pratiques professionnelles
Animée par : Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale de la fédération des Sgen-CFDT
Viviane Bouysse, Inspectrice générale de l’éducation nationale
Sylvain Connac , enseignant-chercheur en Sciences de l’Education au LIRDEF, maître de conférence à l’Université Paul Valéry à Montpellier
Alain Pothet, IA-IPR, correspondant académique pour l’éducation prioritaire dans l’Académie de Créteil
Table ronde 3 : Formation initiale et continue
Animée par: Jean-Michel Jolion
François Germinet, président de l’université de Cergy-Pontoise, professeur de mathématiques
Jacques Ginestié , professeur en Sciences de l’éducation à l’université d’Aix-Marseille et directeur de l’ESPE Aix-Marseille
Philippe Watrelot , professeur de sciences économiques et sociales, formateur à l’ESPE de Paris
Table ronde 4 : Recherches et décisions politiques
Animée par : Jean-Luc Villeneuve
Roger Fougères, professeur d’université honoraire et président du conseil de l’ESPE de Lyon, Premier chargé de mission pour les instituts Carnot de l’Education, ancien vice président de l’ESR région Rhône Alpes
Françoise Moulin Civil , professeure des universités (Université de Cergy-Pontoise), rectrice et chancelière des universités de l’académie de Lyon de 2012 à 2018
Najat Vallaud-Belkacem , ministre de l’éducation de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la Recherche de 2014 à 2017
Conférence de synthèse : Catherine Moisan , présidente de l’AFAE (Association Française des Acteurs de l’Education), ancienne directrice de la DEPP


Conférence inaugurale interactive par Carine Royer
La recherche et la classe : une relation complexe avec l’exemple de la psychologie cognitive
Note : cet écrit tente de retranscrire une conférence qui s’est dite interactive et qui s’est donc construite avec le public.
J’ai l’honneur et la responsabilité d’inaugurer ce séminaire sur les sciences et la prise de décisions en éducation. Je me suis approprié ce thème sous l’angle de la complexité des liens entre la recherche et la classe. Cette conférence sera interactive. C’est-à-dire que je compte sur le public pour construire le questionnement qui sera à la base de nos réflexions durant un jour et demi, et plus précisément dans chacune des tables-rondes. J’ai organisé cette animation en plusieurs étapes et j’interrogerai le public à chacune d’elle. L’idée est que ces réflexions soient le terreau des réflexions du séminaire.
Je travaille dans une ESPE en tant enseignant-chercheur. Je me pose alors forcément la question du lien entre la recherche et la classe, les professeurs stagiaires nous poussant à le faire au quotidien. Cette année, une formation expérimentale destinée aux professeurs des écoles stagiaires (PES) a été mise en place à l’ESPE de l’académie de Versailles sur le site d’Antony, dans laquelle une place importante a été faite à la sensibilisation à la recherche, sensibilisation qui illustre de manière intéressant la question du séminaire. Aussi, je ponctuerai mon propos d’éléments issus de cette expérimentation en m’appuyant notamment sur un outil que l’équipe a utilisé. En effet, nous avons soumis à certains PES un questionnaire sur leurs représentations du monde de la recherche, ou encore sur ce que représente un travail de recherche pour eux.
Quand on réfléchit au lien entre « sciences » et « prise de décision en éducation », il est nécessaire de s’attarder sur ces deux thèmes. Les échanges préalables avec certains membres du conseil scientifique de l’Iréa, Anne-Marie Chartier, ainsi que Jean-Michel Zakhartchouk et Françoise Cros que je remercie chaleureusement, nous ont permis d’imaginer une déclinaison du concept de « sciences » sous deux angles, celui des connaissances issues de la recherche et celui de la recherche et de l’innovation ainsi qu’une graduation de la décision en trois niveaux, celui de l’enseignement, celui de la formation et le niveau politique. Le croisement de ces deux angles et ces trois niveaux représente la structure de ce séminaire, chaque intervention prenant en compte un niveau et/ou angle.
Etant enseignant-chercheur à l’ESPE, la question que je me pose est celle du lien entre les connaissances issues de la recherche et les prises de décisions pédagogiques des enseignants en classe. Dans ce cadre, la question principale est celle de la transposition directe ou non des données de la recherche dans la classe, ses avantages et ses limites. Je prendrai comme exemple ma discipline, la psychologie cognitive. Les propos suivants n’engageront donc que les domaines de recherche suivant le même type de méthodologie expérimentale.
Les caractéristiques de la recherche et celles des classes sont très différentes. Nous pouvons prendre comme exemple un article d’Ecalle et Magnan (2002), deux chercheurs français spécialistes de l’apprentissage de la lecture, et nous attarder sur la description de leur méthode de recherche dont un extrait est rapporté ici. « Population : l’étude inclut 36 enfants non-lecteurs venant de deux classes différentes de grande section de maternelle. Ils sont tous de langue française et leur âge moyen est de cinq ans et neuf mois avec un écart type de 3,7 mois. Bien qu’aucun programme phonologique n’ait été mis en place, les enseignants de maternelle ont, néanmoins, focalisé certains enseignements sur la perception des phonèmes. Les données ont été recueillies au cours de trois sessions, une en mars-avril, et deux en novembre-décembre. Deux tâches phonologiques ont été administrées en temps 1 et en temps 2. » (Ecalle et Magnan, 2002, traduit) Quelles sont les caractéristiques de la recherche en psychologie cognitive que l’on peut percevoir à travers cette description de méthode ? Quelles sont les limites éventuelles dans la transposition des données issues de la recherche auxquelles on peut penser ? En parallèle, nous pouvons examiner une liste d’élèves de classe et pointer la différence entre ces deux environnements. La liste de classe donne quelques éléments sur des élèves de CM1, comme leur langue maternelle et leur date de naissance. Comment peut-on conceptualiser la différence des caractéristiques entre la population examinée par une recherche et la population de la classe ? Les deux domaines ont des caractéristiques différentes et celles-ci doivent être interrogées quand on réfléchit à la transposition de la recherche sur la classe. Pour la classe, nous constatons des langues maternelles différentes et des âges différents alors que dans l’article de recherche, nous remarquons une certaine homogénéité des caractéristiques des élèves sélectionnés. En effet, tandis que l’enseignant doit prendre en charge chaque élève avec ses caractéristiques propres et doit envisager l’ensemble des facteurs (cognitif, affectif, social…) pouvant impacter l’apprentissage, la démarche de la recherche expérimentale est inverse puisqu’au contraire, elle cherche à faire un « zoom » sur un facteur particulier pour tester une hypothèse spécifique et doit vérifier qu’aucun autre facteur que ceux étudiés ne pourraient biaiser l’interprétation des résultats.
La recherche expérimentale possède d’autres caractéristiques, notamment celle de sa temporalité. Elle se déroule généralement sur des temps que l’on peut estimer courts. Les élèves sont soumis à des tâches ou plus largement à des dispositifs expérimentaux constitués de plusieurs tâches. L’objectif est de tester les hypothèses à un temps T du développement et des apprentissages. Il existe aussi des études émettant des hypothèses sur le développement lui-même (études longitudinales) qui, elles, mettront en place un suivi des élèves. Mais, dans tous les cas, le temps de la recherche ne sera jamais équivalent au temps de la classe.
Un autre aspect nous permet d’interroger les liens entre recherche et classe, c’est celui du caractère provisoire des données issues de la recherche qui peut s’opposer à la recherche de solutions pour tous