Sérénade pour un cerveau musicien
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Sérénade pour un cerveau musicien , livre ebook

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Description

Comment la musique stimule-t-elle notre cerveau ? Édith Piaf et Louis Armstrong peuvent-ils nous aider à supprimer les effets du temps et à combattre le vieillissement ? De quelle manière Mozart, ou un riff de guitare électrique, agit-il sur notre mémoire ? Pour Pierre Lemarquis, la musique existe avant le langage et lui survit dans notre cerveau. Née des émotions, elle module notre humeur, développe nos compétences, renforce les liens sociaux et peut même provoquer des orgasmes ! Amateurs ou professionnels, et quel que soit notre âge, nous possédons tous un cerveau musical qui ne demande qu’à nous aider au cours de notre existence. Tentons de mieux le connaître, et apprenons à le développer !Neurologue, neurophysiologiste, neuropharmacologue, Pierre Lemarquis est membre de la Société française de neurologie, membre de la Société de neurophysiologie de langue française et membre de l’Académie des sciences de New York.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 octobre 2009
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738157959
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , NOVEMBRE  2009 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5795-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Aux Beatles et à leur sous-marin jaune, merveilleuse image de résilience, et pour Wolfi, sans qui la vie serait une erreur.
Programme

Ouverture
 
Premier mouvement. Le cerveau musical existe
Deuxième mouvement. De la musique avant toute chose ?
Troisième mouvement. Les effets de la musique sur le cerveau
Quatrième mouvement. Musique et cerveau social
Cinquième mouvement. Musique et résilience
 
Coda. La flûte enchantée
 
Notes
Bibliographie
Remerciements
Bandol, dimanche 27 janvier, 17 heures.
 
 
 
La municipalité varoise a décidé de fêter la naissance de Mozart et offre un concert dans l’église qui jouxte la mairie. Les auditeurs sont nombreux et comptent une bonne proportion de seniors qui ont écourté leur promenade dominicale sur le port, renonçant au pâle soleil d’hiver ou au shopping. Certains ont le regard perdu et le visage éteint, mais sont entourés de l’affection de quelques proches qui les rassurent. Ils ne reconnaissent pas toujours les amis qui les saluent, mais restent sensibles aux embrassades et s’animent un instant. Je sais qu’ils seront tout à l’heure capables de chantonner la Petite musique de nuit , même s’ils en ont oublié le nom et le compositeur. Un éclair de bonheur traversera leur regard, un sourire fugitif s’inscrira sur leur visage. Je pense à nouveau à cet appel téléphonique de Boris Cyrulnik qui me demande de participer à une réunion. Il me propose un sujet sur musique et résilience au cours du vieillissement, en particulier dans le cadre des interactions tardives dans la maladie d’Alzheimer…
Par habitude, mes yeux cherchent l’orgue de l’église et le localisent à la tribune. Cet instrument électronique m’en rappelle un autre sur lequel j’officiais tous les dimanches pendant mon adolescence à l’église Notre-Dame de la Pinède, à Juan- les-Pins. Un flot de souvenirs heureux me submerge un instant et me serre le cœur : les années lycée, les amis, le festival de jazz, la plage des pirates, les cours de sport séchés pour aller au festival de Cannes, la moto, les premières années de médecine, la découverte de la neurologie avec Benoît Kullmann, mon premier maître. Fin pédagogue doté d’une immense culture neurologique, il cultivait à l’époque une ressemblance avec John Lennon : lunettes rondes, cheveux longs et une passion parallèle pour le rock’n roll et la guitare électrique qui l’avait conduit à former un groupe et à se produire dans la région. Il me parlait des Rolling Stones, d’Eddie Cochran et je lui répondais Jean-Sébastien Bach, François Couperin. Et puis nous avons fini par jeter un pont entre le vigoureux « appel de anches » qui inaugure la célèbre Toccata et la Fugue en ré mineur du cantor de Leipzig et les émotions provoquées par les déhanchements de Presley… La neurologie et les Beatles sont entrés dans ma vie pendant que Beethoven et Mozart se frayaient un chemin dans le cœur de mon aîné si brillant.
Mais qui est donc cet adolescent effronté qui se faufile dans l’église bondée et qui va s’installer au premier rang en se glissant parmi les officiels ? Il n’arrête pas de gesticuler et je me demande s’il ne souffre pas d’une maladie des tics de Gilles de la Tourette. Il fixe les musiciens de son regard vif et perçant, l’air amusé.
Ces derniers sont pour l’instant au nombre de cinq et accordent leurs instruments. Vous reconnaissez la silhouette élancée du violoncelliste Manfred Stilz, déjà très concentré. Maximilian Fröschl, le chef d’orchestre viennois, va diriger l’ensemble des Harmonies d’Orphée. Il arrive sous les applaudissements, souriant et légèrement essoufflé, quelques gouttes de sueur perlent à ses tempes. Il remercie le maire pour son invitation et salue la présence dans l’assistance du sénateur et de son épouse. Il donne ensuite à son habitude quelques explications fort prisées du public sur le programme du concert, avec son enthousiasme, sa connaissance encyclo pédique de l’œuvre de Mozart et son accent autrichien inimitable, prouvant sa parfaite maîtrise de la langue française et de l’oxymore : « La Petite musique de nuit K 525 en sol majeur ( Eine kleine Nachtmusik ) est une sérénade pour quintette à cordes (violon I et II, alto, violoncelle et contrebasse) composée par Wolfgang Amadeus Mozart en 1787.
« Elle met fin à une période d’angoisse de plusieurs mois qui ont vu la mort de Léopold Mozart, le père du musicien, et celle d’un ami proche du compositeur, le comte Hatzfeld, qui avait trente et un ans tout comme lui. La désaffection du public viennois après Les Noces de Figaro et le départ pour l’Angleterre de la cantatrice Nancy Storace, sa plus tendre amie, la créatrice du rôle de Suzanne, ont achevé de meurtrir le musicien qui s’est tu pendant un trimestre, comme son petit sansonnet, lui aussi décédé et enterré avec amour au fond de son jardin. Il crée au printemps deux somptueux quintettes à cordes qui trahissent son inquiétude : même dans les mouvements plus joyeux, Mozart danse au bord d’un gouffre, animé d’un allègre désespoir.
« La Petite musique de nuit signe la guérison qui conduira à la création en octobre à Prague du plus grand opéra de tous les temps : Don Giovanni . Elle est datée du 10 août 1787 et était à l’origine composée de cinq mouvements, avec un premier menuet après l’allegro ; celui-ci a été arraché de la partition initiale et n’a jamais été retrouvé. Même si elle est écrite pour un quintette à cordes, la partition ne comporte en fait que quatre parties, la contrebasse doublant à l’octave inférieure le violoncelle en permanence.
L’œuvre comporte quatre mouvements : « Allegro » ; « Romance, Andante » ; « Menuet, Allegretto » ; « Rondo, Allegro ». La sérénade est une composition musicale en l’honneur de quelqu’un, jouée, comme l’origine de son nom l’indique, en soirée. Ici, le destinataire de l’œuvre n’est pas connu […].»
À Boris Cyrulnik.
À Maximilian Fröschl.
À Benoît Kullmann.
Ouverture

« J’aimais la musique de Mozart », se souvient le roi Bérenger I er qui tente de réunir ses souvenirs, alors que la maladie d’Alzheimer le ronge au fil de la pièce d’Eugène Ionesco Le roi se meurt . « Tu l’oublieras ! », prophétise avec ironie son épouse qui a de bonnes raisons de lui en vouloir. Le roi Lear, quant à lui, est plus chanceux. Sa fille Cordelia, la fille du cœur, celle qu’il avait pourtant rejetée, le sauve de la tempête et tente de le sortir de son chaos intérieur, de sa démence, convoquant les meilleurs thérapeutes du royaume :

« L E MÉDECIN . Plaît-il à votre Majesté que nous éveillions le roi ? Il a dormi longtemps…
C ORDELIA . Faites ce que vous dicte votre savoir, et procédez au gré de votre volonté. L’a-t-on habillé ?
(Entre Lear sur une chaise portée par des serviteurs.)
L E MÉDECIN . Approchez je vous prie, plus fort la musique ! » [ Le Roi Lear , IV, 7.]
William Shakespeare savait les pouvoirs de la musique et les utilisera dans d’autres pièces. Dans Le Marchand de Venise , on lit encore :

« […] Il n’est rien dans la nature de si sensible, de si dur, de si furieux,
Dont la musique ne change pour quelques instants le caractère ;
L’homme qui n’a pas de musique en lui
Et qui n’est pas ému par le concert des sons harmonieux
Est propre aux trahisons, aux perfidies et aux rapines ;
Les mouvements de son âme sont mornes comme la nuit,
Et ses penchants ténébreux comme l’Érèbe ;
Ne vous fiez pas à un tel homme […].»
[Acte V, scène I.]
Écoutons donc la musique !
À la fin du règne d’Elizabeth I re , les Anglais sont devenus un peuple musicien et l’enseignement de la musique constitue une partie importante du cursus scolaire. Shakespeare connaît les Livres de la République de Jean Bodin (1576), ce jurisconsulte, philosophe et théoricien politique français qui fait explicitement référence à la République de Platon, et dont les idées ont influencé l’histoire intellectuelle de l’Europe. Pour lui, la musique est un traitement classique des troubles de l’esprit : « La cadence harmonieuse et mesurée réduit la raison égarée à son principe », ou encore : « La musique guérit les maladies du corps par le moyen de l’âme, comme la médecine guérit l’âme par le moyen du corps. » Platon lui-même disait : « La musique est un moyen plus puissant que tout autre parce que le rythme et l’harmonie ont leur siège dans l’âme. Elle enrichit cette dernière, lui confère la grâce et l’illumine ( République , III). » Dans le Timée , il considère d’un point de vue strictement musical la structure mathématique de l’âme du monde, laquelle comprendrait quatre octaves, une quinte et un ton ! Platon emprunte cette idée d’« harmonie des sphères » aux pythagoriciens, qu’il a rencontrés lors de ses voyages en Italie du Sud et en Sicile : « Qu’y a-t-il de plus sage ? Le nombre et, après lui, celui qui a donné leur nom aux choses. Quelle est l’activité humaine la plus sage ? La médecine. Qu’y a-t-il de plus beau ? L’harmonie. »
Les Grecs de l’Antiquité, les mythes et les théories physiques les plus avant-gardistes disent en fait la même chose : le big-bang aurait été un big-boum, un son primordial qui aurait structuré l’univers ; Shiva danse et crée le monde avec son tambourin ; selon saint Jean, au début était le

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