De la physique avant toute chose
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De la physique avant toute chose , livre ebook

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Description

Ces mémoires d’un physicien sont aussi un témoignage sur l’exil. D’un enfant russe dont les parents ont choisi la France pour fuir le régime communiste. D’un soldat jeté sur les routes par la débâcle. D’un jeune homme traqué par l’occupant allemand. D’un chercheur débutant qui doit aller apprendre sa discipline en Angleterre pour combler le retard de son pays d’adoption. Sur tous ces événements, comme sur sa carrière de physicien au CEA puis de professeur au Collège de France, Anatole Abragam porte un regard toujours amusé, parfois ironique. Il ne s’en déprend pas non plus lorsqu’il explique ses découvertes en résonance magnétique nucléaire pour lesquelles il a reçu les plus hautes distinctions internationales. Anatole Abragam est professeur honoraire au Collège de France.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2001
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738190659
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Réflexions d’un physicien ,
Hermann, 1983.
© É DITIONS O DILE J ACOB, NOVEMBRE 2000
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-9065-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Avant-propos

De la physique avant toute chose ?
Bonne question. La réponse est oui !
 
Tout d’abord un aveu bien agréable quoiqu’un peu tardif : le titre (sans point d’interrogation) n’est pas de moi.
Il m’avait été suggéré par mon collègue et ami Pierre Jacquinot et je l’ai adopté d’enthousiasme tant il me paraissait, avec son charmant clin d’œil à Verlaine, exprimer d’une façon, peut-être un peu grandiloquente, mais, somme toute, très sincère, le rôle que la physique a tenu dans ma vie.
Mais ce titre a aussi une signification moins subjective et plus profonde. De quoi s’agit-il ?
Il s’agit du rôle de la physique dans la science, celle d’hier mais aussi d’aujourd’hui et sans doute de demain. Je pense que la physique demeure la pierre angulaire de toutes les disciplines scientifiques qui décrivent l’essence du monde où nous baignons, y compris nous-mêmes. Je pense plus spécialement à la discipline qui aujourd’hui tient, à juste titre, le devant de la scène par ses succès spectaculaires.
Je reprends ici quelques lignes d’un discours prononcé il y a quelque quinze ans, et plus vrai que jamais, me semble-t-il.
« Je me tourne vers les biologistes dont les progrès foudroyants seraient, selon certains, de nature à rendre jaloux les physiciens. Je n’en crois rien : si les physiciens se réjouissent sincèrement de vos succès, c’est parce que nous vous considérons comme étant des nôtres. Vous avez adopté nos appareils et nos techniques, c’est-à-dire notre hardware , c’est là peu de chose. Mais vous avez adopté notre manière de penser, en quelque sorte notre software, et cela est capital. Sans remonter à Schrödinger et Delbruck, à côté du biologiste James Watson il y avait le physicien Francis Crick. Camarades physiciens de la matière vivante, je vous salue ! »
On trouvera quelques passages que je me suis efforcé de rendre compréhensibles au plus grand nombre, sur la physique, la mienne et celle des autres, marqués d’un astérisque.
Deux astérisques dénotent ceux où je crois avoir atteint (mais non dépassé) la limite de ce que l’on peut expliquer sans formules et sans figures.
Préface

« Le style d’Anatole… J’en ai dit du mal comme toute ma génération mais j’avoue aujourd’hui que j’étais bien ingrat. »
F RANÇOIS M AURIAC.

« La fausse modestie, c’est déjà très bien. »
J ULES R ENARD.

Je commence à raconter ici quelques histoires, des histoires de ma vie et des histoires tout court. Pourquoi ? Qui peuvent-elles intéresser ? Moi-même, aimerais-je pouvoir dire, mais rien n’est moins sûr. Quand il m’arrive, lorsque j’ai du mal à m’endormir (de plus en plus souvent malheureusement), d’essayer d’évoquer tel ou tel incident de mon passé, pour tuer les heures, le résultat est toujours décevant : ennuyeux mais jamais, hélas, au point de m’endormir. À part les somnifères, le seul remède qui agisse parfois est de me réciter des passages d’un poème de Pouchkine, Eugène Onéguine , long de plus de cinq mille vers et que j’ai emmagasiné de force dans ma mémoire dans des circonstances que je raconterai peut-être.
En fait, à ce récit, je vois plusieurs « motivations », comme il faut dire aujourd’hui.
La première, la plus immédiatement « motivante » fut la disposition de cet instrument de libération qu’est une machine à traitement de texte. Dans un film de Frank Capra des années trente, une mère de famille est devenue écrivain parce que quelques années auparavant on lui avait livré par erreur une machine à écrire.
Une seconde raison pour cette absurde entreprise : quelques-unes des petites histoires que je voudrais raconter ont amusé dans le passé mes amis, mes fidèles auditeurs du Collège de France, et mes jeunes collaborateurs. Du moins me l’ont-ils laissé croire en riant de bon cœur. Hélas ils ont fini par les connaître presque toutes. Lorsque j’exerçais les hautes fonctions de directeur de la Physique au Commissariat à l’énergie atomique, j’avais comme adjoint pour les tâches administratives un jeune homme charmant et fort diplomate, nommé Jean Pellerin . Lorsque je lui demandais : « Monsieur Pellerin , aviez-vous déjà entendu cette histoire ? », il répondait avec un charmant sourire : « Pas complètement, monsieur. »
Un nouveau public alors ? Est-ce là ce que je cherche ? Peut-être. On raconte que, dans les manèges, un des défauts des apprentis cavaliers est de glisser peu à peu vers la croupe du cheval, et qu’un de ces débutants, se voyant, malgré ses efforts, arrivé à la queue de l’animal, implora ainsi l’instructeur : « Pourrais-je avoir un autre cheval, celui-ci est fini ? »
Un autre cheval donc, pour remplacer celui qui est fini ? Il y faut quelque circonspection. M. André François-Poncet, qui nous représenta avec tant de lucidité à Berlin, jusqu’à la dernière guerre, avait, dit-on, coutume de réunir ses collaborateurs immédiats tous les matins et de commenter devant eux, avec la finesse et l’esprit d’un grand diplomate de carrière, les événements de la veille, et ses interlocuteurs ne manquaient pas d’apprécier à leur juste valeur les saillies de leur patron. Un matin pourtant, l’un de ses jeunes collègues les plus réceptifs à l’humour du maître, disons, le troisième secrétaire, reste de glace. « Eh ! bien, Dutheillet de La Mothe (je ne sais pas où j’ai entendu ce nom mais il me paraît convenir à un jeune secrétaire d’ambassade de la République), vous n’avez pas saisi ? » s’exclame l’ambassadeur, habitué à plus de réceptivité. « Si, monsieur, mais je suis muté à Copenhague. »
Un nouveau public rirait-il autant que mes jeunes collaborateurs, poussés par l’affection qu’ils me portaient ? Pas sûr ! Pas n’importe quel cheval donc !
Non, ma vraie raison est autre. L’amiral Strauss (beaucoup plus Strauss qu’amiral en vérité), qui présida dans les années cinquante aux destinées de l’Énergie atomique américaine, et qui compte parmi ses titres de gloire la disgrâce de Robert Oppenheimer , avait coutume de dire qu’il ne fallait jamais « déclassifier », c’est-à-dire rendre public, un document « classifié », c’est-à-dire secret. « Une fois déclassifié, disait-il avec beaucoup de bon sens, on ne peut plus le reclassifier. » Ce qui me guide aujourd’hui est un sentiment symétrique, en quelque sorte, de celui qui animait le bon amiral. Je m’explique :
J’ai dépassé ce que la Bible des Anglo-Saxons appelle three score and ten , l’âge assigné à Adam, four score and five maintenant, et quant à ceux dont il pourrait être question dans ces histoires, comme dit Pouchkine, « les uns ne sont plus et les autres, loin ». Ce que je ne raconterai pas aujourd’hui ne sera jamais raconté par personne. Comme notre amiral je suis mû par le sentiment de l’irréversible, de l’irréparable.
Il vaut mieux dire tout de suite que ma déclassification sera, comme celle préconisée par l’amiral, prudente et même réticente. Mon vieux fond judéo-chrétien (plus judéo que chrétien, dernier trait commun avec l’amiral précité) y veillera. Mais il me laissera libre de bavarder, d’aller et venir, de passer du coq à l’âne, comme je voudrai, au mépris de la chronologie. Jean-Luc Godard, interrogé par un journaliste qui lui demandait : « Ne trouvez-vous pas qu’un film devrait avoir un commencement, un milieu et une fin ? », répondit : « Oui, mais pas nécessairement dans cet ordre. » Et maintenant, cut the cackle and come to business ou, si l’on préfère, assez tourné autour du pot.
I
Une enfance russe
Une enfance russe
Les parents, le héros, les lectures, l’école.

« La lecture, ce vice impuni. »

J’ai passé les dix premières années de ma vie à Moscou, la ville aux « quarante fois quarante églises ». Il faut dire toutefois qu’après 1918 les nouveaux maîtres de la Russie n’y étaient pas allés de main morte pour réduire ce carré exorbitant à une valeur plus compatible avec leurs principes et avec les exigences de la modernité. Sait-on que vers la fin des années 1920 il avait été sérieusement question d’abattre l’église Saint-Basile qui trône sur la place Rouge, et qui devait devenir plus tard un point de passage « incontournable » pour les ouailles de l’Intourist, afin de faciliter l’écoulement des voitures automobiles, dont ne manquerait pas de se doter l’État socialiste ? L’État socialiste voyait loin… En tout cas, en juin 1925, lorsqu’un fiacre nous emmena vers la gare où m’attendait mon destin occidental, je puis assurer qu’aucun encombrement d’automobiles ne ralentit notre progression. Je pleurais des larmes amères, non à l’idée de quitter ma patrie, mais parce que l’on m’avait refusé la permission de me rendre à la gare dans l’un des premiers autobus qui commençaient à circuler dans Moscou et où je n’étais jamais monté. Le fait que, comme il n’y avait pas de place pour tous dans le fiacre, une partie de la famille était, elle, véhiculée vers la gare en autobus, n’était pas de nature à atténuer ma douleur. Ce qui freinait encore notre progression, déjà lente, était l’insistance de notre cocher à retirer son bonnet et à faire un grand signe de croix à la vue de chaque église, et il y en avait encore pas mal, qu’il rencontrait sur son trajet. La jalousie à l’égard de ceux qui ét

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