L euthanasie
200 pages

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'euthanasie , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
200 pages

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Ne pouvant supprimer la mort, notre civilisation la retarde jusqu'à l'absurde de l'acharnement thérapeutique, elle la cache dans les hôpitaux. On rêve d'une mort contrôlée, aseptisée, obéissante. Dans la discussion actuelle sur l'euthanasie ceux qui ont une réelle expérience de la mort ne sont pas si nombreux. L'auteur est gériatre. Son métier est d'écouter des malades souvent très âgés, d'entendre leurs volontés et de les respecter. Prenant partie clairement contre l'euthanasie, ce livre constitue une tentative pour redéfinir de façon claire et objective les principales notions qui sont au coeur de ce débat.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2005
Nombre de lectures 172
EAN13 9782336278834

Informations légales : prix de location à la page 0,0005€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2005
9782747578646
EAN : 9782747578646
L'euthanasie

Michel Cavey
A Jean Bernabé
AVERTISSEMENT
Ce texte est le résultat de plusieurs années de réflexion. Pour l’essentiel il a été rédigé au printemps 2004.

Depuis, et en référence explicite à l’« affaire Vincent Humbert », le Parlement s’est saisi de la question de la fin de vie. Au mois de novembre une loi a été votée à l’Assemblée Nationale.

Ceci met-il fin au débat ? Il est probable que non. C’est d’ailleurs ce qu’ont immédiatement affirmé les partisans de l’euthanasie, qui n’ont pas manqué tout à la fois de saluer un texte qui selon eux va dans le bon sens, mais de faire remarquer que cela ne résout en rien la question qu’ils posent et qui est celle du droit de choisir librement sa mort. Et effectivement, ils ont raison.

Le texte voté au Parlement est remarquable. Le lecteur trouvera en fin d’ouvrage une analyse des travaux de la mission parlementaire qui en est à l’origine. La seule critique qu’on peut lui faire est de ne pas apporter de nouveauté : les textes en vigueur suffisaient, et pour qui voulait bien les prendre au sérieux ils définissaient très correctement les droits et les devoirs de chacun. De la sorte la nouvelle loi n’est qu’un apport pédagogique : on a mis en un même lieu les préceptes qui doivent guider l’action, c’est plus clair.

Mais la question de l’euthanasie reste entière. La nouvelle loi a dit des choses sur la fin de vie difficile. Elle en a dit beaucoup moins, et pour cause, sur les situations dramatiques, comme celles de Vincent Humbert, qui concernent des malades qui ne sont pas en fin de vie. Elle a refusé délibérément d’envisager un droit à décider de sa propre mort. Elle a pris clairement position pour sécuriser les décisions d’abandon thérapeutique, elle n’a pas autorisé l’euthanasie.

Qu’elle ait eu raison sur ces deux refus est pour nous une évidence. Mais du coup il y a une autre évidence : les partisans de l’euthanasie vont redoubler d’efforts pour obtenir ce qu’ils veulent. La loi voulait clore le débat, elle n’a fait que l’ouvrir.

Les pages qui suivent se veulent une contribution à ce débat. Disons-le tout de suite : elles sont insuffisantes. Il en va ainsi parce que les problèmes abordés sont difficiles, et qu’une analyse complète conduirait à de très longs développements. Pour ne prendre que cet exemple, on ne peut aborder a question de l’abandon thérapeutique sans faire référence à la philosophie de l’action, qui ne se laisse pas résumer en quelques lignes. Mais si déjà ce texte permet au lecteur de s’orienter et de comprendre comment il doit, s’il le veut, approfondir sa réflexion, il aura rempli sa modeste mission.
10 décembre 2004
INTRODUCTION
Que se passe-t-il avec le débat sur l’euthanasie ? On le voit qui resurgit périodiquement. On ne sait pas très bien à quelles règles mystérieuses ces résurgences obéissent ; il se peut que les raisons en soient purement médiatiques, tant sont télégéniques certains « problèmes de société » ou prétendus tels. Et d’ailleurs aurait-on raison de parler de débat ? On a plutôt le sentiment que les uns et les autres remuent les mêmes arguments et contre-arguments, et que s’il y a une discussion elle n’avance guère.

On sait que d’autres pays au contraire ont choisi d’aborder cette question de front, et que des positions y ont été prises. Le trait le plus saillant de ces positions est leur caractère particulièrement divers (chaque nation élaborant sa solution particulière) et surtout nuancé  : aucun pays ne légalise l’euthanasie, on se contente de procéder à des aménagements juridiques qui tentent de s’en tenir à la plus grande prudence. En tout état de cause on observe à peu près autant de positions que de pays, ce qui montre qu’aucune de ces positions ne fait consensus.

Cependant les partisans d’une loi sur l’euthanasie, constatant que certains pays ont pris des dispositions législatives en ce sens, en profitent pour diviser le monde entre les pays rétrogrades qui ne légifèrent pas et les pays modernes qui ont franchi le Rubicon. Ce raccourci ne peut être accepté tel quel : d’abord parce qu’il fait l’impasse sur l’extrême hétérogénéité des réponses, qui pointe pourtant davantage la perplexité que l’assurance ; ensuite parce que la modernité n’est pas un critère reconnu en éthique. Allons plus loin : il ne suffit pas qu’un texte soit récent pour qu’il soit moderne, et il suffit encore moins qu’il soit moderne pour constituer un progrès.

C’est que dans ce débat comme dans beaucoup d’autres l’approximation règne sans la moindre prudence. On se souvient par exemple que le gouvernement Jospin avait décidé de porter de 12 à 14 semaines le délai légal pendant lequel l’avortement pouvait être réalisé 1  ; cette décision ne semble pas poser de problème éthique particulier. Mais la raison pour laquelle cette extension du délai avait été décidée était qu’il fallait « moderniser notre législation ». Il n’est pas sûr que la nécessité de faire moderne soit une manière pertinente de définir le début de la vie humaine 2 .

L’une des difficultés du débat sur l’euthanasie est sans doute son aspect incroyablement émotionnel, qui pousse les plus sincères à perdre complètement le sens des réalités. En particulier il y a quelque chose d’étrange à voir le nombre de ceux qui semblent parler d’expérience.

Si on considère les partisans de l’euthanasie, on est très vite saisi de perplexité : certes ils militent, mais que connaissent-ils exactement des situations concrètes ? Comment se sont-ils constitué leur savoir ? On suppose bien que les militants, et même les adhérents de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité ont eu une ou deux expériences personnelles ; mais cela ne fait pas une connaissance. Et il est étrange de ne même pas trouver parmi les actions de cette association 3 l’existence d’une cellule d’écoute ou de soutien, qui aurait un intérêt évident en termes d’aide aux personnes et permettrait aussi de constituer un véritable savoir.

Mais les choses ne vont pas mieux du côté des médecins : leur voix fait autorité, soit qu’ils le revendiquent soit que nul ne songe à leur contester une place éminente dans ce débat. Pour tout le monde il va de soi que le médecin est la référence sur cette question. Soit. Il suffit pourtant d’un simple calcul pour entrevoir la réalité.

Il y a eu 540 000 décès en 2003 en France ; il y a 200 000 médecins. En d’autres termes un médecin constate moins de 3 décès par an. Ceci conduit à poser une première question à laquelle on ne s’attendait pas : comment se fait-il que les médecins soient si régulièrement considérés comme faisant autorité en matière de mort ? Comment cela se fait-il, alors que cela est infiniment moins assuré qu’on ne le pense ?

Examinons ce premier point. Il est facile d’objecter que de ce point de vue le corps médical est hétérogène : les médecins administratifs, les chercheurs, les ophtalmologistes sont rarement confrontés à la mort, les réanimateurs, les gériatres, les médecins de soins palliatifs en voient davantage. Certes ; mais les uns et les autres sont des fractions extrêmes de la profession, et leurs effectifs sont confidentiels ; pour les autres, les gros bataillons de la médecine, le chiffre est probablement exact. Il suffit pour s’en convaincre de considérer les médecins généralistes libéraux : sur les 540 000 décès, 70% ont eu lieu à l’hôpital, ce qui revient à dire que les 60 000 médecins généralistes se sont partagé 162 000 décès. On retrouve le même chiffre de deux à trois décès par an.

Contrairement à ce qu’on pense, donc, et d’une manière plus étonnante contrairement à ce qu’eux-mêmes pensent, les médecins sont assez rarement confrontés à la mort. Dans la moyenne, un médecin n’en voit guère plus d’une centaine dans sa carrière. Certes, même si réflexion faite il ne voit pas beaucoup de morts il en voit toujours plus que les autres français 4  ; mais tout de même cela reste assez peu pour faire un expert, et il faut se demander pourquoi il croit l’être. En réalité le médecin ne peut se prévaloir d’aucune compétence en en matière de mort, et l’idée qu’il une autorité dans ce domaine est donc une illusion.

Du fait que les médecins sont, réflexion faite, bien moins experts en mort qu’on ne le croit, il

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents