Dialogues philosophiques sur l’esprit de notre temps
204 pages
Français

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Dialogues philosophiques sur l’esprit de notre temps , livre ebook

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Description

Dialogues socratiques entre un philosophe imaginaire et son disciple sur quelques phénomènes de société, d'un point de vue aussi général que possible - disons anthropologique - mais sans faire appel à un savoir académique. Résultat de réflexions commencées il y a une dizaine d'années, réunies en dix chapitres se relayant comme des associations de pensée dans une cure psychanalytique (l'auteur est psychiatre).

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Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332983442
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-98342-8

© Edilivre, 2016
En mémoire de Georges Suffert


(Les intellectuels en chaise longue)
Présentation
Dialogues socratiques entre un philosophe imaginaire et son disciple sur quelques phénomènes de société, d’un point de vue aussi général que possible – disons anthropologique – mais sans faire appel à un savoir académique.
Résultat de réflexions commencées il y a une dizaine d’années, réunies en dix chapitres se relayant comme des associations de pensée dans une cure psychanalytique (l’auteur est psychiatre).
L’ostensible est fragile


Durable est l’Obscur
Chapitre 1 La vogue des thérapies parallèles ou y a-t-il encore des sorcières ? P = philosophe ; D = disciple
P : En parlant des thérapies « parallèles », qui intéressent tellement les femmes selon toi, tu m’as demandé s’il était encore possible de rencontrer des sorcières à notre époque, en laissant entendre que les pratiques appelées « thérapies » seraient leur héritage 1. . Comment vois-tu la filiation ? Les guérisseuses modernes ne sont quand même pas des empoisonneuses. Il s’agit tout au plus de courants dissidents, aux objectifs thérapeutiques uniquement. Sont-ils pour autant les successeurs des mouvements hérétiques de jadis 2.  ?
D : A vrai dire, je ne me demande pas s’il existe encore des sorcières « comme autrefois », à la fois empoisonneuses et guérisseuses en effet, mais par quoi elles ont été remplacées. Je sais qu’il existe beaucoup de femmes qui sont prêtes à tout – en tout cas à consulter en secret des héritières de sorcières pour contrôler 3. leur mari ou leur amant. Mais pour que ce terme s’applique pleinement aujourd’hui, ne faut-il pas un contexte religieux, qui semble avoir largement disparu et un pouvoir répressif, dont nos démocraties semblent bien dépourvues ? A propos, crois-tu que le féminisme…
P : Je t’arrête parce que je devine ta pensée. Nous risquerions d’être mille fois maudits si nous avions l’outrecuidance de voir les féministes d’aujourd’hui comme des sorcières.
D : Je n’ai pas voulu dire cela !
P : Laissons le féminisme prudemment de côté 4. . Cela dit, tu es « politiquement correct » sans le savoir, car je crois que tu as raison sur le point de vue religieux. C’est le monde catholique 5. en crise lors des guerres de religion qui a considérablement élargi l’intérêt très marginal que l’on portait aux sorcières – des personnes pratiquant des rituels magiques à visée maléfique – jusqu’à ce qu’elle les persécute à grande échelle, ce qui n’était possible qu’en créant de toutes pièces la plupart des accusations. Il y aurait donc eu beaucoup moins de sorcières que ce qu’on croyait alors. Cela dit, cette flambée – si l’on ose employer ce mot – ne correspond pas à une attitude antiféminine de l’Eglise, même si elle a bien été comme on dit « machiste ». Ce qui d’ailleurs n’offusquait personne. En outre, le statut des femmes dans l’Eglise catholique n’est pas la cause de la sorcellerie, pour la raison bien simple que les « sorcières » 6. étaient déjà là avant le christianisme et qu’elles ont persisté à ses côtés, comme elles ont persisté avant lui aux côtés des religions primitives.
D : Le pouvoir du sorcier d’un côté et celui des femmes de l’autre, comme en Afrique…
P : C’est bien cela.
D : S’il faut un contexte religieux, la sorcellerie ne devrait guère avoir de chances de nos jours. Au mieux, ce ne serait qu’une survivance, un archaïsme.
P : Si tu veux dire qu’elle est démodée, je serais prudent : nous allons précisément essayer de découvrir les formes actuelles de sorcellerie. Mais auparavant, essayons de voir l’origine de la forme traditionnelle. Tout d’abord, elle est certainement archaïque au sens de « très ancienne ». Je pense aussi qu’elle a été avant tout une affaire de femmes parce qu’elles avaient tout le temps, pendant que les mâles chassaient, d’étudier le monde végétal et de créer avec les animaux domestiques d’étranges complicités. Et à mes yeux, c’est ce qui définit le mieux la sorcellerie traditionnelle.
D : J’ai souvent entendu dire que les plus anciennes sociétés étaient matriarcales. N’est-ce pas le cadre idéal pour un « witches power », une société qui serait sous le contrôle permanent de rites magiques, genre vaudou, mis en œuvre par des femmes ?
P : Des pratiques comme le vaudou peuvent en effet envoûter – c’est le mot – toute une société, même à notre époque, il suffit pour s’en rendre compte d’aller à Haïti. Par contre, l’idée qu’il ait existé des sociétés matriarcales est considérée comme fausse, si on entend par là que dans les sociétés archaïques les femmes avaient un pouvoir de commandement, car le mot même de société – groupe organisé – est impropre dans les groupes humains primitifs. Ceci dit, alors que le rôle des mâles dans la génération n’était sans doute pas clairement perçu, elles seules assuraient la descendance, c’est-à-dire que non seulement elles engendraient mais elles établissaient les lignages, le lien du sang, qui n’est véritablement consacré que par la maternité. La cohésion d’un groupe dans ces temps reculés dépendait donc des femmes. On le sait par l’étude des « fossiles culturels » que sont les derniers groupes humains primitifs. En Afrique par exemple, on constate très souvent une prépondérance féminine dans le lien social. C’est ce qui explique que l’homme le plus important pour un enfant ne soit pas son père mais son oncle, le frère de sa mère.
D : Cela ne nous dit pas qui prenait les grandes décisions comme lever le camp ou partir en chasse ou en guerre.
P : Dans des groupes très primitifs, il n’y avait peut-être pas de grandes décisions à prendre : il est probable que la chasse ait été moins nécessaire qu’on ne le pense. C’était peut-être déjà un sport d’hommes, un luxe en somme, dans une société où le végétarisme devait prévaloir, lorsque la majorité des ressources provenaient de la cueillette. La guerre devait être quasi un sport aussi, le but étant de capturer des femmes plutôt que des territoires ou des richesses. Quant à la décision de lever le camp, elle devait être le fruit d’une sorte de consensus, comme lorsque des invités se lèvent ensemble, sans s’être concertés et sans l’autorité d’un chef. Quand la table est vide ou le territoire épuisé, chacun sait bien qu’il va falloir partir. Dans une nature relativement généreuse, il ne faut pas de chef puissant pour aller chercher de la nourriture un peu plus loin.
D : Est-ce que ce tableau idyllique était vraiment le mode de vie de la majorité des hommes primitifs ?
P : Ce serait trop beau. Mais on sait du moins que cela est possible, si l’on s’en tient à certaines observations. De toute façon, si on envisage la terre entière, la cueillette et la chasse sont devenues des raretés pour de simples raisons démographiques. Pour accroître le nombre des hommes, il a fallu l’élevage et l’agriculture. Et c’est lorsqu’il y a eu des troupeaux et des champs qu’un pouvoir central s’est imposé, car il faut un chef pour préparer une migration, donner un but, choisir des itinéraires et des points d’arrêt, tout en gardant la cohésion du groupe. Il en faut un aussi pour stocker et partager des ressources agricoles. C’est d’ailleurs avec l’agriculture qu’est apparue la violence, celle du propriétaire défendant son territoire et ses récoltes.
D : C’est l’histoire de Caïn.
P : Tu as raison de le rappeler. On oublie volontiers que le meurtrier est l’homme de l’avenir et que la victime faisait partie d’un monde en voie de disparition, celui des pasteurs nomades, errant pacifiquement où ils voulaient, sans entraves et sans bagages encombrants. L’agriculture, l’instinct de propriété et la violence forment un lien indissociable. Il faut admettre que c’est l’agriculture, en bornant l’espace et en accumulant les richesses, qui a engendré la violence et le pouvoir.
D : Un si grand progrès serait donc la source de tant de maux ?
P : Un pouvoir a besoin de force, mais il doit être modéré. De toute façon, ce qui est nocif, c’est un pouvoir qui s’autodétruit. A mon avis, cela ne survient que lorsque la fonction de chef possède une attraction irrésistible, quelque peu névrotique dirait-on de nos jours. Autrement dit, lorsque l’individu y voit un avantage personnel, aux dépens du service social, qui devrait rester le souci majeur.
D : Mais y a-t-il jamais eu de chefs altruistes ? Combien ont suivi l’exemple de CINCINNATUS ?
P : Lorsqu’un roi est sacré, et tous les anciens rois le sont plus ou moins, il subit beaucoup plus de contraintes qu’on ne l’imagine d’ordinaire. Parfois même il y laisse sa vie, non pas dans une lutte pour le pouvoir, mais dans un sacrifice parfaitement programmé, dont il est la victime.
D : Peut-on parler de pouvoir dans une telle fonction ?
P : La puissance royale dans de telles conditions est quelque chose d’un peu mystérieux pour nous. Mais il faut se souvenir que les impératifs du sacré s’imposaient à tous ceux d’ici-bas, pour juger de ceux qui n’étaient regardés que comme les intermédiaires du seul vrai pouvoir, celui des dieux.
D : Cela nous a passablement éloignés des sorcières.
P : Pas tellement. Dans des sociétés dont on vient de parler, celles où existe un véritable pouvoir central, celui d’un roi-prêtre, les femmes avaient moins que jamais un pouvoir de commandement.
D : C’étaient des sociétés patriarcales…
P :… dans lesquelles les femmes ne pesaient pas lourd. Mais elles possédaient probablement une influence comme médiatrices de forces obscures.
D : Mais ces forces-là étaient complètement imaginaires !
P : Sans doute, mais leur influence n’en était que plus considérable. Exemple fameux : la Pythie en Grèce. Et ce pouvo

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