La Bisexualité et l ordre de la nature
146 pages
Français

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La Bisexualité et l'ordre de la nature , livre ebook

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Description

Notre sexe définit notre identité bien avant notre nom. « C'est une fille ! » ou « C'est un garçon ! » acclame la venue au monde de tout petit d'homme avant d'orienter le choix du prénom. C'est ainsi que tout au long de notre vie, notre sexe détermine nos divers rôles sociaux. Et pourtant, ce livre montre comment des expériences captivantes ont établi que la nature, économe, n'avait conçu qu'un seul modèle, bisexuel. Et comment son développement dans une voie, par inhibition de l'autre, n'était jamais irréversible. C'est une pièce essentielle dans le débat actuel sur le caractère génétique ou non de l'homosexualité. Claude Aron, spécialiste de physiologie de la reproduction, est professeur honoraire de l'université Louis-Pasteur de Strasbourg.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 1996
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738136947
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , FÉVRIER  1996 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3694-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Maudit soit à jamais le rêveur inutile
Qui voulut le premier dans sa stupidité
S’éprenant d’un problème insoluble et stérile
Aux choses de l’amour mêler l’honnêteté.
B AUDELAIRE ,
« Delphine et Hippolyte », Femmes damnées .
Avant-propos

L’idée de ce livre est née de deux rencontres avec des psychobiologistes, des comportementalistes et des physiologistes au cours de deux réunions internationales tenues en France en 1992 et 1993. La première, au château de Bonas, avait pour thème : « Le développement des ressemblances et des différences entre les sexes ». La seconde s’était déroulée à Strasbourg dans le cadre d’un colloque européen sur l’histoire de la physiologie. J’avais présenté à Bonas un rapport sur « Les facteurs innés et acquis de la bisexualité chez le rat mâle » ; et, à Strasbourg, un exposé sur « L’origine et l’évolution du concept biologique de bisexualité ». Or il m’a semblé que la pensée psychobiologique restait étonnamment sourde au langage physiologique ; et même qu’une tentation d’interprétation de la bisexualité, fondée sur des données neuroendocrinologiques bien établies à l’heure actuelle, était encore perçue par certains neurobiologistes comme une sorte d’aventure scientifique !
Qu’on ne se méprenne pas, la bisexualité n’est pas une conduite propre à l’espèce humaine où elle s’exprime par l’attirance qu’un sujet, mâle ou femelle, éprouve pour des partenaires aussi bien de l’un que de l’autre sexe. On la rencontre aussi chez l’animal où son existence a été reconnue dès le début de notre siècle. Des femelles sont capables de monter des congénères de même sexe en mimant la posture copulatoire propre au mâle ; de son côté un rat mâle adopte parfois, lorsqu’il est monté par un partenaire de son sexe, une posture reproduisant fidèlement celle d’une femelle saillie par un mâle. Il s’agit là d’un comportement que l’on dit hétérotypique, parce que non conforme au sexe génétique des animaux, mais aussi et surtout d’une manifestation de la bisexualité car ces femelles et ces mâles sont par ailleurs d’excellents copulateurs lorsqu’ils sont mis en présence de partenaires de sexe opposé. Sont-ce donc des idées préconçues sur une conduite, qui est trop souvent encore considérée communément, à notre époque, comme une déviance sexuelle, qui rendent suspectes, aux yeux de certains biologistes, les recherches sur la bisexualité et les incitent à la reléguer au rang d’une vulgaire curiosité biologique chez l’animal ?
Certes la sexualité est avant tout affaire de procréation même si elle a su s’affranchir, de tout temps, dans la recherche du plaisir, du joug de la génitalité. Chacun sait qu’elle constitue pour la majorité des Invertébrés et des Vertébrés la manière de se reproduire grâce à des cellules spécialisées que l’on appelle les gamètes. Ce sont le spermatozoïde, chez le mâle, et l’œuf ou ovule, chez la femelle, qui s’unissent lors de la fécondation. Si l’on admet, avec Canguilhem, qu’un phénomène est normal parce qu’il est fréquent et non pas fréquent parce qu’il est normal, on est bien obligé de reconnaître que la rencontre amoureuse hétérosexuelle d’un homme et d’une femme représente la normalité biologique dans la sexualité et qu’il en va de même chez l’animal où ce type de rapprochement sexuel, entre des partenaires de sexe opposé, est dit homotypique parce qu’en conformité avec leur sexe génétique. Toujours est-il qu’une fois l’œuf fécondé celui-ci va entamer son développement au cours duquel l’embryon va acquérir, plus ou moins précocement, selon les espèces, son statut biologique de mâle ou de femelle. Une fois atteint l’âge de la maturité sexuelle, ce statut va s’exprimer pleinement, sous l’influence des hormones sécrétées respectivement par le testicule et par l’ovaire, par l’apparition de caractères sexuels anatomiques et physiologiques propres à chacun des deux sexes ; et aussi par la fonction gamétogène qu’exercent alors les glandes génitales. Tout est ainsi mis en place pour un exercice de la sexualité qui, comprise dans son acception physiologique, est dimorphique aussi bien chez l’Homme que chez l’animal.
Les choses sont différentes lorsqu’on envisage les aspects comportementaux de la sexualité car celle-ci, chez l’humain, semble avoir échappé à un strict déterminisme hormonal. Au contraire, le comportement sexuel de l’animal, dans sa forme homotypique, dépend étroitement d’un tel contrôle. C’est ce qui explique que l’on se soit demandé, à mesure que progressaient, à partir des années 1930, les connaissances sur les mécanismes hormonaux du comportement sexuel, quelles aberrations dans ce contrôle étaient susceptibles de susciter une hétérotypie comportementale sexuelle. Pour certains psychanalystes contemporains, la bisexualité représente la racine de la sexualité. Je penserais plutôt que ce sont les mécanismes neuroendocriniens régissant le fonctionnement des gonades et l’élaboration des conduites sexuelles homotypiques qui constituent la base d’une analyse physiologique de la sexualité. Toute réflexion biologique, d’ordre historique et épistémologique, sur ce phénomène doit à mes yeux tenir compte de cette réalité.
C’est dans cette optique que je m’efforcerai de montrer comment a pu se constituer, à travers l’histoire des idées sur la génération, sur la différenciation du sexe, sur le fonctionnement des glandes génitales et sur les mécanismes du comportement sexuel, un corpus de connaissances conduisant à l’élaboration d’un concept biologique de bisexualité.
Un premier chapitre sera consacré à la formation de l’être. C’est un problème plus que deux fois millénaire, car il a fallu attendre la fin du XIX e  siècle pour que la participation effective du père et de la mère dans la génération soit dûment établie. Jusque-là, et pendant plus de vingt siècles, celle-ci avait fait l’objet de théories aussi gratuites que fantaisistes. Pourtant on aurait pu s’attendre à un développement plus rapide des connaissances après qu’on se fut aperçu, au cours du XVII e  siècle, que l’ovaire produisait des œufs aussi bien chez les Mammifères que chez les Oiseaux et que l’on eut décelé la présence de spermatozoïdes dans le sperme. Si grande était la force des fixations mentales que, pendant deux siècles, un conflit souvent passionné opposa les « ovistes » et les « animalculistes », du nom d’animalcule que l’on attribuait alors au spermatozoïde. Les premiers conféraient à l’œuf, les seconds aux spermatozoïdes, un rôle exclusif dans la formation de l’être. La découverte de la fécondation par Hertwig, en 1875, n’a pas seulement mis un terme à ce débat idéologique. Elle a signé le début d’une ère nouvelle dans les connaissances sur la reproduction.
Cette ère est celle de l’élucidation des mécanismes de la détermination du sexe et de la différenciation sexuelle. Elle sera marquée, comme le montrera le deuxième chapitre de cet ouvrage, par d’importantes découvertes. On y a d’abord appris, dès la fin du XIX e  siècle et au début de notre siècle, que la lignée des cellules sexuelles s’isolait précocement, chez l’embryon, des autres cellules de l’organisme. Peu après, on découvrait que la détermination du sexe était liée à certains chromosomes, ces organites qui s’individualisent dans le noyau au moment de la division cellulaire. Ce furent aussi des études sur le développement des glandes génitales qui, menées depuis les années 1900 jusqu’à une époque toute récente, révèlent, dans toutes les classes de Vertébrés, les potentialités bisexuelles des ébauches gonadiques. Celles-ci ont le pouvoir de se développer dans un sens mâle ou femelle non seulement à des périodes précoces du développement mais même à l’âge adulte dans certaines espèces de Vertébrés inférieurs. Les années 1920 à 1950 ont connu un développement remarquable des connaissances sur les mécanismes hormonaux de l’édification des gonades et des conduits génitaux qui leur sont associés. La question fondamentale que l’on se posait était celle du rôle d’éventuelles hormones embryonnaires sur l’expression de la bisexualité potentielle des ébauches gonadiques. Des théories sont alors nées sur les mécanismes de la détermination du sexe qui mettaient en cause plutôt les facteurs par lesquels s’exprimaient des gènes propres respectivement au mâle et à la femelle que ces gènes eux-mêmes. Elles ont débouché sur la mise en évidence, au cours des plus récentes années, du gène porté par un chromosome du mâle, qui est responsable de la différenciation du testicule chez l’homme et d’autres Mammifères.
Le troisième chapitre traitera de l’activité des glandes génitales au service de la procréation. C’est là un vaste domaine de la physiologie de la reproduction. Aussi le limiterai-je aux points indispensables à la compréhension des mécanismes du comportement sexuel dans lesquels sont impliqués, j’y ai déjà fait allusion, respectivement le testicule et l’ovaire. Je montrerai d’abord comment a été établie, au début de notre siècle, au niveau du testicule et peu après à celui de l’ovaire, la source respective de l’hormone mâle et des hormones femelles. Ces découvertes ont signé l’avènement de l’endocrinologie expérimentale et plus spécifiquement encore de

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