Le Secret des Françaises

Aude Veber

Description

Regardez-les, les Françaises, dans la rue. Elles semblent toutes toiser le monde entier en clamant : « oui, je mange du camembert, et oui, c'est moi qui ai inventé le French Kiss ! » Un jour talons-aiguilles, le lendemain Perfecto, le jour d’après les deux en même temps. Instinctives, indépendantes, paradoxales, imprévisibles, elles ne se sont laissé dévorer ni par l’impérialisme masculin ni par le prêt-à-penser féministe. Elles ont chacune cuisiné les paradigmes à leur goût, façonnant ainsi le prototype de l’anti-modèle.
Fortes des fondamentaux acquis par leurs aïeules, les Françaises trouvent désormais leur liberté en marge des dernières avancées féministes.

C’est l’histoire d’une singularité française.

Sujets

• Féminisme
• Philosophie
• Sociologie
• Sciences humaines et sociales
• Sociologie, société et politique
• Sciences humaines
• Sciences sociales

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 09 décembre 2016
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782334241694
• Langue: Français

Extrait

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Cet ouvrage a été composé par Edilivre
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ISBN numérique : 978-2-334-24167-0

© Edilivre, 2016
Je mesure 1,65 m, un carré brun, jean slim, tee-shirt, gilet et Converse blanches habillent mes 50 kg. Je suis mariée et j’ai deux enfants. Je consacre une grande partie de mon temps libre à mon foyer, ce qui m’épanouit en général. En dépit d’études approfondies et brillamment réussies, j’ai un travail de cadre moyennement rémunéré, mais qui m’a permis de mener à bien mes grossesses tout en gardant une activité. Je fais fantasmer 200 millions d’hommes européens, 150 millions d’Américains et surtout 4 milliards de femmes dans le monde.
Je suis… une femme française.
Chapitre I Genèse d’une histoire de femme
Lorsque j’ai appris la mutation de mon mari à Londres, je n’ai pas tout à fait pris conscience de ce que le franchissement de la Manche allait opérer sur ma vie. Pour la première fois, j’ai démissionné, me retrouvant dépendante financièrement dans une ville nouvelle, sans rôle social autre que celui de mère au foyer de deux jeunes enfants.
Brusquement, mon emploi du temps subit un revers violent dont la symphonie se rythma au tempo des tâches ménagères ; une liste à la Prévert, la poésie en moins.
Sur le pont de 7 heures à 23 heures, des horaires de banquier en M&A 1 , la reconnaissance financière et sociale en option. 7 heures, Londres s’éveille, les cris de mon bébé retentissent. L’angoissant compte à rebours du petit déjeuner est lancé. Les minutes passent, jamais les enfants ne se lassent : étalage de Nutella sur les murs, coloriage des interstices du carrelage à la confiture et shampoing aux deux céréales… Sprint vers le 2 e étage, rayon habits pour enfants, où s’ensuit une course-poursuite pour échapper à sa méchante maman qui s’entête à vouloir boudiner la chair de sa chair dans un sous-pull. Pendant ce temps, mon fils s’est parfaitement habillé avec les vêtements qu’il avait choisis, c’est-à-dire le pull tracteur en laine que mamie lui a tricoté – que j’avais pris soin de dissimuler sous la pile de vêtements – et le pantalon rose de sa sœur, car il « aime » la couleur. 8 h 45, la transhumance vers l’école commence, l’aube d’une deuxième journée se hisse. Celle de l’organisation des vacances, l’appel au plombier, la recherche de baby-sitters pour la prochaine soirée, l’appel à belle-maman en allant au pressing… Journées sans pauses, même les plus primitives, mon bébé trouvant nécessaire de m’accompagner jusque dans les contrées les plus retirées de l’intimité. Journées pendant lesquelles mes seuls amis sont les Carla et Marco des centres d’appels décentrés de Rabat et Bangalore, avec lesquels j’ai entretenu d’infinies conversations en vue de déroger à la procédure 31402 du formulaire B64 pour remporter l’exploit d’obtenir l’ouverture d’un compte en banque. Journées scandées de questions métaphysiques après les appels aux fonctionnaires français : mais pourquoi sont-ils tous si méchants avec les ménagères de 33 ans ?
Journées sans vacances, vacances sans journées. Legging et sweat à capuche étaient légion, sacrifier le chic sur l’autel du pratique, ma religion. Petit à petit, je revêtais le costume de house wife pour jouer le rôle principal d’une pièce inspirée par Françoise Dolto 2 . Et pourtant, je gardais à l’esprit qu’il ne m’était pas naturel de devenir dépendante de mon mari et consacrer mes journées à laver la bavette de mes enfants plutôt que de la porter au-dessus de ma robe d’avocat. Pourquoi ressentais-je cela alors que mes congénères anglaises ou allemandes se consacrent 100 % à leur famille sans lever d’objections si particulières ?
Mes amies, restées de l’autre côté de la Manche, me semblaient triompher de toutes les épreuves. Palme d’or de la meilleure working girl ; fourchette de vermeille de la meilleure cuisinière ; cœur d’or de la meilleure belle-fille ; hot d’or de la meilleure amante ; prix Elle Macpherson du corps parfait ; Bisounours de platine de la meilleure maman ; coupe Catherine Deneuve de la sexagénaire irréprochable ; Grammy Awards de la longévité.
Je décidai de consacrer ma troisième journée à comprendre pourquoi et comment les Françaises remportent haut la main le marathon de la vie.
1 . Merger and Acquisition – Fusion et acquisition.
2 . Selon Françoise Dolto, afin de couper court à toute névrose naissante, il est préférable que les mères soient disponibles, qu’elles portent leurs enfants toute la journée dans les bras s’il en a besoin ; qu’elles soient attentives pendant les repas et au moment du coucher, qu’elles prennent du temps pendant la journée pour jouer avec lui, qu’elles aient des attitudes éducatives réfléchies pour ne pas donner libre cours aux impulsions . Les chemins de l’éducation . Articles et conférences. Tome 2.
Chapitre II Le pays des merveilles
Lundi 20 juin 2016, 19 h 30, je demandai à ma fille d’apporter son livre préféré, avant de la prendre sur mes genoux. Ma princesse brandit la couverture rose et argenté de La Belle au bois dormant . J’obtempérai : « Il était une fois une jolie princesse dans un royaume merveilleux… ».
Alors que j’exécutai la lecture du conte, mon esprit divaguait. Il était une fois un pays…
– Qui se hissait à la 15 e place en termes d’égalité homme/femme, derrière le Rwanda, les Philippines, la Slovénie, la Nouvelle-Zélande ou encore le Nicaragua 3  ;
– Où les femmes n’avaient le droit de vote que depuis 1944 ;
– Qui se situait à la 132 e place en termes d’égalité de salaire pour un même poste sur 145 pays examinés par le Forum économique mondial en 2016 ;
– Où la gent féminine gagnait 26 % de moins que les hommes à horaires équivalents, alors que dans le monde, elle gagnait 25 % de moins que les hommes à compétences égales 4  ;
– Où 10 % des femmes travaillaient à temps partiel involontairement (2,8 % pour les hommes en comparaison) ;
– Où 10,6 % des femmes salariées occupaient un contrat à durée déterminée, contre 6,5 % des hommes ;
– Où les pensions de retraite des femmes étaient de 932 euros par mois – se situant en dessous du seuil de pauvreté –, contre 1 603 euros pour les hommes 5  ;
– Où malgré la possibilité pour le père d’obtenir un congé paternité après la naissance 6 , c’était le plus souvent la mère qui réduisait son activité pour s’occuper de son enfant ;
– Où six mois après la naissance d’un enfant, 38 % des mères arrêtaient la pratique d’une activité artistique, contre 18 % des pères ;
– Où 9 % des mères continuaient d’aller à la même fréquence au cinéma, à des expositions ou à des matchs, contre 19 % des pères 7  ;
– Où le temps consacré aux loisirs était moins important pour les femmes qui y consacraient « 3 h 46 », alors que les hommes y passaient « 4 h 24 » par jour 8  ;
– Où en 2010, les femmes vivant en couple et ayant au moins un enfant consacraient trente-quatre heures hebdomadaires de travail domestique contre dix-huit heures pour les hommes dans une situation identique 9  ;
– Où dans l’ensemble des manuels scolaires, les femmes représentaient environ 10 % des personnages 10  ;
– Où entre 75,7 % et 84,2 % des élèves ayant reçu une punition au collège étaient des… garçons 11 .
Je refermai la couverture rose, agrippai Le Petit Prince qui parle à mon sujet de manière bien plus noble.
Ce portrait épouvantable semble être dressé dans un pays sous-développé, et pourtant, il s’agit d’une photo de la situation de la femme en France en 2016.
Contradictions conjuguées à des paradoxes, d’autres chiffres montrent une toute autre réalité de notre pays. 67,7 % des Françaises affirment qu’elles sont heureuses, voire très heureuses 12 .
Sont-elles les nouvelles égéries d’un courant sadomasochiste, ou des philosophes du quotidien discernant plaisir et bonheur pour leur plus grand bien-être ?
J’embrassai ma fille, lui promis des rêves au pays des merveilles, mais aussi qu’ils deviendraient réalité.
3 . Publication du forum économique mondial en date du 15 février 2016.
Le Forum économique mondial analyse en détail quatre domaines :
l’accès à la santé (ratio des naissances hommes/femmes, espérance de vie), l’accès à l’éducation (taux de lettrisme, participation aux différents cycles scolaires), la participation des femmes à l’économie (taux d’activité, égalité de salaire pour un travail égal, écart de salaires moyen, présence aux hauts postes, présence aux postes techniques) et la participation à l’exercice du pouvoir politique (nombre de femmes au Parlement, au gouvernement, nombre d’années avec une femme à la tête du pays durant les cinquante dernières années).
L’Islande se maintient toujours à la première place du classement global depuis 2009, suivie depuis dix ans par la Norvège, la Finlande et la Suède. Le Yémen a toujours figuré à la dernière place, tout comme le Pakistan (144 e ) et le Tchad (145 e ).
4 . PNUD, Les chiffres de la pauvreté, 2014.
5 . DREES, enquête annuelle auprès des caisses de retraite en chiffres clés 2014.
6 . Depuis le 1 er janvier 2002.
7 . DREES – Enquête – Congés autour de la naissance, 2004.
Enquête menée auprès de 2 000 pères et mères d’enfants...