Méchante langue : La légitimité linguistique du français parlé au Québec
102 pages
Français

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Description

Comment expliquer le fait que le français parlé au Québec n’ait pas le prestige accordé généralement à la langue française ? Chantal Bouchard a déjà brillamment abordé cette question dans La langue et le nombril, un livre qui a connu un succès critique considérable. Cette fois-ci, elle remonte aux sources. Tous les témoignages antérieurs à la Révolution française confirment que la langue parlée
au Canada ne se distinguait pas du français de l’époque. Mais alors que le Canada est coupé de ses racines, en France tout est bouleversé par la Révolution et une
nouvelle norme linguistique s’impose. Au surplus, cette norme est réglementée par une politique d’uniformisation
qui rend illégitime toute variation.
Voilà un livre finement argumenté et richement documenté désormais appelé à servir de référence.
Chantal Bouchard est linguiste et professeur au Département de langue et littérature françaises de l’Université McGill, à Montréal. Elle est l’auteur de La langue et le nombril : une histoire sociolinguistique du Québec et de On n’emprunte qu’aux riches : la valeur sociolinguistique et symbolique des emprunts. Elle a également publié l’édition critique d’oeuvres d’Alain Grandbois et de Louis Hémon.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 janvier 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760627376
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection Nouvelles études québécoises

Placée sous la responsabilité du CRILCQ, la collection Nouvelles études québécoises accueille des ouvrages individuels ou collectifs qui témoignent des nouvelles voies de la recherche en études québécoises, principalement dans le domaine littéraire : définition ou élection de nouveaux
La collection Nouvelles études québécoises accueille des ouvrages individuels, et projets, relecture de classiques, élaboration de perspectives critiques et à l'occasion des ouvrages collectifs, qui proposent de nouvelles pistes d'interpré théoriques nouvelles, questionnement des postulats historiographies et réaménagement des frontières disciplinaires y cohabitent librement.

Directeur
Pierre Nepveu, Université de Montréal

Secrétaire
Patrick Poirier, Université de Montréal

Comité éditorial
Marie-Andrée Beaudet, Université Laval
Patrick Poirier, Université de Montréal
E. D. Blodgett, University of Alberta Karim Larose, Université de Montréal
Ginette Michaud, Université de Montréal
Marie-Andrée Beaudet, Université Laval
Élisabeth Nardout-Lafarge, Université de Montréal
E.D. Blodgett, University of Alberta
François Paré, University of Waterloo
Karim Larose, Université de Montréal Ginette Michaud, Université de Montréal

Comité scientifique
Élisabeth Nardout-Lafarge, Université de Montréal
Bernard Andrès, Université du Québec à Montréal
François Paré, University of Waterloo
Patrick Coleman, University of California Jean-Marie Klinkenberg, Université de Liège
Lucie Robert, Université du Québec à Montréal
Marie-Andrée Beaudet, Université Laval
Rainier Grutman, Université d’Ottawa
E.D. Blodgett, University of Alberta
François Dumont, Université Laval
Méchante langue
La légitimité linguistique du parlé français au Québec

Chantal Bouchard

Les Presses de l'Université de Montréal










J’ai demandé quel bateau à vapeur prendre pour aller à Québec ; on m’a répondu : Ne prenez pas celui-là, c’est le plus méchant . Nous disons encore un méchant bateau , mais non ce bateau est méchant . Nous disons un méchant vers , quand par hasard il s’en fait de tels, mais nous ne dirions pas, comme le Misanthrope :
J’en pourrais, par malheur, faire d’aussi méchans.
Pour retrouver vivantes dans la langue les traditions du grand siècle, il faut aller au Canada.
Jean-Jacques Ampère, 1853
Table des matières Couverture Collection Nouvelles études québécoises Titre Table des matières avant-propos CHAPITRE I : Comment une langue perd sa légitimité CHAPITRE 2 : La variation sociolinguistique au cours du XVIIIe siècle CHAPITRE 3 : Le français en Amérique CHAPITRE 4 : La variation linguistique au Québec en 1841 CONCLUSION : À qui la faute ? Bibliographie Crédits
AVANT-PROPOS
Il est assez singulier de retrouver une autre France, exactement telle qu’était la nôtre il y a dix ans : même mœurs, mêmes usages, même idiome, mêmes proverbes populaires [...].

Lettre de Philippe Desjardins à son frère, 5 mai 1793, Québec [ 1 ]


Au cours des années passées à étudier la perception que les Québécois de langue française ont de leur langue depuis le milieu du XIX e siècle, j’avais été amenée à me pencher sur leur histoire sociale, économique et politique. Je pense avoir démontré que l’opinion très négative que les Québécois avaient de leur français dans les années 1950 et 1960 était directement liée au développement d’une image identitaire négative qui avait commencé à se manifester à la fin du XIX e siècle [ 2 ] . Les Canadiens français se voyaient comme formant un peuple dominé politiquement, pauvre, ignorant et condamné à un destin médiocre. Cette image collective s’était elle-même élaborée progressivement sous la pression des événements politiques (la Conquête, les rébellions de 1837 et 1838 et la répression consécutive, le rapport Durham, l’Acte d’Union du Haut et du Bas-Canada de 1841, la Confédération de 1867), événements qui avaient mené à l’impuissance politique d’un peuple minoritaire.
Par ailleurs, la petite société canadienne-française avait également connu de profondes mutations socio-économiques au cours du XIX e siècle qui eurent des conséquences durables sur sa perception d’elle-même. À la suite du changement de régime qui l’avait fait passer sous l’autorité de la couronne britannique, elle s’était dans un premier temps repliée large- ment dans les campagnes, laissant les villes désertées par les élites et la classe marchande aux mains des nouveaux colons et des militaires britanniques.
L’agriculture constituera pendant de nombreuses générations le fondement de son économie. Cependant, vers le milieu du XIX e siècle, les terres arables disponibles qui avaient absorbé jusque-là l’importante croissance démographique se font de plus en plus rares, déterminant l’exode rural d’une grande partie de la classe paysanne.
Forcés de se déplacer vers les villes, en quête de travail pour assurer leur subsistance et celle de leur famille, les habitants , modestes mais autonomes jusque-là, subissent un véritable déclassement social : ils deviennent des ouvriers ou des employés au service de patrons anglophones. La sous-scolarisation des paysans et des ouvriers ne favorisait évidemment pas leur progression sociale, non plus que la possession par les anglophones de la plus grande partie des industries et des commerces. Appauvris, dépendants pour leur survie d’emplois mal payés et précaires, les Canadiens français se sentaient bloqués socialement, piégés dans une position sociale inférieure dont ils n’avaient guère les moyens de s’affranchir.
Il faudra attendre les années 1950 et le boom économique de l’Après-guerre pour que les Canadiens français commencent à se tirer laborieusement de la position d’infériorité où ils étaient tombés et de ses conséquences sur la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur langue.
J’avais montré que parallèlement à ce déclassement social des Canadien français, les opinions sur la langue avaient suivi la même courbe plongeante pour tomber au plus bas vers 1950-1960. Comme j’avais fondé mes analyses sur les textes parus dans les journaux ou les ouvrages et conférences portant sur la langue ce qu’on appelle en termes techniques le discours métalinguistique je n’avais pu remonter au-delà de 1840, puisque c’est vers cette date qu’apparaissent les premiers textes de ce genre, si on excepte quelques chroniques linguistiques parues un peu plus tôt. Impossible, donc, de savoir ce que les Canadiens de 1800 pensaient de leur langue, s’ils la jugeaient bonne, légitime, correcte, ou non.
En revanche, on dispose de nombreux témoignages pour l’époque de la Nouvelle-France et les premières décennies du régime anglais, mais ceux-ci sont le fait d’étrangers de passage ou établis temporairement, souvent des Français, mais pas exclusivement. Or, tous ces témoignages concordent : le français parlé en Nouvelle-France est jugé très positivement, on l’estime conforme au « bon usage » contemporain, et si on distingue quelques différences, elles relèvent pour l’essentiel du vocabulaire ; ni la prononciation ni la syntaxe ne semblent présenter d’écarts particuliers, et si on note bien quelques usages concurrents, ceux-ci correspondent aux variations contemporaines du français en France même.
Par contre, vers le milieu du XIX e siècle, le discours négatif, qui deviendra pratiquement la règle dans la suite et jusque tard au XX e siècle, commence à se manifester. Dès leurs premiers textes sur la question, les lettrés canadiens-français jugent mal la langue de leurs compatriotes. Ils ne sont pas les seuls. Les Anglais, les Américains et les Anglo-Canadiens font de nombreux commentaires dépréciatifs et estiment même souvent que la langue parlée par les Canadiens français n’est qu’un patois. Comment, en l’espace d’à peine plus d’un demi- siècle, en est-on arrivé à un tel retournement et que s’est-il passé au juste entre 1763 et 1840 pour qu’on passe ainsi des éloges au mépris ? C’est la question que j’ai cherché à élucider dans cette étude.


[ 1 ] Laurier Lacroix, «Les tableaux Desjardins, du pillage révolution- naire à la sauvegarde du patrimoine », dans Michel Grenon (dir.), L’ image de la Révolution française au Québec, 1789-1989, Montréal, Hurtubise HMH, 1989, p. 188.
[ 2 ] Voir Chantal Bouchard, La langue et le nombril : une histoire socio- linguistique du Québec, Montréal, Fides, 2002.
Comment une langue perd sa légitimité

Certes, la présence britannique s’est fait sentir très tôt et la langue des Canadiens en a été marquée, mais quelques dizaines d’emprunts dans le vocabulaire suffisent-ils à provoquer un tel déclassement, à une époque où les Français eux-mêmes puisaient largement à la même source ? Par ailleurs, la rupture des contacts entre la France et son ancienne colonie fait bien sûr en sorte que les habitants de cette dernière ne sont plus influencés directement par les transformations linguistiques de l’ex-métropole. Si on se trouvait devant des évolutions parallèles sur deux siècles, il ne serait pas trop surprenant de voir se constituer des variétés linguistiques assez divergentes pour expliquer le phénomène. En l’occurrence, il faut moins de deux générations pour que le français canadien perde sa légitimité, ce qui est un changement brusque, pour ne pas dire brutal.
Enfin, si on cherche dans l’évolution interne de la langue au Québec à cette époque l’explication du retournement de l’opinion, on ne sera guère plus avancé. tout porte à croire, en effet, que les Canadiens se sont montrés fort conservateurs à cet égard. Si l’abbé Philippe Desjardins, auteur de la phrase citée en exergue de l’avant-propos, était resté au Québec au lieu de le quitter en 1802, il aurait probablement pu tenir des propos semblables une trentaine d’années plus tard. En effet, si on peut supposer qu’entre 1793 et 1830, un certain nombre d’anglicismes ont pu pénétrer la langue courante, le phénomène demeure sûrement encore assez limité. Les contacts avec la population

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