Sanaaq
370 pages
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Description

Un roman atypique. Sur la vie. Au jour le jour. Les joies et les peines d’une petite communauté de l’Arctique canadien. On y apprend à construire en toute hâte un iglou, à repérer la glace traîtresse, à chasser l’ours avec des chiens de traîneau, à préparer de la viande séchée de phoque, à interpréter les signes de la présence de Tuurngaq, un esprit auxiliaire de chamane que n’aiment guère les premiers missionnaires chrétiens. Surtout, une expérience rare est ici offerte, celle de voir le monde singulier des Inuit avec les yeux de l’héroïne, Sanaaq. Une femme qui, à l’image de l’auteure du roman, écrivaine analphabète et docteure sans cursus scolaire, ne s’en laisse jamais conter...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 mars 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782902039258
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Éditeur Amaury Levillayer, PhD
Réalisation éditoriale Joël Faucilhon — numérisation Marie-Laure Jouanno — réalisation des pages intérieures Éric Levillayer — correction Olivier Mazoué — logotypes
Illustrations Première de couverture : Mitiarjuk Nappaaluk dans son iglou familial à Kangiqsujuaq (Nunavik, Arctique québécois) durant l’hiver 1966. Photographie prise par Bernard Saladin d’Anglure.
Quatrième de couverture : vue de l’intérieur de l’iglou de Sanaaq où les deux fillettes, Qumaq et Akutsiaq, s’amusent à faire des marques sur le givre de la vitre en glace. Dessin original de Bernard Saladin d’Anglure en 1970
© Éditions Dépaysage, 2022
ISBN (papier) : 978-2-902039-24-1 ISBN (epub) : 978-2-902039-25-8
En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellectuelle du 1 er  juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.


Mitiarjuk Nappaaluk
SANAAQ
-
Roman inuit
Texte recueilli en écriture syllabique inuit, translittéré en orthographe latine et traduit de l’inuktitut par Bernard Saladin d’Anglure, professeur émérite en anthropologie sociale à l’Université Laval à Québec



 
Je dédie ce livre à Claude Lévi-Strauss, qui s’intéressa beaucoup à mes recherches et m’accueillit dans son Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France lorsque je fus nommé chargé de recherche au CNRS.
Je le dédie aussi à mon épouse, l’anthropologue Françoise Morin, qui m’accompagna souvent sur le terrain entre 1988 et 2012 et m’invita à la suivre chez les Shipibo-Konibo d’Amazonie péruvienne qu’elle étudiait, afin de comparer leur chamanisme à celui des Inuit.
— Bernard Saladin d’Anglure, Toulouse, février 2022


Avant-propos -




Mitiarjuk Nappaaluk, devant un magnétophone, lisant l’un des cahiers où elle a écrit son roman Sanaaq. La scène se passe dans la petite maison qu’occupe alors Bernard Saladin d’Anglure à Kangiqsujuaq, dans la baie de Wakeham, au Nunavik (Arctique québécois). On est en avril 1966 et on aperçoit, par la fenêtre, la banquise qui recouvre la baie à cette période de l’année. Mitiarjuk a 35 ans. © Photographie de Bernard Saladin d’Anglure.


S anaaq est un roman singulier, comme l’était son auteure , Mitiarjuk Nappaaluk (1931-2007), une Inuk 1 du Nunavik 2 , analphabète au sens premier du terme : elle ne savait en effet ni lire ni écrire les caractères alphabétiques utilisés pour les langues européennes et adaptés en 1967 pour la langue inuit. Elle n’en mérite pas moins le titre d’écrivaine avec, à son crédit, près d’un millier de pages écrites en caractères syllabiques, créés par des missionnaires wesleyens 3 à la fin du xix e  siècle. Ils voulaient, par ce moyen, faciliter l’adhésion au christianisme des Indiens Cris du Canada, un peuple sans écriture. Le système fut ensuite adapté à la langue inuit de l’actuel Nunavik et du Nunavut 4 par d’autres missionnaires. L’usage s’en répandit rapidement, par imitation ou par apprentissage, à l’aide notamment des nouveaux livres de prière chrétiens.
Mitiarjuk n’est jamais allée à l’école ; elle détient cependant un doctorat honoris causa de l’Université McGill, reçu en juin 2000 pour sa contribution au développement de la langue et de la culture inuit au Nunavik. Autodidacte, elle a su profiter non seulement de l’enseignement de sa mère et des femmes âgées de sa famille pour s’initier aux nombreuses tâches féminines traditionnelles, mais aussi, ce qui est plus rare, de l’enseignement de son père qui lui a appris tous les secrets de la chasse et des activités masculines, car il n’eut jamais de fils et elle était l’aînée de ses trois filles. Il avait une santé fragile et dut souvent la laisser partir seule, à la recherche du gibier. Véritable « troisième genre » culturel et social, Mitiarjuk est progressivement devenue, parmi les siens, une médiatrice entre les hommes et les femmes, et entre les générations. C’est peut-être là que réside le secret de sa créativité qui lui a valu des récompenses prestigieuses, notamment pour son œuvre artistique sculptée dans la pierre (stéatite).
Tout en remplissant avec beaucoup de zèle son rôle d’épouse, de mère puis de grand-mère, elle a toujours aimé participer aux débats politiques et sociaux de sa communauté ainsi qu’aux débats scientifiques, comme ce fut le cas lors de plusieurs congrès internationaux de l’Association Inuksiutiit Katimajiit Inc., éditrice de la revue Études Inuit Studies . Elle adorait, à l’occasion, faire le coup de feu lors des chasses aux mammifères marins ou aux oiseaux, pour améliorer son alimentation dans les camps saisonniers. Elle était, de son vivant, dans son village de Kangiqsujuaq, la personne la plus estimée tant chez les hommes que chez les femmes, et sa réputation a franchi les frontières du Canada. En 1977, Radio Canada lui consacra une émission de télévision, dans la série « Femmes d’aujourd’hui ». En 1999, la Fondation nationale des réalisations autochtones du Canada lui décerna son prix d’excellence et, en 2001, on me demanda de présenter son œuvre à l’UNESCO, à Paris, lors d’un colloque international sur les écrivains autochtones dans le monde.
À l’âge de seize ans, Mitiarjuk fut courtisée par les meilleurs chasseurs de son groupe, attirés par ses qualités et par ses performances, avant d’être donnée en mariage par sa famille au plus jeune des prétendants, lequel accepta de venir vivre chez ses beaux-parents afin de la remplacer comme pourvoyeur de la famille. C’était contraire à l’usage inuit qui veut qu’une épouse aille vivre dans la famille de son mari. Un peu déçue d’avoir à abandonner la chasse, elle consacra les premières années de son mariage à ses enfants et à son mari. Mais, très tôt, elle fut remarquée par les missionnaires catholiques de l’endroit qui voulaient se perfectionner dans l’usage de la langue inuit, notamment le révérend père Lucien Schneider, OMI 5 , qui travaillait à l’élaboration d’un dictionnaire inuit/français et appréciait beaucoup l’aide de Mitiarjuk et de sa cousine Nutaraaluk. Après un transfert dans un village plus au sud (Fort Chimo, aujourd’hui Kuujjuaq) pour des raisons de santé, ce missionnaire fut remplacé par un plus jeune, le révérend père Robert Lechat, OMI, qui fit souvent appel à Mitiarjuk quand il voulait traduire des textes religieux dans la langue inuit. C’est lui qui lui confia des cahiers d’écoliers lignés en lui demandant d’y écrire des phrases contenant le plus de mots possibles relevant de la vie quotidienne. Elle se mit alors à écrire, sous l’iglou ou sous la tente, quand ses enfants étaient endormis ou que ses tâches domestiques lui laissaient quelques loisirs. Puis elle se lassa de ce genre d’écriture et, laissant déborder son imagination, elle inventa des personnages et décrivit leur vie au quotidien, peu avant l’arrivée des Blancs. À l’âge de vingt-deux ans, Mitiarjuk avait ainsi réinventé l’art du roman, alors qu’elle en ignorait jusqu’à l’existence…
Sanaaq est atypique, à deux titres au moins : d’une part, il répond à une demande insolite, celle de transcrire le plus grand nombre possible de termes et de formes grammaticales. Cela explique la profusion du vocabulaire utilisé (près de trois mille termes !) et la redondance dans l’expression, qui se traduit par l’utilisation fréquente de synonymes. D’autre part, pour plusieurs raisons, son écriture s’est échelonnée sur près de vingt années. Une première partie – soit un peu plus de la moitié du roman final – s’arrêtait, dans la version originale, au début du chapitre  xxiii (« La légende de Lumaajuq  »), à cause du départ de l’auteure pour un long séjour à l’hôpital, dans le Sud, suivi par la mutation du père Lechat à Kuujjuaq. Le père Joseph Méeus, OMI, prit le relais auprès de Mitiarjuk et elle rédigea une quarantaine de nouvelles pages, soit les chapitres  xxiv  à  xxxvii , puis elle dut à nouveau partir à l’hôpital, laissant son roman inachevé. Entre-temps, le père Méeus avait lui aussi été muté dans un autre village et Mitiarjuk arrêta d’écrire pendant plusieurs années.
J’avais rencontré le père Lechat en janvier 1956, lors de mon premier séjour dans l’Arctique québécois. C’est lui qui m’accueillit à Kuujjuaq, m’offrit l’hospitalité à la mission et me fit connaître le roman Sanaaq , dont il détenait la première partie, écrite au crayon, presque sans ratures ni ajouts. Avant de quitter Kangiqsujuaq où il était en poste, il en avait en effet fait une première translittération en alphabet latin, avec l’aide de Mitiarjuk, ainsi qu’une traduction partielle. Mais à cette époque, l’orthographe de la langue inuit n’avait pas encore été normalisée et l’imprécision de l’écriture syllabique, l’absence de ponctuation et l’éloignement de l’auteure rendaient la poursuite de sa tâche quasiment impossible. Toutefois, ce qu’il me lut de sa traduction me passionna aussitôt. Je dus néanmoins attendre 1961 pour rencontrer enfin Mitiarjuk, au cours d’une recherche anthropologique à Kangiqsujuaq, et la convaincre de se remettre à écrire. L’année suivante, le père Lechat me confia son manuscrit de Sanaaq afin d’y travailler avec Mitiarjuk. Il fallait essayer de diffuser cette œuvre originale à laquelle je décidai de consacrer mes recherches doctorales. Le père Méeus me remit l’autre partie du manuscrit. Les éléments de base étaient maintenant réunis.
Avec l’appui de Claude Lévi-Strauss, qui supervisait mes travaux au sein du Laboratoire d’anthropologie sociale qu’il avait fondé au Collège de France en 1960, j’obtins du CNRS le financement d’une mission de dix-huit mois pour réaliser mon projet. Je me rendis alors à Kangiqsujuaq au printemps 1965 avec un programm

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