Savoir écrire en sociologie : et dans les sciences sociales
111 pages
Français

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Description

À l’heure où la sociologie comme discipline est mise en cause, du fait qu’elle est davantage littérature que science, cet ouvrage a pour but de discuter ouvertement de son statut et de montrer le rôle crucial qu’y jouent le langage et l’écriture. Ceux-ci sont en effet les seules ressources dont dispose le sociologue pour donner et communiquer les connaissances explicatives produites au nom de la discipline. La portée et le contenu de ce livre résident dans l’intention d’aborder l’écriture sociologique en illustrant l’argumentation par l’analyse sociologique conçue ici à la lumière de la Grounded Theory et de certains logiciels d’analyse de données qualitatives, comme Atlas.ti. L’auteur rend compte, avec une maîtrise consommée, de tous les débats actuellement en jeu.
En conclusion, on trouvera un court texte, par Marianne Champagne, non seulement utile mais aussi inspirant, énonçant les grands principes d’une écriture claire et précise dont le but ultime est la rencontre avec le lecteur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2018
Nombre de lectures 6
EAN13 9782760639669
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Hamel, Jacques, 1956-, auteur
Savoir écrire en sociologie et dans les sciences sociales / Jacques Hamel.
(Paramètres)
Comprend des références bibliographiques.
Publié en formats imprimé(s) et électronique(s).
ISBN 978-2-7606-3964-5
ISBN 978-2-7606-3965-2 (PDF)
ISBN 978-2-7606-3966-9 (EPUB)
1. Sociologie - Art d’écrire. 2. Sociologie - Langage. I. Titre. II. Collection: Paramètres.
HM569.H35 2018 808.06’6301 C2018-941606-8 C2018-941607-6
Dépôt légal: 3 e trimestre 2018
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2018
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).


introduction
Le sociologue comme auteur et le problème de l’écriture
Il faut sans doute être en fin de carrière pour songer à écrire un ouvrage sur l’écriture de la sociologie. En effet, lorsqu’on s’apprête à quitter l’université, après avoir enseigné, écrit et surtout corrigé une foule de copies, l’écriture en sociologie s’impose comme sujet pour dresser une espèce d’état des lieux de la discipline. Car chercher à savoir en quoi consiste l’acte d’écriture en sociologie ne manque pas de ramener sur le tapis les questions sur le statut de la discipline, la rigueur à laquelle elle est tenue et les moyens requis pour être à la hauteur. À la hauteur de quoi, plus précisément? Voilà que surgit le dilemme auquel sont confrontés les sociologues quand il s’agit d’envisager ce à quoi correspond leur discipline. Il faut être aveugle pour ne pas constater que, encore aujourd’hui, la communauté des sociologues est profondément divisée sur le sujet. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les publications à succès, de poser la question aux étudiants novices ou aguerris et d’entendre certains administrateurs d’établissements universitaires, sans parler des dirigeants politiques 1 , pour constater que la sociologie n’est pas toujours prise au sérieux ou est réputée trop défaillante sur le plan de la rigueur pour être pleinement reconnue comme science.
Selon certains, il vaut mieux de ce fait associer la sociologie à la littérature et voir d’un bon œil ce statut auquel on l’a d’ailleurs accolée dès sa naissance. Il serait malvenu de rechigner et de faire croire le contraire. Il n’y a pourtant qu’à les lire pour constater que les sociologues sont rarement de bons écrivains. Le style dont ils font montre dans leurs écrits suffit pour nous interdire de penser le contraire. Il vaut mieux en ce cas lire les œuvres littéraires dignes de ce nom. La lecture ne sera que plus agréable. Si, aujourd’hui comme hier, les sociologues entendent rivaliser avec les écrivains, ils ne pourront le faire à armes égales, faute d’aptitudes ou de talent. Ils n’ont rien à gagner sur ce terrain, et se livrer à la concurrence pour savoir qui a la plus belle plume risque de pousser leur maigre lectorat vers la littérature.
La réflexivité consécutive à la modernité, en bref, conduit certains sociologues à reconnaître de bonne grâce que tout un chacun, dans les conditions qui s’y prêtent, peut expliquer en termes sociologiques. Il suffit de collecter des récits de vie, de les recueillir de la bouche d’interlocuteurs jugés représentatifs et de les publier en y apportant les formes nécessaires, sans en compromettre l’authenticité, pour faire rayonner la pensée sociale susceptible de rendre raison sous l’optique sociologique, mais en termes concrets ou pratiques. La sociologie devient ainsi «sociologie narrative» capable de rayonner à une large échelle en l’absence du jargon théorique souvent responsable du manque d’intérêt public à l’égard de la discipline. En voulant mettre sur un pied d’égalité connaissance pratique et connaissance théorique de la société, en s’évertuant à gommer leurs différences, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, les sociologues contribuent eux-mêmes à réduire à zéro l’intérêt à exercer le métier. Il n’y a pourtant rien de préjudiciable à vouloir distinguer l’écriture des sociologues de celle des individus qu’ils invitent à jeter leur vie sur papier. Si, comme ici, on le fait, cela ne traduit nullement la volonté de marquer la supériorité de la connaissance sociologique par rapport à la connaissance pratique à l’œuvre dans la personne même des sociologues, leur corps et leur esprit. Il s’agit simplement de marquer la différence et de savoir ce à quoi elle tient.
Si la sociologie n’est pas littérature, qu’est-elle au juste? Certains historiens et épistémologues, avisés au demeurant, l’envisagent en une position intermédiaire. Le raisonnement sociologique pour Jean-Claude Passeron correspond à une entreprise à mi-chemin entre l’histoire et la science, tandis que Wolf Lepenies affirme de manière plus radicale que la sociologie oscille – tant bien que mal – entre littérature et science sans être ni l’une ni l’autre. L’écriture témoigne de la fragilité de cette position. La sociologie n’est nullement parvenue à mettre au point un langage formel ou symbolique pour être en droit de se reconnaître comme science. Les explications sociologiques se formulent en mots de tous les jours et, par conséquent, sont immédiatement sujettes aux ambiguïtés et aux confusions qui rendent impossibles la rigueur et l’objectivité propres à la science. Les sociologues peuvent dans une certaine mesure expliquer, au sens qu’a ce mot en science, mais leurs théories restent largement «indexées» aux configurations historiques dans lesquelles est englobé ce qu’ils cherchent à connaître. Le capitalisme manufacturier observé par Marx n’a rien à voir avec le capitalisme financier en vigueur de nos jours et donc la théorie marxiste tourne à vide, tant son écriture correspond à une époque révolue. Que veut dire «prolétariat» et «classe ouvrière» à l’heure où la «production matérielle» migre vers les pays à bas salaire et engendre une sorte d’esclavage?
Comment écrire en sociologie pour qui, novice ou aguerri, ne se frotte à la littérature et à l’histoire que de manière incidente et sans développer une véritable passion pour l’une ou l’autre? L’histoire de la sociologie américaine nous apprend que, pendant un temps, les sociologues ont fait bon ménage avec le journalisme. Certaines figures emblématiques de l’École de Chicago, Robert Park au premier chef, se faisaient fort de considérer «le sociologue comme une sorte de super-reporter» à la différence «qu’un sociologue est tout simplement un reporter plus scientifique, plus précis, plus responsable 2 ». Il importe de noter que Park avait été lui-même journaliste avant de se convertir, sur le tard, au métier de sociologue. L’ère du Web et des réseaux sociaux, responsables de la circulation rapide de l’information, pousse encore aujourd’hui la discipline vers le journalisme qui, en Amérique, a infléchi le développement de la sociologie. Les sociologues, force est de l’admettre, sont aujourd’hui nombreux à évoluer dans les médias, à se faire commentateurs de l’actualité ou journalistes en titre. Ils animent des blogues ou des pages Facebook et s’expriment via Twitter et, ce faisant, laissent croire – sans mauvaise intention – que la sociologie se révèle une forme de journalisme qui, dans le feu de l’actualité, étendue aux événements survenus aux quatre coins de la planète, trouve son droit et sa légitimité.
Si, aux yeux de Park, le «sociologue est tout simplement un reporter plus scientifique, plus précis, plus responsable», peut-on faire le pas et, faisant preuve d’ambition, penser que la sociologie est une science? Cette caractérisation a été jadis évoquée, pour ne pas dire invoquée, par les auteurs du Métier de sociologue, selon lesquels toutefois la «sociologie est une science comme les autres, qui a plus de difficultés que les autres à être une science comme les autres 3 ». Sans qu’il y paraisse, l’écriture s’avère la principale affaire pour que la sociologie puisse être considérée comme une science, ainsi qu’on le verra plus loin. Voilà longtemps, à l’époque où l’auteur de ces lignes faisait ses premières armes, la sociologie, désireuse d’être enfin une science, s’est tournée vers Karl Popper afin de pouvoir la concevoir sous ce chef en termes proprement épistémologiques. Sans aller dans le menu détail, disons simplement que la science se conçoit chez cet auteur en fonction de la capacité à formuler des énoncés susceptibles d’être mis à l’épreuve et d’être éventuellement réfutés. L’écriture, on s’en doute, requiert dans cette perspective une attention soutenue à la lumière d’exigences ou de contraintes qui ont valeur normative. En effet, elle doit fournir à l’énoncé la qualité d’être contredit qui, aux yeux de Popper, est la pierre angulaire de l’explication scientifique. Écrit en conséquence, pour avoir cette robustesse, l’énoncé peut dès lors expliquer en ayant le pouvoir de prédire. L’explication vaut ainsi jusqu’à preuve du contraire, selon la formule consacrée. La valeur explicative de l’énoncé est déboutée en décelant des ratés dans sa formulation ou dans sa capacité à prédire.
L’épistémologie contemporaine, on le verra plus loin, est venue passablement nuancer la conception de la science née entre autres des considérations de Popper sur le sujet. Elle a d’abord mis en cause la nature prédictive des énoncés pour que leur soit reconnu un pouvoir explicatif. La formule du mathématicien René Thom, «prédire n’est pas expliquer», a pris valeur de credo pour jeter le doute non seulement sur les principes de la formulation des énoncés pouvant donner corps aux explications scientifiques, mais aussi dans la foulée sur la conception poppérienne de la science. Le philosophe des sciences Gilles-Gaston Granger s’est par exemple employé à nuancer la conception de la scie

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