Le Grand Dédé
92 pages
Français

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Description

Depuis son inscription à la salle de sport, il n’était plus le même. Il était obsédé par son poids. Lui, toujours si jovial et d’humeur égale, avait comme des passages à vide. Dans ces moments-là, nous ne le reconnaissions plus.


D’aimable, il devenait nerveux. Il n’y avait aucun motif pour expliquer la hargne qui l’envahissait. Quand il rentrait après l’entraînement à la salle, soit il était euphorique ou bien abattu, comme au seuil de la dépression. Quand il redevenait normal, nous en profitions pour le questionner. Il nous disait de ne pas nous en faire. Ce n’était qu’une question de temps. Tout irait bientôt beaucoup mieux.


La police ne veut pas bouger. Elle appuie sa théorie sur les deux rapports médicaux délivrés lors du décès. Nous avons contacté notre médecin traitant. Il a dit que ses confrères avaient bien fait leur travail. Il n’y avait rien à ajouter. On ne savait jamais quand la faucheuse allait frapper.


Sincères condoléances !

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 11
EAN13 9782376920199
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’esprit des aigles Chaussée de Forest, 22 1060 Saint Gilles Bruxelles http://espritdesaigles.e-monsite.com ISBN (version papier) : 978-2-87485-027-1 ISBN (versions numériques) : 978-2-37692-019-9 Versions eBooks réalisées parIS Editionvia son labelLibres d’écrire.
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur, de ses ayants-droits, ou de l’éditeur, est illicite et constitue une contref açon, aux termes de l’article L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Chapitre I
À sept heures du matin, André Gard, dit le Grand Dé dé, détective à Belvier, fut réveillé en sursaut par un bruit grinçant de pédaliers rouillés et d’énormes éclats de rire. Il reconnut immédiatement les voix de ses trois vieux potes, Mathieu, Ferdinand et Arthur. Surpris par l’heure matinale, il se précipita à la fenêtre. Le spectacle valait le déplacement. Les terribles, hab illés comme des cyclistes des années cinquante, pédalaient de tous leurs muscles défaillants, en tentant de faire avancer des bécanes aussi vieilles qu’eux. René, le patron du Bistrot d’en face, déjà en train de balayer sa terrasse, leur lança : – C’est pas avec vos mollets de coq que vous gagnerez le Tour de France… – Et toi, c’est pas en restant appuyé sur ton balai comme un ouvrier communal, que tu arriveras à décoller les crottes du chien de la Suzanne de ton tarmac, rétorqua Mathieu. – Où allez-vous de sitôt ? demanda Dédé, étonné de les voir en pleine forme après la soirée passée au Bistrot. – On va se muscler les ‘jumeaux’, cria Arthur en le vant haut son majeur à l’attention de René. – Avec des vélos qui pédalent carré, c’est sûr qu’o n va y arriver, gémit Ferdinand qui soufflait déjà comme un phoque. Le trio à peine parti, René invita Dédé à venir prendre le petit déjeuner avec lui. Habitué, mais toujours pas convaincu de la saveur d e son café en poudre, le jeune homme ne se fit pas prier. Cinq minutes plus tard il était installé au comptoir. – Quelle mouche les pique ? demanda-t-il à René. – Je parie tout ce que tu veux qu’ils vont se rense igner sur la nouvelle salle de sport à Marnier. Je me les suis encore coltinés au moins une heure après ton départ. Ils parlaient de la pub qu’ils avaient vue à la télé en se tâtant les dessous de bras à tour de rôle. Mathieu en a conclu que sa peau flottait comme une bannière. Ferdinand a opté pour des ailes de chauve -souris. Plus fier, comme à son habitude, Arthur s’est contenté de dire qu’ils devaient passer à l’action sans attendre. Après quoi, ils ont parlé haltères, banc de muscu, cardio et le reste. Jusqu’à ce que Mathieu décide qu’ils devaient aller remettre les machines au top pour être prêts à sept heures. Sais pas s’il parlai t d’eux ou de leurs bicyclettes. N’auront guère dormi cette nuit. Mais t’inquiète, ils seront de retour pour l’apéro. Sont increvables, ces vieux cons-là ! Bien vu ! L’horloge de l’église de Belvier marquait pile onze heures quand les trois sportifs amateurs, dégoulinants de sueur, fir ent leur joyeuse entrée au Bistrot. – Quatre heures de vélo, vous vous remettez au sport ? demanda René. – Une heure de pédalier et trois arrêts bibine ! Fa ut pas se laisser déshydrater. T’attends quoi pour mettre une rafale ? Cré tonnerre ! souffla Mathieu entre deux
respirations haletantes. – Enfin une bonne parole, soupira Ferdinand. – N’ont pas de vin rouge à Marnier ? demanda Dédé. – Si ! Mais le sport, c’est le sport ! On a bu des boissons énergisantes. Ne nous demande pas la marque, on a oublié. C’est dégueu ce s trucs-là. Mais ça aide… Après ça, on se serait cru sur un vélo en carbone. On ne pédalait plus, on volait ! – Si vous le dites, ronchonna René. – Vous allez faire ça tous les matins ? demanda Déd é sans avoir l’air d’y toucher. – Arrête de faire l’imbécile. Le tamtam a déjà sûre ment fonctionné. On est allé se renseigner à la salle de bodybuilding. On veut retrouver la forme de nos vingt ans. Nous faut juste un papier du docteur pour cert ifier qu’on est apte. Ils ne prennent pas de risque ces gens-là, affirma Arthur. – Puis, si t’avais vu les nanas s’entraîner… Musclé es à souhait qu’elles sont. Côté face, rien qui bouge. Côté pile, c’est pareil ! Des fesses dures comme du plomb. Tu ne saurais même dire la forme de leurs sous-vêtements, avec en plus, le sourire éclatant du plombier surmonté de deux pe tites fossettes belles à croquer. Ah, on va en prendre plein la vue, c’est sûr ! Faudra juste se mettre à la bonne place, clama Ferdinand tout excité rien qu’à l’idée… – Vieux sagouin ! Fais-toi remarquer, ils nous donn eront notre billet de sortie sans hésiter. On a décidé d’être sérieux et on le sera. Sinon, tu restes chez toi ou alors j’y vais pas ! coupa Mathieu. L’arrivée de René, mais surtout les verres et la bo uteille de pinard, coupèrent court à la conversation. Ils plongèrent sur la boisson chère à leur cœur sans dire un mot. D’une rasade à l’autre, ils eurent vite fai t de vider la bouteille et d’en recommander une deuxième. Amusé, André Gard souriait en pensant que leurs bonnes résolutions ne dureraient pas longtemps. Aya nt capté son regard moqueur, Arthur l’apostropha : – Pas besoin de rigoler en douce. On n’a pas dit qu ’on ne boirait plus. On fera juste gaffe quand on sera à la salle. Mais t’inquiè te, on sera de retour pour tous les jours pour l’apéro ! On n’est pas des ingrats. On ne voudrait pas que René fasse faillite. – Fera pas faillite, la relève est assurée, lancère nt trois jeunes de Belvier en s’accoudant au comptoir. Les vieux ne pipèrent mot, ils se contentèrent just e de leur lancer un regard assassin dont ils avaient le secret. Puis, n’y tenant plus, Ferdinand lança la vanne qu’il retenait entre ses dents depuis cinq minutes : – Pauvres petites couilles molles, vous n’êtes pas encore prêts à nous rattraper question résistance. De la pisse de chat à trois de grés, c’est pour les apprentis ! Nous, on est des vrais ! Pas des ramollis du coude ni du portefeuille. On a l’entraînement et la santé, nous !
Il en avait trop dit. Blessés dans leur amour-propr e de picoleurs amateurs, les jeunes changèrent de bière pour en choisir une plus forte. On se serait cru à un concours d’endurance. Chaque fois que les vieux recommandaient une rafale, les trois piliers de comptoir faisaient pareil. Ils n’a vaient pas encore atteint le même degré d’alcoolémie avec leur nouvelle boisson, mais vu la différence de capacité, ils étaient obligés de faire cul-sec à chaque tourn ée pour réussir à suivre la capacité de descente des vieux. Deux heures plus tard, les voyant vaciller dans tous les sens, Arthur, Ferdinand et Mathieu, pris d’une soudaine culpabilité, mais t oujours droits comme des I, décidèrent de les raccompagner chez eux en les tanç ant d’irresponsables. En chemin, ils leur expliquèrent que c’était toujours le premier verre qui tuait. On ne s’attaquait pas à des adversaires plus forts que so i. C’était perdu d’avance. Ils devaient se mettre au sport, c’était beaucoup plus sain. D’ailleurs, ils n’avaient qu’à les accompagner le lendemain à la salle de Mar nier. Rendez-vous devant l’église à sept heures. Un des jeunes, resté un peu plus lucide que ses compères, affirma qu’ils y seraient. C’est là qu’on saurait q ui en avait le plus dans le pantalon. Arrivé devant chez lui, il ajouta, en ent raînant ses potes à sa suite : vous l’aurez voulu. On va bien se marrer. À demain les pépés ! Sur cette bonne parole, les vieux reprirent le chem in du Bistrot en silence. Le jeune poivrot avait raison. Ils seraient sûrement plus forts qu’eux. – Quelle tronche ! Ils vous ont insultés ? demanda Dédé devant l’air affligé de ses trois vieux amis. – Non ! Nous ont juste traités de pépés. Quelle idée aussi des les inviter à venir avec nous à la salle de sport ! On ne tiendra pas l e coup, c’est sûr ! On sera seulement à la sortie de Belvier qu’ils seront déjà à Marnier, pleurnicha Ferdinand. – Allez René, une rafale ! Demain est un autre jour, lança Mathieu. – Ta femme vient à quelle heure ? demanda Arthur à René. – Vers dix-sept heures. Pourquoi ? – Téléphone-lui qu’elle apporte des entrecôtes et tout ce qui va avec. Nous faut des forces. C’est moi qui régale ! On va montrer à ces petits cons de quoi les pépés sont capables. – Bonne idée ! Me rappelle plus d’en avoir mangé. Y a pas ça dans les plats surgelés, constata Ferdinand qui ne se nourrissait que de repas prêts à réchauffer. Pareil pour Mathieu et Arthur. Du coup, ils en avaient tous les trois conclu que le micro-ondes était ce que Dieu avait fait de mieux après eux… Une fois la panse pleine, les vieux annoncèrent qu’ils allaient trouver le toubib pour le fameux certificat demandé par lecoach. Après quoi, ils rentreraient chez eux. Ils devaient se reposer. Ils auraient dû acheter les boisons énergisantes ou
encore protéinées proposées par le gérant de la salle. Hélas, ils ne savaient pas qu’à cause de leur grande gueule, ils auraient un d éfi à relever le lendemain. Et quel défi ! René les rassura en leur recommandant d e prendre un solide petit déjeuner avant de partir pour ne pas faire d’hypo en route ou au sport. Les trois lascars à peine sortis, Dédé posa la ques tion qui lui brûlait les lèvres depuis un moment. – C’est quoi cette histoire d’énergisants et de protéines ? demanda-t-il à Josette, la femme de René. – Sais pas. Peut-être des trucs pour prendre des forces ? Mais sûrement rien de bon. Renseigne-toi sur le Net, on ne sait jamais. – Et toi, pas d’enquête en cours ? demanda René. – Bof, tu sais bien, la routine. Rien d’affolant ni de lucratif non plus. Tu peux avoir toutes les pubs que tu veux, genre journaux o u TV, c’est pas ça qui fait avancer le schmilblick. Ça reste régional et basta ! Comme c’est le calme plat pour le moment dans la région… Je me demande souven t si je ne vais pas changer de métier. Mais pour faire quoi ? – Ça mon gars, je n’en sais rien. Puis sans diplôme… T’inquiète, les temps sont durs pour tout le monde. Sais pas où on va, mais on y va ! – C’est sûr ! Allez à demain ! Il n’était que dix-huit heures. André Gard tourna e n rond un quart d’heure dans son salon puis décida d’aller faire un tour à Marni er. Vu le manque de clients, il n’avait pas bougé depuis plusieurs jours. Il fallait aérer Gertrude, la vieille moto offerte par Mathieu au début de sa ‘carrière’ de dé tective. Sinon, quand il en aurait besoin, elle lui ferait des caprices au démarrage. S’il avait une urgence, ça ne serait pas de bon ton. Et comme il ne supportait pas qu’une machine lui résiste… On était lundi. Il ne devait pas y avoir une grande animation à Marnier non plus. C’était le jour de fermeture des trois-quarts des c ommerces. Il commença à tourner dans la ville à la recherche d’une terrasse , nada ! Les quelques commerçants ouverts avaient déjà rentré leurs faute uils. Dédé soupira, puis il décida d’aller en reconnaissance du coté de la sall e de sport, un gros bâtiment moderne en blocs de béton peints en blanc. Des fenê tres, tout en longueur, occultées de plastique adhésif opaque, découpaient la façade d’un bout à l’autre en longs rectangles. Au-dessus de la grande porte d’entrée, vitrée de haut en bas mais transparente, on pouvait voir un grand panneau noir où il était écrit en grosses lettres d’un rouge vif «Haltères, Biscotos, chocolat ! »Avec de chaque côté, peint à même le mur, un bras au poing serré p our faire ressortir un énorme biceps. « Le patron a de l’humour, c’est déjà ça ! » sourit Dédé. En retournant vers Belvier, il vit que la pizzéria où il avait ses habitudes était ouverte. L’entrecôte digérée depuis longtemps, il s ’attabla et commanda un plat de pâtes aux quatre fromages arrosé de son sempiternel diabolo-menthe. Habitué
aux mélanges peu gastronomiques du jeune homme, Mar io, le serveur, n’éleva pas d’objections sur la sûreté de ses goûts. Il lui dit simplement qu’il lui faudrait patienter un peu. Il avait une réservation pour dix personnes. Elles devraient déjà être là. C’était lundi, le chef était seul en cuisine. Donc… Au même moment, le groupe attendu arriva en rigolant et s’installa à une grande table proche de la sienne. Huit hommes, deux femmes. Tous habillés de trainings ou autres vêtements de sport. « Biscotos, chocolat… Tu parles ! » dit un petit gros en se tâtant les abdominaux. Les autres éclatèrent de rire. Un grand échalas, pauvre en muscles mais fort en gueule, lui fit rema rquer qu’il n’allait pas fondre après dix séances, surtout s’il les faisait suivre de pizzas et de pinard. Et d’ailleurs, comment avait-il encore faim après avoi r avalé deux milkshakes protéinés ? Quand on voulait quelque chose, il fallait de la volonté. Il n’y avait pas de secret ! Le petit gros lui lança un regard de re proche, un sec « va te faire foutre ! » et s’en alla. « Voilà, t’as gagné ! » mu rmura une des deux filles, une blonde pulpeuse sur qui les exercices d’endurance ne devaient pas avoir d’effets miraculeux non plus. Sur ces bonnes paroles, ils plongèrent tous du nez dans les assiettes posées sur la table par le serveur. L’amb iance était retombée de plusieurs crans d’un coup ! Les penne aux quatre fromages dévorées de bon appétit, Dédé rentra chez lui sans se presser. Quand il arriva à Belvier, le Bistrot avait fermé ses volets. Profitant de l’absence annoncée des vieux, René s’était octroyé une soirée de congé avec sa chérie. Fataliste, André Gard haussa les épaules et s’insta lla dans son canapé, ordinateur portable sur les genoux. C’est là qu’il se réveilla le lendemain au son tonitruant des sonnettes de vélos des huit sportifs sur le départ. Il grommela « bande d’emmerdeurs ! », avant de repiquer un somme. Tout guillerets, Ferdinand, Mathieu et Arthur arrivèrent au Bistrot vers midi. Les jeunes ne les accompagnaient pas. – Où sont les autres ? demanda René. – Déjà rentrés depuis longtemps. On ne leur avait pas dit qu’ils devaient passer chez le doc avant. Puis, vu leurs têtes quand le gars de la salle leur a fait essayer les engins, m’étonnerait qu’ils se représentent, rigola Mathieu avant de lancer son éternel : fait sec ! Contrairement à son habitude, Ferdinand ne disait r ien. Il se contentait de se frotter les mollets, l’un contre l’autre, en prenant bien garde à ce que les autres ne s’aperçoivent de rien. Raté ! – T’as des crampes ? Voilà ce que c’est quand on ve ut jouer les coqs de bruyère pour épater les donzelles. Tendeur de courr oie à fond. Debout sur les pédales pour parvenir à les faire bouger, qu’il éta it. Mais le pire, c’est quand il s’est attaqué au tapis roulant. Grande vitesse et paf ! Collé au sol à plat ventre, le gaillard. Les gens ont bien rigolé et nous aussi, cré tonnerre ! lança Mathieu.
– Marrez-vous ! Quand on vous regarde on se demande ce que vous foutez là. On dirait des vieux en déficit respiratoire chez le kiné à l’hospice. Vous manque plus que l’oxygène. Si ça continue, il vous faudra trois jours pour arriver à Marnier. Sourire aux lèvres, René et Dédé attendaient impatiemment la réplique des deux autres teigneux. Ils en furent pour leurs frais. Silence complet, regards de dédain et haussement d’épaules, c’est tout ce que Ferdinan d récolta en guise de réponse. Profitant de l’accalmie, André Gard leur e xpliqua qu’il était allé faire un tour du côté de la salle la veille. Puis, il leur d emanda si ce genre d’activités drainait beaucoup de monde. Pour terminer par leur raconter la prise de bec à laquelle il avait assisté à la pizzeria entre un petit gros et un grand sec. Au vu de leurs survêtements, il en avait conclu qu’il s’agissait de personnes revenant d’une séance d’entraînement. Mathieu lui répondit que le matin c’était beaucoup des gens de leur âge, femelles et mâles confondus. Il a vait vu un jeune gars bien enrobé, et une jeune blonde qui ne l’était pas moins, le matin à la cafétéria. Ils se goinfraient tous les deux de barres et de boissons protéinées. C’était leur petit déjeuner avaient-ils dit au barman. L’autre leur av ait rétorqué qu’il avait meilleur que ça à leur offrir s’ils voulaient être en grande forme. C’était plus cher, mais beaucoup plus efficace. L’arrivée d’un grand mec ta illé comme une allumette avait clos la conversation. Sans un regard pour le nouvel arrivant, les deux autres s’étaient éclipsés en direction des vestiaires sans piper mot. Puis, comme pris d’une idée soudaine, Mathieu demanda au détective p ourquoi il ne les accompagnerait pas le lendemain, juste pour voir. D édé n’avait rien contre. N’ayant pas de vélo, il irait les rejoindre à moto vers dix heures. Tout heureux d’avoir un témoin apte à raconter ses prouesses, Ferdinand commanda une bouteille de rouge d’un coup, au grand étonnement de l’assemblée qui, connaissant l’avarice maladive du gaillard, n’en revenait pas d’une telle générosité. À dix-huit heures, après qu elques bouteilles et quelques vannes dont eux seuls avaient le secret, les vieux levèrent le camp. Ils devaient être au top le lendemain. René leur demanda ce qu’ils avaient prévu pour le repas du soir. No tracas ! Ils avaient de quoi. Du poulet grillé, du camembert et une baguette, le tout acheté à Marnier. D’ailleurs, ils n’auraient même pas besoin de réchauffer la bête. Ça faisait des heures qu’elle c ontinuait sa cuisson en plein soleil dans la mallette attachée au porte-bagages du vélo d’Arthur. Pareil pour le fromage. – Au moins, pour une fois, il sera bien coulant, dit Ferdinand en humant l’odeur pour le moins envahissante qui se répandait sur la terrasse du Bistrot. – Bordel, quelle infection ! constata René. – Savez pas ce qui est bon, rétorqua Mathieu en montant sur sa bicyclette. Dédé discuta encore un moment avec René, puis rentra chez lui à l’arrivée des habitués du soir venus regarder le match de foot. Et lui, le foot…
Quand les vieux passèrent le lendemain matin à sept heures, ils n’avaient pas le vent en poupe comme les jours précédents. Pas de co ups de sonnette intempestifs ni de tirades rigolardes. Juste un bru it de pédaliers mal graissés tournant au ralenti. André Gard ne se manifesta pas non plus. « N’ont déjà plus la niaque », pensa-t-il. Il irait peut-être les rejoindre à dix heures. Ou pas… Les trois lascars n’ayant pas fait demi-tour, Dédé décida d’aller les soutenir moralement sur leur nouvelle aire de jeux. L’ambian ce était comme le trio l’avait décrite. Les séances du matin attiraient plutôt des retraités et des femmes entre trente et cinquante ans ayant quelques kilos perdre. Isolés des autres, la blonde pulpeuse et le petit gros faisaient du rameur avec une ardeur à s’en faire péter les muscles. Puis, estimant qu’ils en avaient assez fait, ils se dirigèrent tous les deux vers les vestiaires en rigolant. Pensant être sur le point de vendre un nouvel abonn ement, lecoach, la quarantaine, se précipita à la rencontre de Dédé dès son arrivée. Ayant compris le but de la manœuvre, Mathieu freina les ardeurs du gaillard en lui criant de laisser passer son petit-fils. Il était venu au cas où il n’aurait pas le courage de rentrer à vélo à Belvier. Qu’il lui laisse quand même visiter la salle, des fois que… Sur ces paroles prometteuses, l’autre entreprit de lui expl iquer tous les engins en lui donnant du monsieur à chaque phrase. Excédé par aut ant de condescendance, André Gard lui coupa la parole en demandant où se t rouvait la cafétéria. Au passage, il s’arrêta près de ses trois vieux potes pour leur rendre du cœur à l’ouvrage. Mathieu arrêta immédiatement de secouer les deux minuscules haltères qu’il tenait à bout de bras. Arthur contin ua mollement à pédaler. Ferdinand, les yeux rivés sur le postérieur rebondi d’une adepte du tapis, posé juste devant le sien, continuait tant bien que mal à frimer en tirant une langue jusque par terre. D’envie ou de soif ? Sûrement les deux. Dédé leur lança un grand sourire et leur dit qu’il les attendait au bar. En passant devant une porte où il était écrit ‘vestiaires’, il entendit comme des gémissements de plaisir. « Mon sport préféré », se dit-il en souriant. Puis en regardant autour de lui, il constata que le ménage n’avait plus été fait depuis un certain temps. Des papiers et autres détritus jonchaient le sol autour de poubelles remplies jusqu’à la gueule. Il se dit que la salle était clean, mais pour ce qui était du reste du bâtiment, c’était autre chose. Arrivé à la cafétéria, il s’installa sur un des hauts tabourets du bar. Le barman le salua avec un grand sourire tout en continuant à mettre des morceaux de fruits, à la fr aîcheur douteuse, dans un grandblendertout rouillé. – C’est le moment ou jamais ! J’invente de nouvelle s recettes desmoothies. Plus qu’à mettre les glaçons. Attention les oreille s !!! dit-il en actionnant l’interrupteur de sa machine d’enfer. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, l’instrument avait broyé tout son contenu. Il n’en restait qu’un liquide pâteux, d’une couleur indéfinissable, pas très
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