À l'heure de l'architecture moderne, on oublie souvent l'origine de celle-ci. Le vide et le plein sont des faits qui ont toujours existé dans nos maisons, dans nos salles de cinéma, dans nos rues et dans nos villes, depuis les premières pierres, jusqu'à aujourd'hui. Comment appréhender l'espace, les tensions, les temps forts et les temps faibles, l'étouffement et les respirations du plein et du vide? En se livrant à l'analyse du vide et du plein – de la théorie à la pratique, du plan au bâtiment, d'exemples divers au cas particulier de l'École d'Architecture de Nancy – Florent Labruyère établit une analyse philosophique partielle sur les éléments simples de l'architecture, passant par les murs, les fenêtres, mais aussi par la sensation d'espace. Accessible et parfaitement illustré, un essai qui ouvre les portes de la perception.
Introduction Lêtre humain nest pas à lorigine de la dialectique du vide et du plein, elle est une réalité naturelle que lHomme a su analyser mais na pas su comprendre ni expliquer dans sa totalité. Ils sont passé, présent et futur et resteront une exis-tence complexe et inexpliquée, présent dans larchitecture. Le vide comme un élément, ni physique car nous ne pou-vons pas le toucher, ni visuel (bien que ce soit ce vide qui nous permet de voir), mais qui crée tous sentiments bons ou mauvais. Ce vide est incolore, inodore, il ne crée pas de bruit seul, on ne peut pas le toucher, on ne peut pas le manger. Or, nous vivons dedans, nous nous déplaçons dedans, nous respi-rons dedans. Un vide immatériel, mais indispensable. « Avoir peur du vide », « tomber dans le vide », « être vidé », et dautres encore qui font que nous sommes vivants, comme la célèbre citation de Descartes : « Cogito ergo sum » (« Je pense donc je suis »). « Le vide existe tant que tu ne te jettes pas dedans », O. Elytis. Cest donner de lexistence à ce vide. Il na pas de fonction propre, nous essayons simplement de lui attribuer un lieu, une forme, un rôle. Mais il ne peut pas exister simplement à lui-même. Le vide est comme paire et impaire, il existe parce quil y a du plein et inversement. Nous avons tendance à matérialiser ce vide, mais ce sont les tensions avec le plein qui nous permet de le « percevoir ». Or ce vide est un plein : cest un gaz con-tinu qui compose latmosphère. Nous le considérons comme
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du vide parce quil ne gêne en rien nos mouvements, contrai-rement au plein, faisant obstacle. Nous parlons DE plein et DE vide. Lui attribuer cette pré-position cest leur donner la même nature et la même fonction. Pouvoir qualifier le vide par un mot cest lui recon-naître une sensible matérialité. Le vide na dégal que lui-même, il faudrait le nominer par ce quil est lui-même : « ». Le plein, à lopposé du vide, est chose matérielle visible, que lon peut toucher, manger, avec diverses couleurs, pou-vant avoir des odeurs, créant lui aussi des sentiments bons ou mauvais. Nous vivons autour du plein, ou celui-ci autour de nous. Nous « touchons » le vide, chose incontrôlable, mais nous touchons rarement le plein, chose contrôlable. Il a une existence physique et visuelle, et peut avoir une ou des fonc-tions propres à lui-même. Nous avons beau vouloir essayer de nêtre en contact quavec le vide, nous gardons une rela-tion permanente avec le plein. Le corps Humain étant considéré comme un plein mobile dans le vide, il restera en contact avec lui-même, même sil est en apesanteur. Un physicien dira que cest comme le + et le de deux aimants, ils se repoussent quand ils sont identiques, mais in-séparables quand ils sont opposés. Un philosophe romantique dira que cest comme ciel et mer, lun reflète lautre, et que plonger dans lun permet dadmirer lautre. Et un architecte dira quil travaille beaucoup le plein, pour que finalement aboutisse du vide. Le plein et le vide sont trop disparates et abordent beau-coup de sujets, quils soient physiques, métaphysiques, dans
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les personnalités, utilisés dans le cinéma, dans la psychologie, dans la philosophie, etc. Il est donc difficile de pouvoir abor-der tous les sujets et de donner une réponse analytique parfaite et pointilleuse. Nous essayerons de traiter et de com-prendre quelques points quun architecte utilise tous les jours dans la conception architecturale, mais qui ne sont pas perçus directement.Le Petit Larousse :PLEIN : est tout à fait rempli « Qui de », « Dont toute la masse est occupée par une matière ». Le Petit Larousse :Qui ne contient rien, ni objetVIDE : « ni matière.Boîte vide. Espace vide Espace», « assez vaste qui ne contient rien.Tomber dans le vide», « Évidement, ajouré ou non, dun mur, dune sculpture, etc. », « État cor-respondant à labsence totale de toute particule réelle », « Sans rien contenir ». Alors comment les architectes utilisent, modifient, jouent avec ces pleins et ces vides dans larchitecture ? Quelles ana-lyses et outils mentaux, physiques, visuels et graphiques ont-ils en leur possession ? Comment peuvent-ils anticiper les événements futurs de larchitecture produite ? Ce plein et ce vide sont perçus différemment suivant les individus. De lintérieur, de lextérieur, dun espace fonction avec les objets fonctions ou non, et comment sa représenta-tion justifie clairement ces deux contradictions. Ce sera le premier chapitre abordé. Le vide existe parce quil y a du plein et le plein existe parce quil a du vide. Ils sont inséparables et le resteront. Ils sinfluencent mutuellement dans chaque type despace et sont intemporels. Nous verrons donc ensuite comment ils sont
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libres lun envers lautre mais ayant une grande influence sur lêtre humain par des éléments simples darchitecture. Par ailleurs, nous analyserons les tensions portées par le plein sur le vide, ce rayonnement qui permet au vide de don-ner une existence à un espace, à un sentiment ou à un événement.En conclusion, nous mettrons en pratique lanalyse du vide et du plein dans lEcole dArchitecture de Nancy, lieu où les étudiants architectes sont les premiers pratiquants où Li-vio Vacchini a su traiter, avec sérénité et justesse, les tensions, les temps forts et les temps faibles, létouffement et les respirations du plein et du vide.