Bomtempo (1775-1842)
356 pages
Français

Bomtempo (1775-1842) , livre ebook

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Description

Le compositeur portugais João Domingos Bomtempo (1775-1842) se révèle pianiste virtuose dans l'effervescence culturelle des années 1800 à Paris ; dix ans plus tard il connaît les mêmes succès à Londres. Son oeuvre comprend des sonates, des variations, plusieurs symphonies (il est le premier symphoniste portugais), des concertos et de la musique de chambre. Cette recherche transdisciplinaire tente d'articuler l'analyse de son oeuvre aux dimensions du sens social en Europe après la Révolution française.

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Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 19
EAN13 9782296487765
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

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Extrait

Bomtempo ȋͳ͹͹ͷ-ͳͺͶʹȌ Un compositeur au sein de la mouvance romantique
Univers Musical Collection dirigée par Anne-Marie Green La collectionUnivers Musicalest créée pour donner la parole à tous ceux qui produisent des études tant d’analyse que de synthèse concernant le domaine musical. Son ambition est de proposer un panorama de la recherche actuelle et de promouvoir une ouverture musicologique nécessaire pour maintenir en éveil la réflexion sur l’ensemble des faits musicaux contemporains ou historiquement marqués. Déjà parus Joachim E. GOMA-THETHET, François Roger BYHAMOT,Jean Serge Essous. Clarinettiste, saxophoniste et chanteur congolais (1935-2009), 2012. Anouck GENTHON,Musique touarègue,Du symbolisme politique à une singularisation esthétique, 2012.Bernard BANOUN, Lenka STRÁNSKÁ, Jean-Jacques VELLY,Leoš JANÁČEK : Création et culture européenne,2011. Pierre GUINGAMP,Michel Warlop 1911-1947, 2011. Luc RUDOLPH,La valse dans tous ses états. Petite histoire de la valse et de ses compositeurs dans le monde, 2011. Alexandre TYLSKI (sous la dir. de),John Williams. Un alchimiste musical à Hollywood, 2011. Irina AKIMOVA,Pierre Souvtchinsky. Parcours d’un Russe hors frontière, 2011. Philippe GODEFROID,Richard Wagner 1813-2013, Quelle Allemagne désirons-nous ?, 2011. Michaël ANDRIEU,Réinvestir la musique, 2011. Jean-Paul DOUS,Rameau. Un musicien philosophe au siècle des Lumières, 2011. Franck FERRATY,: un clavier bien fantasméFrancis Poulenc à son piano , 2011. e Augustin TIFFOU,Le Basson en France auXIX: facture, théorie et siècle répertoire, 2010. Anne-Marie FAUCHER,La mélodie française contemporaine : transmission ou transgression ?, 2010. Jimmie LEBLANC,Luigi Nono et les chemins de l'écoute: entre espace qui sonne et espace du son, 2010. Michel VAN GREVELINGE,Profil hardcore, 2010. Michel YVES-BONNET,Jazz et complexité. Une compossible histoire du jazz, 2010. Walter ZIDARIČ,L’Univers dramatique d’Amilcare Ponchielli, 2010. e Eric TISSIER,siècleÊtre compositeur, être compositrice en France au 21 , 2009.
Ladan Taghian Eftekhari Bomtempo ȋͳ͹͹ͷ-ͳͺͶʹȌ Un compositeur au sein de la mouvance romantique
Préface de Mário Vieira de Carvalho
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56922-5 EAN : 9782296569225
 Dédié à Mme Nella Maïssa  Et à la mémoire de Filipe de Sousa
Préface
La recherche de Ladan Eftekhari sur le compositeur portugais João Domingos Bomtempo me semble pleinement réussie ; par son projet elle a pu saisir ce qu’il y a de plus original et de plus créatif dans le langage du compositeur – et ceci à travers une analyse très détaillée d’un corpus bien représentatif et diversifié de son œuvre en divers moments de son parcours. Elle met cette analyse en rapport avec les contextes socioculturels et politiques du temps et des traits spécifiques de la personnalité du compositeur, autant certes qu’il est possible de les déduire de ses rares lettres ainsi que de quelques témoignages. Dans son intention d’aborder ces dimensions selon une approche sociologique, l’auteur révèle en même temps une aptitude prononcée à assumer des risques théoriques – qualité que je voudrais bien mettre en relief, car elle est la condition même d’une quête scientifique vraiment productive. En ce sens, le travail de Ladan Eftekhari fait avancer le débat sur la relation entre, d’une part, la création et la performance musicale et, d’autre part, les changements structurels subis par l’espace public bourgeois en Europe au début du dix-neuvième siècle, surtout à Paris et à Londres, par contraste avec la spécificité de la situation à Lisbonne. Il découle clairement de cette recherche que Bomtempo n’aurait pas pu composer, ni jouer la musique qu’il a jouée dans ses nombreuses présentations publiques, s’il était resté à Lisbonne, et que son retour au Portugal a déterminé une considérable modification de son trajet artistique. Les développements théoriques de l’approche sociologique de la musique dans les années 70 et 80 du siècle dernier, surtout l’alliance entre la théorie de la communication et la théorie des systèmes proposée par Christian Kaden, l’intégration des contributions de la sociologiefigurationelle de Norbert Elias (qui a réfléchi sur Mozart) ou de la théorie de l’espace public du philosophe allemand Habermas nous aident à saisir le réseau des rapports à considérer. Je suis convaincu que l’émergence de certaines stratégies de communication dans la musique au cours du dix-huitième siècle correspond, sur le plan de la création et de la réception, à l’établissement d’unrapport d’égalité– une communication de cœur à cœur comme le voulait Rousseau – qui bouleverse les hiérarchies sociales de l’ancien régime, bien avant qu’elles soient bouleversées dans l’ordre politique. Le transfert du modèle d’identification par la religion à celui de l’identification par l’art, la libération de l’art vis-à-vis des fonctions de prestige ou de divertissement, l’autonomie qui devrait lui permettre d’exercer une tout autre fonction – celle de l’éducation, de l’apprentissage de la vertu bourgeoise telle que la définira plus tard l’Encyclopédie (c’est-à-dire, justement « l’identification à son semblable », fondée sur un rapport d’égalité et de solidarité ou de
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fraternité) – tout cela était déjà pleinement en marche vers 1750 dans la musique et l’opéra en Italie, en France et en Allemagne. La querelle des bouffons, par exemple, à mon avis, est moins une dispute sur le style italien et le style français qu’une dispute entre la vision baroque, aristocratique, propre au despotisme éclairé, et la vision bourgeoise des lumières qui poursuit dans l’art lenaturelen tant quetranche de vie, le mettant en rapport avecl’expression du sentimentet avecla volonté de mettre l’art à la portée de tout le monde. Car, dans la querelle, tous les arguments pour ou contre chacun des deux styles reposent sur ces deux visions opposées. Par contraste, ce qui individualise vraiment le Portugal par rapport à d’autres pays européens à cette époque-là, ce n’est pas seulement ou ce n’est pas surtout la complicité entre l’État et l’Église ou les préjugés contre tout art qui ne soit pas au service de Dieu – préjugés qui marquent, par exemple, le statut de l’opéra au temps de João V (roi de 1707 à 1750) et à l’époque de Maria I (reine de 1777 à 1816) : sous João V, l’opéra de Metastasio était tolérédans un théâtre public, du moment qu’une part des recettes allait à des fins de charité ; à l’époque de Maria I, le nouveau théâtre de l’opéra (São Carlos) est officiellement présenté comme une source de recettes pour la Casa Pia, institution de charité appartenant à l’Intendance de Police. Par contre, sous José I (roi de 1750 à 1777) – et cela nous aide aussi à comprendre, par opposition, ce que signifiait au temps de Maria I la soi-disantviradeira– on voit que la cour prend l’opéra dans sa (« retour ») fonction représentative, suivant l’exemple d’autres cours du despotisme éclairé en Europe ; et l’on constate qu’un groupe de très riches marchands de Lisbonne, en 1771, environ quinze ans après le tremblement de terre et dès le début de la politique du ministre Marquis de Pombal visant le développement du commerce et du prestige social des commerçants, adresse au roi une pétition sur les théâtres publics, dans laquelle ceux-ci sont justifiés – dans l’esprit des lumières – justement commeécoles de civilisation(où la fonction éducative du théâtre est assumée et prévaut sur le divertissement ou la fonction de prestige du théâtre de cour). Mais pourquoi cette pétition n’est-elle qu’un acte isolé plus tard démenti par ce que l’on pourrait appeler la praxis sociale de la communication dans la musique et l’opéra à Lisbonne ? À mon avis, parce que le développement d’un espace public bourgeois était encore très loin d’arriver à des niveaux pareils à ceux atteints déjà au cours du dix-huitième siècle en France, en Angleterre, en Allemagne ou en Italie. Beaucoup de facteurs ont certainement contribué à la débilité de la bourgeoisie portugaise, c’est ce que constatent tous les historiens. Mais, l’un des signes les plus importants de cette faiblesse, qui a une influence décisive sur tous les aspects institutionnels – et, bien sûr, aussi sur la vie musicale – c’est l’absence de cette sorte d’espace public bourgeois où une opinion publique se forme et où l’art ainsi que ses problèmes sont – parfois passionnément – discutés. Tel est le cas de la querelle des bouffons
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qui ne serait pas concevable à Lisbonne (quelque chose de semblable ne pourrait avoir lieu au Portugal qu’un siècle plus tard…). On dirait que la communication des idées au Portugal n’avait pas lieu dans l’espace public, mais dans l’espace privé – sur un « marché parallèle de la communication », selon Ladan Eftekhari. Si l’on avait pu parler d’une opinion publique au Portugal à la fin du dix-huitième siècle, Bomtempo aurait su peut-être affirmer son individualité balançant entre ses devoirs comme musicien de la cour et une vie musicale bourgeoise soutenue par cette opinion publique, fière de ses propres valeurs opposées à celles de la société de cour et orgueilleuse de sa condition bourgeoise (comme Max Weber l’a bien démontré). C’est ce dont bénéficiaient les compositeurs allemands et français. Carl Philip Emmanuel Bach, par exemple, était un musicien de cour, mais il était aussi un bourgeois, dont la musique était discutée dans la presse par ses égaux. Et s’il est vrai qu’il y a une polémique dans la Prusse de cette époque-là entre une cour qui cultive l’opéra italien et un milieu bourgeois qui lui oppose un opéra national, il est vrai aussi que l’existence d’une opinion publique bourgeoise en soi aidait à transformer la mentalité même de la cour, voire conduisait la cour à devenir de plus en plus bourgeoise... De telle façon que, même s’il n’y a pas eu de révolution en Allemagne, l’opéra de la cour de Berlin devint, vers 1800, un opéra national ayant une fonction éducative, que le roi fut obligé d’utiliseraussi pour sa fonction représentative (en même temps que l’opéra italien disparaissait des théâtres de la cour). C’est, dirais-je, ce contrepoids qui fait défaut au Portugal pendant toute la vie de Bomtempo... Au Portugal ce n’est pas la cour qui devient de plus en plus bourgeoise, c’est la bourgeoisie qui devient de plus en plus aristocratique; même au lendemain de la Révolution libérale de 1820 les changements de mentalité ne sont pas très significatifs. S’il y a un trait qui caractérise les institutions musicales et théâtrales au Portugal de cette époque, c’est l’absence d’une réception significative des courants esthétiques des lumières bourgeoises et d’une assimilation de leur paradigme de communication. La fragilité de l’espace public bourgeois est une explication de cette absence de réception ; la presse de l’époque, citée par Ladan Eftekhari, en témoigne : vers 1813, Bomtempo était beaucoup plus respecté et honoré en France et en Angleterre qu’au Portugal. Tout cela renforce sa thèse au sujet de la nécessité ressentie par Bomtempo d’abandonner son pays natal, nécessité bien documentée dans ce livre. Le réseau des relations personnelles professionnelles et institutionnelles entretenues par Bomtempo est analysé en détail ; les rapports entre les changements dans le langage musical – la « mouvance romantique » – et les transformations du milieu social sont présentés dans cette thèse en tant que rapports dialectiques. Pour ce qui est de l’analyse musicologique détaillée de l’œuvre, il faut souligner la diversité des paramètres pris successivement en compte par
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Ladan Eftekhari. Le rôle structurel de l’intensité, de la tonalité et des structures rythmiques/harmoniques ainsi que les « facteurs énergétiques » ou les procédés producteurs de tension ou de détente situent, sans doute, Bomtempo dès sa première sonate, dans une tradition musicale qui n’est plus celle de l’enseignement dispensé alors au Séminaire de l’Église Patriarcale à Lisbonne. D’un autre côté, il y a des aspects du langage et de la construction (par exemple dans la sonate op. 5) qui sont plutôt « inhabituels par rapport aux normes de l’époque ». L’argumentation de l’auteur me semble, à ce sujet, très convaincante. Ses analyses, surtout celles qui concernent la musique pour piano et la musique de chambre, démontrent, à mon avis, que Bomtempo est un compositeur bien représentatif de cette sorte de dialectique sujet - objet qu’Adorno discernait dans toute modernité musicale dès la fin du dix-huitième siècle, à savoir dans l’invention permanente et renouvelée du langage et de la forme au-delà de tout académisme – invention dictée justement non par le désir arbitraire d’être moderne, mais par une psychologisationdes procédés de la composition musicale, par l’adoption du modèle de l’identification du côté de la composition comme condition de ce qui pourrait être aussi partagé du côté de la réception. Cette dimension de « l’état psychologique » du compositeur – je cite Ladan Eftekhari – bien visible dans l’œuvre, n’était pas contradictoire ou simplement supplémentaire par rapport à la recherche de la virtuosité ; au contraire : ce culte de la virtuosité qui appartenait à la « mouvance romantique » n’était pas séparable de la nécessité et de l’authenticité de l’expression, de l’affirmation d’une individualité et du personnage de l’artiste. En outre, Ladan Eftekhari réussit à prouver que le langage de Bomtempo change, qu’il devient dans la musique instrumentale plus introspectif et moins voué à la virtuosité et que certains traits du discours sont, avant tout, signes de l’expressivité, de la psychologisation de la forme (en rapport avec l’« instabilité existentielle » ou avec des états d’« angoisse et tension »). Très convaincante et innovatrice est également l’analyse duRequiem, laquelle, à mon avis, montre justement, dans l’écriture, ce qu’on pourrait appeler la « critique immanente du matériel » (Adorno), ici en correspondance en outre avec l’attitude non-conformiste du compositeur sur le plan politique. En somme, dans cette étude, les analyses esthétiques amènent l’auteur à la sociologie, et les considérations sociologiques à l’esthétique. Le résultat en est non seulement un vrai changement de notre vision de João Domingos Bomtempo – et de sa musique, et de sa personnalité – mais aussi un défi : approfondir la discussion autour des rapports entre « centre » et « périphérie » à l’aube du dix-neuvième siècle.
Mário Vieira de Carvalho Professeur de Sociologie de la Musique à l’Universidade Nova de Lisboa, Lisbonne, 4 juin 2011
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