Patriotisme et christianisme
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Patriotisme et Christianisme (1)Léon Tolstoïtraduction WikisourceLes festivités franco-russes qui ont eu lieu en France en octobre 1894 m’ontd’abord amusé, puis étonné, et enfin indigné, comme d’autres sans doute – dessentiments que j’ai voulu exprimer dans un bref article. Mais alors que j’étudiaisdavantage les causes principales de cet étrange phénomène, j’en suis venu auxréflexions que je présente ici au lecteur.Sommaire1 I. Les festivités militaro-populaires franco-russes de Toulon-Paris en 1894.2 II. Sollicitude des journaux, ivrognerie, bizarreries d’église et délire général.3 III. L’épidémie psychopathique, pacifique elle, de Malevanshchina.4 IV. Ambiguïté inacceptable d’ambassadeur, président, empereur, Zola, etc.5 V. Discours officiels de paix, mais préparatifs de guerre (armées,écoles…)6 VI. L’hypocrisie des festivités, analogue à celle d’avant la guerre Turque.7 VII. « Nos coeurs ne battent pas à l’unisson avec ceux de ces messieurs.»8 VIII. Réponse à un agitateur en faveur de la guerre contre l’Allemagne.9 IX. Le diplomate et le moujik, ou le «nourri» et la «chair à canon.»10 X. Les travailleurs, occupés à vivre, ignorent le patriotisme des dirigeants.11 XI. Désintérêt universel des paysans pour les questions patriotiques.12 XII. Le patriotisme est un sentiment anormal provoqué artificiellement.13 XIII. Stupidité, immoralité, désuétude et anti-christianisme du patriotisme.14 XIV. La violence des gouvernements au nom de l’esclavage ...

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Patriotisme et Christianisme (1)Léon Tolstoïtraduction WikisourceLes festivités franco-russes qui ont eu lieu en France en octobre 1894 m’ontd’abord amusé, puis étonné, et enfin indigné, comme d’autres sans doute – dessentiments que j’ai voulu exprimer dans un bref article. Mais alors que j’étudiaisdavantage les causes principales de cet étrange phénomène, j’en suis venu auxréflexions que je présente ici au lecteur.Sommaire1 I. Les festivités militaro-populaires franco-russes de Toulon-Paris en 1894.2 II. Sollicitude des journaux, ivrognerie, bizarreries d’église et délire général.3 III. L’épidémie psychopathique, pacifique elle, de Malevanshchina.4 IV. Ambiguïté inacceptable d’ambassadeur, président, empereur, Zola, etc.5 V. Discours officiels de paix, mais préparatifs de guerre (armées,écoles…)6 VI. L’hypocrisie des festivités, analogue à celle d’avant la guerre Turque.7 VII. « Nos coeurs ne battent pas à l’unisson avec ceux de ces messieurs.»8 VIII. Réponse à un agitateur en faveur de la guerre contre l’Allemagne.9 IX. Le diplomate et le moujik, ou le «nourri» et la «chair à canon.»10 X. Les travailleurs, occupés à vivre, ignorent le patriotisme des dirigeants.11 XI. Désintérêt universel des paysans pour les questions patriotiques.12 XII. Le patriotisme est un sentiment anormal provoqué artificiellement.13 XIII. Stupidité, immoralité, désuétude et anti-christianisme du patriotisme.14 XIV. La violence des gouvernements au nom de l’esclavage patriotique.15 XV. L’envergure moderne de la fraude du patriotisme.16 XVI. La véritable nature de l’opinion publique.17 XVII. La force indomptable de la vérité et son expression.18 XVIII. Le feu et la paix.19 NOTEI. Les festivités militaro-populaires franco-russesde Toulon-Paris en 1894.Les peuples russes et français ont vécu pendant plusieurs siècles avec uneconnaissance l’un de l’autre – entrant parfois en rapports amicaux, et plus souvent,malheureusement, en rapports très inamicaux, à l’instigation de leur gouvernementrespectifs – quand tout à coup, parce qu’un escadron français est venu à Kronstadtil y a deux ans, et que ses officiers, ayant atterri, mangé beaucoup, bu une variétéde boissons en divers endroits, entendu et prononcé bien des paroles hypocrites etinsensées; et parce qu’un escadron russe est arrivé à Toulon l’an dernier, et queses officiers ayant été à Paris, ont mangé et bu là copieusement, entendu etprononcé encore plus de paroles stupides et mensongères, – on en vint à ce quenon seulement ceux qui avaient mangé, bu et parlé, mais tous ceux qui étaitprésent, et même ceux qui avaient simplement entendu parlé de ces évènementsou lu à leur propos dans les journaux – tous ces millions de français et de russes –ont soudain imaginé que d’une manière toute particulière ils étaient épris les unsdes autres; c’est-à-dire que tous les français aimaient tous les russes, et que tousles russes aimaient tous les français.Ces sentiments ont été exprimés en octobre dernier en France des manières lesplus incroyables. La description suivante de ces évènements est parue dans laRevue du Village, un journal qui recueille ses informations dans la pressequotidienne : –« Quand les escadrons français et russe se sont rencontrés, ils se sont salués l’un
l’autre avec des salves d’artillerie, et avec des cris passionnés et enthousiastes de"Hourra !" "Vive la Russie !" "Vive la France !"« Les orchestres de marine (il y a avait aussi des orchestres sur la plupart desbateaux loués) contribuaient à tout ce tapage, le russe jouant "Dieu bénisse leTsar !", et le français la "Marseillaise", le public sur les bateaux (à vapeur) agitantses chapeaux, drapeaux, mouchoirs et bouquets de fleurs. Plusieurs pénichesétaient complètement remplies d’hommes et de femmes des classes populairesavec leurs enfants, brandissant des bouquets de fleurs et criant "Vive la Russie !"de toute leur force. À la vue d’un tel enthousiasme national, nos marins ne pouvaientpas contenir leurs larmes.« Tous les bâtiments de guerre français présents dans le port étaient alignés endeux divisions, et notre flotte est passée entre eux, le vaisseau de l’amiral en tête.On approchait d’un splendide moment.« Un salut en l’honneur de la flotte française est parti de quinze canons du navireamiral russe, et le navire amiral français a répondu avec trente. L’hymne nationalrusse retentissait des lignes françaises; les marins français montaient sur leursmâts et gréement; des vociférations de bienvenu s’échappaient sans interruptiondes deux flottes et des bateaux environnants. Les marins faisaient signe de leursbonnets, les spectateurs de leurs chapeaux et mouchoirs, en l’honneur des invitésbien-aimés. De toutes parts, la mer et la côte, tonitruait le cri universel "Vive laRussie !" "Vive la France !"« Suivant la coutume dans les visites navales, l’Amiral Avellan et les officiers de sonétat-major sont venus à terre présenter leurs hommages aux autorités locales. Ilsont été rencontrés par l’état-major français et les fonctionnaires seniors du Port deToulon sur le débarcadère. Des salutations amicales ont suivies, accompagnéesdu tonnerre de l’artillerie et du carillon des cloches.« L’orchestre maritime jouait l’hymne national russe "Dieu bénisse le Tsar !", "Vivele Tsar !", qui a été accueilli d’un hurlement de "Vive le Tsar !" "Vive la Russie !" parles spectateurs. La clameur s’est enflée en un seul boucan majestueux qui étouffaitla musique et même la canonnade. Ceux qui étaient présents disent quel’enthousiasme de la foule immense a atteint son paroxysme à ce moment-là, etqu’il serait impossible d’exprimer en paroles les sentiments qui ont submergés lescoeurs de tous ceux qui assistaient à la scène.« L’amiral Avellan, avec la tête découverte et accompagné des officiers français etrusses, s’est ensuite rendu aux bâtiments administratifs de la marine, où il a étéreçu par le ministre français de la marine. En souhaitant la bienvenue à l’amiral, leministre a dit : "Kronstadt et Toulon ont plusieurs fois été témoins de la sympathiequi existe entre les peuples français et russe. Vous serez reçu partout comme leplus bienvenue des amis. Notre gouvernement et toute la France vous saluent, vouset vos camarades, à votre arrivée en tant que représentants d’une grande nationhonorable."« L’amiral a répondu qu’il était incapable de trouver le langage pour exprimer sessentiments."La flotte russe et toute le Russie vous seront reconnaissant pour cetteréception," dit-il.« Après quelques paroles additionnelles, l’amiral a encore remercié le ministrepour sa réception en prenant congé de lui. "Je ne peux pas vous quitter sansprononcer ces paroles qui sont écrites dans les coeurs de chaque russe : Vive laFrance !" »Telle fût la réception à Toulon. L’accueil et les festivités ont été encore plusextraordinaires à Paris : –« Tous les yeux sont dirigés vers le Boulevard des Italiens, d’où l’on attendl’émergence des marins russes. Enfin, au loin, le grondement de tout un ouragan decris et d’acclamations se fait entendre. Le grondement devient plus retentissant,plus net. L’ouragan s’approche manifestement. La foule se répand sur la Place. Lapolice se hâte pour dégager le parcours du Cercle Militaire, mais la tâche n’est pasfacile. Parmi les spectateurs, la bousculade et la dispute dépassent toutedescription. Finalement, la tête du cortège apparaît sur la Place. Il s’élèveimmédiatement un cri assourdissant de "Vive la Russie !" "Vivent les russes !"« Toutes les têtes sont découvertes; les spectateurs emplissent les fenêtres et lesbalcons, ils couvrent même les toits, agitent leurs mouchoirs, drapeaux, chapeaux,poussent des hourras d’enthousiasme, et lancent des cocardes de drapeauxtricolores des fenêtres supérieures. Une mer de mouchoirs, chapeaux et drapeaux
flotte au dessus des têtes de la foule au-dessous; cent milles voix crientfrénétiquement, "Vive la Russie !" "Vivent les russes !"; Le public fait de rudesefforts pour entrevoir les chers invités, et essaie de toutes les manières d’exprimerson enthousiasme. »Un autre correspondant écrit que le ravissement de la foule était comme un délire.Un journaliste russe qui était à Paris à ce moment-là décrit ainsi l’entrée des marinsrusses : -« En vérité, on peut dire que cet évènement est d’importance universelle,renversant, assez touchant pour provoquer des larmes, une influence édifiante surl’âme, la faire vibrer de cet amour qui voit dans les hommes des frères, qui hait lesang et la violence et le rapt d’un enfant à sa mère. J’ai été dans une sorte detorpeur pendant les dernières heures. Ce semblait presque excessivement étrangede se tenir dans le terminus de la gare des chemins de fer de Lyon, au milieu desreprésentants du gouvernement français dans leurs uniformes brodés d’or, parmiles autorités municipales en grandes tenues, et d’entendre les cris de "Vive laRussie !" "Vive le Tsar !" et notre hymne nationale joué et rejoué.« Où suis-je, me demandais-je ? Qu’est-il arrivé ? Quelle courant magique a unitous ces sentiments, toutes ces aspirations en un seul flot ? N’est-ce pas là laprésence sensible du Dieu d’amour et de fraternité, la présence de l’idéal le plusnoble descendant dans Ses moments les plus suprêmes sur l’homme ?« Mon âme est si remplie de quelque chose de beau, de pure et d’élevé, que maplume est incapable de l’exprimer. Les mots sont faibles en comparaison de ceque j’ai vu et ressenti. Ce n’était pas de l’extase, le mot est trop banal; c’était mieuxque de l’extase. Plus pittoresque, plus profond, plus heureux, trop différent. Il estimpossible de décrire ce qui a eu lieu au Cercle Militaire quand l’amiral Avellan estapparu au balcon du deuxième étage. Ici les mots sont inutiles. Durant le "TeDeum," pendant que le choeur était en train de chanter dans l’église "O Seigneur,sauve ton peuple," à travers la porte ouverte, dans la rue, les fanfares jouaient lesaccords triomphaux de la "Marseillaise."« Cela produisit une impression incroyable, inexprimable. » [Novoye Vremya (NewTime), Oct. 1893]II. Sollicitude des journaux, ivrognerie, bizarreriesd’église et délire général.À leur arrivée en France, les marins russes sont passés pendant quinze jours d’unefestivité à l’autre, et pendant ou après chacune, ils ont mangé, bu, et prononcé desdiscours. L’information quant à où et quoi ils ont mangé et bu le mercredi, et où etquoi le vendredi, et ce qu’ils ont dit à ces occasions, était diffusée par télégraphe àtoute la Russie.Dès que l’un des commandants russes avait bu à la santé de la France, c’étaitconnu du monde entier; « Je bois à la belle France, » son effusion étaitcommuniquée autour du globe. Par ailleurs, la sollicitude des journaux était tellequ’elle ne commémorait pas simplement les toasts, mais aussi les plats, sansmême omettre les hors-d’oeuvre, ou zakouskas, qui étaient consommés.Par exemple, le menu suivant a été publié, avec le commentaire que le dîner qu’ilconstituait était une oeuvre d’art : -Consommé de volailles; petits pâtés. Mousse de homard parisienne. Noisette deboeuf à la béarnaise. Faisans à la Périgueux. Casseroles de truffes au champagne.Chaud-froid de volailles à la Toulouse. Salade russe. Croûte de fruits toulonnaise.Parfaits à l’ananas. Dessert. [Fr.]Dans un deuxième numéro, on dit : « D’un point de vue culinaire, on n’aurait rien pudésirer de meilleur.» Le menu était comme suit :- Potage livonien et Saint-Germain.Zéphyrs Nontua. Esturgeon braisé moldave. Selle de daguet grand veneur. …etc.].rF[Et un numéro subséquent a encore donné un autre menu. Avec chacun d’entre euxse trouvait une description minutieuse des boissons que les amateurs de bonneschères ont avalées – telle vodka, tel vieux Bourgogne, Grand Moët, etc.Un journal anglais a présenté une liste de toutes les boissons enivrantes bues
pendant les festivités. La quantité mentionnée était tellement énorme qu’on pourraità peine croire qu’il aurait été possible que tous les ivrognes de France et de Russiepuissent rendre compte de tant d’alcool en un temps si bref.Les discours prononcés ont aussi été publiés, mais le menu était plus varié que lesdiscours. Ces derniers, sans exception, se composaient toujours des mêmes motsdans différentes combinaisons.Le sens de ces paroles était toujours le même – On s’aime, et nous sommesémerveillé d’être si tendrement en amour. Notre but n’est pas la guerre, pas unerevanche [Fr.], pas la récupération des provinces perdues : notre but n’est que lapaix, l’avancement de la paix, la sécurité de la paix, la tranquillité et la paix del’Europe.Longue vie à l’empereur et à l’impératrice russes ! Nous les aimons et nous aimonsla paix. Longue vie à la France, la Russie, leurs flottes et leurs armées ! Nousaimons l’armée, et la paix, et le commandant de la flotte russe.Pour la plupart, les discours se concluaient comme une chanson populaire, avec unrefrain, « Toulon-Kronstadt,» ou « Kronstadt-Toulon.» Et la réitération des noms deces endroits, où tant de plats différents avaient été mangés et tant de boissonsavaient été bues, était prononcée comme des paroles qui devraient stimuler lesreprésentants de chaque nation aux actions les plus nobles – comme des mots quine demandent aucun commentaire, étant chargé en eux-mêmes d’une significationprofonde.« On s’aime; nous aimons la paix. Kronstadt-Toulon ! Que peut-on dire de plus,surtout au son de la glorieuse musique, jouant à un moment deux hymnes nationauxen même temps » – l’un glorifiant le Tsar, priant pour tout son bonheur possible,l’autre maudissant tous les tsars et leur promettant la destruction ?Ceux qui exprimaient leurs sentiments d’amour particulièrement bien lors de cesoccasions ont reçus des décorations et des récompenses. D’autres, pour lesmêmes raisons ou à cause des sentiments d’exubérance des donneurs, sefaisaient offrir les articles les plus étranges, et du genre le plus inattendu. La flottefrançaise a présenté une sorte de livre d’or dans lequel il n’y avait rien d’écrit,semble-t-il – ou en tout cas rien de quelque intérêt que ce soit; et l’amiral russe areçu une charrue en aluminium couverte de fleurs, et plusieurs autres vétilles toutaussi curieuses.Par ailleurs, tous ces actes singuliers s’accompagnaient de cérémonies religieuseset d’offices publics encore plus bizarres, tels qu’on pourrait supposer que lesfrançais en étaient devenus inaccoutumés depuis longtemps.Depuis l’époque du Concordat, il n’y a guère que durant cette courte périodequ'autant de prières aient été présentées. Tous les français sont subitementdevenus extrêmement religieux, et déposaient soigneusement dans les chambresdes marins russes les images mêmes qu’ils avaient précédemment retirées deleurs écoles comme des instruments nuisibles de superstition; et ils disaient sanscesse des prières. Les cardinaux et les évêques enjoignaient partout la dévotion, etont présenté eux-mêmes certaines des prières les plus étranges. Ainsi, aulancement d’un certain cuirassé à Toulon, un évêque s’est adressé au Dieu de laPaix, laissant toutefois sentir en même temps qu’il pouvait communiquer tout aussifacilement, si la nécessité s’en faisait sentir, avec le Dieu de la Guerre.« Quelle sera sa destination, » dit l’évêque en faisant allusion au vaisseau, « Dieuseul le sait. Vomira-t-il la mort de sa terrible gueule ? Nous ne savons pas. Maisayant intercédé aujourd’hui auprès du Dieu de Paix, si nous avons dans la vie àvenir à invoquer le Dieu de Guerre, nous pouvons être sûrs qu’il avancera contrel’ennemi en rang avec le puissant bâtiment de guerre dont les équipages sont entréaujourd’hui en union si fraternelle avec les nôtres. Mais que cette éventualité soitoubliée, et que le festival actuel ne laisse à personne que des souvenirs pacifiques,comme ceux du Grand Duc Constantin [Constantin Nicolaevich a visité Toulon en1857.], qui était là au lancement du « Quirinal, » et que l’amitié de la France et de laRussie fasse de ces deux nations les gardiennes de la paix ! »À la même heure, des dizaines de télégrammes volaient de la Russie vers laFrance et de la France vers la Russie.Les femmes françaises ont exprimé des voeux obligeants et respectueux auxfemmes russes, et les femmes russes ont présenté leurs remerciements auxfrançaises. Une troupe d’acteurs russes a salué et complimenté les acteursfrançais; les acteurs français ont répondu qu’ils avaient déposé les expressions de
bienveillance de leurs collègues russes au fond de leurs coeurs.Les étudiants en droit d’une ville russe quelconque ont exprimé leur ravissement àla nation française. Le général Untel a remercié madame Unetelle; madameUnetelle a assuré le général Untel de la ferveur de ses sentiments envers la nationrusse. Les enfants russes ont écrit des lettres de salutations et de bons voeux envers aux enfants français; et les enfants français ont répliqué en vers et en prose. Leministre russe de l’éducation a assuré le ministre français de l’éducation de l’amitiésoudaine de tous les enfants, clercs et scientifiques de son département envers laFrance. Les membres de la Société pour la Prévention de la Cruauté envers lesAnimaux ont exprimé leur attachement chaleureux à l’égard des français. Lamunicipalité de Kazan a fait la même chose.Le canon d’Arrare a transmit au révérendissime archiprêtre de la cour du clergél’assurance qu’une profonde affection existe dans le coeur de tous les cardinaux etévêques français envers la Russie, sa majesté l’empereur Alexandre III et toute lafamille impériale, et que les clergés russe et français professaient presque lamême foi, et vouaient pareillement un culte à la Sainte Vierge. Le révérendissimearchiprêtre a répondu à cela que les prières du clergé français pour la familleimpériale étaient joyeusement répétées dans les coeurs de tous les habitantsrusses, affectueusement attachés au Tsar, et que la France pouvait compter sur ellepour toujours, puisque la nation russe adorait aussi la Sainte Vierge. Le mêmegenre de message a été envoyé par divers généraux, employés de télégraphe etfournisseurs d’épiceries. Chacun envoyait des félicitations à tous les autres, etremerciait quelqu’un pour quelque chose.L’excitation était tellement grande qu’il se faisait des choses singulières;néanmoins personne ne remarquait leur bizarrerie, et au contraire chacun lesapprouvait, en était charmé, et comme s’il avait peur d’être laissé derrière, sepressait d’accomplir quelque chose d’un genre similaire pour ne pas être dépassépar le reste.Si par moments des protestations, prononcées ou même écrites et imprimées,paraissaient contre cette folie, démontrant son caractère déraisonnable, ellesétaient étouffées ou cachées. (2; « Une lettre ouverte aux étudiants français »)Sans parler des millions de jours de travail consacrés à ces festivités; l’ivrogneriecommune parmi tout ceux qui y ont participé, impliquant même ceux quicommandaient; sans parler de l’absurdité des discours qui étaient prononcés, - lesactes les plus fous et brutaux étaient commis, et personne n’y prêtait attention.Par exemple, plusieurs vingtaines de gens ont été écrasés à mort, et personne n’ajugé nécessaire de relater le fait.Un correspondant a écrit qu’il avait été informé à un bal qu’il n’y avait guère unefemme à Paris qui ne serait pas prête à oublier ses devoirs pour satisfaire lesdésirs de n’importe quel marin russe.Et tout cela passait inaperçu, comme si c’était tout à fait dans l’ordre des choses. Ily a aussi eu nettement des cas de démence occasionnés par l’agitation.Ainsi une femme, ayant revêtu une robe composée des couleurs du drapeaufranco-russe, attendait sur un pont l’arrivée des marins russes, et criant « Vive laRussie, » se jeta dans la rivière et se noya.En général, à toutes ces occasions les femmes jouaient le rôle principal, etdirigeaient même les hommes. En plus du lancement de fleurs et de divers petitsrubans, et la présentation de cadeaux et d’adresses, les femmes françaises sejetaient dans les rues dans les bras des marins russes et les embrassaient.Des femmes amenaient leurs enfants, pour une raison quelconque, afin qu’ils soientembrassés, et quand les marins russes avaient acquiescé à cette requête, tousceux qui était présents, transporté de joie, versaient des larmes.Cet étrange émoi était si communicatif que, comme un correspondant relate, unmarin russe qui paraissait être en parfaite santé, après avoir été témoin de cesscènes surexcitantes pendant quinze jours, a sauté par-dessus bord au milieu de lajournée, et a nagé en criant « Vive la France.» Quand il a été sorti de l’eau etquestionné sur sa conduite, il a répondu qu’il avait fait le voeu de nager tout autourde son navire en l’honneur de la France.Ainsi, l’enthousiasme démesuré croissait et croissait comme une boule de neige,et est finalement parvenu à des telles dimensions que non seulement ceux qui était
sur les lieux, ou simplement les personnes prédisposées nerveusement, mais deshommes solides et en santé étaient affectés par la tension générale et se révélaientdans un état d’esprit anormal.Je me souviens encore que pendant que je lisais distraitement une description deces festivités, j’ai été brusquement bouleversé par une émotion puissante et j'étaitpresque au bord des larmes, ayant à retenir avec effort cette expression de messentiments.III. L’épidémie psychopathique, pacifique elle, deMalevanshchina.Il n’y a pas longtemps, un professeur de psychiatrie du nom de Sikorsky a décrit,dans la Revue de l’Université de Kiev, ce qu’il appelle l’épidémie psychopathiquede Malevanshchina, qu’il a étudié dans le district de Vasilkof. Selon Sikorsky,l’essence de cette épidémie était que les paysans de certains villages, sousl’influence de leur chef Malevanni, étaient devenus convaincus que la fin du mondeétait proche; en conséquence de quoi ils ont changé leur mode de vie et ontcommencé à se débarrasser de leur propriété, porter des vêtement vifs, manger etboire du meilleur et cesser de travailler. Le professeur a étudié cette conditionanormale. Il dit :« Leur bonne humeur remarquable atteignait souvent l’exaltation, une condition degaieté manquant de tout motif extérieur. Ils étaient enclins à la sentimentalité, polisà l’excès, loquaces, émotifs, des larmes de joie leurs venaient facilement aux yeuxet disparaissaient sans laisser de trace. Ils vendaient les nécessités de la vie pouracheter des ombrelles, des mouchoirs de soie et des articles semblables, qu’ils neportaient toutefois que comme ornements. Ils mangeaient une grande quantité desucreries. Leur état d’esprit était toujours joyeux, ils menaient une vie complètementoisive, se visitant l’un l’autre et marchant ensemble ci et là. … Quand ils étaientréprimandé pour la folie de leur conduite et leur désoeuvrement, ils répondaientinvariablement avec la même phrase : « Si ça me plaît, ça va marcher; sinon,pourquoi me contraindre à le faire ? »L’éminent professeur considère l’état de ces gens comme une épidémiepsychopathique bien déterminée, et en conseillant le gouvernement d’adopter desmesures pour prévenir sa propagation, il conclut : « Malevanshchina est le cri d’unepopulation malade, une prière pour la délivrance de l’ivrognerie et pour uneamélioration des conditions d’hygiène et d’éducation.»Mais si Malevanshchina est le cri d’une population malade pour une délivrance del’ébriété et des conditions sociales pernicieuses, quel tollé affreux de gens maladeset quelle pétition pour un sauvetage des effets de la boisson et d’une existencesociale fausse est cette nouvelle maladie apparue à Toulon et à Paris avec unesoudaineté effrayante, infectant la plus grande partie de la population urbaine de laFrance, et presque toutes les classes gouvernementales, privilégiés et civilisées deRussie ?Mais si nous admettons que le danger existe dans les conditions psychiques deMalevanshchina, et que le gouvernement a bien fait de suivre l’avis du professeuren confinant certains des chefs de Malevanshchina dans des asiles d’aliénés etdes monastères, et en bannissant d’autres de ces personnes à des endroitséloignés; combien devons-nous considérer encore plus dangereuse cette nouvelleépidémie qui est apparue à Toulon et à Paris, et s’est répandue de là dans toute laRussie et la France, et combien est-il encore plus nécessaire que la société – si legouvernement refuse d’intervenir – prenne des mesures décisives pour empêcherla maladie de se répandre ?L’analogie entre les deux maladies est complète. La même bonne humeurremarquable, qui se transformait en une vague extase joyeuse, la même politesseexagérée, la même loquacité, les mêmes larmes sentimentales, sans motif decommencement ou de cessation, la même humeur de fête, les mêmes promenadeset visites, les mêmes ports de vêtements somptueux et choix d’aliments defantaisie, les mêmes discours brumeux et insensés, la même indolence, les mêmeschants et musiques, la même conduite de la part des femmes, le même étatclownesque d’attitudes passionnées [Fr.], que Sikorsky a observés et quicorrespond, comme je le comprend, aux diverses attitudes physiques anormalesadoptées par les gens pendant les réceptions triomphales, acclamations etdiscours d’après-dîner.
La ressemblance est absolue. La différence, énorme pour la société dans laquelleces choses ont lieu, est simplement que dans un cas c’est la folie de quelquesvingtaines de pauvres gens pacifiques de la campagne qui, vivant de leurs proprespetits gains, ne peuvent pas commettre de violence à l’endroit de leurs voisins, etinfecter les autres rien que par la communication verbale personnelle de leursituation, tandis que dans l’autre cas, c’est la folie de millions de gens quipossèdent des sommes d’argent et des moyens de violence immenses – fusils,canons, forteresses, cuirassés, mélinite [un explosif], dynamite, - et qui ont en outreà leur disposition les moyens les plus efficaces pour communiquer leur démence;poste, télégraphe, téléphone, toute la presse, et chaque catégorie de magazines,qui impriment l’infection avec la plus grande hâte, et la distribuent à travers lemonde.Une autre différence est que non seulement les premiers restent sobres, mais ilss’abstiennent de toute boisson intoxicante, tandis que les deuxièmes sont dans unétat continuel de semi-ivresse qu’ils font de leur mieux pour favoriser.En conséquence, pour la société dans laquelle de telles épidémies se produisent,la différence entre celle de Kiev, où d’après Sikorsky aucune violence ou meurtren’a été enregistré, et celle de Paris, où plus de vingt femmes ont été écrasées àmort en un seul défilé, est équivalente à celle de la chute sur le plancher d’un petitmorceau de charbon qui brûle lentement, et d’un feu qui a déjà pris possession desplanchers et des murs de la maison.Au pire, le résultat de l’épidémie de Kiev sera qu’un millionième des paysans deRussie dépenseront les salaires de leurs labeurs et seront incapables de subveniraux taxes du gouvernement; mais les conséquences de l’épidémie de Toulon-Parisqui a affectée des gens qui ont un grand pouvoir, des sommes d’argent immenses,des armes de violence, et des moyens de propagation de leur démence, peuvent etdoivent être épouvantable. (3)IV. Ambiguïté inacceptable d’ambassadeur,président, empereur, Zola, etc.On peut écouter avec compassion les déclamations d’un faible idiot, vieux etdésarmé, dans son bonnet et sa chemise de nuit, sans le contredire, et même en luidonnant gaiement l'assentiment, mais quand une bande d’aliénés robusteséchappent à son confinement, armés jusqu’aux dents avec des couteaux, épées etrevolvers, fous d’enthousiasme, agitent leurs armes meurtrières, non seulement oncesse d’acquiescer mais on est incapable de se sentir en sécurité pendant un seulmoment.C’est la même chose avec l’état d’enthousiasme qui a été provoqué par lesfestivités françaises et qui entraîne les sociétés russe et française. Ceux qui ontsuccombé à cette épidémie psychopathique sont les maîtres des armes de meurtreet de destruction les plus terribles.Il est vrai qu’on proclamait constamment dans tous les discours, dans tous lestoasts prononcés à ces festivités, et dans tous les articles à leur sujet, que le but dece qui avait lieu était l’établissement de la paix. Même les partisans de la guerre,incluant le correspondant russe précédemment cité, ne parlait pas de haine enversles conquérants des provinces perdues, mais d’un amour qui d’une manière oud’une autre haï.Cependant, nous sommes tous conscients de la ruse de ceux qui souffrent demaladies mentales, et cette itération continuelle d’un désir de paix, et d’un silencequant aux sentiments dans l’esprit de tout homme, est précisément une menace dela pire espèce.L’ambassadeur russe, dans sa réplique au dîner à l’Élysée, a dit: -« Avant de proposer un toast auquel tout le monde répondra du fond de son âme,non seulement ceux qui sont dans cette enceinte, mais aussi, avec le mêmeenthousiasme, tous ceux dont les coeurs battent actuellement à l’unisson avec lesnôtres, loin d’ici ou autour de nous, dans cette grande et belle France comme enRussie, permettez-moi d’exprimer ma plus grande gratitude pour l’accueil que vousavez adressé à l’amiral que le Tsar a délégué pour rendre la visite de Kronstadt.Dans la haute position que vous occupez, vos paroles expriment la significationentière des festivités glorieuses et paisibles qui sont maintenant en train d’être
célébrées avec une unanimité, une loyauté et une sincérité si remarquables.La même référence dénuée de fondement à la paix se retrouve dans le discours duprésident français.« Les liens d’amour qui unissent la Russie et la France, » dit-il, « ont été renforcés ily a deux ans par les manifestations touchantes dont notre flotte a été l’objet àKronstadt et deviennent chaque jour plus engageants; et l’échange honnête de nossentiments amicaux doit inspirer tous ceux qui ont à cœur le bonheur de la paix, dela sécurité et de la confiance, » etc.Dans les deux discours, on fait allusion aux avantages de la paix et aux festivitéspaisibles de façon tout à fait inattendue et sans aucune raison.La même chose est perceptible dans les échanges de télégrammes entrel’empereur russe et le président de la République. L’empereur télégraphie :-« Au moment où la flotte russe quitte la France, c’est mon désir ardent de vousexprimer à quel point je suis touché et ému par la réception courtoise et splendidedont mes marins ont fait l’expérience partout sur le sol français. Les expressionschaleureuses de sympathie qui ont été manifestées encore une fois avec tantd’éloquence ajouteront un nouveau lien à ceux qui unissent les deux pays, et j’en aiconfiance, contribueront à renforcer la paix générale, qui est le but de nos efforts etde nos désirs les plus constants. »Le président français répond : -« La magnifique flotte sur laquelle j’ai eu la grande satisfaction de saluer la flamme(4) russe dans les eaux françaises, la réception cordiale et spontanée que vosbraves marins ont partout reçue en France, témoignent glorieusement une fois deplus des sympathies sincères qui unissent nos deux pays. Ils démontrent en mêmetemps une foi profonde dans l’influence bienfaisante qui peut souder ensembledeux grandes nations dévouées à la cause de la paix. »Encore une fois, dans les deux télégrammes, il y a des allusions à la paix qui n’ontrien à voir avec l’accueil des marins, sans la moindre nécessité.Il n’y a pas un seul discours ou un seul article dans lequel il n’est pas dit que le butde toutes ces orgies est la paix de l’Europe. À un dîner donné par les représentantsde la presse russe, tous parlaient de paix. M. Zola, qui avait écrit peu de tempsavant que la guerre était inévitable, et même utile; M. de Voguë, qui a déclaré lamême chose par écrit plus d’une fois, - n’ont pas dit un mot au sujet de la guerre,mais n’ont parlé que de paix (5). Les sessions parlementaires s’ouvrent avec desdiscours sur les festivités passées; les orateurs mentionnent que de telles festivitéssont une assurance de paix en Europe.C’est comme si un homme arrivait dans une société paisible et commençait pargarantir énergiquement à tout ceux qui sont présents qu’il n’a pas la moindreintention de casser les dents à qui que ce soit, de leur pocher les yeux, ou de leurcasser les bras, et n’a que les idées les plus pacifiques pour passer la soirée.« Mais personne n’en doute, » est-on enclin à dire, « et si vous avez vraiment desmauvaises intentions pareilles, au moins n’ayez pas l’audace d’en parler. »Dans plusieurs des articles décrivant les festivités, une satisfaction naïve étaitclairement exprimée que, pendant leur durée, personne ne faisait allusion à ce quiétait décidé par consentement silencieux, à cacher de tous le monde, et que seul unhomme imprudent, qui a été immédiatement emmené par la police, a exprimé ceque tous le monde avait à l’esprit, en criant, « À bas l’Allemagne » [Fr.]- « À basl’Allemagne ! »De la même façon que les enfants sont souvent tellement ravis d’être capables dedissimuler une frasque que leur entrain même les trahit.Pourquoi, à vrai dire, être si heureux que personne n’ait dit quoi que ce soit au sujetde la guerre, si le sujet n’était pas de la plus grande importance dans nos esprits ?V. Discours officiels de paix, mais préparatifs deguerre (armées, écoles…)Personne ne pense à la guerre; mais des milliards sont en train d’être dépensés à
ses préparatifs, et des millions d’hommes sont sous les armes en France et enRussie.« Mais tout cela est fait pour assurer la paix. Si vis pacem para bellum. ["Si tu veuxla paix, prépare la guerre"] L’empire c’est la paix. La République c’est la paix. »Mais si tel était le cas, pourquoi est-ce que les avantages militaires d’une alliancefranco-russe dans l’éventualité d’une guerre avec l’Allemagne sont-ils nonseulement expliqués dans chaque journal et magazine publié pour des gens soi-disant instruits, mais aussi dans le Messager du Village, un journal publié pour lepeuple par le gouvernement russe ? Pourquoi est-il inculqué à ce peuple infortuné,trompé par son gouvernement, que « d’être en rapports amicaux avec la France estavantageux pour la Russie, parce que, si de façon inattendue les états mentionnésci-dessus (Allemagne, Autriche et Italie) se décidaient à déclarer la guerre à laRussie, alors, bien qu’avec l’aide de Dieu elle puisse leur résister par elle-même, etvaincre même une si grande alliance, l’exploit ne serait pas facile, et le succèsoccasionnerait de grands sacrifices et pertes. [Siel’sky Viestnik 1893, No.43]Et pourquoi dans toutes les écoles françaises l’histoire est-elle enseignée avec lepremier livre de lecture de M. Lavisse, dans lequel le passage suivant est inséré : -« La France n’a plus connu d’autres désordres depuis que l’insurrection de laCommune a été réprimée. Le premier jour après la guerre, elle a encore repris letravail. Elle a payé sans difficulté à l’Allemagne les énormes indemnités de cinqmilliards.« Mais la France a perdu sa renommée militaire pendant la guerre de 1870. Elle aperdue une partie de son territoire. Plus de quinze milles habitants de nosdépartements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle qui étaient de bonsfrançais ont été contraint à devenir allemands; ils continuent d’espérer qu’ilspourront encore redevenir français une fois de plus.« Mais l’Allemagne apprécie sa victoire, et c’est un grand pays dont tous leshabitants aiment leur patrie, et dont les soldats sont braves et bien disciplinés. Afinde recouvrer de l’Allemagne ce qu’elle nous a pris, nous devons être de bonscitoyens et soldats. C’est pour faire de vous de bons soldats que votre professeurvous enseigne l’histoire de la France.« L’histoire de la France prouve que dans notre pays les enfants ont toujours vengéles malheurs de leurs pères.« À l’époque de Charles VII, les français ont vengé la défaite de leurs pères àCrécy, Poitiers et Agincourt.« C’est à vous, garçons instruits dans nos écoles, de venger la défaite de vos pèresà Sedan et à Metz.« C’est votre devoir – le grand devoir de votre vie. Vous devez toujours voussouvenir de cela. »Au bas de la page se trouve une série de questions sur les paragraphesprécédents. Les questions sont les suivantes : - « Qu’est-ce que le France a perduen perdant une partie de son territoire ? »« Combien de français sont devenus allemands par la perte de son territoire ? »« Est-ce que ces français aiment l’Allemagne ? »« Que devons-nous faire pour recouvrer un jour ce que l’Allemagne nous a pris ? »En supplément à cela, il y a certaines « Réflexions sur le chapitre VII, » danslesquelles il est dit que : « Les enfants de la France se doivent de ne pas oublier ladéfaite de 1870. »; qu’ils doivent conserver dans leurs coeurs le poids de cesouvenir, » mais que « ce souvenir ne doit pas les décourager, au contraire, il doitprovoquer leur courage. »De sorte que si la paix est mentionnée avec une telle emphase dans les discoursofficiels, en coulisse, on fait voir au peuple, à la jeune génération, et en général àtous les français et les russes, la légalité, l’avantage et la nécessité de la guerre.« Nous ne pensons pas à la guerre, nous ne travaillons que pour la paix. »On se sentirait incité à s’informer : « Qui diable trompe-t-on ici ? [Fr.], si la questionvalait la peine d’être posée, s’il n’était pas déjà assez évident qui sont les
malheureux induits en erreur.Les induits en erreur sont toujours les mêmes trompés éternellement, les travailleursinconsidérés, ceux qui avec des mains calleuses, fabriquent tous ces navires,forteresses, arsenaux, casernes, canons, bateaux [à vapeur], ports, jetées, palaces,palais de justice, et places avec des arches de triomphe, et qui impriment tous ceslivres et journaux, et qui procurent et transportent tous ces faisans et ortolans ethuîtres et boissons qui seront mangés et bues par ceux qui ont été élevés, éduquéset entretenus par la classe ouvrière, et qui en retour l’abusent et lui préparent lespires désastres.Toujours les mêmes travailleurs, accommodants, inconsidérés, qui baillant,montrant leurs saines dents blanches, puérilement et naïvement content à la vued’amiraux et de présidents en grandes parures, de drapeaux qui s’agitent au-dessus de leurs têtes, de feux d’artifices et de musique triomphale; pour qui, avantqu’ils aient eu le temps de regarde alentour, il n’y aura plus d’amiraux, ou deprésidents, ou de drapeaux ou de musique; mais rien qu’un champ de bataillehumide et vide, le froid, la faim et la souffrance; devant eux un ennemi meurtrier;derrière des officiers implacables empêchant leur fuite; le sang, les blessures, lescorps en putréfaction, et la mort insensée, inutile.Pendant que d’autre part, ceux dont on a fait grand cas à Paris et à Toulon serontassis, après un bon dîner, avec des verres de vins fins à leurs côtés, et des cigaresentre les dents, dans un coutil chaud, indiquant telles et telles places avec desépingles sur une carte, ou une certaine quantité de « chair à canon » doit sedéployer – « chair » composée de ces même gens bêtes – pour enfin saisir cetteplace fortifiée ou un autre, et obtenir a petit ruban ou grade quelconque.VI. L’hypocrisie des festivités, analogue à celled’avant la guerre Turque.« Mais il n’y a rien de tel qui soit; nous n’avons aucune intention belliqueuse, »réplique-t-on. « Tout ce qui est arrivé est l’expression de sympathie mutuelle entredeux nations. Que peut-il y avoir de malvenu dans la réception triomphale ethonorable des représentants d’une nation amicale par les représentants d’une autrenation ? Que peut-il y avoir de mal à cela, même si nous reconnaissons quel’alliance est significative d’une protection d’un voisin dangereux qui menacel’Europe de guerre ? »C’est mauvais parce que c’est faux – une fausseté des plus évidente, insolente,inexcusable et inique.Il est hypocrite cet amour engendré soudain des russes pour les français et desfrançais pour les russes. Et elle est hypocrite cette insinuation de notre haine et denotre manque de confiance à l’égard des allemands. Et encore plus hypocrite est-ilque le but de toutes ces orgies indécentes et insensées soit la préservation de lapaix en Europe.Nous sommes tous conscients que nous n’avons jamais ressentis avant, ni depuis,quelque amour spécial que ce soit pour les français, ou quelque animosité que cesoit envers les allemands.On nous dit que les allemands ont des projets contre la Russie, que la TripleAlliance (6) menace d’anéantir notre paix et celle de l’Europe, et que notre allianceavec la France assurera un balance égale du pouvoir et sera une garantie de paix.Mais cette affirmation est si manifestement stupide que j’ai honte de la réfutersérieusement. Pour qu’il en soit ainsi – c’est-à-dire pour que l’alliance garantisse lapaix – il serait nécessaire de rendre les Pouvoirs mathématiquement égaux. Si laprépondérance était du côté de l’alliance franco-russe, le danger serait le même, oumême plus grand, parce que si Wilhelm qui est à la tête de la Triple Alliance est unemenace à la paix, la France qui ne peut pas se résigner à la perte de ses provincesserait une menace encore plus grande. La Triple Alliance a été appelée unealliance de paix, alors que pour nous elle s’est révélée être une alliance de guerre.Exactement comme l’alliance franco-russe ne peut être considérée maintenant quecomme une alliance de guerre.Par ailleurs, si la paix dépend d’une balance égale du pouvoir, comment serontdéfinies les unités entre lesquels l’équilibre sera établi ?L’Angleterre affirme que l’alliance franco-russe est une menace à sa sécurité, ce
qui rend nécessaire une nouvelle alliance de sa part. Et en combien d’unitésexactement l’Europe sera-t-elle divisée pour qu’on parvienne à cet équilibre égal ?À dire vrai, s’il faut un tel équilibre, alors dans toute société humaine un homme plusfort que ses semblables est déjà dangereux, et les autres doivent prendre part àune alliance défensive afin de lui résister.On demande: « Qui a-t-il de mal dans le fait que la France et la Russie exprimentleur sympathie mutuelle pour la préservation de la paix ? L’expression est mauvaiseparce qu’elle est fausse, et une fois prononcée, une fausseté ne finit jamais sansfaire de mal.Le diable était un meurtrier et le père du mensonge [Jean, VIII, 44]. La faussetémène toujours au meurtre; et surtout dans un cas tel que celui-là.Ce qui se produit aujourd’hui est exactement comme ce qui est arrivé avant notredernière guerre Turque, alors qu’il était supposé qu’un amour avait soudain étéréveillé de notre part envers des frères slaves dont personne n’avait entendu parlerdepuis des siècles; quoique les français, les allemands et les anglais nous onttoujours été incomparablement plus proches et plus précieux que quelquesbulgares, serbes ou monténégrins. Et c’est exactement le même enthousiasme, lesmêmes réceptions et les mêmes solennités qui étaient observées en cetteoccasion, arrivées à l’existence par des hommes comme Aksakof et Katkof quisont déjà mentionné à Paris comme des patriotes modèles. Puis, commemaintenant, l’amour engendré soudainement des russes pour les slaves n’était quedes mots.Puis à Moscou comme à Paris maintenant, quand l’affaire a commencée, les gensmangeaient, buvaient, disaient des idioties l’un à l’autre, étaient très affectés parleurs nobles sentiments, parlaient d’union et de paix, passant sous silence le sujetprincipal – le projet contre la Turquie.La presse aiguillonnait l’enthousiasme, et le gouvernement s’est graduellementmêlé au jeu. La Serbie s’est révoltée. Des notes diplomatiques ont commencées àcirculer et des articles semi-officiels à apparaître. La presse mentait, inventait etrageait de plus en plus, et à la fin, Alexandre II qui ne souhaitait vraiment pas laguerre, a été obligé d’y consentir; et ce que nous savons a eu lieu, la perte decentaines de milliers d’hommes innocents, et l’abrutissement et la duperie demillions de personnes.Ce qui est arrivé à Paris et Toulon, et a depuis été fomenté par la presse, mène àl’évidence à une calamité semblable ou pire.D’abord, de la même manière, aux accents de la « Marseillaise » et de « Dieubénisse le Tsar,» certains généraux et ministres buvaient à la France et à la Russieen l’honneur de divers régiments et flottes; la presse publiait ses faussetés; desfoules oisives de gens en santé, ne sachant pas comment utiliser leur force et leurtemps, jabotaient des discours patriotiques, attisaient l’animosité contrel’Allemagne; et à la fin, aussi pacifique qu’Alexandre II puisse être, les choses secombineront de telle façon qu’il sera incapable d’éviter la guerre, qui serademandée par tous ceux qui l’entourent, par la presse, et comme ce sembletoujours être le cas, par toute l’opinion publique de la nation. Et, avant qu’on puissejeter un coup d’œil alentour, l’habituelle proclamation absurde de mauvaise augureparaîtra dans les journaux; –« Nous, par la grâce de Dieu, le Grand Empereur autocratique de Russie, Roi dePologne, Grand Duc de Finlande, etc., proclamons à tous nos fidèles sujets que,pour le bien-être de ces bien-aimés sujets nôtres, légués par Dieu à nos soins,nous avons jugé de notre devoir devant Dieu de les envoyer au massacre. QueDieu nous aide. »Les cloches carillonneront, des hommes à cheveux longs s’habilleront en fourreauxor et prieront pour un heureux carnage. Et la vieille histoire recommencera, leseffroyables actions habituelles.Les éditeurs de la presse quotidienne heureux de recevoir un plus grand revenucommenceront, au nom du patriotisme, à inciter avec virulence les hommes à laviolence et au meurtre. Les manufacturiers, marchands, entrepreneurs pour lesmagasins militaires se hâteront joyeusement autour de leur commerce, dansl’espoir de doubler les recettes.Toutes sortes de fonctionnaires s’activeront en entrevoyant une possibilité dedérober quelque chose de plus que d’habitude. Les autorités militaires se
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