Art, histoire et signification
312 pages
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Art, histoire et signification , livre ebook

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Description

Ni monographie sur Panofsky, ni essai d'histoire de l'histoire de l'art, cet ouvrage entend dégager les soubassements méthodologiques de l'un des discours majeurs sur l'art : l'iconologie. Ni ultime critique, ni tentative de réhabilitation, il s'agit d'analyser cette branche de l'histoire de l'art qui s'intéresse à la signification et d'interroger comparativement les histoires de l'art de Riegl, de Wölfflin, de Warburg et de Worringer.

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Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 155
EAN13 9782296485006
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ART, HISTOIRE ET SIGNIFICATION Un essai d’épistémologie d’histoire de l’art autour de l’iconologie d’Erwin Panofsky
Esthétiques Collection dirigée par Jean-Louis Déotte Pour situer notre collection, nous pouvons reprendre les termes de Benjamin annonçant son projet de revue :Angelus Novus. « En justifiant sa propre forme, la revue dont voici le projet voudrait faire en sorte qu’on ait confiance en son contenu. Sa forme est née de la réflexion sur ce qui fait l’essence de la revue et elle peut, non pas rendre le programme inutile, mais éviter qu’il suscite une productivité illusoire. Les programmes ne valent que pour l’activité que quelques individus ou quelques personnes étroitement liées entre elles déploient en direction d’un but précis ; une revue, qui expression vitale d’un certain esprit, est toujours bien plus imprévisible et plus inconsciente, mais aussi plus riche d’avenir et de développement que ne peut l’être toute manifestation de la volonté, une telle revue se méprendrait sur elle-même si elle voulait se reconnaître dans des principes, quels qu’ils soient. Par conséquent, pour autant que l’on puisse en attendre une réflexion – et, bien comprise, une telle attente est légitimement sans limites –, la réflexion que voici devra porter, moins sur ses pensées et ses opinions que sur les fondements et ses lois ; d’ailleurs, on ne doit plus attendre de l’être humain qu’il ait toujours conscience de ses tendances les plus intimes, mais bien qu’il ait conscience de sa destination. La véritable destination d’une revue est de témoigner de l’esprit de son époque. L’actualité de cet esprit importe plus à mes yeux, que son unité ou sa clarté elles-mêmes ; voilà ce qui la condamnerait – tel un quotidien – à l’inconsistance si ne prenait forme en elle une vie assez puissante pour sauver encore ce qui est problématique, pour la simple raison qu’elle l’admet. En effet, l’existence d’une revue dont l’actualité est dépourvue de toute prétention historique est justifiée… » Dernières parutions Richard BÉGIN, Bernard PERRON et Lucy ROY (sous la dir.),Figures de violence, 2012. Alain NAZE,Portrait de Pier Paolo Pasolini en chiffonnier de l’histoire. Temps, récit et transmission chez W. Benjamin et P. P. Pasolini, tome 2, 2011. Alain NAZE,Temps, récit et transmission chez W. Benjamin et P. P. Pasolini. Walter Benjamin et l’histoire des vaincus, 2011. Laurence MANESSE CESARINI (sous la dir.),L’enseignement de la philosophie émancipe-t-il ?, 2011. Danielle LORIES et Ralph DEKONINCK (sous la dir. de),L’art en valeurs, 2011. Jean-Louis DEOTTE (sous la dir. de),Philosophie et Cinéma, 2011. Alain BROSSAT, Yuan-Horng CHU, Rada IVEKOVIC et Joyce C.H. Liu (ed.), Biopolitics, Ethics and Subjectivation, 2011.
Audrey Rieber
ART, HISTOIRE ET SIGNIFICATION
Un essai d’épistémologie d’histoire de l’art autour de l’iconologie d’Erwin Panofsky
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96670-3 EAN : 9782296966703
INTRODUCTION POUR UNE ÉPISTÉMOLOGIE DE L’ICONOLOGIE  L’iconologie constitue l’une des approches majeures de l’art ; dépassant le cadre de l’histoire de l’art, ses méthodes sont discutées par des disciplines aussi variées que la philosophie, l’anthropologie, la littérature, la théorie de 1 la musique ou du cinéma . Elle a tout particulièrement été promue par Erwin Panofsky (1892-1968) dont l’ambition était de développer « cette branche de l’histoire de l’art qui se rapporte au sujet ou à la signification des œuvres 2 d’art, par opposition à leur forme » . C’est à dégager les présupposés et les implications philosophiques de cette discipline quant à la nature de l’œuvre d’art, de la création artistique, de la réception des œuvres et du cours de l’histoire (de l’art) qu’entend s’atteler le présent ouvrage. De cette méthode, il ne s’agit ni de faire le procès ni d’entreprendre la réhabilitation, mais de comprendre la cohérence et d’analyser le mode de fonctionnement. Ni contribution à l’histoire de l’histoire de l’art ni traité de méthode visant à prescrire à l’historien comment il devrait travailler, cet essai veut interroger les rouages de l’iconologie, dégager certains des concepts qui rendent possible une histoire de l’art et en nourrir en retour la philosophie.  Parler des implications philosophiques de la méthode iconologique suggère qu’une épistémologie de l’histoire de l’art déborde le cadre de l’histoire de l’art pour s’inscrire dans un questionnement esthétique et plus généralement philosophique. Mais étudier les présupposésphilosophiquesde l’iconologie panofskyenne ne revient-il pas à imposer arbitrairement un questionnement philosophique à une matière qui ne l’est pas ? Inversement, quel profit le philosophe peut-il tirer de la lecture de textes d’histoire de l’art dont l’intérêt documentaire est au mieux susceptible de lui fournir un ensemble de faits pour nourrir sa réflexion ? La prise en compte philosophique de discours non philosophiques sur l’art n’entend pas dégager une prétendue « philosophie » de Panofsky. Elle relève d’une certaine conception de l’esthétique et de la philosophie qui, écartant le « préjugé 3 théorique » dénoncé par Jacqueline Lichtenstein et Christian Michel , 1  Voir I. Lavin (éd.),Meaning in the Visual Arts : Views from the Outside. A Centennial Commemoration of Erwin Panofsky (1892-1968), Princeton, Institute for Advanced Study, 1995.2  E. Panofsky,Essais d’iconologie. Les thèmes humanistes dans l’art de la Renaissance [1939], trad. C. Herbette et B. Teyssèdre, Paris, Gallimard, 1967, Introduction I, p. 13. 3  J. Lichtenstein et C. Michel (éd.),Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, tome 1, vol. I, Paris, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2007, 7
considère qu’une pensée philosophique de l’art, qui ne veut pas se contenter de spéculer sur un objet qu’elle s’est elle-même donné, doit aussi prendre en compte d’autres discours et d’autres regards (aux sens propre et figuré) sur l’art. Il ne s’agit pas d’espérer trouver dans ces écrits des réponses à des problèmes philosophiques ou de s’en servir comme d’un catalogue d’exemples où le philosophe pourrait puiser pour « se faire une culture », mais de voir quelle conceptualité y opère. Examiner les conditions de possibilité d’un certain discours historique sur la signification de l’art – la diversité théorique, historique, géographique et institutionnelledeshistoires 1 de l’art exige de se concentrer sur l’une de ses formes – signifie non seulement analyser les rouages de la méthode panofskyenne et ses présupposés, mais éclairer la philosophie elle-même en ouvrant un angle décalé à partir duquel examiner des questions aussi anciennes et massives que celles de l’art, de la signification, du beau, de la forme, de l’histoire ou de la création. Ce parti-pris méthodologique, qui n’entend en aucun cas compléter la longue liste des discours consacrés à l’art, résulte aussi d’un souci d’interdisciplinarité ou, plus précisément, de travailler aux frontières, bon moyen de lever les fausses évidences et de relancer le questionnement philosophique.  Concernant plus précisément le choix de notre objet, les écrits panofskyens et les grands textes de ces fondateurs de l’histoire de l’art que sont Riegl, Wölfflin ou Warburg, il s’éclaire par le souci de contrecarrer une certaine conception de l’esthétique, héritée de laCritique de la faculté de juger, qui occulte aussi bien la singularité et la matérialité de l’œuvre d’art que son inscription dans l’histoire. En prenant pour objet non l’œuvre d’art mais le jugement porté sur elle et en considérant la production, la signification et la réception de l’objet esthétiquesub specie aeternitatis, Kant exclut la question de l’ancrage historique et culturel de l’art. L’indifférence pour cette question peut aussi être interprétée comme le contrecoup du développement de la phénoménologie qui va, certes, dans le sens d’une prise en compte de la chair de l’œuvre l’art et de la spécificité du rapport-au-monde qu’elle introduit, mais qui méconnait la dimension historique de l’art et de sa signification pour s’intéresser à la structure de la subjectivité. C’est la volonté de prendre en compte la singularité (historique) des œuvres d’art, à laquelle ouvre la philosophie de Hegel, qui m’a poussée à travailler à
Introduction, p. 26 et 27. Qu’à l’occasion de cette introduction, Jacqueline Lichtenstein soit vivement remerciée pour avoir dirigé avec bienveillance et exigence la thèse qui est à l’origine du présent livre. 1  M. Zimmermann (éd.),The Art Historian. National Traditions and institutional Practices, New Haven et Londres, Yale University Press, 2003,introduction,p. VII, où il insiste sur le fait que « l’histoire de l’art a toujours été composée de nombreuses histoires de l’art ».8
même les écrits d’histoire de l’art, un choix qui peut aussi être rattaché à une défiance nominaliste pour les discours généraux.  Le corpus considéré est axé sur l’ensemble de l’œuvre de Panofsky (dont je n’ai néanmoins pas épuisé les 200 titres). On ne peut en effet comprendre le fonctionnement et les retombées philosophiques de sa méthode en se fondant uniquement sur ses écrits théoriques : les écrits dits de la période allemande (de 1915 à 1932), rassemblés en français dansLa perspective comme forme symbolique et autres essais, et l’introduction de 1939 aux Essais d’iconologie. D’une part, les notations méthodologiques sont dissé-minées dans l’ensemble des textes (préfaces, introductions, paragraphes introductifs ou récapitulatifs, incises). D’autre part, il est indispensable d’analyser la façon même dont l’historien procède au fil de ses analyses pour dégager les fondements de sa pratique. Ce parti-pris distingue notre approche de celles menées par M. A. Holly dansPanofsky and the foundations of Art History(1984) et par S. Ferretti dansIl demone della Memoria : Simbolo E Tempo Storico in Warburg, Cassirer, Panofsky(1984) qui se concentrent sur 1 les écrits des années 20 . Le choix de considérer aussi bien les essais théoriques que les travaux historiques de Panofsky va de pair avec celui d’aborder l’iconologie moins par l’intermédiaire de la littérature secondaire que par celui des écrits des philosophes, historiens et théoriciens de l’art auxquels Panofsky se rattache, s’oppose ou qu’il ignore délibérément. Au premier rang de ceux-ci figurent Riegl (1858-1905), Wölfflin (1864-1945), Warburg (1866-1929), Cassirer (1874-1945) et Worringer (1881-1965). Il existe bien évidemment un rapport organique entre la lecture des textes primaires et celle des textes secondaires. Quant à la reprise par Max Imdahl du concept d’iconologie dans son interprétation des fresques de Giotto pour la chapelle de l’Arena ou à l’usage qu’il fait du concept deKunstwollendans son étude de Barnett Newman, ils dépassent le cadre d’un commentaire de 2 l’œuvre . Mais la priorité délibérément accordée à l’examen de la façon effective dont procède l’historien permet de faire tomber de nombreuses critiques partiales car partielles. Elle était aussi rendue nécessaire par les modalités de la réception de l’œuvre panofskyenne.
1  M. A. Holly,Panofsky and the foundations of Art History, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1984, préface, p. 12. « Je ne prétends pas couvrir l’ensemble de la bibliographie de Panofsky […]. Je m’intéresserai principalement à son œuvre théorique, et non pratique ». S. Ferretti,Cassirer, Panofsky and Warburg. Symbol, Art and History[1984], trad. R. Pierce, New Haven et Londres, Yale University Press, 1990. Voir l’introduction, p. XV et XVI pour ses choix bibliographiques et méthodologiques. 2 Voir M. Imdahl, « Barnett Newman, „Who’s Afraid of Red, Yellow and Blue III“» [1971]inGesammelte Schriften, vol. I., A. Janhsen-Vukićević(éd.), Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1996, p. 244-273 et M. Imdahl,Arenafresken. Ikonographie, Ikonologie, Ikonik [1980], Münich, Wilhelm Fink Verlag, 1996. 9
 Le problème consiste moins dans la pluralité de cette réception (pour ne citer que le cas de la France, elle a été modelée par les lectures sociologique, sémiologique, structuraliste et, plus tard, par celle de G. Didi-Huberman) 1 que dans le caractère interdisciplinaire d’une telle enquête . De nombreux historiens d’art n’ont qu’une connaissance indirecte de la Critique de la faculté de jugerde Kant, desCours d’esthétiqueet dede Hegel La philosophie des formes symboliquesCassirer. Inversement, peu de de philosophes connaissent autre chose de Panofsky que « La perspective comme forme symbolique » et l’introduction desEssais d’iconologie,sont déployés les fameux trois niveaux de signification. La plupart des raccourcis interprétatifs dont l’iconologie a fait l’objet résultent d’une prise en compte parcellaire du corpus ainsi que de la méconnaissance de l’une des deux dimensions, théorique ou pratique, de l’œuvre. À quoi s’ajoute, de la part du public français, une connaissance superficielle des écrits de Riegl, Wölfflin, Worringer pour l’histoire de l’art, de Dilthey, Fiedler, Herbart pour ne citer qu’eux – pour la philosophie. Connus de nom, souvent cités, ils ne font généralement l’objet que d’une connaissance de seconde main.  Or la lecture de ces travaux est d’autant plus importante que Panofsky en fait un usage souvent biaisé. Il déclare reprendre le concept de forme symbolique à Cassirer, mais l’emploie de façon inédite ; il critique sévèrement Wölfflin, mais en fait une lecture partiale ; il loue le concept de formule du pathos mais l’utilise de façon non warburgienne. Comprendre les raisons de ces détournements, qui ne relèvent ni de l’ignorance ni de l’erreur, permet de clarifier la méthode iconologique et de comprendre quel emploi fait l’historien des concepts théoriques. Chacune des confrontations entre Panofsky est l’un de ces auteurs permet d’élucider une ou plusieurs problématiques esthétiques ou philosophiques : la forme (Wölfflin), l’imita-tion (Worringer), l’allégorie (Winckelmann), la temporalité (Warburg), la nature de la signification (Fiedler), etc. C’est autour des questions de la
1  Concernant la réception de Panofsky, qui ne constitue pas directement mon objet, on lira avec profit W. Sauerländer, «Barbari ad portas. Panofsky in den fünfziger Jahren »inB. Reudenbach (éd.),Erwin Panofsky. Beiträge des Symposions Hamburg. 1992, Berlin, Akademie Verlag, p. 134-135. Il y montre qu’une réception française de Panofsky, structuraliste et méthodologiquement très originale, s’est développée dans les années soixante. Elle se distingue de la réception humaniste conservatrice des années cinquante dans les pays dotés d’une tradition scientifique conservatrice et marqués par l’Allemagne : Suède, Pays-Bas, Pologne et bien sûr République fédérale allemande (où l’histoire de l’art a étudié l’œuvre de Panofsky avec un certain retard, après la fin de la Deuxième Guerre mondiale). Plus récemment, et pour ce qui concerne l’Allemagne, ce sont les lectures d’un Sauerländer, d’un Warnke ou d’un Bredekamp que l’on pourrait citer. Une histoire de la réception de Panofsky en France, en Allemagne, en Italie et aux États-Unis couvrirait les grands débats de l’histoire de l’art récente. 10
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