Atterrissage forcé
328 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Atterrissage forcé , livre ebook

-

328 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Tantôt française, tantôt sicilienne, Carla n'a qu'une certitude : être bizertine. Les remous de l'histoire et les guerres qui la ponctuent vont la plonger dans une spirale de faits divers qui lui feront perdre tout repère identitaire. Au-delà d'une approche intimiste, Atterrissage forcé est un roman socio-historique dans lequel la question coloniale se traduit en question humaine : Qu'est-ce qui permet aujourd'hui de penser que n'est colon que celui qui soumet ? Ce livre est un voyage dans les couleurs du Maghreb sous l'emprise européenne, dans le mythe de la cohabitation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2010
Nombre de lectures 317
EAN13 9782296704909
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Atterrissage forcé
© L’Harmattan, 2010
5-7, me de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http:// www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12581-0
EAN : 9782296125810

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Stéphanie Kervel


Atterrissage forcé


L’Harmattan
Graveurs de mémoire


Dernières parutions

Alain PIERRET, De la case africaine à la villa romaine. Un demi-siècle au service de l’État, 2010.
Vincent LESTREHAN, Un Breton dans la coloniale, les pleurs des filaos , 2010 .
Hélène LEBOSSE-BOURREAU, Une femme et son défi , 2010.
Jacques DURIN, Nice la juive. Une ville française sous l’Occupation (1940-1942), 2010.
Charles CRETTIEN, Les voies de la diplomatie, 2010.
Mona LEVINSON-LEVAVASSEUR, L’humanitaire en partage. Témoignages , 2010 ,
Daniel BARON, La vie douce-amère d’un enfant juif , 2010.
M. A. Varténie BEDANIAN, Le chant des rencontres. Diasporama , 2010.
Anne-Cécile MAKOSSO-AKENDENGUE, Ceci n’est pas l’Afrique. Récit d’une Française au Gabon , 2010.
Micheline FALIGUERHO, Jean de Bedous. Un héros ordinaire , 2010.
Pierre LONGIN, Mon chemin de Compostelle. Entre réflexion, don et action , 2010 .
Claude GAMBLIN, Un gamin ordinaire en Normandie (1940-1945), 2010.
Jean-Pierre COSTAGLIOLA, Le Soujfle de l’Exïl. Récit des années France, 2010 .
Jacques FRANCK, Le sérieux et le futile après la guerre , 2009.
Henri-Paul ZICOLA, Les dix commandements d’un patron , 2010.
Albert DUCROCQ, Des Alpes à l’Uruguay. Un pont entre deux rives , 2010.
Edmond BAGARRE, Géologue : une vie de recherches et d’aventures. Afrique, Amérique, Europe, Asie , 2009.
Pierre-Alban THOMAS, De la Résistance à l’Indochine. Les cas de conscience d’un FTP dans les guerres coloniales , 2009.
Elhadj Mohamed Lamine TOURE, Mémoires d’un compagnon de l’indépendance guinéenne , 2009.
Jean-Claude LEPRUN, Une jeunesse malgache (1942-1966), 2009.
Jeannine PILLIARD-MINKOWSKI, Eugène Minkowski 1885-1972 et Françoise Minkowska 1882-1950. Eclats de mémoire , 2009.
Jacqueline ADUTT-THIBAUT, Mon Avenue Montaigne, 2009.
Michel MALHERBE, Fonctionnaire ou touriste ? Mémoires d’un globe trotter , 2009.
Jacques-Thierry GALLO, Mon histoire avec Dieu. Un témoignage vivant , 2009.
à ma mère , à mon père,
à tous ceux qui n’abandonnent jamais
Première Partie
- 1 - Cendrillon d’Afrique
La matinée rend timidement ses formes et ses couleurs aux maisons du quartier endormi, quelques bâillements de volets qui s’entrouvrent et ma mère qui du fond de son lit, trempée de sueur, transpire toute la douleur des femmes de ce monde. Les doigts crochetés dans le traversin en plumes, elle hurle, elle gémit devant la vieille femme impassible, assise dans un coin de la pièce encore sombre, ma grand-mère. Mais moi je ne veux rien entendre. Je suis bien au fond de ce corps, aussi agité soit-il, je suis bien assez tranquille comme ça. Le corps n’a pas l’air d’être d’accord et j’en sens les sursauts qui me bousculent, il conspire tout autour de moi, avec une de ces forces qui je le sens bien cherche à m’exclure d’où je suis. Je commence à avoir sérieusement peur, mais je ne sais pas de quoi. La poussée continue, de plus en plus forte, de plus en plus étroite. Malgré moi et malgré ma résistance, j’emprunte un chemin déjà bien pénible. Je suffoque, je ne sais plus respirer, je suffoque, je manque de quelque chose qui m’empêche de me sentir bien, mes yeux brûlent, je glisse, je glisse vers une lumière éclaboussante. J’ai froid et j’en tremble, un cri bestial sort de ma gorge et me transperce les oreilles. Lorsque je m’apaise enfin, je découvre le nouveau monde. D’autres sons s’agitent autour de moi, je crois reconnaître la voix de ma mère, claire et forte et lointaine. Je la préférais en sourdine, feutrée, lorsqu’elle résonnait sur ma peau. Où suis-je ? Où est ma mère ? D’autres mains m’emmaillotent et me posent dans un petit berceau en osier, je l’entends qui grince dès que je bouge. Un peu plus loin, des sifflements d’hirondelles fusent régulièrement dans le ciel. Je voudrais bien me rendormir, mais avec tout ce vacarme, toute cette agitation, je ne sais pas comment trouver le sommeil et surtout il y a ce mal qui me tiraille à l’intérieur, un mal étrange, qui de mes pleurs me conduira jusqu’au sein de ma mère. À travers les persiennes écaillées, des claquements de sabots annoncent déjà le passage du muletier.
Une petite fille du nom de Caria vient de naître rue de Venise. Sa mère n’a pas eu le temps de se rendre à la clinique, alors la petite est arrivée toute seule, enfin presque. Sa grand-mère est là, qui l’aide à sortir de ce corps agité. De ses longues mains, douces et habiles, elle rattrape avec beaucoup de calme la petite masse gluante qui glisse entre les cuisses ensanglantées. Tendrement, elle la porte dans ses bras et lui caresse le dos, lui nettoie le visage, d’un geste sec et sûr, l’enveloppe d’un drap de coton. C’est elle qui coupe le cordon ombilical après l’avoir noué en son extrémité. Sur une petite table en bois près du lit, des serviettes propres et une bassine en émail blanc, remplie d’eau chaude, attendent leur tour. Au-dessus du lit, le Christ observe la scène avec tristesse, toujours cloué à sa croix. Pour lui tenir compagnie, une pâle photo d’un couple de jeunes mariés, encadrée à la française et un bouquet de fleurs séchées suspendu au cadre. Probablement le même que celui tenu par la jeune femme sur la photo. Il fait bon dehors, ce printemps de 1932 sera le premier de Caria, Caria la Bizertine. La vieille dame a presque du mal à rendre le bébé à sa mère, à peine émue d’avoir déjà accouché. Voilà une naissance expédiée. C’est fait ! Caria, au creux du bras de sa maman, regarde déjà dans une autre direction, celle de l’autre maman. Celle qui l’a tendrement embrassée, celle par qui la vie lui a été donnée, celle qui lui ressemble. Caria, c’est moi.
La Tunisie est le petit pays au grand cœur qui m’a recueillie. Le monde est vaste autour de moi, je ne comprends pas toutes ces langues qui se croisent autour de mon berceau. Il y en a une qui chante en italien ou en sicilien, je ne sais pas trop, l’autre qui me parle en français et puis quelques agitations gutturales qui vont et qui viennent dans cette autre langue, différente de celles qui me sont proches, quelques phonèmes aux accents berbères.
À l’âge de six mois, ma mère m’empoisonne. Elle m’intoxique avec ce sein qu’elle me tend et enfonce dans ma bouche jour et nuit, son lait tourne et provoque un abcès dans mon petit corps. Ce n’est pas de sa faute, elle vient de perdre son père qu’elle adorait tant. Elle se sent responsable de sa mort, elle n’a pas tort, depuis son départ, son père avait cessé de vivre déjà. Le désespoir l’avait emporté. Et moi, au fond de mon petit berceau blanc, je meurs tout doucement. Chaque jour je m’affaiblis et je dépéris, je refuse cette mamelle qui m’intoxique et je sens que cela agace ma mère. Lorsqu’elle comprend enfin qu’elle doit me nourrir autrement qu’avec son propre lait, plusieurs ganglions s’infectent déjà tout autour de mon cou. Je noircis. Le médecin s’adresse à mes parents sans ambages :
Il faut vite aller à l’église, elle est presque morte.
Pensant qu’il ne me reste que quelques jours à vivre, mes parents décident de me faire baptiser d’urgence et l’on me choisit un parrain et une marraine de fortune. Vite, vite, à l’église !
Ce qui fait que mon parrain est un capitaine de la Marine nationale, un ami de mon père que je n’ai jamais connu. Mon père lui a dit :
Tu viens avec moi, il faut que je baptise ma fille aujourd’hui, parce qu’elle va mourir.
Et il est venu sans discuter, c’est comme ça.
Ma marraine se trouve être ma grand-mère paternelle, Santa Bova, qui en fin de compte remplira son rôle mieux que n’importe quelle maman au monde.
Une fois l’histoire du baptême réglée, tout le monde se sent soulagé et moi, il ne me reste plus qu’à attendre la mort. Mais déjà, du fond de ce petit berceau blanc, je suis une forte tête, je résiste et surtout, je préfère le lait de la vache à celui de ma mère. Voilà comment je nais pour la deuxième fois. Cette fois-ci, je nR

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents