Federico Gualdi à Venise : fragments retrouvés (1660-1678)
366 pages
Français

Federico Gualdi à Venise : fragments retrouvés (1660-1678) , livre ebook

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366 pages
Français

Description

Gualdi fait partie de la microhistoire de l'époque charnière où la science commence à se détacher de la philosophie. Exploitant minier, il expérimente de nouveaux procédés de fusion de minerais. Ingénieux, il propose des solutions pour protéger la lagune des terribles assauts de l'acqua alta à Venise. Alchimiste, il laisse une œuvre inédite, De lapide philosophorum, étonnante méditation... Il sera dénoncé devant le Tribunal de l'Inquisition sans toutefois être convoqué.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2010
Nombre de lectures 90
EAN13 9782296266933
Langue Français
Poids de l'ouvrage 27 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Federico Gualdi à Venise Fragments retrouvés (16601678)
© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-13092-0 EAN : 9782296130920
Éric Humbertclaude
Federico Gualdi à Venise
Fragments retrouvés (16601678) Recherches sur un exploitant minier alchimiste L’Harmattan
Du même auteur
ESSAIS Musique & Questions Bascule.Stil,2007. Empreintes.L’Harmaan,2008. Perceptions en contrechamp Le reet d’une oreille.[article paru en1986] La transcription dans Boulez et Murail.L’Harmaan,1999. La liberté dans la musique. À paraître. Ébranlements Joue, je pense à toi.À paraître. Vulnus.À paraître. Rayonnements fossiles Federico Gualdi à Venise : fragments retrouvés.L’Harmaan,2010. Récréations de Hultazob.L’Harmaan,2010. Être conduit dans la crypte : le Klerikat de J.-A. Starck.À paraître.
OUVRAGE COLLECTIF Pierre Souvtchinski, cahiers d’étude.L’Harmaan,2006.
RECUEIL CENSURÉ (Re)lire Souvtchinski.Eorescence,1989.
BAGATELLES Un musicien a les pieds sur terre.En préparation.
à Henri Chalier à Reinhard Markner
INTRODUCTION
La recherche sur Federico Gualdi était tenue pour cabale depuis1790: « On ne peut pas dire grand-chose des conditions de vie de cet homme singulier. Le peu d’informations le concernant, trouvé dans les écrits alchimiques, est déformé par des ajouts fabuleux. On ne peut même pas dire avec certitude quand et o il est réellement né et mort – voilà pourquoi il était facile de lui imputer un âge de quelques siècles –, d’au-tant que l’on était incapable d’indiquer d’o il est venu et vers o il est 1 allé » . Pour avoir retrouvé plusieurs manuscrits autographes, il m’est possible de mere en lumière quelques fragments de sa vie et de son œuvre, dont voici l’essentiel. Probablement natif d’Allemagne, l’homme se fait appeler Federico Gualdi, bien que je ne puisse jurer que son patronyme fût véritable. Entre1660 et1678, il vit à Venise et aux alentours ; il est socialement intégré. En1660, puis en1663, il propose sa solution pour que la terrible acqua altaqui venait d’avoir lieu fût l’ultime. Entre1663et1666, il exploite ingénieusement le complexe minier d’Andreana Croa, veuve et propriétaire de gisements dans le val Imperina ; nous apprendrons par les ls d’Andreana qu’il est négociant minier depuis au moins1625. En1676, sur incitation de Francesco Giusto – un négociant minier que Gualdi avait houspillé –, l’Inquisition consigne des jalousies antidatées de dix ans levant quelque voile sur le cercle vénitien de ses fréquen-
1  [Anonyme] « Von dem Fürsten der hermetischen Welt »,237den Lebensumständen (Von des seltnen Mannes weiß man nicht viel zu sagen. Die wenigen Nachrichten, die man in alchemistischen Schriften von ihm ïndet, sind durch fabelhafte Zusätze entstellt. Man kann nicht einmal mit Gewissheit sagen, wann und wo er eigentlich geboren und gestorben ist; daher konnte man ihm leicht ein Alter von Jahrhunderten andichten, je weniger man denterminum a quoundad quemanzugeben im Stande war).
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INTRODUCTION
tations alchimiques ; bien qu’il lui soit prêté l’âge canonique de «200ou300ans », rien n’incite l’Inquisiteur à poursuivre l’instruction ; il ne sera pas entendu. D’autres témoignages lui font la réputation d’être un alchimiste prisé (la réalité est autrement banale : l’homme paradait à Venise les poches emplies d’or, les crédules imaginèrent quelque transmutation réussie, l’homme s’était seulement enrichi à l’insu de la veuve Croa). Quant au dernier témoignage donnant Gualdi en vie, il émane d’une lere datée du2novembre1678qu’il adresse à un certain « D. C. de R. ». La vieillesse de Gualdi ? je me suis résigné à l’ignorer, tout comme sa généalogie, son enfance, sa jeunesse et la première partie de sa vie d’adulte. J’ai achoppé aussi à connaître ses dates et lieux de naissance et de mort. Venu de nulle part et allant on ne sait o, Gualdi se serait-il échappé de l’archive ? Des œuvres aribuées à Gualdi nous étant parvenues, j’en ai identi-ée une, manuscrite et inédite, dont la date de création n’est pas connue. Il s’agit duDe lapide philosophorum(WL, MS4856, .138-177). L’œuvre est copiée par Christophorus Trokhmayr en1718dans un recueil d’œuvres médico-alchimiques, elle est rédigée en allemand et en latin, sa doctrine est alchimique et son style apparenté à de la poésie rythmique. Certes, l’absence d’autographe lui confère une corruption évidente, de surcroît lorsque les conditions de transmission sont ignorées. En esquissant son stemma, il m’est apparu qu’une traduction partielle en italien de la partie allemande avait été faite à l’intention du cercle ésotérique et irréligieux dont Gualdi avait la charge dans les années soixante à Venise, une traduction pas nécessairement de Gualdi. Certes, « tout texte qui nous a été transmis par un seul manuscrit ne peut être [...] 1 tenu pour autre chose qu’un fragment » . Qu’importe si l’édition est provisoire :De lapide philosophorum ore, en son énigme, une habile méditation sur la question de création. Après la disparition de l’homme, et trois siècles durant, les histo-riens ésotéristes développent mille élucubrations pour faire accéder le prétendu pluricentenaire au prestige du surhomme. Aublant leur héros de l’image ordinaire d’un personnage aspirant à l’extraordinaire, leur prose n’ore à la vue qu’un delta d’obscurantisme. Le bilan histo-riographique est franchement contre-productif. Aujourd’hui, l’homme et son œuvre subsistent en tant quemembra disjecta: ruines énigmatiques dont la signication se disperse au gré des vents de la petite histoire.
1 Paul Zumthor,« Le texte-fragment »,79.
INTRODUCTION
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Je n’ai pas examiné si l’homme ou l’œuvre représentaient plus qu’eux-mêmes, s’ils exprimaient quelque chose de collectif duquel ils ne pouvaient s’abstraire. Ainsi n’ai-je pas cherché à interroger la « micro-histoire des individus [qui] donne à palper la texture des eets 1 d’agrégat collectif » . Si j’ai dû laisser en friches des lieux de recherche à peine entrevus, je me suis, par contre, eorcé de réduire le plus possible la zone grise entre l’intérêt scientique et ma passion de chercheur, entre les faits vrais, les faits signicatifs et les conjectures y aérentes. J’ai cherché à obtenir un maximum d’objectivité dans la description des phénomènes étudiés et à réduire, dans la même proportion, l’arbitraire. Comment s’approcher d’unavoir-été-vivant? Est-il concevable de se faire contemporain d’une époque passée ? L’écriture biographique pose-t-elle, ou déplace-t-elle, certaines catégories d’analyses sur un événementiel qui nous est rendu opaque du fait des années écoulées ? recherche-t-elle implicitement une conception de l’action individuelle sur la société ? sur une vision, voire sur une philosophie de l’histoire ? J’ai appris que mere en lumière un destin particulier demeure chose fragile, – la découverte d’une archive dormante pouvant mere en péril toute explication savamment échafaudée. Prévaut davantage la possibilité de se rapprocher le plus près possible de la vérité sur un être singulier au sein d’une fenêtre d’observation si restreinte fût-elle. Gualdi évolua... évoluant dans un temps autre de la vie. Vivant, et au présent, il se dédouble dans le passé et le futur, déroutant par-là même le chœur du sens commun.
Sans tarder je me suis mis au rouet jusqu’en novembre2009.
1 Paul Veyne,Foucault,149.
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