Leur guerre préférée
320 pages
Français

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Leur guerre préférée , livre ebook

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320 pages
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Description

De 1935 à 1945, ce récit entremêle deux guerres. Il y a la grande, la vraie, celle des combats de 40/45 qui fauche des millions de vies humaines. Et puis l'autre guerre, la petite, la mesquine. Celle-là ne tue pas avec des armes mais à coups de mots qui dévastent les coeurs et ravagent le quotidien. Et, d'une guerre à l'autre, se déroule sous nos yeux le destin de Lorenzo et Claudia, un jeune couple pris au piège des conflits intimes et des tourmentes de l'Histoire du XXe siècle. D'autres pourraient juste survivre. Eux se battront pour la liberté.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 26
EAN13 9782296806641
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LEUR GUERRE PRÉFÉRÉE
Graveurs de mémoire

Jacques FRANCK, Achille, de Mantes à Sobibor, 2011.
Pierre DELESTRADE, La belle névrose, 2011.
Adbdenour Si Hadj MOHAND, Mémoires d’un enfant de la guerre. Kabylie (Algérie) : 1956 – 1962, 2011.
Émile MIHIÈRE, Tous les chemins ne mènent pas à Rome, 2011.
Jean-Claude SUSSFELD, De clap en clap, une vie de cinéma (Récit), 2010.
Claude CROCQ, Une jeunesse en Haute-Bretagne, 1932-1947, 2011.
Pierre MAILLOT, Des nouvelles du cimetière de Saint-Eugène, 2010.
Georges LE BRETON, Paroles de dialysé, 2010.
Sébastien FIGLIOLINI, La montagne en partage. De la Pierra Menta à l’Everest, 2010.
Jean PINCHON, Mémoires d’un paysan (1925-2009), 2010,
Freddy SARFATI, L’Entreprise autrement, 2010.
Claude ATON, Rue des colons, 2010
Jean-Pierre MILAN, Pilote dans l’aviation civile. Vol à voile et carrière, 2010.
Emile JALLEY, Un franc-comtois à Paris, Un berger du Jura devenu universitaire, 2010.
André HENNAERT, D’un combat à l’autre, 2010.
Pierre VINCHE, À la gauche du père, 2010,
Alain PIERRET, De la case africaine à la villa romaine. Un demi-siècle au service de l’État, 2010.
Vincent LESTREHAN, Un Breton dans la coloniale, les pleurs des filaos, 2010.
Hélène LEBOSSE-BOURREAU, Une femme et son défi, 2010.
Jacques DURIN, Nice la juive. Une ville française sous l’Occupation (1940-1942), 2010.
Charles CRETTIEN, Les voies de la diplomatie, 2010.
Mona LEVINSON-LEVAVASSEUR, L’humanitaire en partage. Témoignages, 2010,
Daniel BARON, La vie douce-amère d’un enfant juif, 2010.
M. A. Varténie BEDANIAN, Le chant des rencontres. Diasporama, 2010.
DANIÈLE CHINÈS


LEUR GUERRE PRÉFÉRÉE

Ombres et lumières familiales. 1935/1945


L’Harmattan
DU MÊME AUTEUR :
L’autorité parentale, 1985, La Sorbonne
Pourquoi lui ? Pourquoi elle ? 2005, Éditions Lattès
La jeunesse d’une fille d’immigres siciliens
La Singer et le balcon (1923-1936), Éditions L’Harmattan 2008


© L’H ARMATTAN , 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54700-1
EAN : 9782296547001

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
À Simon et Raoul
« La vie de chaque homme est un chemin vers soi-même,
l’essai d’un chemin, l’esquisse d’un sentier.
Personne n’est jamais parvenu à être entièrement lui-même,
chacun, cependant, tend à le devenir, l’un dans l’obscurité,
l’autre dans plus de lumière, chacun comme il peut. »


Hermann Hesse
Première Partie
La lettre cachetée
« De toute façon, tout va trop vite dans les premiers instants… »
Philippe Raulet


En mars 1944, à Paris, le temps est très froid et il a neigé.
C’est presque une fatalité, tous les hivers de guerre sont plus rudes que ceux des temps de paix. On n’y peut rien. C’est une accumulation de calamités les unes sur les autres : le froid sur la faim, la faim sur la peur, la peur sur l’absence, l’absence sur le désespoir.

Chez nous au 4, les clefs sont dans la serrure. Comme ma mère est vissée sur son tabouret de travail, elle gagne du temps en restant assise quand quelqu’un vient à la maison. Ne viennent que les patrons avec lesquels elle travaille et mes grands-parents : les Gerbini et les Beccari.
On frappe, ou on sonne, et on rentre sans attendre de réponse. L’habitude est prise.

Il a frappé, d’abord doucement, deux petits coups secs et puis encore deux coups. Ma mère a entendu. Elle dit :
- Entrez !
Elle l’a dit une fois, d’abord distraitement et puis sans réponse l’a répété, un peu inquiète. Elle pense que c’est sûrement le bottier Dolin qui vient chercher sa paire de tiges {1} . Les chaussures ne sont pas prêtes. Dolin va devoir attendre, assis sur une chaise derrière l’établi de ma mère et il parlera sans arrêt.
C’est assommant ces gens qui jacassent sans pause, qui ont peur du silence, qui colmatent les trous du temps, pour exprimer un fatras de choses insignifiantes, ou inintéressantes pour les autres.
Lui Dolin, c’est sur son frère qui est un peu simplet, sur les clientes qui ne sont jamais satisfaites, sur la rue qui est mal fréquentée…
Mon père appelait ces gens qui parlent beaucoup : les bouches inutiles. Je crois qu’il avait emprunté cette expression au théâtre de Simone de Beauvoir.
Ma mère répète :
- Entrez, mais entrez donc !
Derrière la porte, personne ne bouge. Alors, elle finit par se lever. Ce n’est sûrement pas Dolin. Il connaît les habitudes. C’est pénible ce temps qu’elle perd, quand les gens sont timides ou réservés ou trop bien élevés, ou pas encore au fait des habitudes de la maison. Ils l’obligent à se déplacer.
Dans l’entrée, elle s’apprête à ouvrir la porte. De l’autre côté, quelque chose résiste, une main qui freine l’ouverture, et une voix qui dit doucement :
- Claudia, n’aie pas peur, n’aie pas peur ma chérie, c’est moi, Enzo, oui, c’est moi, je te dis. N’aie pas peur…
Ma mère sent qu’elle va chanceler, c’est sûr, cette voix, la sienne, celle de mon père, elle l’a reconnue. Elle l’entend, elle n’y croit pas, c’est trop beau, un rêve, une hallucination ... Elle tire vers elle la poignée qui résiste encore. Elle ne comprend pas ce qui se passe.
Lui, de l’autre côté de la porte, il craint de lâcher la poignée. :
Elle va être saisie de le voir et s’évanouir. Alors, il murmure encore :
- C’est moi Claudia, je suis rentré, je suis là. N’aie pas peur…
Au bout d’un millier de secondes de plomb, avec d’infinies précautions, il pousse lentement devant lui le battant de la porte, pour entrer dans cet appartement dont il n’a jamais franchi le seuil.
- C’est moi Claudia, je suis rentré, je suis là. N’aie pas peur…
Mon père est là, devant ma mère. Il est aussi grand et aussi large que l’ouverture des deux battants de la porte.
Il est aussi beau que lorsqu’elle l’a vu pour la dernière fois, quatre ans plus tôt, en avril 40, à Dieulouard, quand ils se sont aimés deux nuits et qu’ils ont conçu Génio. Un peu amaigri, mais moins qu’elle ne le redoutait. Elle le regarde sans bouger. Bouger, c’est à coup sûr tomber, foudroyée par l’émotion. Alors lui, il s’avance, il n’a qu’un pas à faire. Ses bras se referment sur son corps et la soulèvent.
Il va la broyer, elle le sent. À force de la serrer si fort, son corps va absorber le sien. Il l’étouffe de baisers. Elle vacille, se laisse emporter par une vague déferlante et ferme les yeux.
Une étreinte qui dure l’éternité.
Quand il la repose enfin sur le parquet, il la regarde de partout en la faisant pivoter sur elle-même :
- Tu es plus belle qu’avant, encore plus belle, mon petit amour … plus qu’avant… plus que dans mes rêves.
Ma petite femme, je te jure, je rêvais toutes les nuits de toi, et le matin au camp, je décrivais aux copains la belle femme qui était la mienne. Je leur parlais de tes cheveux et de tes lèvres et de ce rouge baiser qui t’allait si bien.
Y’en avait un, Rémi, un Parisien comme moi, il disait tout le temps : « Tu as de la chance, Gerbini, de revoir ta femme dans tes rêves. Moi, j’ai beau fermer les yeux, prendre ma tête dans mes mains, je ne vois même plus son visage… Rien qu’un trou noir. J’entends sa voix, certains mots qu’elle prononçait, mais son visage… le néant… Je n’ai même plus de photo… » C’était terrible pour moi de voir ce type pleurer.
De nouveau, il la prend dans ses bras. Respire son cou, s’approche lentement de sa bouche, de cette haleine aimée, ressurgie tout à coup intacte dans sa mémoire. Il l’embrasse avec la passion de l’homme qui a tellement rêvé de ce baiser du retour.
Elle, peu à peu, a repris ses esprits et dit doucement en s’écartant :
- Attends… Attends, je veux te montrer quelque chose.
Pendant qu’elle se dirige vers la chambre, il regarde autour de lui, interroge le silence de l’appartement :
- Les enfants ne sont pas là ? Où est Sandra ? Et o

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