Sorciers, socialisme et sida
224 pages
Français

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Sorciers, socialisme et sida , livre ebook

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Description

Joignant tradition africaine et psychologie clinicienne, observant le charisme du président Nyerere, luttant contre les ravages du sida, le Père blanc Bernard Joinet nous conte son parcours résolu, non sans éviter les questions, les doutes et les stupéfactions. Son combat incessant pour la vie, l'Afrique et ses convictions aide à ne pas baisser les bras aux heures d'un possible découragement.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2008
Nombre de lectures 227
EAN13 9782296921405
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À Jean-Claude et Monique Petit, À Pascale et Guillaume Bouffard-Cruse, dont la pression amicale m’a gentiment, mais fermement poussé à écrire ce livre. À Anne Barthelemy qui m’a aidé à tenir le cap. À Emmanuelle d’Achon. dont l’accueil m’a permis d’écrire dans un cadre favorable à l’inspiration. À Jean-Eudes d’Achon dont les commentaires m’ont guidé dans la rédaction des chapitres sur l’économie. À Nadia Macquart-Moulin pour son soutien artistique. Auxconfrères de ma communauté de Sainte-Foy-lès-Lyon qui ont supporté mes sautes d’humeur pendant toute la rédaction de ce livre. À Raphaël Lubala et Jean-YvesChevalier pour leur soutien en informatique.
Préface
Il y a dans ce livre trois thèmes principaux, la santé, la politique et le sida (Sorcellerie, socialisme et sida)vus à travers l'expérience d'un homme de terrain dont lavolonté première est de s'engager et de prendre position face à ces sujets essentiels sans faire de concessions auxidées reçues ni au politiquement correct et dans le respect de chacun. La première partie du livre rapporte l'expérience de l'auteur en tant que soignant. « Vous n'avezpas parlé de la prise en charge spirituelle ?» Cette critique revient sans cesse à la fin des formations faites auxsoignants africains par les équipes européennes dans le domaine du VIH/sida. Critique fondée qui est au cœur de ce livre et il fallait l'immense expérience d'un prêtre, théologien et psychologue, le père Bernard Joinet, immergé dans l'aventure africaine en Tanzanie, pour rendre palpable l'importance de la dimension spirituelle dans l'approche holistique de la santé qui prend en compte toutes les dimensions de la personne : médicale, psychologique, sociale, nutritionnelle et spirituelle. En effet, à travers son itinéraire de prêtre et de psychologue clinicien, le père Bernard Joinet ne cesse d'approfondir l'étroitesse des liens entre levisible et l'invisible, se définissant lui-même comme un « passeur » entre ces deux univers. Il met en lumière l'importance de la dimension culturelle et spirituelle de la santé qui doit tenir compte des puissances invisibles qui agissent sur l'homme. La force du discoursvient de la richesse de son expérience de terrain, qu'il fait partager au lecteur, emmené sur des pistes qui le surprennent et face auxquelles il doit laisser tomber ses préjugés pour recevoir l'ex: « Je suispérience de l'aîné, du sage qui écrit persuadé que le don de guérir existe, car je l'ai rencontré. » La deuxième partie du livre est consacrée auxrapports entre l'auteur et le président Julius Nyerere. Totalement engagé dans sa mission, le père Joinet s'est trouvé tout naturellement happé
par la politique, sujet essentiel de saLettre à mes supérieurs, lettre d'analyse sociopolitique, initialement destinée à ses seuls supérieurs religieuxet qui en 1999 était lue par mille sixcents décideurs sur cinq continents. C'est le contenu essentiel de cette « correspondance » qu'il nous livre ici. Il permet de comprendre l'origine de l'admiration que l'auteur porte à ce président qui, selon lui, tient sa place auxcôtés de Nelson Mandela et de Kwame Nkrumah parmi les grandes figures de la lutte pour l'indépendance enAfrique. Homme de forte conviction religieuse, pour qui l'instauration d'un parti unique et uni possédant un pouvoir fort était le meilleur moyen d'unifier cent vingt-huit ethnies en une nation avec dans toute sa démarche un mot clef : dignité. Naissance d'une nation par « l’instauration d'un socialisme africain, basé sur la tradition africaine, pensé par un Africain, pour les Africains ». L'auteur porte sur la naissance de cette nation un regard lucide qui traduit tout à la fois sa haute estime pour le président Nyerere, savision politique, sa démarche dans l'instauration de l'ujamaa(le familialisme, principe de base de sa société nouvelle). On sent alors sa déception quand il écrit face à la situation actuelle de la Tanzanie : « L’ujamaan’aura été qu’une parenthèse de dix-sept ans. Tout est rentré dans l’ordre de la mondialisation, c’est-à-dire du capitalisme libéral. » Mais ce n'est pas un constat d'échec qu'il fait, la société a été profondément modifiée. Lesvillages sont nés, une langue unique est parlée, une nation unie a été édifiée. Dans la troisième partie du livre, l'auteur nous livre ce qu'il appelle son « obsession sida ». Levoici face à cette pandémie dans une des régions du monde les plus touchées. Il est soignant, il est prêtre, il est militant, il met toutes ses forces dans ce nouveau combat. Etvoici que d'un rêve, une nuit, à Bukoba, sur les bords du lac Victoria, suite à une discussion animée entre professionnels et à laveille d'une formation des soignants sur la prévention du VIH, il donne naissance àla Flottille de l'Espoir. Le sida est comparé à une inondation, un déluge, et la survie ne peutvenir que de la possibilité de monter à bord d'une embarcation. C'est un éclairage nouveau sur la prévention, mise ainsi à la portée de tous quels que soient leur âge, leur degré
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d'éducation, leur culture ou leur croyance ! Prêtre, il se heurte au délicat problème du préservatifvis-à-vis duquel il est parfaitement clair : « Le grand commandement de la Bible et du Coran est : "Tu ne tueras pas".» Incontournable. Il insiste sur le fait qu'avec le VIH, la mort est devenue un des aspects possibles de la sexualité et qu'à ce titre, une prévention efficace doit présenter tous les moyens de prévention, aussi bien l'abstinence et la fidélité que le préservatif. Il montre aussi que la position officielle de l'église catholique a beaucoup évolué sur ce point et que l'anathème initial n'est plus de mise, même s'il a personnellement souffert de sa prise de position dans la prévention du VIH/sida. L'Église peut et doit être une institution efficace de prévention et de soutien à ceuxqui sont infectés. Soutien à la prévention qu'il réclame de la part de tous : famille, groupes religieux, éducation nationale, services de santé, groupes de loisirs ou sportifs. Comme tous les grands engagés, le père Joinet nous quitte à la fin du livre non pas sur une conclusion mais sur une porte ouverte, celle d'un autre livre « un prêtre face au sida » qu'il projette d'écrire. Nous l'attendons tous ! Nous sortons de celui-ci avec l'impression d'avoir cheminé auxcôtés d'un ami qui nous a captivés, encouragés, grandis, pour qui amour, dignité, compréhension sont des mots clefs et dont le combat incessant pour lavie, l'Afrique et ses convictions nous aident à ne pas baisser les bras auxheures d'un possible découragement.
ProfesseurChristian Courpotin
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Introduction
Le fruit de l’amitié
Père Blanc, missionnaire d’Afrique, je suis arrivé en Tanzanie en 1966. Je l’ai quittée en 1999 et depuis, je réside dans le Grand Lyon, plus précisément à Sainte-Foy-lès-Lyon. Mon cœur, lui, ne l’a pas quittée et j’y ai encore des liens. Je fais leva-et-vient entre la France et la Tanzanie plusieurs fois par an au gré de missions qui me sont confiées. À chaque retour en France, je parle évidemment de la Tanzanie avec ma famille et mes amis, en particulier avec Jean-Claude Petit et sa femme Monique, des amis très proches. Jean-Claude est journaliste, président du Centre national de la presse catholique. Nous avons écrit ensemble deuxlivres. Il me dit à l’un de mes retours : « C’est intéressant ce que tu nous dis là, tu dev»rais l’écrire. Deuxautres amis, Pascale et Guillaume Bouffard-Cruse abondent dans le même sens. Réactions flatteuses, mais pourquoi écrire pour des Français sur les malades mentauxde Dar es-Salaam et les ravages du sida en Tanzanie ? Je ne m’en sentais pas le droit. Un hôte discret ne parle pas des défauts de la plomberie de la maison qui l’accueille. Le service de psychiatrie de la faculté de médecine de Dar es-Salaam, oùj’enseignais et donnais des consultations de psychologie clinique, m’a organisé une petite fête d’adieu quand j’ai quitté Dar es-Salaam en mars 1999. Cela nous donna l’occasion d’évoquer les débuts de la consultation de psychothérapie que j’ai ouverte en 1979, de la recherche et mise au point de psychothérapies adaptées à la culture africaine, de la création d’une pédagogie de prévention du sida,la Flottille de l’Espoir. Plusieurs membres de l’équipe psychiatrique avaient suivi mes cours sur le développement de la personnalité dans les années quatre-vingt, quand ils étaient étudiants. Ils évoquent certains exemples que je leur avais donnés alors. Ils s’en
souviennent et en rient encorevingt ans plus tard. La conversation est animée, joyeuse. Le professeur Gad Kilonzo, chef du service de psychiatrie, me dit alors : « Père,vous devriez écrire sur ce que nous avons fait ici, ensemble. » Je hoche la tête et me tais. Il insiste. J’enregistre le message. J’ai donc une double demandevenant et de France et de Tanzanie.Ce livre est ma réponse. Il est le fruit de l’amitié. Ce livre est donc avant tout un partage d’expériences. Ce n’est pas une autobiographie comme les deuxlivres qui l’ont 1 précédé,Le Soleil de Dieu en TanzanieetLes Africains m’ont 2 libéré. Il est le compte rendu ponctuel de trois expériences, je dirais trois aventures aussi marquantes qu’imprévues. Aventures, oui, car je m’avançais sur des terrains inconnus. D’abord sur le terrain de la psychothérapie enAfrique. Ily avait très peu de psychologues cliniciens en Afrique de l’Est en 1979. Les ouvrages sur la psychothérapie dans un contexte africain étaient rares euxaussi, à cette époque, en dehors de ceux de l’école de Dakar. La plupart des personnes qui m’étaient adressées se plaignaient soit d’être possédées du démon, soit d’être ensorcelées. Elles avaient déjà fait leur diagnostic. Que faire ? Ni l’Institut de psychologie de la rue du Dragon, à Paris, ni les cours du professeur DidierAnzieu à la Sorbonne ne m’avaient préparé à faire face à ce genre de situation. La possibilité de l’existence d’êtres invisibles et de leur influence sur la santé des humains n’était absolument pas envisagée. La médecine et la psychologie clinique étaient séculières et laïques et, à leur suite, les psychothérapies. Un médecin ne posait jamais de question sur la foi ou la pratique religieuse de la personne venant en consultation. Il se contentait d’écouter une déclaration éventuelle de foi et l’enregistrait comme l’une des dimensions de la personnalité du demandeur d’aide. J’ai dû faire face à cette situation inattendue. La première partie de ce livre s’intitule : Mes rencontres avec le sorcier, le diable et le Bon Dieu.Je décris l’évolution de mon attitude, face auxreprésentations
1 1-Bernard Joinet, Le Soleil de Dieu en Tanzanie, propos recueillis par Jean-Claude Petit, Cerf, Paris, 1977. 2 Bernard Joinet, Les Africains m’ont libéré, propos recueillis par Jean-Claude Petit, Cerf, Paris, 1985.
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culturelles de la maladie par mes demandeurs d’aide, qui attribuaient souvent leurs problèmes de santé à l’intervention d’êtres invisibles. D’une manière encore plus inattendue, je me suis trouvé impliqué dans la vie politique de la Tanzanie. J’ai fait la connaissance du président Julius Nyerere,suivi ses efforts pour créer une troisième voie entre le capitalisme et le marxisme. À partir de 1994, j’ai publié une série d’analyses sociopolitiques dans dix-neufLettres à mes supérieurs. Unevéritable aventure que je raconte dans la deuxième partie,Happé par la politique. J’ai été encouragé dans cet effort de mémoire par des hauts fonctionnaires internationauxqui trouvaient que maLettreles avait aidés à comprendre certaines contradictions apparentes de leurs interlocuteurs tanzaniens. Troisième expérience, absolument imprévmesisible : rencontres avec le sida et sonvirus le VIH. Dès 1987, j’ai été confronté à cevirus sournois, non détecté pendant de nombreuses années, passant d’une personne à l’autre sans qu’elles s’en rendent compte. Cevirus menait, à cette époque, à une fin longue et douloureuse, difficilement soutenable pour le regard. Depuis, je n’ai cessé de mener contre lui une lutte de tous les instants. J’ai trèsvite concentré tous mes efforts sur la prév: « ention, selon le principe Quand ilya une inondation dans la salle de bains, le plus urgent est de fermer le robinet. » Prévention difficile, confrontée à de multiples obstacles. Parler de mort éventuelle ou de sexualité est tabou dans de nombreuses cultures. Les pulsions sexuelles et le besoin de drogue sont difficiles à maîtriser pour beaucoup et impossibles pour certains. À cela s’ajoute la position de nombreuxgroupes de croyants, aussi bien musulmans que chrétiens, qui s’opposent à l’emploi du latex, brûlent des préservatifs sur la place publique et font retirer des manuels scolaires les planches anatomiques qui, selon eux, portent atteinte à la pudeur. Une lutte dure, épuisante, avec ses échecs, avec, surtout, les adieuxà des amis, vaincus par le VIH, qui me quittent après plusieurs années d’accompagnement. Un travail de deuil répété. Continuer, se relever d’année en année, pendant dix-neuf ans. Je rendrai
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compte de ce long cheminement avec le VIH dans une troisième partie intitulée :Obsession sida.
La girouette fait toujours face au vent
Quand je revois mon passé, j’ai l’impression d’être une girouette qui tourne sans cesse. J’étais très souvent en déplacement, en moyenne dixmois par an. J’ai sillonné unevingtaine de pays africains. Je passais de France en Afrique du Sud, de l’Angola au Mozambique et du Burkina Faso au Maroc. En 2007, il estvrai, je tente de me stabiliser à Sainte-Foy-lès-Lyon. Ma santé m’yoblige. À l’université, je suis passé des études de grec à l’anglais, puis à la catéchèse et à la théologie, de celle-ci à la psychologie pour finir en sociologie politique. Puis je suis passé de l’animation d’un séminaire de prévention du sida au Bénin à des cours de psychologie clinique à la faculté de médecine de Dar es-Salaam, d’une session d’économie politique en Zambie à une semaine sur « Justice et Paix» à Sainte-Anne de Jérusalem, juste en face de l’esplanade du temple. Unevraie girouette. Oui, c’est vrai. Mais en même temps, j’ai un grand sentiment de stabilité. Je ne change pas pour changer mais pour faire face aux événements qui, eux, changent, de la guerre de 1940à mai soixante-huit, de la fin de la guerre froide auxoffensives islamistes, de la décolonisation auxconflits ethniques. Une girouette au comportement stable malgré les apparences. Àvous de juger. Je suis souvent invité à prendre la parole pendant des sessions sur le sida, l’économie africaine ou l’influence des êtres invisibles sur la santé. Souvent le président de séance a du mal à me présenter avec mon parcours sinueuxqu’il n’arrive pas à cerner. Il trouve alors un raccourci pratique et me présente comme un missionnaire atypique. Cet adjectif me surprend toujours. Je me demande en effet atypique en quoi, par rapport à qui ou à quoi ? Comme missionnaire ? Comme psychologue clinicien ? Ma manière devivD’aimer lare ? vie, de parler de
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