La notion de continuité, des faits au droit
333 pages
Français

La notion de continuité, des faits au droit , livre ebook

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Description

La notion de continuité confirme la dynamique d'un discours du droit qui assure aux institutions politiques et sociales une relative stabilité. Cette notion de continuité, entre faits et droit, s'inscrit au coeur du vocabulaire de la rupture que présupposent les mots de "révision" ou de "relance". Toujours estimée, évaluée et analysée a posteriori, elle est le point d'ancrage de tout système politique, juridique et social.

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Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 330
EAN13 9782296459984
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

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Extrait

LA NOTION DE CONTINUITÉ, DES FAITS AU DROIT
Ouvrage publié grâce au soutien du CERSA – CNRS UMR 7106 et du LEJEP (ex-CER/FDP) de l’université de Cergy-Pontoise Mise en page : Sophie Dellatana Révision éditoriale : Gilles J. Guglielmi
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54566-3 EAN : 9782296545663
Sous la direction de Geneviève KOUBI, Guillaume LE FLOCH et Gilles J. GUGLIELMI LA NOTION DE CONTINUITÉ, DES FAITS AU DROIT L’Harmattan
Liste des auteurs Marie-Thérèse AVON-SOLETTI, Maître de Conférences à l’Université de Saint-Etienne Emmanuel CARTIER, Professeur de droit public à l’Université Lille 2 Droit et Santé, Institut de recherches en droit public (EA 4036 du CNRS) Christelle CHALAS, Maître de conférences à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, FD/PCE (Forces du droit. Paradoxes, comparaisons, expérimentations) Jacques CHEVALLIER, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), Directeur du CERSA-CNRS Anne DUHIN, Anthropologue, Chercheuse, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis Lauréline FONTAINE, Professeur à l’Université de Caen-Basse Normandie, Directrice du C.R.D.F.E.D. (Centre de Recherche sur les Droits Fondamentaux et les Evolutions du Droit - EA 2132) et de la Clinique Juridique des Droits Fondamentaux Nelly FERREIRA, Maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise, CER/FDP (Centre d’études et de recherches : Fondements du droit public), Directrice de l’IPAG de Cergy-Pontoise Alice FUCHS-CESSOT, Maître de conférences à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, FD/PCE Claudine HAROCHE, Directeur de recherche au CNRS (Centre Edgar Morin / IIAC, EHESS) Brigitte GALTIER, Maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise, Chercheur en Littérature moderne et Psychanalyse, CER/FDP Carine Barbara GOUIN, Doctorante en Science politique, Enseignante au Collège universitaire (Cégep) André-Laurendeau, Montréal, Québec, Canada Gilles J. GUGLIELMI, Professeur de droit public à l’université Panthéon-Assas (Paris-II), CERSA-CNRS Laetitia JANICOT, Professeur à l’Université Cergy-Pontoise Geneviève KOUBI, Professeur à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, CERSA-CNRS Guillaume LE FLOCH, Maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise, CER/FDP Isabelle MEYRAT, Maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise, CRDE (Centre de Recherches en Droit Economique) Sophie NADAL, Maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise, CRDE Françoise PAGNEY BENITO-ESPINAL, Professeur de Géographie à l’Université Antilles-Guyane, AIHP-Géode EA 929 Roland RICCI,Professeur à l’Université Paris XIII Mélody SENAT, Doctorante en Droit public, ATER, Université Cergy-Pontoise, CER/FDP Claudine VIARD, Maître de conférences à l’Université Cergy-Pontoise, directrice du CER/FDP
Introduction
Continuité(s). Espacestemps des faits au droit
Geneviève Koubi
Continuité. Au singulier, le mot s’inscrit dans l’ordre d’un modèle sans aspérités, se défiant des nuances et des oscillations qui pourraient affecter sa qualité et son exemplarité. Au pluriel, le terme se coule dans les jeux incertains des superpositions et des interpositions spatiales et temporelles. Qu’elle soit appréhendée selon l’une ou l’autre de ces acceptions, l’idée de continuité ne peut être disjointe de celle de ‘discontinuité’ qui lui est corollaire. Ces formes de pensée se déploient singulièrement dans les études et analyses de sciences humaines, sociales et juridiques ; mais, cellesci étant souvent menées en contournant les interstices, l’interrogation sur la continuité et les discontinuités ne peut exclure une inférence dans les discours de ‘rupture’. Introduite dans ces champs de la recherche scientifique, la (dis)continuité se heurte au lexique de la rupture et de l’interruption ; trop d’études engagées sur ce thème ne masquent pas l’inquiétude que suscite l’obligation de se préoccuper de l’inattendu ou de l’imprévu, de l’anachronique et de l’asymétrique. Ces atermoiements rendent compte de la difficile mise en perspective de la continuité ; que les uns s’attachent à la fiction qu’elle présuppose, que les autres soulignent ses caractéristiques comme ‘apparence’, que d’autres relèvent l’impréparation face aux brusques retournements de situation, la démarche engagée conduit à se défaire de ces fractures du temps et de l’espace. Les silences, les points de suspension, les parenthèses couvrent les ruptures et empêchent le débordement des pages sur les marges. Les verbes de la ‘rupture’ n’auraient alors que peu d’impact ou ne seraient que de peu d’effet. L’une des trames dominantes des approches des continuité/discontinuité est, à chaque fois que le risque de la disjonction se dessine ou que l’atomisation s’annonce, de recomposer les propos afin de réinsérer le fait ou le texte saisi dans l’ensemble social, culturel ou politique objet d’étude. Les tentatives d’explication des faits ou événements, les différents éclairages proposés par la recherche sur l’origine des phénomènes ou les hypothèses quant aux motifs des écrits retenus en limitent les incidences. Le mot de ‘rupture’ circonscrit untrouqui bride l’étude entreprise et oblige la répartition des références ; il dessine une faille que tout système sociétal, normant ou normalisant, ne saurait enregistrer sans mettre en danger sa durée, sa permanence ou sa pérennité. Or, l’observation des évolutions suppose une exploration des creux et des lézardes qui rayent la surface lisse de l’histoire.
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La notion de continuité s’avère là rénovatrice d’une stabilité (re)calculée. Elle devient régénératrice des modèles sociaux et politiques, d’une part en imposant le provisoire et en gérant le transitoire et, d’autre part, en différant les fractures et en organisant les contretemps. Dotée de fonctions thérapeutiques, la notion de continuité prend ainsi sens dans l’étude des mobilités historiques, dans l’exposition des valeurs dominantes ou dans la constance des idéologies qui traversent les époques moderne et contemporaine. Elle soutient la reconstitution de l’histoire en suivant un ‘ordre’ des faits et des institutions débarrassé de sa complexité intrinsèque. L’idée de continuité aménage donc les temps politiques en coordonnant les actions sociales et les activités juridiques et en intégrant, sans les défaire, leurs inconstances et leurs instabilités. Alors que le mot decontinuitése voit progressivement rejeté du vocabulaire des sciences sociales, alors que l’adjectif ‘continu’ se transforme par la diffusion d’expressions insolites en formules toutes faites comme le ‘tout au long de la vie’ (pour la formation) ou le ‘à toute heure’ (pour le service), la réflexion sur la continuité pouvait conduire à un survol, si ce n’est à un déni, des écartements et décalages. Elle aurait pu amener à évacuer de la réflexion les ‘sans’ (toit, logis, papier, droit…). Mais il y avait au moins un slogan duquel elle ne pouvait être exclue : « la lutte continue ! ». Les invariants sont les points d’ancrage de ces réflexions croisées qui, en chacun des domaines abordés, ont pensé la continuité dans la discontinuité ou la discontinuité dans la continuité. Continuités et discontinuités sont de l’ordre du discours. La lisibilité de la notion de continuité s’inscrit dans le souci d’un ordonnancement du monde sur le mode binaire et suivant des axes primaires. Au prétexte de la ‘simplicité’, la notion inviterait à se méfier des nuances et inciterait, par exemple, à consolider l’opposition entre ordre et désordre, entre discipline et confusion, entre bien et mal. Son étude n’apparaît donc pas déplacée dans une société qui fait de la ‘simplification’ un de ses thèmes privilégiés et de la ‘codification’ un des instruments convenus de contrôle des conduites. Dès que les thèses de l’accessibilité et de l’intelligibilité s’exposent comme un mode de communication assigné, dès que les formules de la promptitude et de la rapidité se présentent comme une composante de l’efficacité, la réponse politique aux changements de conjoncture ou de circonstances qui se profilent, voudrait immédiatement restaurer les liens. Dans cette configuration, sourd aux interventions des acteurs sociaux, le discours politique s’empare de l’espace du droit et le texte juridique prétend colmater les brèches d’une politique fondée sur des référents non exprimés tandis que les populations connaîtraient des dislocations sociales sans pouvoir les désigner comme telles.
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1 Sujet d’interrogations multiples, pardelà les interprétations de l’histoire , l’analyse de la continuité peut donc tout aussi bien questionner la qualité flexible du droit, en agrégeant, par exemple, situations particulières, catégories 2 sociales et règles juridiques , que rendre compte des difficultés de penser l’État, 3 son histoire, sa constitution , les modulations de ses structurations dans le 4 5 temps et les modalités de son insertion dans la globalisation . Elle peut tout 6 autant se préoccuper des ‘gens’, des personnes que des territoires – la gestion 7 8 des catastrophes naturelles et la protection de la biodiversité en relevant – ; elle s’intéresse aussi aux gradations des politiques publiques suivant les retournements des discours juridiques ou explorant les mouvements alternatifs 9 des réseaux sociaux afin d’interroger le temps présent et mettre en perspective l’antinomie entre principes fondateurs des sociétés modernes et recompositions 10 des valeurs sociales . Elle peut alors esquisser les cheminements sociaux, culturels, politiques et administratifs qui président aux réformes, les unes réalisées et les autres encore indéterminées – telles celles relatives à la définition des lieux d’exercice et de l’exercice des compétences administratives 11. locales Loin de couvrir l’ensemble des interrogations que ce terme decontinuitésoulève, la variété des contributions ici réunies permet de vérifier l’amplitude des champs de recherche et de prouver que toutes les disciplines des sciences humaines et sociales ont vocation à se rencontrer, à se compléter mutuellement, 1  Dans cet ouvrage : AVONSOLETTI M.T., « La continuité : réalité d’une cohérence issue de l’unité entre dynamisme et stabilité ». 2  CHALAS C., « La continuité du traitement des situations juridiques internationales : vers une rupture méthodologique ? » ; NADAL S., « Continuité et renégociation syndicale des prévisions initiales des conventions et accords collectifs : regards sur le droit de la révision ». 3 CARTIER E., « Entre validité et effectivité, ruptures et continuités du droit constitutionnel » ; FONTAINE L., « Continuité et normes constitutionnelles. Bref essai sur la linéarité juridique à l’épreuve des textes et des formes ». 4 GOUIN C. B., « Les leçons de la transition démocratique : continuité et rupture avec le passé » ; Le FLOCH G., « Continuité et discontinuité en matière de succession des États aux traités » ; RICCI R., « Continuité des systèmes juridiques et succession des constitutions : analyse d’un paradoxe ». 5  FUCHSCESSOT A., « Continuité et mensonges constitutionnels : l’adaptation de la Constitution du 4 octobre 1958 à l’Europe communautaire ». 6 HAROCHE C., « Le besoin de continuité ». 7  PAGNEY BENITOESPINAL F., « Une continuité construite dans l’exposition aux risques naturels majeurs dans le bassin caraïbe ». 8 VIARD C., « Efforts du droit pour la construction d’une continuité écologique ». 9 DUHIN A., « Anthropologie et discontinuité ». 10 GALTIER B., « “Refondation” ou création discontinue (Charles Péguy) » ; GUGLIELMI G. J., « La continuité du service public, un principe de fonctionnement ou une essence première » ; JANICOT L., « Le principe d’imprescriptibilité du domaine public » ; MEYRAT I., « Le droit du travail entre continuité et discontinuité ». 11  SENAT M., « Quelques remarques terminologiques sur la notion de continuité territoriale » ; FERREIRA N., « La décentralisation, vraie rupture ou continuité de la centralisation ? »
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à s’enrichir réciproquement. Sciences du droit, sociologie, littérature, anthropologie, géographie, histoire se sont ici associées pour en proposer quelques décryptages et décodages.
1)LA CONTINUITE,UNE MODALITE DE PASSAGE DES TEMPS
Suivant un raisonnement ordinaire, en effaçant méandres et dénivelés, la notion de continuité se présente comme le pivot, nondit, à partir duquel se construisent et se maintiennent les systèmes politiques, juridiques, sociaux ou culturels, qu’ils soient ou non établis en termes de droit. Elle est la trame qui conforte les passages d’une période à une autre, qui soutient les liens entre les courants de pensée ; elle assure la survie, ou plus logiquement, la longévité des 12 sociétés et des cultures en leur incorporant des schèmes de discontinuité qui en 13 14 révèlent la vitalité. Bien que les notions de provisoire et de transitoire la suppléent dans l’ordre d’une pratique sociale et politique, c’est dans le but de surseoir à leur implosion ou de prévenir le risque de la dislocation, que l’appel, implicite, à l’idée de continuité se comprend. Il y a, dans ces processus reconstructeurs, une invite à sélectionner certains des principes conducteurs d’une progressivité des faits ou certains des cycles des éparpillements rencontrés. Axe des champs disciplinaires qui privilégient l’étude des systèmes et mouvements sociaux, la notion de continuité conduit l’analyse des changements que connaissent les échelles de valeur ou les ordonnancements prescriptifs qui les structurent et les organisent. Qu’ils les subissent ou qu’ils les suscitent, entre pensée politique, ordre juridique et culture sociétale, les facteurs transformateurs – aussi ténus ou radicaux puissentils s’avérer – des ordres établis et reconnus sont retravaillés, conceptuellement et concrètement, afin de contribuer au maintien du lien 15 social , ou à tout le moins, afin de développer les circuits d’un passage des
12  AVONSOLETTI M.T., « La continuité : réalité d’une cohérence issue de l’unité entre dynamisme et stabilité ». 13  V. par ex. VIDALNAQUET A. (dir.),Le provisoire en droit public, Dalloz, coll. Thèmes & commentaires, 2009 ; MERLAND L.,Recherche sur le provisoire en droit privé, PU Aix Marseille, 2001. 14  V. EVEILLARD G.,Les dispositions transitoires en droit public français, Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, 2007. 15 V. entre autres, BOUVIER P.,Le lien social, Gallimard, coll. Folio essais, 2005 ; PAUGAM S., Le lien social, PUF, Que saisje ?, 2008.
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16 temps, souvent d’ordre transitionnel , entre un ‘avant’ et un ‘maintenant’ source 17 toujours reconstituée d’un ‘après’ éventuel, incertain, mais souhaité . Ces approches déductives révèlent autant l’assimilation que l’instrumentalisation de ces mouvements choisis comme révélateurs d’un changement. En dépit des turbulences et des flous qui peuvent l’affecter, la saisie des changements ou des modifications sélectionnés revient à signifier la force discursive d’une notion de continuité. Pourtant, la raison précise des choix opérés manque ; entre ignorance et tabou, les faits retenus délivrent alors d’autres enseignements. La mise entre parenthèses ou le passage sous silence de certains événements pose ainsi la question cruciale du caractère artificiel de la continuité. Que ces mouvements soient faits étranges ou phénomènes imprévus, écrits nouveaux ou textes inattendus, qu’ils soient prémisses ou conséquences d’autres recompositions, ils se heurtent à un modèle préfabriqué, à un système prédéfini, à un circuit préfiguré, dans un temps et dans un espace déjà délimités par l’organisation des territoires, des choses, des idées ou des règles. Ils ‘doivent’ pourtant s’y glisser et s’y fixer rationnellement et harmonieusement. Une dynamique autoréférentielle les mobilise dans le but de provoquer leur relecture ou leur réinterprétation aux fins de légitimer leur inscription dans le modèle retenu, ou à défaut de pouvoir les absorber, de les situer dans le cadre préconçu, sous la forme d’exception ou de dérogation, d’incongruité ou d’anomalie, la référence à un standard donné étant toujours sousjacente. Dans chacune des disciplines des sciences sociales ici abordées, aucune des contributions n’échappe à ce constat d’une reconstruction du temps et de l’espace pour donner sens à une idée de continuité. Les mots de transition, d’adaptation, d’amélioration, de rétablissement en sont les principaux marqueurs. Notant que les systèmes sociaux, de droit ou de fait, s’accommodent mal d’une logique de ‘rupture’, ces approches attribuent au temps et à l’espace pris pour objet d’étude des conformations logiques replacées autour d’une méthode ou d’une finalité. De fait, les systèmes sociaux, quelle que soit leur nature, assimilent les révolutions et incorporent les transformations même s’ils atténuent les conséquences des schismes et des sécessions ; ils en minimisent aussi les saccades que pourraient traduire les interruptions. Ces interruptions, indiquées ou visualisées par les modèles du ‘provisoire’ ou du ‘transitoire’, sont appréhendées comme des écarts ‘ponctuels’ ; elles enseignent sur les déviations, les dissidences, les singularités ; elles présentent les modifications temporaires des trajectoires et des parcours ; elles sont de simples altérations qui ne détruisent pas le cours d’une histoire. 16 GOUIN C.B., « Les leçons de la transition démocratique : continuité et rupture avec le passé », V. par ailleurs, MASSIAS J.P.,Justice constitutionnelle et transition démocratique en Europe de l’Est, PU Clermont Ferrand, coll. Thèses, 1998. 17  V. CARTIER E.,La transition constitutionnelle en France (19401945). La reconstruction révolutionnaire d’un ordre juridique “républicain”, LGDJ, Bibl. constit., 2005.
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Assigner une fonction positive à la continuité revient ainsi à exclure le conflit, à le réduire à un contraste destiné à surdéterminer l’indice révélateur des passages de temps. Or l’histoire s’édifie à ‘l’épreuve du temps’ dans la rivalité des doctrines et dans la force des polémiques pardelà le fait. L’histoire se constitue, par strates d’interprétation, sur le terrain des mots. « L’historien (…) part d’un certain “état de fait” dont il recherche dans le passé les origines ou les germes ; ou bien encore, il transcrit une certaine période sous forme de récit raisonné et cohérent. Dans les deux cas, son activité présuppose une certaine continuité du temps, un rapport entre l’avant et l’après qui rende possible, je ne dis pas une détermination, mais au moins une influence, une efficacité de l’avant sur l’après. Des notions comme celles de conservation, d’inertie, d’usure, mais aussi comme celles d’évolution, de croissance, de développement, 18 supposent cette continuité du temps... » . L’action sociale, le verbe juridique comme l’événement historique ne s’immobilisent pas dans le texte. Les discours de/du droit s’accordent peutêtre une place de choix sur ce thème de la continuité tant ils s’acharnent à reconstituer le fil d’une histoire des textes plus que des faits sociaux ou des institutions politiques. Mais la qualité du droit ne réside pas dans le texte mais dans la pensée ; le refus des dogmatismes appelle 19 la controverse . Toutefois, plus qu’à une discussion, c’est à une confrontation que conduisent les études engagées dans le domaine juridique. L’échange entre les disciplines des sciences humaines et sociales, dont relèvent les sciences du droit, connaît des tiraillements principalement parce que le droit s’entend comme acte de domination. Néanmoins, l’accélération des mutations des sociétés contemporaines les réconcilient ; « les sociétés modernes se trouvent soumises à un processus de mutations et de transformations constantes et doivent affronter de nouveaux défis. Si le droit se consacrait excessivement à la fonction de stabilisation qui lui est inhérente, il courrait le risque de faire obstacle aux réformes nécessaires qu’exige la société ou de se voir dépassé sous la pression des changements. C’est pourquoi la flexibilité et l’ouverture à l’innovation doivent être des caractéristiques accompagnant également le système juridique, 20 aux côtés de la sécurité juridique et de la confiance légitime » . En tout état de cause, les études qui font là du droit, du droit public surtout, leur principal objet, ne peuvent être abordées sans que soit soulignée leur indéfectible liaison avec les analyses menées en anthropologie et en histoire comme en géographie et
18  TERRAY E., « L’histoire et les possibles », in : « Actualités du contemporain »,Le genre humain, n° 35, 2000, p. 179. 19 V. GOYARDFABRE S.,Repenser la pensée du droit. Les doctrines occidentales modernes au tribunal de la raison interrogativecritique, Vrin, coll. Histoire des idées et des doctrines, 2007, not. p. 73 et s. 20 ère  SCHMIDTASSMAN E., « Principes de base d’une réforme du droit administratif » (1 partie),RFDA2008, p. 427.
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