Journal d'un jeune surdoué

Claire Grand

Description

Sam a 8 ans et demi. Il est surdoué, mais ne le sait pas encore. La rencontre avec un psychologue va tout changer. Il va comprendre qu'il est différent, mais sûrement pas moins bien que les autres, ni même fou ou anormal. Il nous fait partager cette découverte dans le journal intime qu'il commence à écrire, petit livre à l'usage des enfants comme des parents.

Sujets

• Psychologie
• Éducation
• Psychanalyse
• Psychiatrie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 juillet 2012
• Nombre de lectures: 59
• EAN13: 9782296498488
• Langue: Français

Extrait

Journal
d’un jeune surdoué
Claire Grand


Journal
d’un jeune surdoué
Du même auteur


Toi qu’on dit « surdoué » , L’Harmattan, janvier 2011 (à partir de 10 ans).


Toi qu’on dit « autiste », L’Harmattan, mars 2012 (à partir de 10 ans).


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
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ISBN : 978-2-296-99585-7
EAN : 9782296995857

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
À tous les petits surdoués qui m’ont touchée par leur humour ou leur détresse.
À ceux qui cherchent à construire des machines à capturer les rêves.
Cher journal
Mardi 2 septembre
Je viens de déménager. Je connais personne ici. Tu es mon journal pour dire plein de choses. Ma grande sœur, elle a dit à sa copine qu’elle écrit tout dans un journal. Je l’ai entendue quand elle l’a dit. Alors, ça m’a donné l’idée de faire pareil. C’est une bonne idée d’écrire dans un journal, pour pas être tout seul et pouvoir dire tout à quelqu’un. Même si t’es pas un vrai quelqu’un, tant pis. Moi je m’appelle Sam et j’ai 8 ans et demi. J’ai une sœur qui a 15 ans. Elle s’appelle Charlotte. Elle est très intelligente, ma sœur, elle est première de sa classe. C’est pas comme moi. Elle, elle aime l’école et elle travaille bien. Heureusement, sinon ce serait dur pour mes parents d’avoir deux enfants pas bons à l’école.
Ma sœur, elle est chouette, elle est d’accord pour être bonne à l’école, comme ça, mes parents, ils ont un enfant sur deux qui est bon. Mais moi, non, je suis pas bon. Je sais même pas pourquoi je vais à l’école. J’aime bien un peu y aller quand la maîtresse est gentille, mais c’est tout.
Avant, on habitait pas ici. C’est très loin où on habitait. On avait tout le monde là-bas : les grands-parents, les tontons, les tatas et les cousins. Ici, on est tout seuls. Même mes parents, ils connaissent personne. C’est mon père, il a été muté, il doit venir travailler ici alors on a tous déménagé.


Mercredi 3 septembre
Demain, c’est la rentrée. Oh là là, je n’arriverai jamais à dormir. Je suis tout excité. C’est pas facile, non plus. Je vais arriver dans une nouvelle école.
Je connais personne. Je vais être le nouveau. Ils vont tous me regarder, j’ai horreur de ça. Je suis quand même content d’être parti. Ils pourront plus m’embêter les autres de mon école, je vais être tranquille. Ils me traiteront plus de nain ou de débile mental. D’abord, c’est eux les débiles. Au moins, dans ma nouvelle école, ils seront pas là. Oui, mais peut-être qu’il y en a qui sont encore pires, qui vont trouver marrant de m’embêter, juste pour le plaisir de me faire pleurer. Qu’est-ce que c’est bête, ce jeu ! Qu’est-ce que ça peut leur faire, de me faire pleurer ? Je comprends pas pourquoi c’est rigolo, de me faire pleurer, juste pour voir si je vais pleurer, pour voir s’ils arrivent à me faire pleurer quand ils veulent. C’est n’importe quoi.
J’ai peur. Et si la maîtresse, elle est méchante ? J’ai eu de la chance, j’ai jamais eu une maîtresse méchante, mais l’année dernière, j’ai failli. De toute façon, si j’ai une maîtresse méchante, je vais même pas pouvoir travailler.
J’aurai tellement peur d’elle que j’arriverai pas à réfléchir. Je sais bien comment je fais quand j’ai peur de quelqu’un, je regarde plus rien et je m’invente une histoire dans ma tête. Après, j’ai plus peur, mais si je fais ça en classe, je me fais gronder parce que j’écoute plus rien et je travaille plus. Alors, la maîtresse, elle sera encore plus méchante. C’est ça qui me fait trop peur. Si ma maîtresse, elle est méchante, je sais pas comment je vais faire. J’ai pas de solution.
J’aimerais bien avoir un maître pour changer. Un maître sympa comme l’année dernière. Les CM1, ils avaient trop de chance avec leur maître, ils disaient qu’il était trop génial. Ils ont même construit une vraie maquette de fusée et ils l’ont fait voler. Ça, c’est trop bien. Et à la fin de l’année, y en avait plein qui pleuraient parce qu’ils étaient tristes de le quitter. J’ai cru que c’était pas vrai tellement c’est impossible de pleurer pour ça.
Même pour un maître, c’est incroyable. Il devait vraiment être super leur maître. J’aimerais bien avoir un maître sympa comme lui, qui nous fait des fusées. J’aurais peut-être envie d’aller à l’école. Alors là, ce serait un miracle absolu, d’aimer l’école. Je sais même pas si c’est possible.
Je l’imagine mon maître que je voudrais avoir. Il serait jeune, il aurait une petite barbichette. C’est marrant une barbichette, comme ça, il ressemblerait pas à tout le monde. Il aurait les yeux bleus parce qu’il aurait l’air plus gentil avec les yeux bleus. Et il s’appellerait Hervé parce que c’est un prénom qu’on entend pas souvent et c’est rigolo comme nom. Et en plus, j’aime bien la couleur. Hervé, c’est un mot vert pomme. C’est joli un prénom vert pomme. Il peut pas être méchant avec un prénom vert pomme. C’est une couleur gentille.
Papa, il dit qu’il y a plein de gens qui trouvent que les mots ont pas de couleur. C’est pas possible, tous les mots et même les chiffres, ça a une couleur. Comment ils font pour pas les voir, les couleurs des mots ? J’arrivais pas à le croire, alors papa, il a regardé sur Internet. Il a trouvé qu’il y a presque personne qui voit les mots et les chiffres en couleur. Il a dit que ça s’appelle synesthètes , les gens qui voient les mots et les chiffres en couleur.
Il m’a fait lire aussi un truc incroyable, c’est que les synesthètes , ils voient des couleurs comme moi, mais il y en a aussi qui voient des couleurs quand ils entendent de la musique. Y en a même qui ont un goût dans la bouche quand ils entendent la musique. C’est carrément magique. Ça doit être marrant, il y a des musiques avec un bon goût et des musiques piquantes, comme elles font pour les oreilles.
La musique que la maîtresse nous a fait entendre l’année dernière, elle me grinçait dans les oreilles, j’ai dû me retenir de me boucher les oreilles. La maîtresse, elle aurait été furieuse si j’avais bouché mes oreilles. Mais c’était insupportable, ça grinçait, ça me cassait vraiment les oreilles. J’ai pas osé dire quelque chose parce que les autres, ça les gênait pas. Y a même Marie qui a dit qu’elle était jolie, la musique. N’importe quoi ! Elle a failli m’éclater les tympans. Alors, ceux qui la sentent dans leur bouche, ça doit être horrible, ça doit piquer la langue. Berk.


Jeudi 25 septembre
Ce matin, à l’école, il y a eu un scandale. On faisait un contrôle de grammaire et Juliette m’a encore demandé une réponse.
Déjà, elle m’énerve, celle-là, de toujours me parler et, en plus, j’ai pris à cause d’elle. Je me suis retourné pour lui dire : « Laisse-moi tranquille » et la maîtresse m’a vu. Alors, c’est moi qui ai pris. Elle m’a écrit « moins 5 » sur mon cahier. Elle a dit : « Tu copies sur ta voisine, je t’enlève cinq points ». C’était trop injuste, j’avais rien fait. J’ai pas supporté, j’ai piqué ma crise, j’ai crié plein de fois que c’est pas juste et j’ai déchiré mon cahier. La maîtresse, elle essayait de crier plus fort que moi. J’étais trop en colère parce que j’avais rien fait du tout. À la fin, la maîtresse, elle a arrêté de crier et elle est devenue très gentille pour essayer de me calmer. Au bout d’un moment, j’ai quand même arrêté de crier et de déchirer mon cahier. Mais c’était trop tard pour le cahier, il était déjà en confettis.