Stéréotypes, discriminations et éducation aux médias

Laurence Corroy-Labardens, Sophie Jehel

Description

Que peut l'éducation aux médias face aux discours discriminatoires ? Ces contributions d'horizons divers (chercheurs, journalistes, associations éducatives, enseignants) aideront enseignants et éducateurs à s'emparer de ces questions brûlantes. Il propose dans une première partie des analyses des discours populistes et du fonctionnement des médias. Dans une seconde partie, il ouvre des pistes d'actions concrètes en matière d'éducation aux médias en donnant l'exemple de programmes conduits par des associations d'éducation populaire. Il livre enfin les résultats en France du programme européen e-EAV conçu pour lutter contre les stéréotypes discriminatoires par l'éducation aux médias.

Sujets

• Communication
• Éducation
• Medias

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 15 août 2016
• Nombre de lectures: 40
• EAN13: 9782140015380
• Langue: Français

Extrait

Laurence Corroy Sophie Jehel

Stéréotypes, discriminations et éducation aux médias

ÉDUCATION ET MÉDIAS

Stéréotypes, discriminations et éducation aux médias

Collection « Education et Médias » Directeurs de collection : Laurence Corroy et Francis Barbey Le monde multimédiatique oblige à réfléchir aux moyens de réduire les fractures qui sont susceptibles de s’aggraver entre ceux dotés d’un « capital médiatique et numérique » suffisant et les autres, posant ainsi des enjeux citoyens et plus largement humanistes. De telles préoccupations rejoignent une attente sociale clairement exprimée en Amérique, en Europe comme en Afrique. Une réflexion portant sur l’éducation et les médias s’avère donc nécessaire. Etre capable de développer un esprit critique face aux médias, tout en faisant preuve de créativité en utilisant les médias à bon escient, telles sont les compétences à développer à l’heure du Web 3.0. Cependant, pour réfléchir utilement aux politiques éducatives à l’ère du numérique, il faut aussi tenir compte de la relation qu’entretiennent les jeunes et les médias ainsi que des représentations véhiculées par le système médiatique. La collection « Education et médias » présente donc des ouvrages qui s’intéressent aux médias et aux politiques éducatives, aux pédagogies innovantes, aux jeunes publics et leur consommation des médias.

© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris www.harmattan.com [e-mail] ISBN :978-2-343-09785-5 EAN :9782343097855

Laurence C ORROY et Sophie J EHEL Stéréotypes, discriminations et éducation aux médias

Des mêmes auteurs Laurence Corroy,Éducation et médias, la créativité en question à l’ère du numérique, Paris, Londres, Iste éditions, 2016. Laurence Corroy, Francis Barbey, Alain Kiyindou,De l’éducation par les médias à l’éducation aux médias, Paris, L’Harmattan, 2016. Laurence Corroy, Francis Barbey, Alain Kiyindou,L’éducation aux médias à l’heure des réseaux, Paris, L’Harmattan, 2015. Laurence Corroy, Emilie Roche,La presse en France depuis 1945, Paris, Ellipses, 2010. Laurence Corroy (dir.),Les jeunes et les médias, les raisons du succès, Paris, Vuibert, 2008. Laurence Corroy, Jacques Gonnet,Dictionnaire d’initiation à l’infocom, Paris Vuibert, 2008. e Laurence Corroy,sècleLa presse des lycéens et des étudiants au XIX , Paris, INRP, 2004. Sophie Jehel, Divina Frau-Meigs,Les écrans de la violence. Logiques économiques et responsabilités sociales,Paris, Economica 1997. Sophie Jehel, Divina Frau-Meigs,Jeunes, médias, violences, le rapport du CIEME, (Illustrations par Cabu) Paris, Economica 2002. Sophie Jehel, Parents ou médias : qui éduque les préadolescents ? Enquête sur leurs pratiques TV, jeux vidéo, Internet, radio, Toulouse, Erès, 2011. [e-mail]

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Avant-propos Construire des projets éducatifs luttant contre la montée des discours discriminatoires Les années 2010 ont vu se diffuser dans la plupart des pays d’Europe des discours politiques radicaux portés par des partis situés à l’extrême droite de l’échiquier politique. Sans avoir toujours une grande cohérence entre eux ces discours prônent la fermeture des frontières, le retour aux identités nationales voire régionales, et rejettent aussi bien la mondialisation portée par les élites que l’immigration et les expressions publiques de l’islam perçues comme le signe d’une invasion culturelle étrangère. En France l’accès des homosexuels à l’égalité des droits devant le mariage a suscité un vaste mouvement de protestation dans les milieux conservateurs alimentant des discours souvent discriminatoires homophobes. La crise des réfugiés fuyant les exactions en Syrie et en Irak a atteint en 2015 une ampleur inégalée. Elle a suscité des politiques d’accueil dans certains pays, mais a aussi alimenté des discours xénophobes, en particulier en France. Les attentats commis en France au nom de l’État Islamique en janvier puis en novembre 2015 ont entraîné un haut niveau d’inquiétude dans la population française, et ont accru encore l’hostilité à l’égard des musulmans, comme en témoigne l’augmentation des 1 agressions à leur égard en janvier . En 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) alertait déjà les pouvoirs publics dans son rapport

1  Du 7 au 20 janvier 2015, c’est-à-dire en 12 jours, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 128 actes antimusulmans, selon le Conseil français du culte musulman.

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2 annuel sur la banalisation de la parole raciste . Parmi les identités les plus stigmatisées en France, les Roms occupent la première place, devant les Maghrébins et les musulmans. Le niveau d’intolérance vis- à-vis de ces groupes avait fortement augmenté. Les propos et les actes antisémites étaient à nouveau en augmentation. Pour lutter contre le racisme et l’intolérance, la CNCDH en appelait à un travail éducatif « dès la maternelle ». Les mouvements politiques extrémistes ne sont pas les seuls à produire des représentations du monde stéréotypées favorisant les discriminations. Le traitement médiatique des minorités stigmatisées, et en particulier celui des quartiers populaires et de la délinquance juvénile est mis en cause depuis près de 30 ans comme étant bien souvent le réceptacle de discours caricaturaux qui viennent redoubler des phénomènes d’exclusion sociale par une relégation médiatique. Développer une société émancipée, garantissant à chacun l’exercice de ses droits fondamentaux, passe par le respect des différences et la reconnaissance de l’égalité entre les citoyens au-delà de leurs différences sexuelles, de leur orientation sexuelle, de leur origine, de leur religion, de leur couleur de peau, de leur lieu de résidence ou de leur handicap. Toute société est néanmoins stratifiée et organise les différences sociales dans un ordre qui les structure. Comment éviter que cet ordre social ne fige les destinées individuelles en assignant les personnes à des places sociales définies par certains traits de leur identité et non par leurs propres désirs et capacités ? Comment permettre à des groupes sociaux subissant la crise économique et la diminution des espoirs de mobilité sociale, de vivre ensemble sans que s’exacerbent les frustrations, la haine des petites différences, la désignation de boucs émissaires ? L’institution de l’école, qui suscite autant de reproches que d’espoirs, est au cœur de ces défis. C’est d’elle dont on attend la transmission à chacun des capacités lui permettant de s’insérer harmonieusement dans la société, c’est à elle que l’on demande de transmettre les repères de compréhension du fonctionnement social et des valeurs de citoyenneté, la liberté d’expression, le principe d’égalité,

2  Le rapport de la Commission N.C.D.H est consultable en ligne à cette adresse, http://www.cncdh.fr/fr/publications/rapport-racisme-antisemitisme-et-xenophobie- 2013-banalisation-de-la-parole-raciste-et (dernière visite le 3 janvier 2016).

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l’interdiction des propos haineux. L’éducation aux médias peut être un outil pour fournir un terrain d’analyse de ces enjeux. Cet ouvrage nous permet de mettre en perspective un travail amorcé dans le cadre d’un projet européen ambitieux,e-Engagement Against Violence(e-EAV, 2012-2014), initié par Maria Ranieri à l’Université de Florence et le centre Média Animation de Bruxelles, soutenu par le programme Daphné III de la Commission européenne, pour lutter contre les violences et notamment les violences faites aux femmes, aux enfants et aux jeunes, auquel a participé l’Université Paris 8. Ce projet s’était donné pour objectif l’analyse des discours politiques populistes favorisant les discriminations et la constitution de parcours d’éducation aux médias permettant aux enseignants de déconstruire avec leurs élèves les stéréotypes et les discours discriminatoires dans des genres médiatiques aussi différents que la fiction, l’information ou le jeu vidéo, en coordonnant des équipes de chercheurs issus de sept pays européens. Tourné vers les enjeux de citoyenneté, il proposait également des parcours consacrés à la communication politique et à l’activisme sur 3 Internet . Nous avons souhaité poursuivre la recherche en conservant le même objectif, donner aux enseignants des outils intellectuels pour alimenter leur réflexion et nourrir leur recherche pédagogique sur une question qui reste au cœur de l’actualité politique et pédagogique : la formation de l’esprit critique, la lutte contre les discours discriminatoires et xénophobes. Nous avons circonscrit le terrain d’analyse à la France, mais nous avons dans le même temps ouvert l’espace de débat à différents acteurs de la société civile qui y travaillent : des journalistes qui s’interrogent sur les enjeux déontologiques et professionnels, des responsables associatifs qui luttent contre les discriminations par la sensibilisation des plus jeunes ou par le soutien aux personnes discriminées, des enseignants ou des éducateurs qui souhaitent développer des activités d’éducation aux médias dans cette perspective et qui ont participé au dispositif e-EAV. Il nous semble important que le discours des chercheurs ne soit ni exclusif, ni isolé sur des questions aussi complexes, en redéfinition permanente et qui nécessitent

3 Les plateformes restent accessibles engagementagainstviolence.eu/index/

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à

l’adresse

suivante :

http://e-