Discours sur la première décade de Tite-Live
198 pages
Français

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Discours sur la première décade de Tite-Live , livre ebook

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Description



« Les grandes choses qu'elle a opérées, et dont Tite-Live nous a conservé la mémoire, ont été l'ouvrage du gouvernement ou celui des particuliers ; elles ont trait aux affaires du dedans ou à celles du dehors. »
Nicolas Machiavel

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 45
EAN13 9791022301725
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nicolas Machiavel

Discours sur la première décade de Tite-Live

© Presses Électroniques de France, 2013
Nicolas Machiavel À Buondelmontiet Rucellai [1]
Recevez cet écrit comme un présent de trop peu de valeur, sans doute, pour m’acquitter de tout ce que je vous dois ; mais soyez convaincu que c’est ce que Machiavel a pu vous envoyer de mieux. J’ai tâché d’y renfermer tout ce qu’une longue expérience et une recherche assidue ont pu m’apprendre en politique [2] . Dans l’impuissance où je suis de faire plus pour vous ni pour qui que ce soit, vous ne pouvez vous plaindre si je n’ai pas fait davantage. N’accusez donc que mon peu de talent du peu de mérite de ces discours ou mon défaut de jugement des erreurs dans lesquelles je serai sans doute bien souvent tombé. Dans cet état cependant, je ne sais lequel de nous a plus le droit de se plaindre, ou moi de ce que vous m’avez forcé à écrire ce que je n’eusse jamais entrepris de moi-même, ou vous de ce que j’ai écrit sans que vous ayez lieu d’être satisfait. Acceptez donc ceci comme on accepte tout ce qui vient de l’amitié, en ayant égard bien plus à l’intention de celui qui donne qu’à la chose offerte.
J’ai la satisfaction de penser que si j’ai commis des fautes dans le courant de cet ouvrage, j’ai, du moins, bien certainement réussi dans le choix de ceux à qui je l’adresse. Non seulement je remplis un devoir et je fais preuve de reconnaissance, mais je m’éloigne de l’usage ordinaire aux écrivains qui dédient toujours leurs livres à quelque prince et qui, aveuglés par l’ambition ou par l’avarice, exaltent en lui les vertus qu’il n’a pas, au lieu de le reprendre de ses vices réels.
Pour éviter ce défaut, je ne l’adresse pas à ceux qui sont princes, mais à ceux qui, par leurs qualités, seraient dignes de l’être ; non à ceux qui pourraient me combler d’honneurs et de biens, mais plutôt à ceux qui le voudraient sans le pouvoir.
À juger sainement, ne devons-nous pas plutôt accorder notre estime à celui qui est naturellement généreux qu’à celui qui, à raison de sa fortune, a la faculté de l’être ? À ceux qui sauraient gouverner des États, qu’à ceux qui ont le droit de les gouverner, sans le savoir ?
Aussi les historiens louent-ils bien plus Hiéron de Syracuse, simple particulier, que Persée de Macédoine, tout monarque qu’il était. Il ne manquait à Hiéron que le trône pour être roi, et l’autre n’avait du roi que le royaume.
Bon ou mauvais, vous l’avez voulu cet écrit : tel qu’il est, je vous le livre, et si vous persistez toujours dans vos favorables préventions [3] , je continuerai à examiner le reste de cette histoire, comme je vous l’ai promis en commençant.
Livre premier
Avant-propos
Je n’ignore pas que le naturel envieux des hommes si prompts à blâmer, si lents à louer les actions d’autrui, rend toute découverte aussi périlleuse pour son auteur que l’est, pour le navigateur, la recherche des mers et des terres inconnues. Cependant, animé de ce désir qui me porte sans cesse à faire ce qui peut tourner à l’avantage commun à tous, je me suis déterminé à ouvrir une route nouvelle, où j’aurai bien de la peine à marcher sans doute. J’espère du moins que les difficultés que j’ai eues à surmonter m’attireront quelque estime de la part de ceux qui seront à même de les apprécier. Si de trop faibles moyens, trop peu d’expérience du présent et d’étude du passé rendaient mes efforts infructueux, j’aurai du moins montré le chemin à d’autres, qui, avec plus de talents, d’éloquence et de jugement, pourront mieux que moi remplir mes vues ; et si je ne mérite pas d’éloge, je ne devrais pas du moins m’attirer le blâme.
Si on considère le respect qu’on a pour l’antiquité et, pour me borner à un seul exemple, le prix qu’on met souvent à de simples fragments de statue antique qu’on est jaloux d’avoir auprès de soi, d’en orner sa maison, de donner pour modèles à des artistes qui s’efforcent de les imiter dans leurs ouvrages ; si, d’un autre côté, l’on voit les merveilleux exemples que nous présente l’histoire des royaumes et des républiques anciennes, les prodiges de sagesse et de vertu [4] opérés par des rois, des capitaines, des citoyens, des législateurs qui se sont sacrifiés pour leur patrie, si on les voit, dis-je, plus admirés qu’imités, ou même tellement délaissés qu’il ne reste pas la moindre trace de cette antique vertu, on ne peut qu’être à la fois aussi étrangement surpris que profondément affecté ! Et cependant [5] , dans les différends qui s’élèvent entre les citoyens, ou dans les maladies auxquelles ils sont sujets, on voit ces mêmes hommes avoir recours ou aux jugements rendus, ou aux remèdes ordonnés par les anciens. Les lois civiles ne sont, en effet, que des sentences données par leurs jurisconsultes qui, réduites en principes, dirigent dans leurs jugements nos jurisconsultes modernes. Qu’est-ce encore que la médecine, si ce n’est l’expérience de médecins anciens, prise pour guide par leurs successeurs ? Et cependant, pour fonder une république, maintenir des États, pour gouverner un royaume, organiser une armée, conduire une guerre, dispenser la justice, accroître son empire, on ne trouve ni prince, ni république, ni capitaine, ni citoyen, qui ait recours aux exemples de l’antiquité ! Cette négligence est moins due encore à l’état de faiblesse où nous ont réduits les vices de notre éducation actuelle [6] , ou aux maux causés par cette paresse orgueilleuse qui règne dans la plupart des États chrétiens, qu’au défaut de véritables connaissances de l’histoire, dont on ne connaît pas le vrai sens, ou dont on ne saisit pas l’esprit. Aussi la plupart de ceux qui la lisent s’arrêtent-ils au seul plaisir que leur cause la variété d’événements qu’elle présente ; il ne leur vient pas seulement en pensée d’en imiter les belles actions ; cette imitation leur paraît non seulement difficile, mais même impossible ; comme si le ciel, le soleil, les éléments et les hommes eussent changé d’ordre, de mouvement et de puissance, et fussent différents de ce qu’ils étaient autrefois.
C’est pour détromper, autant qu’il est en moi, les hommes de cette erreur, que j’ai cru devoir écrire sur tous les livres de Tite-Live, qui, malgré l’injure du temps, nous sont parvenus entiers, tout ce qui, d’après la comparaison des événements anciens et modernes, me paraîtra nécessaire pour en faciliter l’intelligence. Par là, ceux qui me liront pourront tirer les avantages qu’on doit se proposer de la connaissance de l’histoire. L’entreprise est difficile ; mais aidé par ceux qui m’ont encouragé à me charger de ce fardeau, j’espère le porter assez loin pour qu’il reste peu de chemin à faire de là au but.
Chapitre premier. Quels ont été les commencements des villes en général, et surtout ceux de Rome
Ceux qui connaissent les commencements de Rome, ses législateurs, l’ordre qu’ils y établirent, ne seront pas étonnés que tant de vertu s’y soit soutenue pendant plusieurs siècles, et que cette République soit parvenue ensuite à ce degré de puissance auquel elle arriva. Pour parler d’abord de son origine : toutes les villes sont fondées ou par des naturels du pays ou par des étrangers.
Le peu de sûreté que les naturels trouvent à vivre dispersés, l’impossibilité pour chacun d’eux de résister isolément soit à cause de la situation soit à cause du petit nombre, aux attaques de l’ennemi qui se présente, la difficulté de se réunir à temps à son approche, la nécessité alors d’abandonner la plupart de leurs retraites qui deviennent le prix des assaillants : tels sont les motifs qui portent les premiers habitants d’un pays à bâtir des villes, pour échapper à ces dangers. Ils se déterminent d’eux-mêmes, ou par le conseil de celui qui, parmi eux, a le plus d’autorité, à habiter ensemble dans un lieu de leur choix, qui offre plus de commodité et de facilité pour s’y défendre. Ainsi, parmi d’autres exemples qu’on pourrait citer, furent bâties Athènes et Venise. La première qui, sous l’autorité de Thésée, ramassa les habitants dispersés ; la seconde qui se composa de plusieurs peuples réfugiés dans les petites îles situées à la poin

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