Héphaïstos le Dieu boiteux
172 pages
Français

Héphaïstos le Dieu boiteux , livre ebook

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172 pages
Français

Description

Presque toutes les mythologies possèdent un dieu boiteux, souvent forgeron : le cas d'Héphaïstos n'est pas unique et doit correspondre à un signe particulier qu'il faut trouver. Pourquoi ce dieu est-il si différent des autres et que représente cette singularité? La singularité de cette divinité, qui semble à la fois immortelle et cependant particulière au point d'être presque rejetée, interroge. Homère nous en donne une image assez réductrice qu'il faut dépasser si l'on veut comprendre ce que les aèdes cachaient derrière leurs légendes.

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Publié par
Date de parution 15 avril 2015
Nombre de lectures 16
EAN13 9782336374901
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Gilbert ANDRIEU
H é p h a ï s t o s le Dieu boiteux
Héphaïstos Le dieu boiteux
Gilbert ANDRIEUHéphaïstos Le dieu boiteux
DU MÊME AUTEURAux éditions ACTİO L’homme et la force. 1988. e L’éducation physique au XX siècle. 1990. Enjeux et débats en E.P. 1992. À propos des finalités de l’éducation physique et sportive. 1994. e La gymnastique au XIX siècle. 1997. Du sport aristocratique au sport démocratique. 2002. Aux PRESSES UNİVERSİTAİRES DE BORDEAUX Force et beauté. Histoire de l’esthétique en éducation physique ème ème aux 19 et 20 siècles. 1992 Aux éditions L’HARMATTAN Les Jeux Olympiques un mythe moderne. 2004. Sport et spiritualité. 2009. Sport et conquête de soi. 2009. L’enseignement caché de la mythologie. 2012. Au-delà des mots. 2012. Les demi-dieux. 2013. Au-delà de la pensée 2013. Œdipe sans complexe 2013. Le choix d’Ulysse : mortel ou immortel ? 2013. À la rencontre de Dionysos. 2014. Être, paraître, disparaître. 2014. La preuve par Zeus. 2014. Jason le guérisseur au service d’Héra. 2014. Héra. Reine du ciel. 2014 © L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris www. harmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-05974-7 EAN : 9782343059747
POURQUOI ?  Presque toutes les mythologies possèdent un dieu boiteux, souvent forgeron, le cas d’Héphaïstos n’est donc pas unique et doit, certainement, correspondre à un signe particulier qu’il faut trouver. Ne faudrait-il pas se demander si elles n’ont pas éprouvé le besoin de se doter d’une telle divinité à la même époque ou pour les même raisons ? Pourquoi ce dieu est-il si différent des autres et que représente cette singularité ? Ce qui apparaît au premier coup d’œil c’est la singularité de cette divinité qui semble à la fois immortelle et cependant particulière au point d’être mise à l’écart, presque rejetée, distincte et pourtant indispensable avant de revenir prendre sa place au sein des Olympiens.  Ayant l’habitude de ne pas tout mélanger, de ne pas effectuer de comparaisons faciles, c’est-à-dire en restant à la surface des récits, de ne pas mélanger les cultures ou de les associer sans tenir compte d’une histoire qui est loin d’être identique, je préfère m’en tenir à la mythologie grecque ce qui n’est déjà pas chose facile.  De plus, les mythes étant des constructions humaines, il faut tenir compte d’un mode de vie qui n’est certainement pas le même que celui d’autres cultures, même proches sur le plan géographique.  Les habitants de la Grèce ou de ce qu’elle était avant l’invasion des Grecs n’étaient pas sensibles de la même façon aux problèmes que leur posait la nature d’un millénaire à l’autre, peut-être même d’un siècle à l’autre. Si les sages qui colportaient les légendes d’une cité à une autre ont cru bon de retenir la présence d’un dieu boiteux parmi les divinités, c’est
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certainement pour des raisons précises et influencés par un mode de vie, une économie ou une politique qui elles aussi ne pouvaient que s’adapter aux difficultés rencontrées. Les dieux étant des inventions des hommes ils correspondent à des conceptions de la vie qu’ils voulaient rendre plus facile et aux conseils qu’ils pouvaient donner pour y arriver.  C’est ce qui interpelle le lecteur lorsqu’il ne se contente pas de suivre pas à pas les légendes, le fantastique qui accompagne le personnage. Héphaïstos semble naviguer entre Terre et Ciel, comme Dionysos, mieux qu’Hermès certainement lorsqu’il est envoyé par Zeus afin de distribuer ses ordres. Mais encore ! Pourquoi Zeus aurait-il voulu avoir un enfant qui soit maître du feu ? DansLa preuve par Zeus, j’ai cherché à comprendre sa stratégie pour mettre de l’ordre dans le monde, mais j’ai certainement négligé le rôle d’Héphaïstos. Voulait-il que son fils contrôle ce feu qu’il combattait, en sachant qu’il ne pourrait jamais en venir à bout ? Mais alors pourquoi l’avoir jeté hors de l’Olympe alors qu’il rêve souvent de le faire avec Arès et ne le fait pas ? Toute une série de détails peuvent surprendre et ne peuvent avoir qu’un sens symbolique.  En étudiant le personnage de Zeus, je me suis aperçu que ses actions ou du moins ses idées correspondaient à une stratégie. Le monarque voulait mettre de l’ordre dans le monde, mais à sa façon et selon ses propres critères. Or, pour imposer cet ordre, ou du moins pour permettre à la ruse ou à l’idée de dominer la matière, il faisait des enfants auxquels il donnait un pouvoir spécifique tout en leur imposant un statut de vassal. Bien entendu, ce sont les sages mortels qui ont trouvé cette astuce pour démultiplier la puissance de Zeus, véritable tyran du Ciel.  Je crois que le feu n’existait pas dans l’Olympe parce que les dieux n’en avaient pas besoin, par contre il existait sur terre. En raisonnant je n’oublie pas que les hommes ont tout pensé, en particulier le règne de Zeus. Lorsque je dis qu’il n’y avait pas de feu dans l’Olympe, je veux rappeler que les dieux se nourrissant des odeurs des sacrifices et n’avaient aucune viande à faire cuire. Son utilité peut être considérée comme exclusivement symbolique et ils ont chargé Hestia de le garder jalousement un feu qui n’était pas le même pour les hommes et
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pour les dieux, de veiller sur lui afin qu’il ne s’éteigne jamais comme s’il était la contre partie de l’immortalité. Hestia est la première fille de Cronos et de Rhéa, autrement dit la sœur aînée 1 de Zeus dans l’ordre des naissances . Or, Zeus qui distribue à chacun un pouvoir particulier, fera de sa sœur la gardienne du feu aussi bien chez les dieux que chez les hommes. Elle restera vierge et son immobilité lui enlèvera toute participation à la vie des autres dieux ou celle des hommes. Elle garde le feu en quelque sorte et ne le quitte jamais, mais de quel feu s’agit-il ? Elle est au centre de l’Olympe comme elle l’est au cœur de chaque maison et cette démultiplication à l’infini met en lumière sa puissance.  Zeus, son frère, ne pouvait que lui donner une place de choix, un rôle important, au point que la perte du feu deviendrait synonyme de retour à l’obscurité totale, au Chaos, à la Nuit. Dans ce cas, le feu qui serait sans flamme serait surtout en rapport avec la lumière, celle que le Ciel possède grâce au Soleil ! Comment le forgeron divin, autrement dit Héphaïstos ne serait-il pas un dieu à part, un dieu puissant puisqu’il est le seul à dominer le feu, celui que la Terre possède et que les Cyclopes donneront à Zeus pour faire la guerre contre les Titans ou contre Typhon ?
1 Je voudrais faire ici une remarque qui ne manque pas d’importance sur le plan symbolique. Lorsque Cronos avale les enfants que Rhéa lui donne, la légende précise un ordre qu’il faut avoir en tête : Hestia, Déméter, Héra, Hadès, Poséidon et la pierre qui remplaça Zeus. Or, au moment où Zeus revient et fait vomir son père pour délivrer ses frères et ses sœurs, la légende nous donne un ordre inverse de naissance. Ce n’est plus Rhéa qui accouche avec son ventre, mais Cronos avec sa bouche. Le plus important est que cet accouchement particulier inverse l’ordre des naissances, que les dieux mâles prennent le pas sur les déesses, l’ordre dominant alors la fertilité de la Terre, car Rhéa, qui sera assimilée à Cybèle, représente la Terre après la castration d’Ouranos. À la lumière du Soleil, les dieux prennent le commandement du monde. Alors qu’Hestia reste vierge, ses deux autres sœurs seront aimées par Zeus pour enfanter des forces décisives dans la vie des mortels et des héros. Nous retrouvons là un procédé poétique et symbolique pour nous faire comprendre que le pouvoir a changé de mains !
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 Si l’on s’éloigne des mots, des images, nous comprenons qu’il existe au moins deux feux : un feu qui sert à faire cuire la viande et un feu qui donne de la lumière. Mais comment expliquer l’usage du feu lorsqu’il devient une arme ? Les Cyclopes ont donné la foudre, l’éclaire et le tonnerre à Zeus, mais Hésiode montre bien qu’en prenant le dessus sur Typhon Zeus utilise un feu supérieur puisqu’il gagne et ce feu pourrait bien être la lumière qui dissipe l’obscurité ou l’esprit qui domine la matière. Le feu divin s’oppose au feu terrestre, comme le divin s’oppose au monstrueux. Or la boiterie du fils 2 de Zeus ne fait-elle pas de lui une sorte de monstre ?  Nous sentons bien que le dieu boiteux cache une vérité plus importante que le feu lui-même. N’aurions-nous pas, une fois de plus, une image, assez contrastée il est vrai, qui nous mettrait sur la voie d’un choix mortel important, entrevu par les sages qui développent un enseignement caché ? Lorsque je pense au symbole que cela peut représenter, je pense à la mort de Sémélé, la mère de Dionysos, au fait qu’ayant demandé à Zeus de se montrer dans sa toute puissance, elle sera foudroyée par son époux. La lumière du ciel enlève la vie dans ce qu’elle a de matériel et Sémélé qui était une mortelle ne pouvait survivre à cette rencontre. Certes, elle meurt, mais elle devient aussi immortelle, ou du moins pourra le devenir sans difficulté lorsque son fils descendra la chercher en Enfer. Cerbère ne peut laisser sortir de l’Enfer que les dieux ou les héros descendus chercher un enseignement.  Si les sages cachent la vérité, c’est certainement parce qu’ils en connaissent le prix. Voir un Dieu n’est pas souhaitable, il y a danger, du moins il y a danger de disparition de la forme qui manifeste la matière. Nous retrouvons ce danger en permanence dans les mythes, soit lorsqu’Héra intervient à l’aide de la folie, soit lorsqu’elle intervient à l’aide du sommeil,
2 En ce qui concerne la monstruosité combattue par les Olympiens elle est surtout une particularité de Gaia, mais faut-il oublier que les Titans sont les enfants de Gaia et que les Olympiens sont des enfants de Titans ? Lorsque Zeus et Poséidon s’opposent et parlent de leur force respective, ne font-ils pas allusion à leurs origines terrestres ?
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soit encore lorsque Dionysos impose sa propre folie dans des orgies qui dépassent largement le plaisir des sens. Par tous les moyens, les dieux conduisent les hommes à faire disparaître en eux toutes traces de matière afin de devenir pur esprit. DansLes demi-dieux, j’ai montré comment il fallait interpréter le mythe d’Héraclès, le plus parlant pour les mortels d’il y a plusieurs millénaires.  D’où vient le feu que doit maîtriser Héphaïstos, telle est la question qu’il faudrait se poser puisqu’il n’est pas une création des dieux ou des hommes ? Encore faudrait-il remonter jusqu’à l’origine des premiers dieux, or cette origine n’est autre que le Chaos ou encore sa fille Nyx qui engendrera le Jour. Le feu n’est personnifié par aucun dieu à la naissance d’Héphaïstos et pourtant il est là, il est partout et son absence serait catastrophique. Nous retenons ordinairement que le dieu boiteux est celui qui représente le feu, mais il vaudrait mieux considérer qu’il est le maître du feu ce qui est bien différent. Héphaïstos n’est pas le dieu du feu, mais le dieu qui sait s’en servir pour combattre la matière ou la travailler comme un orfèvre. Ne faudrait-il pas aller jusqu’à le situer en toute chose et nous demander si ce feu qui détruit et engendre n’est pas une autre image d’Éros, né de la nuit ? Le feu est une force de cohésion et de destruction. Ce qui en fait sa valeur divine c’est que Zeus en a besoin pour ordonner le monde. Or Zeus représente l’idée il veut que l’idée règne sans conteste ! Le feu qu’il utilise ne peut être le même que celui qui sert à faire brûler la viande des sacrifices chez les hommes.  Il est même possible d’envisager une différence qu’Hésiode ne met pas en valeur dans laThéogonie. En effet, le feu que Zeus refuse d’envoyer sur terre et que Prométhée volerait au Soleil pour le donner aux hommes n’a rien à voir avec le feu de la Terre, celui que les hommes possèdent déjà. La légende pourrait nous laisser imaginer qu’il s’agit du même feu ! Restons vigilants. Zeus ruse et trompe Prométhée ne l’oublions pas. Prométhée veut aider les hommes, mais, en leur apportant une parcelle de feu divin, il ne les aide qu’en partie car les hommes vont devoir se battre pour posséder véritablement ce type de feu. Avec le feu de la terre ils peuvent
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