Les pluies
115 pages
Français

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Description

Kosh sortit sous le déluge, courut le long de la rue nationale. Les rares voitures en stationnement avaient déjà de l’eau au ras de leurs caisses. Le courant était fort. Quand il arriva au nord du village, il comprit que c’était foutu. Il n’y avait plus de pont, ici non plus. Le tablier, le parapet apparaissaient encore parfois dans la boue écumante. Rien de plus. L’eau rugissait et roulait à hauteur du haut des digues. De l’autre côté, sur l’autre rive : plus de prairie, plus d’herbe – juste un fleuve immense large comme un bras de mer.

On est coupés du monde… 

Il revint en courant vers la maison. Que faire ? L’eau pouvait-elle monter jusqu’aux étages ?

– On va à l’église. Suivez-moi !

– À l’église ? demanda Lou.

– Ouais, dans le clocher. C’est l’endroit le plus haut du village. Pressez-vous, l’eau arrive…


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 septembre 2016
Nombre de lectures 197
EAN13 9782215134213
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

V INCENT V ILLEMINOT
les pluies
fleurus
sommaire

PREMIÈRE PARTIE – CE JOUR-LÀ
Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
Chapitre treize

DEUXIÈME PARTIE – DANS LA FOULE
Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
TROISIÈME PARTIE – LETTRES À LOU

QUATRIÈME PARTIE – L’ARCHE DE NOAH
Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
Chapitre treize
Chapitre quatorze

CINQUIÈME PARTIE – LES ÎLES
Chapitre un
Chapitre deux
Chapitre trois
Chapitre quatre
Chapitre cinq
Chapitre six
Chapitre sept
Chapitre huit
Chapitre neuf
Chapitre dix
Chapitre onze
Chapitre douze
Épilogue

Remerciements
À paraître
Copyright
Pour Louisa. Pour Philo aussi. Pour Louanne (qui a hâte), pour Noah, et pour Ondine, quand ils auront l’âge (bientôt)…
PREMIÈRE PARTIE CE JOUR-LÀ
Chapitre un
Ce matin-là, en se levant, Kosh Kamiesh regarda par sa fenêtre et songea comme chaque jour aux yeux de Lou. Ils avaient, selon son humeur, le vert d’eau du jade ou le vert-de-gris des feuilles d’acacia. Mais Kosh n’avait jamais vu leur couleur dans le soleil.
Ce ne serait pas pour aujourd’hui ; pas davantage qu’hier, avant-hier… Les pluies battaient la rue nationale détrempée. Le ciel était nuageux, la prairie boueuse et grise.

Il pleuvait depuis maintenant huit mois. Continûment, nuit et jour. Une pluie serrée, violente, qui paraissait blanche dans les phares ou sous les réverbères, la nuit. Il pleuvait à verse, à seaux, inexplicablement, un déluge tiède qui radoucissait l’air de ce mois de mars comme une mousson.
Cela avait commencé en juillet, un jour, sans qu’on y prête trop attention – un simple orage d’été. Cela avait continué, suscitant les questions, puis l’inquiétude, et maintenant un avant-goût de catastrophe. Le phénomène échappait à toute logique et à toute prévision ; à tout modèle et à toute saison. Les montagnes ruisselaient. Les fleuves débordaient. Partout, la terre s’était gorgée, les eaux avaient monté. On consolidait les digues, on en bâtissait d’autres, plus hautes, qui se révélaient à leur tour insuffisantes. Des plaines autrefois labourées ressemblaient à des marécages. Certaines villes avaient dû être évacuées, menacées par les fleuves le long desquels elles s’étendaient. Les ruisseaux devenaient des lacs, les lacs une presque mer ; les mers elles-mêmes finiraient par déborder, disait-on…
Ici, à Nhattan, le cours de la Nooga, leur rivière, avait grossi.
Kosh traversait chaque matin le pont sud, pour se rendre à l’arrêt du bus de ramassage scolaire ; il le franchissait chaque fois qu’il fallait aller à l’étable de son père, ouverte sur les prairies et où les foins pourrissaient. Il voyait l’eau monter, inexorablement, mais la Nooga n’était pas – pas encore – sortie de son lit. On renforçait les digues, on avait haussé les parapets. Le long de la maison de ses parents, à la sortie du bourg, on avait entassé des sacs de sable, colmatés de ciment, comme une précaution supplémentaire. Mais le préfet n’avait pas encore donné l’ordre de tout quitter, un baluchon sur l’épaule, pour rejoindre le flot des réfugiés.
Saleté de temps , songea-t-il, un sourire aux lèvres malgré tout, en quittant son poste d’observation. S’il souriait, c’était de penser à Lou – à ses yeux de menthe à l’eau et d’émeraude quand il la faisait rire, même sous les nuages.
Il avait encore rêvé d’elle.
Il avait hâte de la voir. Puisqu’on était samedi, ils ne se retrouveraient pas au collège, mais ils avaient programmé de passer tout de même un bout de leur journée ensemble.

Il l’avait rencontrée le jour de la rentrée, dans une rangée de collégiens, en montant vers leur classe.
– Tu es nouvelle ?
– Oui. On vient de s’installer au hameau de Barrine.
– Je viens du village d’à côté. La grande ferme…
Entre eux, cela avait été une évidence dès ce premier matin. Selon Kosh, elle emportait un halo de lumière autour de ses cheveux de jais – une tignasse de sauvageonne –, mais c’était comme s’il était le seul à la voir ainsi auréolée. Comme si l’air qu’ils respiraient tous deux désignait Lou pour Kosh, Kosh pour Lou.
Ils s’étaient assis côte à côte, il avait trouvé quelque chose à dire – il ne savait plus quoi, sûrement une plaisanterie à propos de leur village, si hospitalier depuis que les pluies l’avaient transformé en bourbier. Elle avait ri, un éclat de clochettes, de cristal et d’argent. Puis elle avait eu ce geste pour cacher son rire derrière une main fine. Parfois, elle était si vive, si spontanée, qu’elle en paraissait elle-même intimidée : un ruisseau impossible à endiguer. Ses yeux verts en amande, presque bridés, avaient également la couleur de l’amande fraîche quand elle riait. Ses joues semées de son rosissaient sous le coup de chaque émotion.
Ce premier jour, Lou avait raconté comment ses parents avaient élu leur nouveau domicile dans le hameau. Ils voulaient que leurs enfants grandissent à la campagne. Son père était artiste, sculpteur couronné d’un certain succès. Il avait besoin d’espace dans son atelier pour ses œuvres parfois monumentales. Sa mère était l’agent de son mari, ils étaient sans cesse sur les routes ou dans des avions pour des expositions, alors mieux valait trouver un paradis où leur progéniture serait heureuse de les attendre.
– J’ai un frère, et une petite sœur d’à peine deux mois. Une nourrice s’en occupera la journée, quand mes parents seront en voyage, et moi, je ferai la baby-sitter le week-end.
C’était dit gaiement.
Kosh avait expliqué qu’il était du village, quant à lui depuis toujours. Comme son père paysan, attaché aux pâtures, à l’étable, aux bêtes ; comme le père de son père avant lui… Ils avaient tous un licou. Une vie enracinée, prévisible, sans vacances, sans voyages ni évasion – mais utile et heureuse.
– Bref, on ne peut pas habiter au même endroit pour des raisons plus différentes ! avait-elle dit en riant.
Il avait ri, également.

Le lendemain, Kosh était retourné au collège le cœur battant ; et tremblant d’en avoir ce cœur net, ou brisé. Avait-il rêvé ? Était-elle un mirage ?
Elle l’attendait, et elle était la même
Jamais en six mois l’impression initiale de miracle ne s’était démentie. Cela arrive, paraît-il, cette évidence de deux âmes qui se croisent, s’émerveillent de se rencontrer et s’épousent d’emblée, comme si chacune avait toujours vécu dans l’espoir de l’autre : « Tu existais, je le savais, je le pressentais, et je n’attendais que toi. » Même à quatorze ans, ils n’étaient pas trop jeunes pour se rendre compte de la chance qu’ils avaient.
Et qu’attendaient-ils, alors, pour s’embrasser, puisqu’ils allaient main dans la main ?
Le soleil, peut-être. Quand ils marcheraient au soleil, sous une campagne fumante après tant de pluies, quand ce serait le printemps, si le printemps existait encore, ils iraient ensemble au bord de la Nooga, Kosh montrerait à Lou comment pêcher les écrevisses, et ils s’embrasseraient sous les saules pleureurs.
Oui. Sûrement. Si du moins la lumière revenait. C’est ce qu’espérait Kosh Kamiesh chaque matin en se levant, avant de regarder par la fenêtre.
Chapitre deux
Il s’habilla, descendit à la cuisine, prit seul son café.
Ses parents étaient partis très tôt, il y avait une foire aux veaux, aux halles de Baïntown – deux heures de route sous le déluge avec la bétaillère. Malcolm dormait encore. Mieux valait le laisser profiter d’une grasse ma

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