Contes et légendes de nos moulins
170 pages
Français

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Contes et légendes de nos moulins , livre ebook

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Description

Les moulins… Ils nous font rêver et nous rendent un peu nostalgiques : s’ils symbolisent l’éternel recommencement, ils sont également l’emblème d’une ruralité désormais disparue où ils occupaient un rôle crucial. Rien d’étonnant donc à ce qu’ils servent de décor à de nombreux contes et légendes populaires. Philippe Landry, au fil de ses recherches sur la meunerie, a collecté des récits et en a inventé d’autres, à partir d’anecdotes ou après avoir observé certains sites. Meuniers et moulins sont les personnages principaux des histoires racontées ici avec la verve d’un passionné. Préparez-vous à un voyage dans la France d’autrefois… Là où chaque histoire ouvre la porte d’un nouvel univers qui, sans être forcément merveilleux, est toujours chargé de symboles.

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2015
Nombre de lectures 6
EAN13 9782813817006
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0032€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avàn a mouTurE
J’ai commis sur les moulins des ouvrages assez sérieux, fondés sur d’abondantes recherches dans les archives. Et il m’est venu une idée peutêtre saugrenue : pourquoi ne pas évoquer l’histoire des anciens moulins sous forme de contes ?  En voici donc quelquesuns. L’action de plusieurs d’entre eux se situe dans la région que je connais le mieux, la Bourgogne. Mais mes randonnées à travers les provinces françaises m’en ont inspiré d’autres.  Ils sont de deux sortes : – d’une part des contes dont j’ai développé le sujet, l’ayant trouvé à peine esquissé chez différents folkloristes de la Nièvre et du Morvan ; – d’autre part des contes que j’ai rédigés de toute pièce, à partir de telle ou telle observation ou trouvaille historique.  Il se trouve que j’entasse depuis quelques lustres, à peine trente ans, une documentation sur les moulins d’un peu partout, dont une petite collection de cartes postales, ainsi que de buvards publicitaires. J’en propose donc ici quelques pièces.
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L’huilIer dE a SàinE-VItOirE
Un grand poète provençal, fabricant d’huile de son état, apprit un jour que la Bible contient uneParabole des dix jeunes fillesil est question d’huile. Il se précipita à la où bibliothèque municipale l’étudier. Las : le texte ne dit rien du moulin où cinq desdites jeunes filles se procu rèrent leur huile. Il en fut très déçu. Heureusement, la nuit venue, il vit en songe l’action se dérouler… Hé ! En Provence, peuchère ! Qui mieux est, au pied de la montagne SainteVictoire, quelques siècles avant que Cézanne n’y réalise ses plus beaux tableaux.
Tandis qu’il faisait une pause en dégustant un beignet au miel qu’il venait de faire frire grâce à l’excellent produit de ses olives triturées par ses propres soins, l’huilier de la SainteVictoire aperçut un groupe qui s’approchait sur la route. Il distingua une ribambelle de jeunes filles, dix exactement. Venant d’Aix, elles cheminaient, toutes vêtues de leurs plus beaux atours, les mains libres pour mieux faire froufrouter leurs belles robes du bout des doigts, les petits pieds vêtus de vair du plus beau vert espérance. Plus elles approchaient, plus le meunier se disait que jamais de sa vie il n’avait vu d’aussi belles pastourelles.
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– Où allezvous donc de ce preste pas, gentes demoiselles ?  Elles exposèrent qu’un beau jeune homme, le plus beau de tout le pays, les attendait, pour les épouser le soir même. – Il vous épouse toutes les dix ? – Absolument. Nous en chavirons toutes de bonheur.  Le meunier fut émerveillé. Or, c’était un homme prévoyant. – Avezvous pensé à une provision d’huile pour éclairer la chambre nuptiale ? demandatil.  Aucune n’y avait songé. Cinq d’entre elles déclarèrent n’en point voir l’utilité, et les cinq autres achetèrent au meunier le peu qu’il avait moulu d’avance, à savoir un quart de pinte d’huile chacune.  Et toutes s’en furent.  Le beau jeune homme fut tout heureux de les recevoir. La fête de noces fut splendide, notamment le repas… Ah ces agapes, mes amis ! Des légumes délicieux gorgés de soleil, des viandes et des poissons suprêmes, des gâteaux d’un fin, mmm ! Bref, tous des plats certes peutêtre quelque peu gras, car souvent frits, mais justement frits à la fameuse huile de la SainteVictoire, incontestablement la meilleure au monde.  Et vint le moment que le jeune homme se retire en sa chambre avec la première toute fraîche épouse, tirée au sort. – Voici la lampe, ma belle. Astu de l’huile à y mettre ? – Ben non, mon beau tout à moi, pourquoi donc ? – Ah ! C’est embêtant ! En effet, avant de m’allonger auprès de mon épouse, je tiens à lui admirer le corps. Sinon mes yeux piqueront, ils souffriront pire que si je pelais toute une marmite d’oignons.
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Il demanda à ses parents s’il leur restait une provision d’huile. – Non, direntils, nous avons tout consommé pour réussir notre excellent dîner.  C’est pourquoi, cette nuitlà, seules les cinq fiancées prévoyantes, qui avaient pensé à apporter de l’huile, purent concrétiser l’épousaille avec le beau jeune homme.  Les autres n’eurent plus qu’à courir chez le meunier qu’elles avaient croisé. Dans la nuit, ce fut compliqué, n’ayant point d’huile pour allumer quelque lampe.  Et quand, au petit matin, elles arrivèrent au moulin, elles furent encore déçues. – C’est que, mes pauvres demoiselles, je n’ai plus d’huile fabriquée d’avance. Attendez que je vous en fasse !  Heureusement, l’huilier avait une provision d’olives de la veille, de magnifiques olives au demeurant, toutes bril lantes. Aussitôt la meule travaillante se mit à rouler sur les beaux fruits. Elle les détrita avec aisance, toutefois un peu lentement au gré des belles demoiselles. Elles mon trèrent de l’impatience : – Du calme, gentes jeunes filles. C’est que je ne fais que de la bonne huile, moi !  Eh bien, ami lecteur, si vous m’en croyez, les belles dételèrent le pauvre petit âne pour s’atteler à sa place à la grande meule verticale, et moudre deux fois plus vite. Puis il fallut retirer les restes de noyau : làaussi, le meunier fut repoussé ; très impatientes, les belles le firent à sa place. Puis l’huilier mit la pâte dans de l’eau chaude, et prétendit la triturer avec soin : mal lui en prit ! Dix superbes mains se jetèrent sur la pâte avec une énergie, mes pauvres ! Époustouflante ! Et quand il fallut user de la passoire, ah peste de peste ! Je n’en dis pas plus ! Ainsi en tout cas naquit une huile… Mais une huile, mes amis ! Une huile
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à damner un saint, ce qui est un comble au pied de la montagne SainteVictoire !  Bref, pour ce travail, le meunier compta moins d’heures qu’il n’en faut pour le conter. Les cinq imprévoyantes purent vite retourner vers le beau jeune homme. Hélas, cinq fois hélas : – Que voulezvous, leur dit l’apollon. J’ai honoré trois fois chacune de vos cinq heureuses rivales, et je n’en suis pas rassasié pour autant. Je suis tellement content d’elles que je n’en veux pas d’autres pour l’instant.  Voyant la mine déconfite, voire décomposée, des cinq imprévoyantes, il tint à les rassurer en disant avec la plus grande amabilité ces mots qui ne fermaient aucune porte : – Laissez votre adresse, on vous écrira !
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