Charles Dickens
LE MAGASIN
D’ANTIQUITÉS
Tome I
(1840)
Traduction A. des Essarts
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières
L’auteur anglais au public Français..........................................4
Address of the english author to the french public. .................6
CHAPITRE PREMIER..............................................................8
CHAPITRE II. .........................................................................29
CHAPITRE III.........................................................................39
CHAPITRE IV.50
CHAPITRE V...........................................................................64
CHAPITRE VI.74
CHAPITRE VII........................................................................87
CHAPITRE VIII. .....................................................................97
CHAPITRE IX.111
CHAPITRE X. 125
CHAPITRE XI....................................................................... 134
CHAPITRE XII. .................................................................... 145
CHAPITRE XIII. ................................................................... 155
CHAPITRE XIV.169
CHAPITRE XV...................................................................... 178
CHAPITRE XVI. ....................................................................191
CHAPITRE XVII. ..................................................................199
CHAPITRE XVIII.211 CHAPITRE XIX. ...................................................................222
CHAPITRE XX......................................................................236
CHAPITRE XXI.244
CHAPITRE XXII...................................................................257
CHAPITRE XXIII. ................................................................264
CHAPITRE XXIV..................................................................278
CHAPITRE XXV.287
CHAPITRE XXVI.299
CHAPITRE XXVII. .............................................................. 309
CHAPITRE XXVIII.323
CHAPITRE XXIX..................................................................332
CHAPITRE XXX. ..................................................................345
CHAPITRE XXXI.353
CHAPITRE XXXII. .............................................................. 368
CHAPITRE XXXIII.376
CHAPITRE XXXIV. ............................................................. 389
CHAPITRE XXXV................................................................ 398
CHAPITRE XXXVI. ..............................................................414
CHAPITRE XXXVII.422
À propos de cette édition électronique.................................433
– 3 – 1L’auteur anglais au public Français .
Il y a longtemps que je désirais voir publier en français une
traduction complète et uniforme de mes œuvres.
Jusqu’ici, moins heureux en France qu’en Allemagne, je
n’ai pu être connu des lecteurs français qui ne sont pas familia-
risés avec la langue anglaise que par des traductions isolées et
partielles, publiées sans mon autorisation et sans mon contrôle,
et dont je n’ai tiré aucun avantage personnel.
La présente publication m’a été proposée par MM. Ha-
chette et Cie et par M. Ch. Lahure, dans des termes qui font
honneur à leur caractère élevé, libéral et généreux. Elle a été
exécutée avec le plus grand soin, et les nombreuses difficultés
qu’elle présentait ont été vaincues avec une habileté, une intelli-
gence et une persévérance peu communes. Elle a surtout été
dirigée par un homme distingué, qui possède parfaitement les
deux langues, et qui a réussi de la manière la plus heureuse à
reproduire en français, avec une fidélité parfaite, le texte origi-
nal, tout en donnant à sa traduction une forme élégante et ex-
pressive.
Je suis fier d’être ainsi présenté au grand peuple français,
que j’aime et que j’honore sincèrement ; à ce peuple dont le ju-
gement et le suffrage doivent être un but d’ambition pour tous
ceux qui cultivent Les Lettres ; à ce peuple qui a tant fait pour
elles, et à qui elles ont valu un nom si glorieux dans le monde.
1 Voir ci-après le texte original.
– 4 – Cette traduction de mes œuvres est la seule qui ait ma
sanction. Je la recommande en toute humilité respectueuse,
mais aussi en toute confiance, à mes lecteurs français.
Charles Dickens.
Londres, 17 janvier 1851
– 5 – Address of the english author to the french
public.
I have long been desirous that a complete French transla-
tion of the books I have written should be made, and should be
published in an uniform series.
Hitherto, less fortunate in France than in Germany, I have
only been known to French readers not thoroughly acquainted
with the English language, through occasional, fragmentary and
unauthorized translations over which I have had no control, and
from which I have derived no advantage.
The present translation of my writings was proposed to me
by Messrs. L. Hachette and Co. and Ch. Lahure in a manner
equally spirited, liberal, and generous. It has been made with
the greatest care, and its many difficulties have been combated
with unusual skill, intelligence and perseverance.
It has been superintended, above ail, by an accomplished
gentleman, perfectly acquainted with both languages, and able,
with a rare felicity, to be perfectly faithful to the English text,
while rendering it in elegant and expressive French.
I am proud to be so presented to the great French people,
whom I sincerely love and honour, and to be known and ap-
proved by whom must be an aspiration of every labourer in the
Arts, for which France has done so much, and in which she has
made herself renowned through the world.
– 6 – This is the only edition of my writings that has my sanc-
tion. I humbly and respectfully, but with full confidence, rec-
ommend it to my French readers.
Charles Dickens.
Tavistock-House, London, January 17th, 1857.
– 7 – CHAPITRE PREMIER.
Quoique je sois vieux, la nuit est généralement le temps où
je me plais à me promener. Souvent, dans l’été, je quitte mon
logis dès l’aube du matin, et j’erre tout le long du jour par les
champs et les ruelles écartées, ou même je m’échappe durant
plusieurs journées ou plusieurs semaines de suite ; mais, à
moins que je ne sois à la campagne, je ne sors guère qu’après le
soleil couché, bien que, grâce au ciel, j’aime autant que toute
autre créature vivante ses rayons et la douce gaieté dont ils
animent la terre.
Cette habitude, je l’ai insensiblement contractée ; d’abord,
2parce qu’elle est favorable à mon infirmité , et ensuite parce
qu’elle me fournit le meilleur moyen d’établir mes observations
sur le caractère et les occupations des gens qui remplissent les
rues. L’éblouissement de l’heure de midi, le va-et-vient confus
qui règne alors, conviendraient mal à des investigations pares-
seuses comme les miennes : à la clarté d’un réverbère, ou par
l’ouverture d’une boutique, je saisis un trait des figures qui pas-
sent devant moi, et cela sert mieux mon dessein que de les
contempler en pleine lumière : pour dire vrai, la nuit est plus
favorable à cet égard que le jour, qui, trop fréquemment, dé-
truit, sans souci ni cérémonie, un château bâti en l’air, au mo-
ment où on va l’achever.
N’est-ce pas un miracle que les habitants des rues étroites
puissent supporter ces allées et venues continuelles, ce mouve-
ment qui n’a jamais de halte, cet incessant frottement de pieds
sur les dures pierres du pavé qui finissent par en devenir polies
2 M. Humphrey est boiteux.
– 8 – et luisantes ! Songez à un pauvre malade, sur une place telle que
Saint-Martin’s Court, écoutant le bruit des pas, et, au sein de sa
peine et de sa souffrance, obligé, malgré lui, comme si c’était
une tâche qu’il dût remplir, de distinguer le pas d’un enfant de
celui d’un homme, le mendiant en savates de l’élégant, bien bot-
té, le flâneur de l’affairé, la démarche pesante du pauvre paria
qui erre à l’aventure, de l’allure rapide de l’homme qui court à la
recherche du plaisir ; songez au bourdonnement, au tumulte
dont les sens du malade sont constamment accablés ; songez à
ce courant de vie sans aucun temps d’arrêt, et qui va, va, va,
tombant à travers ses rêves troublés, comme s’il était condamné
à se voir couché mort, mais ayant conscience de son état, dans
un cimetière bruyant, sans pouvoir espérer de repos pour les
siècles à venir !
Ainsi, quand la foule passe et repasse sans cesse sur les
ponts, du moins sur ceux qui sont libres de tout droit de péage,
dans les belles soirées, les uns s’arrêtent à regarder noncha-
lamment couler l’eau avec l’idée vague qu’elle coulera tout à
l’heure entre de verts rivages qui s’élargiront de plus en plus,
jusqu’à ce qu’ils se confondent avec la mer ; les autres se soula-
gent du poids de leurs lourds fardeaux et pensent, en regardant
par-dessus le parapet, que vivre, c’est fumer et goûter un plein
farniente, et que le comble du bonheur consiste à dormir au so-
leil sur un morceau de voile goudronnée, au fond d’une barque
étroite et immobile, d’autres, enfin, et c’est une classe toute dif-
férente, déposent là des fardeaux bien autrement lourds, se rap-
pelant avoir entendu dire, ou avoir quelque part lu dans le pas-
sé, que se noyer n’est pas une mort cruelle, mais, de tous les
moyens de suicide, le plus facile et le meilleur.
Le matin aussi, soit au printemps, soit dans l’été, il faut
voir Covent-Garden-Market, lorsque le doux parfum des fleurs
embaume l’air, effaçant jusqu’aux vapeurs malsaines des désor-
dres de la nuit précédente, et rendant à moitié folle de joie la
grive au sombre plumage, dont la cage avait été suspendue, du-
– 9 – rant toute la nuit, à une fenêtre du grenier. Pauvre oiseau ! le
seul être du voisinage, peut-être, qui s’intéresse par sa nature au
sort des autres pe