L exotisme indochinois dans la littérature française
236 pages
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L'exotisme indochinois dans la littérature française , livre ebook

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Description

L'Exotisme indochinois dans la littérature française depuis 1860, publié en 1934 par Louis Malleret, reste un ouvrage de référence par l'ampleur de l'étude et l'originalité du point de vue choisi par l'auteur, historien, archéologue, et membre éminent de l'École française d'Extrême-Orient. Cet ouvrage est devenu introuvable, la présente édition alors présenté comme " le premier essai de synthèse historique de toutes les idées, de tous les thèmes dans les œuvres des écrivains français d'Indochine".

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Informations

Publié par
Date de parution 15 octobre 2014
Nombre de lectures 24
EAN13 9782336359304
Langue Français
Poids de l'ouvrage 19 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LOuIS MallErET L’ExoTiSME iNdochiNoiS DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE DEPUIS 1860 : TOME II
PréSENTaTION D’hENrI cOpIN ET FraNçOIS dOré AUTREMENT MÊMESavEC la COllabOraTION DE ROgEr LITTlE
L’EXOTISME INDOCHINOISDANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE DEPUIS 1860
COLLECTIONAUTREMENT MEMES conçue et dirigée par Roger Little Professeur émérite de Trinity College Dublin, Chevalier dans l’ordre national du mérite, Prix de l’Académie française, Grand Prix de la Francophonie en Irlande etc. Cette collection présente en réédition des textes introuvables en dehors des bibliothèques spécialisées, tombés dans le domaine public et qui traitent, dans des écrits de tous genres normalement rédigés par un écrivain blanc, des Noirs ou, plus généralement, de l’Autre. Exceptionnellement, avec le gracieux accord des ayants droit, elle accueille des textes protégés par copyright, voire inédits. Des textes étrangers traduits en français ne sont évidemment pas exclus. Il s’agit donc de mettre à la disposition du public un volet plutôt négligé du discours postcolonial (au sens large de ce terme : celui qui recouvre la période depuis l’installation des établisse-ments d’outre-mer). Le choix des textes se fait d’abord selon les qualités intrinsèques et historiques de l’ouvrage, mais tient compte aussi de l’importance à lui accorder dans la perspective contem-poraine. Chaque volume est présenté par un spécialiste qui, tout en privilégiant une optique libérale, met en valeur l’intérêt historique, sociologique, psychologique et littéraire du texte. « Tout se passe dedans, les autres, c’est notre dedans extérieur,les autres, c’est la prolongation de notre intérieur.»Sony Labou TansiTitres parus et en préparation : voir enn de volume
Louis Malleret L’EXOTISME INDOCHINOISDANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE DEPUIS 1860 Tome IIPrésentation d’Henri Copinet François Doré avec la collaboration de Roger Little L’HARMATTAN
En couverture : « Onde douce (Thuy Thanh) » par Marcelino Truong
© Marcelino Truong, 2014 © L’Harmattan, 20145-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-30317-8 EAN : 9782336303178
TROISIÈME PARTIE PRÉLIMINAIRES À L’INTERPRÉTATION ASIATIQUE CHAPITRE PREMIER La nature aimableLareprésentation que les nouveaux venus se sont formée de l’indi-gène a été lente à se constituer. Aujourd’hui même, que savent-ils de cet être tenu longtemps pour énigmatique et mystérieux ? Cependant, depuis 1880 où, pour desns d’opportunité politique, le portrait de l’indigène était volontairement assombri, une inter-prétation plus indulgente s’est établie. Des jugements sommaires qu’autorisait le premier contact, l’on est allé à une image volontiers poétisée ; puis à une connaissance plus intime et plus exacte des ressorts psychologiques de l’âme asiatique.Mais tout d’abord c’est à travers l’écran littéraire que l’on a vu s’agiter les hommes. Un ensemble de notions très anciennes a déterminé l’orientation des sympathies. Dans le temps où les Européens ont commencé à trouver le pays aimable, ils ont, par similitude de sentiment et de pensée, décerné à l’indigène, soit des attestations de vertu, soit d’attendrissants témoignages d’élégance, de grâce et de beauté. Telle a été, parmi l’éden laotien, la concep-1 tion qui a prévalu en faveur despou sao,charmantes créatures, ordinairement représentées l’écharpe négligemment jetée sur 2 l’épaule, avec à l’oreille uneeur dechampa.Dans l’adorable sourire de la nature, aux premiers temps du monde, Èven’était pas plus belle et Nausicaa surprise fut-elle plus ravissante que ces silhouettes menues et fragiles, entrevues au bord du Grand Fleuve, dans la blonde lumière du crépuscule laotien ? Terre de Chanaan, Iles Fortunées, Eldorado, séjours bénis du ciel, havres des rustiques bonheurs et des espérances enchante-resses, n’est-ce pas vous qui inspirâtes aux poètes l’émouvante 1 Phou-sao:jeunelle ;phou-bao:jeune homme ; pron.pou-saoetpou-bao.2  Fleurs blanches et odorantes du frangipanier. Citons, parmi les romans qui ont pour cadre le Laos : J. Ajalbert,Sao van Di(1905). Strarbach-Baudenne,Sao Tiampa, épouse laotienne,Paris (1912). P. Billotey,Sao Keo oule bonheur immobile,Paris (1930).
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image du paradis khmer ou du Laos des joueurs dekhèneetdes 1 e cours d’amour? Il faudrait remonter peut-être au seuil duXVIIIsiècle pour trouver l’authentique origine de ces évocations indulgentes ouatteuses. Mais l’embellissement de la nature et des êtres qui l’habitent n’a pas été la seule desctions poétiques qui ont abusé la réexion des écrivains. Le beau mensonge littéraire n’en est pas à un seul artice. À la féerie d’un lieu de délices, se sont associées les illusions charmantes del’amour exotique et celles que procure l’enchantement de l’opium. Triple mirage qui s’interpose entre les êtres et la divination du poète. Vision imaginaire, chimérique et trompeuse mais combien séduisante et riche de tous les rêves dont s’alimente notre besoin d’irréel et notre goût de l’utopie.LA NATURE AIMABLEChauds empâtements de cadmium, enchantement lumineux des chromes et des vermillons, ce sont tes tons gras et rutilants, peinture à l’huile, qui serviront à noter les aspects éblouissants de tes couchants, verte et opulente Cochinchine, de tes théories de bonzes dorés, nimbés d’un poudroiement de soleil, Cambodge altéré ou baigné assoupi sous la nappe souveraine du Mékong, Mère des eaux. Ce sont tes lavis légers, aquarelle, qui seuls reproduiront la pure clarté de tes paysages délicats, Annam d’émeraude et d’azur, la limpidité de tes ciels, Laos lointain, encerclé par ton hallucinante forêt-clairière, ensorcelé par les chants de teskhèneharmonieux. Il nous faudra ton trait nerveux, tes dégradés, encre de Chine, ton grain si doux, papier de riz, pour interpréter tes grisailles, tes jours de crachin, tes horizons en ombres chinoises, tesles de « ennhà-quê » 2 silhouette, âpre et poétique Tonkin . Ainsi, en délicat poète, M. Pierre Pasquier résume les séduc-tions de l’Indochine pittoresque. Lyrisme hautement signicatif chez un homme qui, pour avoir vécu toute sa carrière dans notre possession d’Asie, est parvenu à la parfaite intelligence de ses attraits. 1 Lekhèneest un instrument formé de plusieursûtes de bambou liées ensemble, qui rend un son très doux. Lesbounlaotiens, sortes de cours d’amour sont des fêtes populaires où garçons etlles échangent avec l’accompagnement dukhènedes couplets alternés et généralement improvisés. 2 Unempire colonial français. L’Indochine(publ. sous la direction de G. Maspéro), Paris, 1930, p. 245.
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L’accoutumance aux spectacles naturels substitue au désappoin-tement et à la nostalgie du premier contact, une souple aptitude à l’appréciation de nuances fuyantes qui jadis échappaient à nos sens affaiblis. Perfectionnée par l’assidue fréquentation des paysages, des êtres et des choses, notre sensibilité s’est afnée. La voici maintenant qui s’émeut à l’invitation deseurs modestes et des parfums qui traînent dans l’atmosphère troublante des soirs.Spiritualisés, les aspects du pays prennent un sens pour l’imagination et le rêve. Le Cambodge n’est plus seulement le domaine des impénétrables forêts, mais aussi celui « deseuves bleus paresseusement épandus entre des berges hautes d’argile 1 rouge et des îles boisées » . Dans les lointains ouatés et le ciel tout blanc de l’irradiation d’une lumière ardente, une pensée de fraîcheur et d’indolence heureuse monte desthiamkarsfertiles enfouis dans la verdure, avec leurs cases sur pilotis, « leurs bon-2 zeries ombreuses et leurs pagodes aux toits rutilants » . Comme il est doux et reposant alors d’assister «au délé des bonzes drapés 3 d’or, allant pieds nus sur la terre rouge à la quête du riz quotidien» ou d’entendre, dans la paix recueillie des villages «les chants 4 élégiaques des» . Sur le Grand Fleuve quelles de Kamputhiéa remontent lentement les pirogues laotiennes, des scènes rustiques et familières expriment autant que le décor lui-même la grâce naïve et primitive de lavie : Et toujours, écrit George Groslier, ce sont les herbesottantes aux eurs mauves, les cormorans, ailes ouvertes, noirs et immobiles dans le soleil ; une pirogue dormant sous un arbre qui la remplit de feuilles ; un enfant nu qui se baigne ; des oiseaux bleus; le bond scintillant d’un 5 poisson et jetées sur la berge, pour sécher, les étoffes safran des bonzes . La plate Cochinchine n’offre pas au regard lassé que les uniformes festons de sa verdure immuable. Il n’est jusqu’au Bas-Tonkin qui n’épouse dans sa monotonie la grâce d’une poésie mélancolique. Bonnetain lui-même avait trouvé aux rizières un charme délicat : 1 R. Meyer,Saramani(1922), p. 10. 2 Ibid.,p. 11. 3  R. Meyer,Visions d’Asie(1929), p. 163. Cf. également J. Leuba,LaBrève Lumière, Paris, 1929, p. 50. 4 Saramani, p. 11. 5 À l’ombre d’Angkor, Paris, 1916, p. 4.
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Le matin, je les trouve curieuses à voir. Leur tonalité aux premières heures, demeure unique, comme attendrie par la pluie nocturne dont les nes gouttelettes couvrent encore les épis. Il y a des coulées blanc d’argent merveilleuses. Une théière dont la vapeur voile lesancs a peut-1 être des teintes comparables . Pour qui sait en apprécier la très particulière beauté, les terres alluviales où pousse le riz ne sont en effet ni desaques d’eau morte, ni des étangs gris, ni des carrés de vase nauséabonde, et n’offrent point, dans leur ordonnance géométrique, l’aspect d’un paysage articiel. Avec leurs bosses verdoyantes qui marquent l’emplacement des tombeaux, elles portent l’attestation émouvante de l’effort des: « Fécondité de la fange noire, si vite générations métamorphosée, verte et drue, écrit Durtain. Plaines immenses où 2 chaque brin repiqué à part, signie un geste de l’homme ». Comme les étangs solognots et les horizons liquides du marais vendéen ont pu trouver leurs romanciers, les rizières de Cochin-chine n’ont rebuté ni les voyageurs, ni les poètes. L’artiste y discerne une prodigieuse variété de nuances : jeune et moelleux 3 gazon desm,tendre coloris des plants que les repiqueuses enfoncent d’un geste rapide et précis, poussée drue des tiges adultes, ondulation dorée desriz mûrs.Suivant les saisons, note François de Tessan, le spectacle se renouvelle avec une magnique ampleur. Tantôt ce sont des lacs de boue délimités par des haies et des remblais, tantôt ce sont des nappes verdoyantes qui frissonnent sousle vent, ou encore lorsque les pousses ont grandi, on se croirait devant une vaste mer d’émeraude. Non certes, la rizière n’est pas morne pour qui sait la contempler. Elle offre à qui en comprend les transformations, des couleurs et une poésie prodigieusement 4 variées .
1 AuTonkin,Paris, 1887, p. 70. Le charme mélancolique des rizières noyées a été exprimé pur de nombreux écrivains. Citons entre autres : J.Bossière, L’Indochine avec les Français,s. d., p. 18-19. A. Droin,La Jonque vic-torieuse(1906), p. 89-91. J. Ricquebourg,Les Chères Visions(1900), p. 27. Viviès,L’Ame de la Cochinchine,Saïgon, 1924. H. Danguy,Le Nouveau Visage de la Cochinchine,Saïgon, 1929, etc... 2 L. Durtain,loc. cit.,p. 162. 3 M:jeunes plants de riz destinés au repiquage, provenant des semis quel’on fait en mars ou avril sur un terrain d’humidité moyenne et convenablement ameubli. 4 Dansl’Asie qui s’éveille,Paris, s. d., p. 73.
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Certes, la ronde des saisons ne s’accompagne pas toujours en Extrême-Orient d’une gamme de nuances changeantes aussi étendue que chez nous. Mais la brutale éclosion du printemps tonkinois fait épanouir les premièreseurs de lotus et suspend aux branches des faux-cotonniers deoconneuses guirlandes. C’est aussi le temps où, au pays khmer, la nature s’empourpre de fastueusesoraisons. Quelle vision heureuse, primitive et pure, enferment ces notations brèves : Pissak, premier mois de la saison des pluies, saupoudrait deeurs écarlates les bouquets dele règne végétal assoiffé par sixamboyants ; lunes de sécheresse, buvait les averses précoces et se hâtait de reverdir avant la crue; l’horizon des lacs et deseuves, lavé par les orages se dessinait plus net sur le ciel, déjà bruni par les apports limoneux des 1 ruissellements riverains . Dans l’arrière: une tendre et vaporeuse-saison, autre spectacle lumière baigne les horizons cendrés du delta tonkinois : Septembre. Lan d’un jour voilé, d’un après-midi de pastel, qui rappelle l’automne d’Occident. L’éternel paysage mélancolique du Delta étend sous le ciel gris ses plaines noyées. Au loin, des rideaux d’arbres 2 sont bleus dans les premières brumes du soir ... L’allégresse des matins d’Asie n’a pas laissé non plus d’inspirer les poètes. Voici à l’instant où le jour va naître l’éveil timide de la rizière : ... Du lit des rivières, des voiles de brume s’élèvent diaphanes, et par le haut, bordés de mauve; une teinte d’aigue-marine court furtivement au ras du sol ; une brise plus pressante qui courbe les têtes folles des riz et qui efloche les nuées basses, annonce la lueur du jour. Dans les villages jusqu’alors silencieux,les gongs de bois des veilleurs sonnent les coups 3 espacés du crépuscule matinal . La montagne, dans la clarté matineuse et limpide du littoral de la mer de Chine, se découpe à son tour ennes arêtes :
1 Roland Meyer,Saramani(1922), p. 13. 2  Jeanne Leuba,Frick en exil,Paris, 1928, p. 171. Cf. égalementL’Aile de feu (1926), p. 71. 3 Albert de Pouvourville,LaGreffe,Paris, 1922, I, p.139. Cf. également J.Leuba, La Tristesse du soleil(1913).Matin d’Annam, p. 59-62.
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