L OUBLIEUX
138 pages
Français
138 pages
Français

Description

Cloîtré dans sa mansarde, un homme seul assiste, dans un cauchemar éveillé, à sa propre momification intellectuelle. De plus en plus oppressé par l'oubli qu'il combat, il décide de ne plus bouger avant d'avoir retrouvé le souvenir d'un rêve perdu. Il se délabre à mesure que tout, autour de lui, conspire contre sa mémoire.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2002
Nombre de lectures 26
EAN13 9782296295735
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'oublieuxCollection Écritures
dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
LAUNA Y Serge, Les chiens de Ghriss, 2000
LABBÉ Michelle, Le marin d'Anaïs, 2000.
BOUYGUES Claude, De parts et d'autres, 2000.
POUYTES Jean-Louis, Jean Le Baptiste, 2000.
COHEN, Daniel, D 'humaines conciliations, 2000.
JURTH Bernard, Les graveurs de mémoire, 2000.
CREPIN Elisabeth, Aujardin des roses, 2000.
CLOAREC Françoise, Un voyage en soi, 2000.
KARENINE Vim, Graffitis, 2000.
DEMART Monique, Flocons de soi, 2000.
BONNEMEN-BÉNIA Geneviève, L'âme enchantée, 2000.
AOUAD BASBOUS Thérèse, Des Mots et des Hommes, 2000.
GATARD Christian, De Conchita Watson, le ciel était sans nouvelles,
2000.
ALVADO Hervé, Cinq semaines dans la vie de Jules, 2000
DONZELOT Myriam, Le second souffle, 2000.
ABBADIE Paulette, Le chant du ressac, 2000.
HEUGHEBAERT Serge, Position surf, 2000.
DUMONT Pierre, Le nouvel imposteur, 2000.
VITOUX Marie-Claude, C'est lorsque j'éteins la lumière que tout
commence, 2000.
MONTERO Andrée, La branche sciée, 2000.
ISNARD Hélène, Le lieu lointain de l'absence, 2000.
BAUMONT Isabelle, Crayons d'Islande, 2000.
CORTEN Philippe, Parle-moi encore, 2000.
VICTOR Marc, Khanita, 2000.
SCHMITT Alexandre, Un amour gémellaire, 2000.
PlAT Colette, La liqueur de vipère, 2000.
MEISTERSHEIM Anne, L'aigle borgne, 2000.
ROUSSEAU Marie-Andrée, Cœur de verre, cœur de pierre. Nouvelles
crève-cœur,2000.
AUQUE Hubert, Migrant permanent, 2000.
BRARDA Régis, Révolins, 2000.
GARAY, Alexandre, Voyage d'un égaré, 2000.
LEBIEZ Marc, Le congrès de Bologne, 2001.
FAGGIOLI R, Le silence éclatant des rêves, 2001.
SEIGNEUR Pauline, La route du Fort, 2001.Philippe Merlier
L'oublieux
L'Harmattan(Ç)
L'Harmattan, 2002
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris - France
L'Harmattan, Italia s.r.1.
Via Bava 37
10124 Torino
L'Harmattan Hongrie
Hargita u. 3
1026 Budapest
ISBN: 2-7475-2866-9à L)5andreDu même auteur
Littérature - Récit:
-FauteckFrappe, éd. L'Incertain, Paris, 1989 (épuisé)
Philosophie - Articles:
- "Proférer la première parole: l'enfant et l'écrivain",
in Revue Philaophie,éd. de Minuit, Paris, juin 1998
- "Jan Patocka : Criton" (traduction), in Revue LlS
Tenps MaIerrz6, N°S99, Paris, mai-juin 1998
- "Le démocrate aux aguets", in Entre UsLigpes,recueil
pour le jubilé de Jiri Pechar, Filosofia, AV CR, Prague,
1999
- "L'incomplétude du langage chez Jan Patocka", in
Intentionnalité et La~ge, dire G.F. Duportail, éd. Presses
Universitaires de Rennes, Rennes, 1999
- "Jan Patocka : La critique de l'objectivisme et le
problème de la psychologie phénoménologique chez
Sartre et Merleau-Ponty" (traduction), in Revue LlS Tenps
MaIerrz6,N°608, Paris, mars-avril-mai2000
- "Le problème de la parole chez Merleau-Ponty et
Patocka" ("Il problema della parola in e
Patocka"), traduit en italien par T. Nastri, in L redita'E
Filaofica di fan Pataka, dire D. Jervolino, éd. Instituto
Suor Orsola Benincasa, CUEN, Laboratorio 40, Naples,
2000
- "Patocka et Deleuze sur le phénomène de l'écriture",
in Revue L 'E nseigrzerœnt philaophique, SOème année, N°S,
Paris, mai-juin 2000
- "Approche de la phénoménologie de la littérature
chez Jan Patocka" ("Pristup k £enomenologii literatuty u
Jana Patocky"), traduit en tchèque par J. Fulka, éd. desArchives Jan Patocka, Center for Theoretical Study,
Oikouménè, Prague, 2000
- "Jan Patocka : Le concept d'intuition chez Husserl et
le protophénomène du langage" (traduction), in Revue
Recherc1x3 Husserlienne5, vol. 16, Bruxelles, 2001.I
Aujourd'hui n'a encore été que quelques vains
débris de temps. Je suis quelques grimaces de plus
qu'hier. Quelques instants de vie de moins. J'ai brûlé ma
journée entre le lit, la chaise du bureau et ma fenêtre.
Entre le lit et la chaise il y a quatre pas et une
demiepointure. Ce demi-pas est important car sans lui, la chaise
ne craque pas. Ce n'est qu'en craquant qu'elle m'accueille
vraiment. Je la place toujours de trois quarts légèrement
ouverte, tournée vers la fenêtre. Je suis venu m'asseoir
en marchant au ralenti, pour me rendre la distance plus
longue: entre-temps le crépuscule a pu tomber un peu.
Le frottement de mon cou sur le col me semble un
vacarme. J'ai froid, et par la fenêtre il n'y a que la
mosaïque des mansardes. Les tuiles s'étalent comme des
larmes feuilletées. Le ciel est d'un gris de métal.
Je ne suis pas allé travailler parce que je n'avais pas
fini mon rêve quand le carillon du clocher a sonné. Cela
11fait trois jours maintenant que j'attends qu'il finisse, en
restant là sans bouger. Il doit finir tout seul, de lui-même,
parce que si je l'aide je ne connaîtrai jamais sa véritable
fin. Mais le problème, c'est qu'à force d'attendre j'ai
oublié quel était ce rêve et son début m'échappe. La
dernière fois que j'ai perdu un rêve, le patron m'a averti:
« Savez-vous que vos trois jours d'absence injustifiés
suffiraient à motiver votre renvoi? ». Je n'ose pas y
retourner demain. Je lui avais répondu que j'avais perdu
en quelque sorte un être cher. Il a haussé les épaules et
m'a montré son dos. Il m'avait dans le dos, et j'ai vu un
frisson courir le long de son échine.
Depuis ma chaise, je sens dans mon dos ce trajet
des quatre pas et demi, et la possibilité de parcourir à ma
guise ce couloir invisible en sens inverse me plaît. Il est
mon chemin brumeux et sombre, au bout duquel se
dresse l'horizon clair de ma mort vers lequel je marche
pas à pas, chaque pas craque comme sur une terre
couverte de mousse en gélivation. Cette même terre à
laquelle retourne la totalité des êtres vivants, tour à tour,
infiniment, tous irremplaçables et uniques, tous perdus à
jamais. Je me sens limpide, seul, frais de l'intérieur,
comme au milieu d'un bocage grillagé de pluie où il sent
bon l'absence d'humains. Je savoure chacun de ces
instants, qui, l'un après l'autre, s'exténuent pour toujours.
J'aime le chuchotement continu de leur chute.
Voir les toits est ma récompense, lorsque j'ai réussi
à obtenir le craquement après quatre pas et demi. Mon
bureau donne face à la fenêtre. C'est un bureau de
fortune, en contreplaqué. Quatre pieds, quatre comme la
chaise, le lit, les carreaux, les pas. Un petit tas de vieilles
factures est posé sur le coin droit contre le mur, près de
la lampe. Un sous-main marron et or, avec un grand
12buvard jaune. Un stylo plume, un Bic noir et un crayon à
papier. Pas de gomme, un coupe-papier. Je n'aime pas les
gommes. Ces petits blocs de caoutchouc se frottent à
l'écorce d'origine pour l'annuler. Elles ont la viscosité du
néant, l'odeur du traître. La gomme est une prothèse de la
mémoire: elle efface ce qui gêne. Elle annule ce qui
inquiète ... Le gâchis de tous ces rêves qui sont mes
orphelins chaque matin est ce qui donne un goût pâteux à
ma bouche qui s'éveille: un goût de gomme à chaque
réveil. Malgré ces deux dernières nuits blanches, cette
bourbe est venue charger et embarrasser ma bouche
quand même. J'ai trop de rêves censurés derrière mes
lèvres. Il y a trop de voleurs de rêves qui peuplent ma
solitude ... Je me demande si ce ne sont pas les mêmes
qui effacent et subtilisent à la perception que j'ai de cette
même gomme que je rêve de ne jamais avoir, ses faces
cachées. De la même façon je ne vois de mon
coupepapier que la face et la tranche qu'il veut bien me
présenter. Je sais qu'il me cache ses autres côtés bien que
je puisse les voir quand bon me semble. Mais il est là,
devant moi, qui me demande de le toucher, alors que
moi, je sais très bien que je ne peux jamais voir toutes ses
faces en même temps. L'objet me nargue, et comme dans
mes rêves perdus, sans rien faire il fait tout pour que je
... l'oublie.
La force des choses est d'apparaître pour exister le
moins possible. Mon coupe-papier reproduit la même
stratégie que tous ces objets qui sont sortis de ma
mémoire. Il est absurde que certains objets s'effacent
pl

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