Les Confessions
229 pages
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Les Confessions , livre ebook

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Description

Extrait : "Dieu n'a créé le monde que pour se donner la comédie à lui-même. Il est l'auteur de la pièce, nous sommes ses comédiens à tour de rôle, tantôt acteurs, tantôt spectateurs. Si Dieu a donné le droit de siffler la pièce à la porte du théâtre, on ne s'en prive pas. On applaudit à outrance un mélodrame à l'Ambigu, mais cette pièce inouïe de Dieu sur le théâtre de la nature, on la siffle plus souvent qu'on ne l'admire."

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Publié par
Nombre de lectures 16
EAN13 9782335041590
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335041590

 
©Ligaran 2015

EDMOND GOT

MADELEINE BROHAN
LIVRE XLIII Comédiens et comédiennes
I Comédie, comédie, tout n’est que comédie
Dieu n’a créé le monde que pour se donner la comédie à lui-même.
Il est l’auteur de la pièce, nous sommes ses comédiens à tour de rôle, tantôt acteurs, tantôt spectateurs. Si Dieu a donné le droit de siffler la pièce à la porte du théâtre, on ne s’en prive pas. On applaudit à outrance un mélodrame à l’Ambigu, mais cette pièce inouïe de Dieu sur le théâtre de la nature, on la siffle plus souvent qu’on ne l’admire.
Toutefois, les esprits supérieurs font un silence respectueux devant l’œuvre de Dieu, tout en cherchant à deviner le mot de la fin.
Le monde est donc un théâtre, de quelque côté qu’on se tourne. Quel est celui d’entre nous qui n’a jamais joué un rôle ou qui n’a jamais voulu être en scène ? Demandez aux grands citoyens qui croient gouverner la France, mais qui sont gouvernés par la comédie de l’Opinion.
Les théâtres sont peut-être l’endroit où l’on joue le moins la comédie, parce que c’est une comédie connue et apprise par cœur.
J’ai vu la comédie du palais, juges et assassins : le procureur du roi qui veut un criminel, l’avocat qui défend la veuve et qui fait l’orphelin. N’étais-je pas en plein théâtre ? Tout le monde jouait son rôle, ceux qui parlaient se disputaient les fleurs fanées de l’éloquence ; l’accusé se sentait devant la rampe, quelquefois devant la guillotine ; les témoins, à la manière de Shakespeare, venaient jeter une note gaie dans la tragédie ; les spectateurs prenaient des figures de circonstance et passaient par toutes les péripéties, depuis l’acte d’accusation jusqu’au verdict.
Comédiens, comédiens, comédiens ! J’ai vu la cour sous tous les régimes. Louis XIV dansant dans les ballets, Napoléon prenant des leçons de Talma. Aujourd’hui, vainement les chefs de l’État ont voulu briser avec les façons royales ou impériales, mais leur bonhomie fut toujours un jeu. On pose pour la simplicité, on n’oublie pas un instant qu’on est le premier citoyen de l’État, pour dire le contraire de ce qu’on pense. C’est la comédie bourgeoise, mais avec ses coups de théâtre imprévus. Il faut souvent, pour ne pas trouver de fausses trappes, toutes les malices de Dumas et de Sardou, qui créent les situations impossibles pour avoir l’honneur d’en sortir.
À la cour d’un roi ou d’un empereur, c’est la pièce à grand spectacle : les princes et les princesses, avec les chambellans, les grands officiers de la couronne, les pages, les cent-gardes ou les gardes du corps. Et quel drame à la Shakespeare ! Les éclats de rire traversent les scènes désespérées pour montrer que c’est bien l’humanité qui est faite d’ombre et de lumière, de larmes et de gaietés.
Quand les Tuileries vivaient d’une vie visible et d’une vie intime, il ne se passait pas un jour qu’on n’y représentât sans le savoir toutes les comédies de la politique, de la diplomatie, de l’orgueil, de l’esprit, de l’ambition, de la bêtise et de l’amour !
Que si vous allez au Sénat et à la Chambre des députés, vous serez encore au théâtre. Je ne vous donne pas ce théâtre-là comme un théâtre amusant ; on y voit pourtant quelques acteurs de race, quelques comédiens d’aventures, des premiers rôles tenus haut la main ; mais ces deux troupes-là manquent de public.
En France surtout, où tout est comédie, on est affolé de spectacle, à ce point, que ceux qui ne vont pas au théâtre veulent ne rien perdre de la chronique des coulisses. On ne trouvera donc peut-être pas hors de propos que je peigne encore ici quelques physionomies de comédiens et de comédiennes, plusieurs tableautins de la vie intime du Théâtre-Français vers le milieu du siècle. Les choses de ce temps-là sont encore toutes vivantes dans les esprits, parce que la maison de Molière irradiait alors comme dans ses meilleures périodes.
II Une élection de Sociétaires en 1850
Le sacré conclave est au Théâtre-Français comme à l’Académie française. C’est aussi solennel de passer sociétaire que académicien ou pape ; voilà pourquoi les comédiens du Théâtre-Français ont toujours un peu de superlatif dans leur jeu. À Rome on discute les titres des candidats ; à l’Académie, on vote silencieusement, au Théâtre-Français on met en balance les qualités et les défauts, je ne dirai pas les vertus, car il est convenu que là toutes les femmes sont vertueuses. Cette discussion est bien vaine, puisque tout le monde à la comédie se connaît comme dans une famille. Il y a les frères ennemis, mais ceux-là se connaissent comme les autres. Le meilleur juge, il faut le dire, c’est le public ; aussi le public ne se tromperait pas si la veille de l’élection au sociétariat on jouait une comédie et une tragédie où seraient en scène tous les aspirants. J’y avais pensé, mais les choses qu’on remet au lendemain ne se font jamais. J’ai présidé à l’élection de beaucoup de sociétaires de marque et de première marque, Bressant, Got, Delaunay, Monrose, Madeleine Brohan, Favart, Judith, Nathalie, d’autres encore parmi les renommés.
Bressant entrait par la grande porte, l’opinion publique la lui ouvrait à deux battants. Il avait joué au Gymnase Lovelace , avec une impertinence, un satanisme, une désinvolture, une rouerie, une cruauté qui affolaient le spectateur. On ne trouvait, pour un pareil rôle et pour quelques autres moins accusés, aucun comédien qui lui fût comparable. On se promettait un vrai spectacle en lui voyant jouer Don Juan sur la scène de Molière. Depuis que Firmin et Menjaud avaient quitté la scène, qui donc pirouettait ainsi sur le talon rouge ? Leroux. Mais Leroux s’arrêtait quelquefois à mi-chemin. Maillard jouait avec plus de sentiment ; mais il n’avait pas toujours la suprême distinction. Brindeau avait plus de gaieté ; mais il n’était pas né marquis comme Bressant ; aussi Bressant passa sociétaire tout d’une voix. Il faut dire ici cette histoire touchante. Brindeau lui donna sa voix tout en donnant sa démission. Il sortit du comité d’un air souriant et passa dans mon cabinet, où m’attendait Bressant. Je les trouvai tous les deux avec des larmes dans les yeux, Bressant était touché de la cordiale poignée de mains de Brindeau son rival. Quand j’eus moi-même donné ma poignée de mains affirmative à Bressant, et que Bressant fut allé remercier ses nouveaux camarades, Brindeau me dit : « Je vous donne ma démission. – Je ne l’accepte pas. – Que voulez-vous que je fasse ici ? – Bressant ne va pas vous prendre votre répertoire, vous jouerez Molière et Musset comme toujours. – Non, il n’y a pas de place pour tout le monde, un clou chasse l’autre. Bressant me démode. Adieu ! » Il m’embrassa, car nous nous aimions bien.
J’étais désolé du contretemps, mais j’espérais ramener Brindeau. Par malheur pour le théâtre, mais surtout par malheur pour lui, il maintint sa démission par une fierté mal plantée, mais robuste. Il croyait faire fortune à l’étranger ; mais c’était un talent tout parisien, qui avait eu sa vraie fête et son vrai bouquet dans les comédies d’Alfred de Musset ; ce répertoire n’était pas plus compris hors de Paris que le répertoire de Marivaux.
Il lui fallut donc en rabattre, il joua la comédie de Scribe et le drame de d’Ennery. Quand on donne dans l’article Paris, il faut donner dans la nouveauté. On vit le pauvre Brindeau à la remorque de tout ce qui se jouait depuis le Théâtre-Français jusqu’à l’Odéon en passant par les petits théâtres. Ô grandeur et décadence de Don Juan, de Brummel, de d’Orsay ! En 1873, quand je lui fis un rôle dans M lle Trente-six vertus , il éclata en sanglots dans mes bras. « C’est ma faute, c’est ma faute, c’est très ma grande faute !» Il n’a confié cela à personne, mais il est mort de chagrin après avoir vidé la coupe des désespérances.
Got et Delaunay emportèrent tous les suffrages. On comparait Got aux petits maîtres flamands les plus accomplis, Delaunay à tous les amoureux qui depuis Lagrange jusqu’

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