Les Fruits de l arrière-saison
178 pages
Français

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Les Fruits de l'arrière-saison , livre ebook

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Description

Lorsqu'une nuit de septembre 1935, Martin se noie dans la Grosne, à Cluny, tout le monde croit à une mort accidentelle. Seule Marie, sa femme, sait qu il s est suicidé. Afin de comprendre les raisons de ce geste désespéré, elle choisit de briser le silence qui entoure la folie de Martin et de jeter un regard lucide sur leur vie de couple. Surtout, la jeune femme doit gérer le quotidien à la ferme et bâtir son avenir et celui de sa fille, entre utopie et réalisme, détermination et renoncement. Elle est secondée dans cette reconstruction par sa famille, notamment par sa sœur Emma, aux fortes convictions féministes, et par son frère Pierre, tout juste marié, qui accepte de bouleverser sa vie pour venir en aide à son aînée.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2014
Nombre de lectures 32
EAN13 9782365751865
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Aurore Py Les fruits de l’arrière-saison
Roman de terroir de France
À Charlotte Les hommes tiennent le monde. Les mères tiennent l’éternel qui tient le monde et les hommes. Christian Bobin, Le Très-Bas
Prologue
Dimanche 8 septembre 1935, deux heures du matin Martin traversa la propriété, rejoignit la grande route qu’il suivit jusqu’à entendre la rivière en contrebas. Il enjamba les hautes herbes du bas-côté et atteignit le cours d’eau. Il le longea sur une centaine de mètres et s’arrêta près d’un saule, à un endroit où le ruisseau s’élargissait et gagnait en profondeur. Il observa la lune qui venait de se lever et les fins nuages qui tentaient de la voiler. Il s’égara dans ses pensées et permit à l’angoisse et à la lassitude qu’il avait combattues toute la journée de l’envahir. Les souvenirs heureux qui l’avaient amené à choisir ce lieu n’avaient plus aucune prise. Alentour, le calme était pesant, à peine troublé par le hululement intermittent d’une chouette lointaine. Soudain, la rivière éclata en remous violents, et le fracas du corps frappant l’eau noire fit déguerpir précipitamment quelque animal nocturne à l’affût. Seize heures plus tôt Claire écoutait le brouhaha des adultes qui s’agitaient dans la maison et se demandait quand on viendrait la chercher pour l’emmener à l’église. Le rire de son oncle Pierre retentissait souvent. Claire trouvait qu’il riait trop aujourd’hui et trop fort. Mais peut-être est-ce ainsi quand on se marie ? Elle sortit du bureau étriqué et partit à la recherche de sa maman pour savoir où étaient les fleurs qu’elle devait lancer en début de cortège. L’appartement où évoluait l’enfant était sombre et étroit. Situé dans une impasse près du Champ de Foire à Cluny, il fallait beaucoup de soleil pour qu’il soit baigné d’une lueur agréable. Sa tante Emma y avait sa chambre à l’étage et avait fait du réduit mitoyen auquel on accédait par un court couloir un petit bureau où elle préparait ses cours. Au rez-de-chaussée, l’escalier débouchait sur un vestibule. Celui-ci s’ouvrait sur la cuisine. C’était la pièce la plus vaste de l’appartement, que la cheminée rendait accueillante. Jeanne, la mère d’Emma, de Pierre et de Marie y avait son lit. Un an plus tôt, après la mort de son époux, elle avait vendu la cordonnerie et le logement qui la surplombait rue des Tanneries et s’était installée là avec sa fille cadette. En passant devant la chambre de sa tante, Claire perçut des chuchotis. Par la porte
entrouverte, elle risqua un œil et vit ses parents enlacés. Son père lui tournait le dos et sa mère avait les joues rouges. Claire tenta d’entendre ce qu’ils se disaient, mais son père se pencha soudain et embrassa goulûment sa femme dans le cou. Celle-ci le repoussa mollement, mais se mordit les lèvres pour taire le rire qui montait. Claire, un peu troublée, referma doucement la porte, et s’engagea dans l’escalier. Dans le vestibule, Emma, assise sur un tabouret, finissait de cirer les chaussures de Pierre. Claire n’osait pas lui demander si c’était normal que son petit frère se marie avant elle. Emma n’était pas très jolie. Pas aussi jolie que maman, en tout cas, pensa la fillette. Elle était restée sur la dernière marche de l’escalier et se balançait d’un pied à l’autre. Elle détailla sans complaisance le profil de sa tante affairée à sa tâche. Ses cheveux étaient emmêlés et à peine retenus par un foulard noué. Son front avançait beaucoup au-dessus de ses yeux. Même l’enfant était déstabilisée par la lueur moqueuse qui y régnait souvent et qui semblait défier chaque interlocuteur. Surtout, Emma avait un nez bossu qui dans l’obscurité de l’entrée et associé à sa chevelure mal maîtrisée lui conférait un aspect un peu sorcier. Claire eut tout à coup une révélation. Ce nez était le même que celui de son grand-père ! La fillette n’avait plus pensé à lui depuis longtemps, mais tout d’un coup, à force d’observer Emma, c’était son image qui s’était imposée. – Tu es prête Clairette ? Ton panier de fleurs est devant la porte. On part dans dix minutes, quand le clocher sonnera, l’interpela Emma qui se levait en s’essuyant les mains sur son tablier. Claire aimait la manière dont sa tante lui parlait, comme à une grande. Sa mère lui aurait demandé de se tenir prête à partir bientôt, tandis que sa tante lui avait donné un repère clair en faisant référence au bourdon. Emma seule l’appelait Clairette ou Clarinette parfois, quand elles étaient toutes les deux. La jeune femme lui avait montré une clarinette dans l’encyclopédie illustrée qu’elle possédait et lui avait dit que c’était un instrument joyeux et qu’à ce titre il lui faisait penser à la fillette. Emma détenait de nombreux livres ; elle enseignait aux aînées de l’école, celles qui se présentaient au certificat d’études. – J’aimerais un couvercle pour mes fleurs, sinon elles seront mouillées quand j’arriverai à l’église, réclama l’enfant à sa tante. – Je crois que la pluie vient de cesser, tu sais. – C’est vrai ? La fillette tira le lourd verrou de la porte et jeta un œil à l’extérieur. Des rayons de soleil perçaient en effet et faisaient miroiter les pavés détrempés. – J’attends dehors, alors ! s’exclama Claire en ouvrant largement la porte d’entrée. – Ne te salis pas, surtout ! prévint sa tante avant de pénétrer dans la cuisine.
Bien que l’on fût seulement au début de septembre, on avait allumé un feu dans la cheminée et Emma apprécia la chaleur qui l’enveloppa lorsqu’elle entra dans la pièce. Jeanne finissait de brosser la veste que Pierre venait d’enfiler. Elle jeta un œil à sa fille et poussa un cri : – Mon Dieu, Emma, tu as vu l’heure ? Quand vas-tu t’habiller ? – Je suis habillée, mère, soupira la jeune femme en déposant aux pieds de son frère les chaussures polies. – Vraiment ? Tu es mieux apprêtée après une journée de classe ! – J’ai juste à enlever mon tablier et ça ira bien. Ce qu’elle fit et révéla ainsi une robe mauve à fleurs blanches. Le tissu était beau, mais le vêtement était mal cintré et ses épaulettes trop imposantes. – Qui a fait cette robe ? Elle ne te va pas du tout ! – Je l’ai empruntée à une amie. – Mais elle doit bien être deux tailles trop large ! Pourquoi ne l’as-tu pas montréeà Marie, elle l’aurait reprise ! – Léonie me l’a prêtée, Mère, pas donnée. Je ne vais pas lui rendre une robe trop petite ! Oh, et puis quelle affaire ! Ce n’est pas moi qui me marie. – Et ça ne risque pas de se produire ! intervint Pierre dans un éclat de rire. – Ce qui m’arrangerait plutôt..., murmura Emma. – Qu’est-ce qui se passe ici ? lança une voix forte derrière elle. Elle se retourna et fit face à Martin, son beau-frère, qui entrait dans la cuisine suivi de Marie. – On se scandalise de ma tenue, voilà ce qui arrive, sourit Emma. Elle observa le couple vaguement essoufflé. Sa sœur Marie remettait quelques mèches dans son lourd chignon. Cela faisait un moment qu’ils avaient disparu, ces deux-là. Emma les toisa malicieusement. Martin soutint son regard, mais Marie détourna son attention en l’interpelant : – Oh, Emma ! Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Je t’aurais fait la robe dont tu rêvais, soupira-t-elle en la détaillant de la tête aux pieds. Il n’y a rien qui va, là. – Marie, j’apprécie tes talents de couturière, mais crois-moi, je n’ai aucun rêve vestimentaire. – Et tu penses faire quelque chose pour tes cheveux ? demanda Pierre, moqueur. – Tu n’aurais pas trop bu, toi, déjà ? lui renvoya Emma.
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