La lecture à portée de main
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Description
Qui a dit que les Français manquaient d'humour ?
Certainement pas jean Amadou !
A la suite de ses émissions télévisées, ils ont été des milliers à lui envoyer les perles qu'ils avaient débusquées au coin de leur rue, sur les affiches publicitaires, les panneaux électoraux ou routiers et jusque dans leur quotidien favori. Rencontres explosives de slogans et d'images, jeux de mots heureux ou malheureux, logique implacable et parfois absurde de certains règlements administratifs... Pas une cocasserie n'a échappé à la sagacité de cette armée anonyme. Jean
Amadou nous livre ici les plus belles perles de son bêtisier en les agrémentant de commentaires acides, bien sûr. Non ! répète-t-il, les Français n'ont pas perdu leur esprit frondeur. La preuve !
Un livre décapant, rassurant, et tellement drôle !...
Sujets
Informations
Publié par | Robert Laffont |
Date de parution | 12 juin 2014 |
Nombre de lectures | 10 |
EAN13 | 9782221124031 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 6 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
Les documents illustrant cet ouvrage — extraits de presse, citations, photographies… — relèvent de la collection de l’auteur et des témoignages des nombreux auditeurs et téléspectateurs qui mirent spontanément à la disposition de l’auteur les documents précités.
© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1984
EAN 978-2-221-12403-1
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.
À ma fille Catherine, pour qu’elle se souvienne, qu’on peut, à l’exemple du boutiquier d’Alençon…
« desserrer un carcan d’un sourire ou d’un mot ».
La vie n’est pas drôle ! Les générations se transmettent cette vérité première comme un héritage de sagesse, viatique qui sert à s’accommoder de tout, à considérer la catastrophe comme normale et la joie comme accidentelle. La vie n’est pas drôle ! Voire ! Hormis les cortèges de chagrins, de déceptions et de maladies que les bonnes fées jettent au berceau de tout nouveau-né à seule fin de le rendre optimiste, les embêtements de l’homme ne sont pour la plupart que le résultat des efforts opiniâtres qu’il fait pour se les créer. Nous sommes tous des contribuables citoyens. Je place « contribuable » en premier, car, s’il y a des années sans élections, il n’en est pas sans impôts. Nous devons tout à l’État qui nous le rend au centuple en bonnes paroles et spectacle permanent. Bien calé dans un fauteuil, contemplant ce feuilleton quotidien auprès duquel les plus extravagantes productions de la télévision américaine ne sont que contes pour enfants, le contribuable — citoyen a tous les droits, excepté celui de s’ennuyer. Il peut éventuellement râler sur le prix excessif de la place, jamais sur la qualité du spectacle.
Le quotidien fourmille d’images insolites dont chacune devrait suffire à nous rendre heureux jusqu’à la fin de la journée si nous les enregistrions. Notre œil les regarde, mais il omet, par négligence ou par lassitude, de les envoyer au cerveau comme il en a le devoir impératif. Notre œil est blasé, il regarde, mais il ne voit plus, notre oreille écoute, mais elle n’entend pas, ainsi nous privons-nous de ces joies homéopathiques qui sont les meilleurs remèdes à la morosité.
J’ai pour mon bonheur vécu une expérience extraordinaire. Fouineur de nature et curieux de profession, j’ai animé pendant cinq ans, sur TF 1, d’abord avec Jean Bertho, sur Antenne 2, ensuite avec Marc Menant et Dadzu, des émissions hebdomadaires au cours desquelles nous passions les événements au crible de notre mauvaise foi. Fervent de la chasse au détail, piégeant l’absurdité, épluchant les journaux, je vis avec joie au bout de quelques mois que nous avions fait des adeptes. Les téléspectateurs avaient compris quelle sorte de gibier nous traquions et ils commencèrent, timidement d’abord, à nous envoyer des documents. La qualité des premiers envois nous incita à les encourager. On ne fait jamais appel en vain à l’esprit frondeur des Français. Si leur capacité à emplir les caisses de l’État paraît s’émousser, leur virtuosité à débusquer l’absurde et l’insolite est sans limites. Nous disposâmes bientôt d’une armée d’espions qui, l’œil aux aguets, ciseaux en main, et appareil-photo en bandoulière, se mirent en chasse pour alimenter notre bêtisier. Leur curiosité n’eut pas de bornes. Le ridicule était cerné, capturé, découpé et ils mirent à l’ouvrage un entrain, une insolence et une sûreté dans le choix qui me rassure et me réconforte. Les Français sont immunisés contre l’endoctrinement. Quelles que soient les méthodes employées pour le mettre au pas, ils auront toujours ce réflexe de dénicher l’ineptie, pied de nez aux princes qui se prétendent infaillibles du haut de leur suffisance. De droite ou de gauche, croyants ou athées, bourgeois ou anarchistes, tous à un moment abandonnent leurs idées sur un coin de table pour se pousser du coude et s’offrir un sourire.
Ce livre est l’assemblage de toutes les pierres qu’ils m’ont apportées pour le construire. Je n’ai plus eu qu’à les trier et à mettre le ciment qui les assemble. Quand une nation est capable de s’offrir le luxe de se moquer d’elle-même avec autant de brio, elle est à tout jamais vaccinée contre les dialectiques sirupeuses dans lesquelles on tente de l’engluer.
Les documents reproduits dans ce livre sont, pour la plupart, des photos d’amateur, prises souvent au Polaroïd, des coupures de journaux et quelquefois même des photocopies. J’ai tenu à les insérer pour prouver qu’aucun n’est le fruit de mon imagination. D’ailleurs, qui aurait l’esprit aussi dérangé pour inventer de pareilles énormités ? Dans le domaine de l’absurde, la fiction n’arrive jamais à la cheville de la réalité. Je n’ai reproduit que les documents qui sont indispensables pour que le lecteur ne s’écrie pas : « C’est trop invraisemblable, je demande à voir ! » Si la reproduction n’est pas parfaite, l’authenticité m’en fera pardonner la qualité défectueuse. Il y a dans le grotesque des sommets où l’on est tenu à fournir des preuves. Même si le ridicule poussé à son extrême confine à l’artistique, ce livre n’est pas un livre d’art.
La politique étant le sport préféré des Français, on ne m’enlèvera pas de l’idée que ceux qui ont la charge de coller les affiches électorales s’amusent de temps à autre à provoquer des rapprochements bizarres. Étaler sur les murs le visage des hommes politiques est un travail ingrat qui s’apparente à celui de Pénélope. À peine collée, l’affiche est arrachée par des mains sacrilèges. Cent fois sur le métier remettant leurs pinceaux, les colleurs se sentent atteints dans leur dignité. Artisans du dérisoire, le sentiment de leur inutilité pourrait les pousser à rentrer se coucher après avoir jeté à l’égout le rouleau de papier à l’effigie du futur sauveur de la patrie. Ils préfèrent heureusement s’amuser en lançant un message à l’intention des badauds. Pour que ces images nous parviennent, il a fallu que les colleurs s’offrent une impertinence, et le fasse assez discrètement pour qu’elle soit imputée au hasard. En période électorale, l’humour n’est pas la qualité primordiale des états-majors politiques. Il a fallu aussi que le message soit perçu par des curieux qui ont couru chercher leur appareil-photo. Cette chaîne de complicité prouve qu’au moment où les princes nous imaginent sous le charme de leurs promesses et de leur sourire rassurant, quand ils croient que nous avons perdu tout sens critique, lorsqu’ils nous distillent leur slogan : « Votez nous ferons le reste », l’humour, cette forme pernicieuse du scepticisme, protège le contribuable citoyen de l’idiotisme et de l’adoration béate. Je suis tout prêt à croire aux vertus du hasard, mais, si bien qu’il fasse les choses, j’hésite à lui imputer cet appel à adhérer qui adhère lui-même à un endroit où l’on place rarement ses convictions, si intimes qu’elles soient.
Cette provocation évidente ne pouvait qu’inciter les chasseurs d’insolite à conserver l’image pour les historiens futurs. Le jeu des affiches rapprochées se divise en deux genres. L’un n’a pour objet que le plaisir des yeux, l’autre lance un véritable message politique dont le raccourci s’apparente à un slogan. Dans la première catégorie, je placerai cet appel au retour de Michel Jobert qui ne prête qu’à sourire.
En revanche, je mettrai dans la seconde ce jugement de valeur sur le changement préconisé par Georges Marchais qui devient un véritable message politique.
Revenons au sourire avec Raymond Barre que les Français comparent volontiers au célèbre éléphant des bandes dessinées. Comme il en a la lourdeur fragile, il en a la solidité. Sa façon de piétiner les idées reçues font que, de Barre à Babar, il n’y a qu’un pas et, de Barre au Mammouth, que l’épaisseur d’une affiche.
Nous ne sommes pas en Allemagne, où l’accusation d’homosexualité vous brise net une carrière de général, comme s’il était obligatoire d’aimer les femmes pour emmener les hommes se faire tuer. Les Français ont l’esprit large et le clin d’œil ne porte pas à conséquence. Casimir Périer prétendait que l’Élysée était une prison dorée ; de la prison à la cage, il n’y a que l’épaisseur du barreau qui change.
La malveillance réapparaît avec ce cri d’angoisse attribué à une femme tout entière dévouée à la cause révolutionnaire au point de lui sacrifier sa vie privée.