Marie Montraudoigt
129 pages
Français

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Marie Montraudoigt , livre ebook

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Description

Gabriel Nigond abandonne ici son Berry pour le grand ouest. Il nous plonge au cœur des Guerres de Vendée, aux côtés du chevalier Charette, célèbre chef chouan de l'Armée Catholique et Royaliste, et de Marie Montraudoigt, héroïne au nom rugueux comme la condition paysanne de l'époque, qui, pour retrouver son tendre amoureux, va se jeter dans cette guerre fratricide ou Bleus et Blancs s'affrontent. Terrible odyssée où rien ne nous est épargné, ni les colonnes infernales du général Turreau ni les noyades dans la Loire ordonnées par Carrier.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 avril 2014
Nombre de lectures 142
EAN13 9782365751766
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gabriel Nigond



Marie Montraudoigt








Préface

Dix ans ont passé depuis la mort de Gabriel Nigond...
Il était connu surtout comme poète et plus spécialement comme poète du Berry.
Du vieux parler de nos paysans, il a su faire une véritable langue, la seule capable d’être naturelle et vraie dans la bouche de ses personnages.
Dans ce langage à la fois savoureux et expressif, les délicieux Contes de la Limousine contiennent un trésor d’enseignements et de principes d’éternelle actualité. Un tel ouvrage s’apparente étroitement à l’œuvre mistralienne.
Mais il ne faut pas voir seulement en Nigond un poète patoisant de portée localisée par l’emploi d’un dialecte régional. ll fut aussi, en pur français, l’un des plus grands poètes de notre temps et un auteur dramatique de premier plan.
Quant à ses romans, ils révèlent, selon l’expression de M. Jacques de Vasson, un auteur de génie.
De Marie Montraudoigt, M. Vincent Détharé déclare dans un récent ouvrage qu’un tel livre « crée l’un des plus admirables types de femme du roman français, l’égale en son genre de Maria Chapdelaine ».
Pareille opinion n’a rien d’excessif et il est bien vrai que Marie Montraudoigt suffirait à la gloire d’un écrivain.
L’action émouvante du roman se déroule en Vendée et au pays nantais, de La Garnache à Mâchecoul, Legé et Couffé, autour d’un douloureux épisode de la Chouannerie.
Plus d’un lecteur pensera sans doute, au terme du livre :
« Tiens, Nigond était plutôt favorable aux Blancs ! »
La même personne, lisant par exemple Pour ceux qu’ont trop bu, dirait non moins certainement : « Nigond devait être un Rouge ! »
La vérité est que les idéologies, passions et discussions politiques laissaient Gabriel Nigond parfaitement indifférent.
Il ne s’est jamais servi de ses livres pour exprimer une opinion personnelle et partisane par le truchement d’êtres fictifs imaginés pour les besoins de la cause. L’un des traits essentiels de son génie était au contraire d’attribuer à ses personnages les sentiments qu’ils devaient normalement et naturellement éprouver dans l’ambiance de l’époque et des faits.
Cela est vrai pour Marie, fille d’un « Chouan », comme pour le paysan de Pour ceux qu’ont trop bu, mécontent des bourgeois d’alentour.
Ce qu’il aimait en Charette, ce n’est pas le chef « blanc » en tant que tel. C’est surtout l’homme courageux, brave et loyal, capable de se sacrifier pour un idéal. De ces vertus, l’âme haute, sensible et délicate de Nigond n’admirait pas la couleur mais la grandeur.
L’héroïne du roman est une humble paysanne entraînée par l’amour dans le sillage et les aventures de son « promis », bientôt devenu son homme.
D’un bout à l’autre de l’ouvrage, c’est elle qui reste au centre du roman. Nigond ne s’attache guère au drame historique. Il le côtoie et l’effleure dans la mesure où Marie s’y trouve mêlée, mais c’est le drame intime de Marie qui retient son attention.
Blancs et Bleus s’entretuent... Ce n’est pas leur épopée que nous suivons, mais la triste odyssée de Marie, veuve et mère douloureuse. Et la leçon qui se dégage, c’est l’horreur des luttes fratricides, génératrices de telles souffrances.
Lors de la première édition, un membre de la famille de Charette écrivit à Nigond pour lui dire que son récit était bien conforme aux traditions et aux documents locaux. J’ai voulu me faire une idée personnelle en lisant les ouvrages consacrés à ces événements. Et je dois à la gracieuse obligeance de Mlle Elisabeth de Charette de La Contrie d’avoir pu relire ces temps derniers le beau livre de Lenôtre sur monsieur de Charette. Partout, chez les différents auteurs, j’ai trouvé la confirmation de détails cités par Nigond avant que Lenôtre ait écrit sa longue étude.
Or, le poète a avoué à Vincent Détharé et à Fernand Maillaud qu’il avait entièrement imaginé ces détails d’après le caractère même de Charette, sans recourir à aucun document.
Les poètes sont souvent de grands inspirés...

**
*

Quant à Marie, bien que vendéenne, elle est née, je crois, à Verneuil.
Vous ne connaissez pas Verneuil ? C’est le petit village berrichon où, pendant dix ans, Nigond vécut et écrivit la majeure partie de son œuvre.
Un de mes vieux voisins, le « Père François », mort à 85 ans il y a quelques années, et que connaissent déjà les lecteurs de mon ouvrage sur Nigond, m’a souvent parlé du « vieux Chuin », chemineau octogénaire qui, vers 1870, passait chaque année dans notre région, vendant brosses et balais.
Le bonhomme était vendéen et contait – sans se faire prier ! – l’histoire de la « Chuine », sa tante. Une histoire qui, dans ses grandes lignes, rappelle beaucoup celle de Marie Montraudoigt.
Or, Nigond se plaisait à recueillir souvenances et anecdotes chez nos paysans, chez le « Père François », notamment. De ces récits naïfs et pittoresques, il a tiré quantité de personnages désormais immortels.
Autre présomption. Le père François disait : « Chuin », et non pas « Chouan », revenant ainsi au mot « chuinter », par allusion au cri de la chouette, signe de ralliement des Blancs. De même Nigond...
Il est donc à peu près certain qu’il trouva dans l’histoire du vieux colporteur – fils d’Antoine sans doute !... – la trame de l’admirable roman que nous présentons aujourd’hui.
Remarquez d’ailleurs la tendresse de Nigond pour son héroïne... Le poète devait savoir que Marie avait existé... et qu’elle avait souffert.

Verneuil, mars 1947

Hilaire de VESVRE,
de L’Académie du Centre.


– I –

Accointée contre ma mère, au creux d’une niche de paille, je passais cette nuit-là dans l’étable, afin d’y veiller la plus jeune de nos vaches, la Borgnotte, qui attendait le veau. Ma mère disait son chapelet, pour tuer le temps, et je n’étais, moi, mie rassurée, rapport à la lumière du clair de lune qui coulait par les joints de la porte et aux grandes ombres que les mouvements des bêtes dressaient à tout instant contre le mur. La Borgnotte n’arrêtait point de bouger, de froisser sa litière, de secouer la tête et elle meuglait fort et longtemps.
C’était le mois de mars, et bien revêche encore ; il faisait un rude froid.
Juste en face de moi, je voyais par une lucarne ronde toute notre cour pleine de lune, le bâtiment de la ferme, avec l’abreuvoir au bas du perron, et la grange, flanquée d’une treille noire. Plus loin, par-dessus la corne du boqueteau de chênes, le château de Fonteclose étalait son haut pignon blanc comme du lait. C’était là que « restait » notre maître, M. le chevalier Charette, qui, pour lors, y vivait seul, son épouse et sa sœur étant parties en voyage...
Jeannette Montraudoigt, ma mère, était une petite femme boiteuse, aux yeux brûlants, à la bouche rentrée, pointue du nez comme du menton, et dont pas un cheveu ne passait sous la coiffe, ce qui lui donnait l’apparence d’une religieuse. Aussi mes deux frères et moi l’appelions tout doucement « Bonne Sœur ».
Son mari, Laurent Montraudoigt, mon père, l’aimait et la respectait grandement. Roux comme un bœuf, la figure ouverte et l’air fin, il mesurait quasiment deux mètres. À part qu’il parlait raide et qu’il goûtait un peu trop la boisson, nul ne pouvait lui faire reproche. Il était pieux et laborieux et élevait bien sa famille.
Ma sœur, la première née de ses enfants, c’était Céline ; mes frères avaient nom Antoine et Aubin ; j’étais, moi, la dernière. Céline atteignait ses trente ans ; elle n’aimait que l’église, les prêtres et la messe, et ne voulait pas se marier. Grande, jaune et maigre, la parole sèche et les yeux baissés, elle était savante de la tête et déchiffrait l’écriture.
De mes frères jumeaux, Antoine et Aubin, l’un était lourd de ses membres et de sa langue, tandis que l’autre, vif comme une anguille de ruisseau, se montrait, au contraire, subtil et déluré. Antoine aimait à piocher son champ, à conduire le labour, à mener, en un mo

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