Défaillances
115 pages
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Défaillances , livre ebook

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Description

Une petite fête entre amis, un soir d’été caniculaire.
May et son mari ont invité leurs proches. Ce qui devrait être un moment agréable, quelques heures de détente et de partage, se transforme rapidement en chaos et en catastrophe…
Disparitions, accidents, trahisons, règlements de comptes ponctuent une soirée qui se révèle très pénible, avec, en filigrane, cette question : qui va mourir ?
Ou plutôt : qui est mort ?
L’amant de sa petite sœur Alice, que May n’a aucune envie de voir chez elle ? Le mari adultère, qui a eu le culot d’inviter sa maîtresse ? Le copain insupportable, qui fait la morale à tous entre deux crackers ? La célibataire qui oublie sa solitude dans des excès de drogue ? Le dragueur impénitent ?
Construite en flash-backs, pleine de chausse-trappes et d’impasses, cette histoire est avant tout celle de nos défaillances – d’amis, d’amants, de parents… Nos failles, nos lâchetés, toutes ces petites choses, ces choix que l’on ne fait pas ou que l’on fait mal, ces blessures qu’on inflige sans même le vouloir, parfois…
Nos défaillances qui peuvent nous mener, si l’on n’y prend garde, à notre fin.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 septembre 2017
Nombre de lectures 277
EAN13 9782370115652
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0005€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DÉFAILLANCES

Marie-Pierre BARDOU



© Éditions Hélène Jacob, 2017. Collection Littérature. Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-566-9 Le lapin d’Alice


Je veux être le Grenelle de ton environnement,
Le sommet de ton art, ta muse et ton tourment.
Je voudrais être celle qui hante tes fantasmes,
L’Angelina jolie de tous tes psychodrames.

Je prends les ascenseurs qui ne mènent nulle part,
Ne choisis cette route que lorsqu'elle est jolie.
Mes mots sont indécis, rêveurs, ils se barrent
Dans tous les sens, ailleurs, en déroute, en folie !

Je voudrais du désert être ton oasis,
Du guerrier le repos, de l’essence ta flamme
J’aimerais être celle qui joue ta catharsis,
Et si je le pouvais, de l’hypo l’hypocagne !

Les ombres sont au soleil ce que je suis pour toi :
Le revers, l'inconnu, ce que l'on perçoit mal,
Mais reste en filigrane et que l'on n'oublie pas,
Comme une chanson d'enfant, un refrain dans la tête,
Qui trotte insaisissable

Tant qu’à jouer un rôle, je vole la vedette
À toutes tes assistantes, bimbos et castagnettes.
Je me voudrais la cime de ton Himalaya,
Quand je ne suis jamais qu’un piéton à la noix !

De tes repas le sel, de tes tartes le citron,
Et de tes nuits câlines être ton édredon.
De ta voiture de sport je serai le volant

3 De ton crédit foncier le meilleur rendement…

J’aurais voulu porter ton étoile du Nord,
Te montrer le chemin, capitaine de bord,
Être ton audacieuse, ta liane, ta luxure,
Et non petit trophée, oublié dans un coin,
D’Alice le lapin,
De ton ruisseau l’eau pure…

4 – 1 –


8 août, 4 heures du matin.

Les choses qui flottent dans la baignoire l’intriguent. Les flammes tremblotantes des bougies
s’y reflètent, en éclats bleutés proprement fascinants. Ça ressemble à des bouts de métal liés
ensemble.
En équilibre sur le rebord, il tend une patte prudente. Un coup de coussinet – à peine un
effleurement – et l’un des objets vacille, tangue, puis reprend son balancement tranquille dans
l’eau maintenant froide. Le chat se désintéresse de la chose morte. Il ramène ses pattes sous son
ventre, se met en boule et patiente.
Elle va bien finir par se réveiller.
Il n’aime pas ce grand bac blanc plein d’eau. Sa maîtresse l’y enfourne régulièrement – avec
l’autre – et ce sont toujours des instants pénibles, aussi bien pour les chats que pour l’humaine.
Pour le moment, il surveille le corps alangui qui semble plongé dans le sommeil. Posé au fond
de la baignoire, comme une poupée. La pâleur de la peau se marbre peu à peu.
Les échos de la fête qui se déroule derrière la porte close, dans la maison, dans le jardin,
enveloppent la scène comme une cacophonie lointaine et détachée du monde. Hors de la salle de
bains, des hommes et des femmes rient, parlent, chantent. On perçoit le tintement des verres, un
cri d’allégresse ou d’indignation. La musique est forte, du rock – U2, Bloody Sunday, un grand
classique – et les basses font vibrer l’air. Presque une menace.
Chamallow a fait son tour de guet en début de soirée, puis à nouveau après sa balade. Il a passé
toute la nuit à faire des allers et retours entre la terrasse, la maison et le jardin. Il y avait beaucoup
de monde, au début, au moins une cinquantaine de personnes. Mais, heureusement, pas de gosses
pour leur courir après, à lui et à l’autre, vouloir à toute force jouer avec eux et les caresser, leur
tirer la queue, les câliner… Non, seulement des adultes, qui buvaient, mangeaient et fumaient,
dansaient vaguement et discutaient. Il avait profité du fait que personne ne faisait attention à lui
pour chaparder des choses plus ou moins comestibles. Il avait goûté quelques acras de morue et
de petits toasts au thon sur les tables où May avait mis les plats du buffet, avant qu’on le chasse.
Les acras avaient un goût bizarre, piquant, il avait recraché sa prise. Mais les toasts étaient bons.
Il ne reste plus rien à escamoter, maintenant. À cette heure, les invités ne mangent plus rien, ils

5 boivent. Au pire, il pourrait aller fouiller les poubelles… Au moins, l’autre n’est plus là pour lui
voler sa part.
Beaucoup de choses se sont passées depuis l’arrivée des invités, vers 20 heures. Il y a eu pas
mal de cris, de disputes, de tensions. L’autre a définitivement disparu de leur existence, et c’est
plutôt une bonne nouvelle. Il ne reste plus qu’une dizaine d’intrus et, sans doute, vont-ils bientôt
s’en aller.
De toute façon, il n’aime pas la foule ni le bruit. Il court toujours le risque qu’on lui marche
dessus, et il est obligé de slalomer entre les jambes des gens qui ne font pas attention à lui avant
de lui écraser les pattes. Surtout maintenant qu’ils ne font plus que boire.
Chamallow s’est donc réfugié dans la salle de bains, se faufilant entre les jambes de la fille
avant qu’elle referme la porte.
Il ne s’attendait pas à ce qu’elle prenne un bain. Ce n’est pas du tout l’heure de se laver, l’aube
ne va pas tarder à poindre. Mais comme elle ne bougeait pas et demeurait silencieuse, il a estimé
sa compagnie apaisante et il est resté. Mais il commence à trouver le temps long.
Il est là depuis presque une heure à présent.
Dans la salle de bains, toutes les lumières sont éteintes. Seules les bougies parfumées, alignées
le long de la baignoire, projettent leur faible lueur. Ça ne gêne pas le chat, il voit très bien la nuit.
Il distingue sans peine le carrelage noir du sol et des murs, tranchant sur le blanc immaculé du
plafond. Un magnifique lampadaire rococo, trop imposant pour la taille de la pièce, ajoute une
note luxueuse à l’austérité du décor. May l’a voulu ainsi. Elle aime le luxe, même si elle n’a pas
toujours les moyens de se l’offrir. Mais c’est sa salle de bains, sa maison, son jardin. Les autres –
son mari, ses chats, et, à présent, ses invités – n’y sont que de passage, hôtes familiers et tolérés,
mais constamment surveillés.
Chamallow bâille. Longuement. Ses grandes moustaches frémissent et il s’étire, avant de
reprendre sa pose.
Elle va bien finir par se réveiller.
Il doit faire froid, dans cette onde glacée. Elle a sans doute eu envie de se rafraîchir un peu. La
canicule s’est installée sur la région depuis des semaines, et les nuits n’apportent pas vraiment
d’amélioration. Tout le monde suffoque.
Mais pas ici, pas dans cette maison.
Cette maison est climatisée. Lorsque, à l’extérieur, l’air semble grésiller et brûler la peau, que
l’on respire avec la sensation d’avaler de l’eau chaude, à l’intérieur, on a presque froid. Le
contraste est saisissant quand on passe du salon à la terrasse, du frigo à la fournaise. Thomas a
bien essayé de convaincre sa femme, lui rappelant les dangers d’un choc thermique, il peut aussi

6 bien prêcher dans le désert. May est aux commandes, et elle aime la fraîcheur.
C’est pourquoi la salle d’eau, comme le reste de la maison, est glacée. Elle n’aurait pas dû
avoir besoin de se faire couler un bain : il suffisait qu’elle s’assoie sur le bord de la baignoire et
qu’elle attende quelques minutes.
Chamallow est immobile, les lumières hésitantes des bougies effleurant à peine son beau
pelage d’un gris argenté. C’est un magnifique Sacré de Birmanie, comme l’autre. De ses yeux
jaunes à demi fermés, il observe le corps nu qui gît au fond du bac, la peau d’une blancheur
nacrée, les longs cheveux ondoyants autour des épaules. Elle ne bouge pas plus que le chat. Pour
un humain, c’est étonnant.
Il finit par se décider et se rapproche un peu de la fille, avec beaucoup de prudence. Il tend une
patte et, comme il l’a fait pour l’une des choses bleues qui flottent près de la dormeuse, hasarde
un léger coup sur le bras.
Elle bouge à peine, déplaçant un tout petit peu l’eau qui l’entoure. Puis les ondulations cessent
presque aussitôt et le corps reprend son immobilité totale.
Elle ne va peut-être pas se réveiller, en fin de compte.

7 R

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