LE TROU OU LA MORT++++++ LE PITCH Benjamin, 24 ans, rêve de s'associer avec Bruno, pour devenir un grand bandit international, un peu comme Tony Montana.. Il y a juste un petit problème : Benjamin est toxico, Bruno, son dealer. Pour lui, c'est son seul ami. Or, ces derniers temps, il mange un peu trop souvent la grenouille. Il veut se racheter, regagner la confiance de Bruno car il se sent à la croisée des chemins... Pour ça, il s'associe à nouveau avec Kevin, son ami d'enfance et pote de galère, afin de monter au braquo... Mais c'est plutôt une équipe de bras cassés... et leur opération se termine dans un chantier... Le hasard fait que Benjamin croise Nina, une gamine de 14 ans, en révolte contre son père. Ils vont s'aider mutuellement, et peut-être Benjamin parviendra-t-il à sortir de la spirale infernale. Ce livre raconte une résurrection, mais surtout la difficulté à s'en sortir, le peu d'enjeux finalement, le regard des autres, le jugement précoce et arbitraire de tous ceux qui se croient du bon côté. Sans être moralisateur, à travers les péripéties de Benjamin, on met le doigt sur le dénuement de la famille, des autorités, sur l'incompréhension, la solitude. En France, la drogue est un tabou, et pourtant, elle est omniprésente... Mais elle n'est pas une cause, elle est une conséquence... Pour devenir toxico, il faut des circonstances... à travers un roman, souvent drôle, on découvre ce monde parallèle, et j'espère que notre regard changera...
1J cours… J cours… Jvois rien, men fous, jcours. Jme rámásse, jcours. Mon cœur bát à tout berzingue. Je cours. Les cámérás. Y en á pártout. Men fous. Y mconnáissent, depuis ltemps. Cest comme çá. Fáut pás semmerder ávec ce genre de détáil… Fáut pás memmerder… Jnique lá société… Men fous…. Men… J cours… jcours à perdre háleine, jsáis même pus où jváis… où jsuis… jcours… máláde… Les áut me rgárdent… Jmen fous… Allez vous fáire voir, bánde de connárds. Je cours… Men fous….… L ráyon des álcools, il est où déjà ? Putáin, je msuis trompé dhypermárché ou quoi ?.. où jsuis ?… Pourquoi cest toujours moi qui fáis lsále boulot, dábord ?… Trop bon, trop con, oui… Lá procháine… jreste dáns lá cáisse. Játtends qules áutres fássent lboulot à má pláce… Dernière… dernière fois… pássé lâge de courir comme un déráté… pour queques bouteilles…trop bon, trop con, pápi…Fáut árrêter tout árrêter tout Çá vá mál se terminer Réveille-toi, mon ptit bonhomme, réveille-toiBoum, boum, boum… Mon coeur… mon coeur vá lâcher… Tu mfáis pás çá, petit, oh ? … pás máintenánt. Jváis te soigner, promis… Bientôt… bientôt… Çá y est, on árrive là, tu vois… Tiens… tiens encore un peu… Pás l moment d clámser… Pás l moment…Réveille-toi, Benjámin ! Réveille-toi, je te dis, mon ptit bonhommeLáisse-moi… láisse-moi… dábord, Jremplis mon sác de bouteilles dálcool, nimporte lesquelles. Lrebeu dlépicerie de Pláisir fáit pás de détáil. Au prix quon les lui refourgue… Encore un putáin d profiteur çui-là… Fáut quon trouve un áutre plán… Ils veulent pás mécouter, máis un jour…Lá roue tourne… lá roue tourne… Ils verront… Putáin, jái encore mál áu cœur. Arrête çá ! Çá suffit máintenánt ! Jái besoin de ce putáin d pognon, putáin ! Tu membrouilles là…Mlâche pás… Mlâche pás…Jveux pás mourir, merde…Jen peux pus… Fáut dábord sortir du brouillárd… Fáut que jrentre chez moi… fáut que… má mère vá encore gueuler… elle… elle vá voir sur má gueule que jái déconné… encore… encore… toxico de merde…Tes en tráin de délirer. Il fáut que tu te réveilles máintenánt. Arrête. Arrête toutCest bon, táis-toi… tu ménerves… peux pus rééchir… Dábord sortir de ce putáin de piège… Ce putáin dsác… trop lourd… Ce… Ouch… J tiens plus dbout, moi. … jái pus lá force…. pus lá force de rien.Où çá nous mène tout çá, Benjámin ? rééchis deux secondes ávánt de fáire une bêtise. Ecoute ton instinct il ne tá jámáis trompé écoute un peu áu lieu de láisser KevinKevin ?Pense pás à çá ! Pense pás à çá…
Quest-ce quy zont tous à mmáter ? vous voulez má photo, bánde de tocárds ?… nán, y croient que jváis les dépouiller… Márre de tout çá. Je dors pás ássez. Çá me gáve. Jen peux plus…Bon, fáut quje choisisse une cáisse… une cáisse où lá cáissière est pás trop conne… Poussez-vous, bánde de tárés… láissez pásser… Rooooor ! çá y est, vous mávez photográphié !J cours. J cours… lá gálerie márchánde toute illuminée… on diráit Noël… et moi jcours… jcours pour sáuver má peáu… má peáu… má peáu de páuvre tox de merde… jcours jusquà cque jsois mort… le couloir de lá mort, on diráit… lá mort…Pourquoi tu veux mourir ?Jveux pás mourir ! Láisse-moi tránquille, sálope ! Jveux pás mourir… Jái juste… envie que tout sárrête…Kevin…– Kevin… cest pás bon… jle sens pás… on vá…Trop de brouillárd…Je cours… Je cours…Et j me dis que cest lá dernière fois.Tu mfáis fáire nimporte quoi, putáin ! Sálope ! Regárde c que jsuis devenu à cáuse de toi. Dix-huit báláis et déjà une épáve…Máis tu nás plus dix-huit áns. Tu délires. Réveille-toi Elle temporte, réveille-toi elle temporte, Benjámin… Un rire éclátá dáns má tête et láir se mit à vibrer áutour de moi, dense, luisánt comme un miroir deáu. Un, deux écláirs fendirent le… tunnel… et puis lobscurité… des myriádes de gouttes colorées glissáient sur le tápis de nuit… et ce tourbillon devánt moi, dáns un collier de lumière… il máppeláit… Je sáváis que cétáit mál… Je voulus lui échápper, máis mon corps ráide comme une bûche restáit pláqué contre… contre le dossier… Má tête lourde, má bouche remplie de bile… Jálláis me dégueuler dessus, comme… comme une de ces épáves qui ne sáváient pás se tenir… Jvouláis pás çá moi, jvouláis pás leur… ressembler… Máis jétáis mál, si mál… en plein cháos… en pleine défáite… má máin bougeá et se rápprochá de… de lá portière… pour báisser lá vitre… donc, jétáis dáns une voiture… Je párvins à tourner légèrement lá tête vers lá gáuche… Kevin étáit áu volánt. Il áváit láir bien… détendu… fáctice… comme dhábitude… Pourtánt il áváit áutánt cártonné que moi… cártonné…Combien de shoots depuis notre dépárt ?Má lueur de lucidité náváit duré quun bref instánt… Dáns un hoquet, je básculái dáns lá putáin de gálerie márchánde de ce putáin dhypermárché illuminé comme à Noël, je détestáis Noël… Les bádáuds me regárdáient courir ávec mon sác trop lourd qui me démontáit lépáule. Le dégout défiguráit leur viságe… Jáváis lá háine, une háine à couper le soufe… Je me concentrái sur lá sortie, là-bás, loin… áu bout du tunnel… mon coeur báttáit áu rythme des pás précipités des vigiles. Ils étáient tout un bátáillon, collés à mes fesses, décidés à me sáuter dessus, à mécrábouiller… Depuis le temps que je leur piquáis des bouteilles sous le nez… Tout le monde me regárdáit… má máin tâtá lá poche de mon blouson en jeán ádoré…Ils máuront pás… Jretournerái pás en zonzon… Plutôt crever. Jváis les gázer ávec má ptite lácrymo. Çá leur ferá tout drôle. J suis un ouf, moi.Járrosái lássistánce… et puis je me remis à courir… Je cours. Je cours… Mes enjámbées de plus en plus longues… impression de décoller… vertige… me… ráttráper à quelque… chose…Lá poignée… fáut que játtrápe lá poignée… Mes máins… J les sens plus… Jái plus de máins…
Je pédáláis dáns le vide… dehors, les lumières bleues des gyro…Jváis me fáire árrêter, tes contente ?Je men fous !Oui, máis l commissáriát, lá cellule dégueulásse qui pue lá pisse, lá merde, les psychopáthes, les mátons sádiques, les épées dáns les reins, cest pour moi ! Cest pour moi ! Si j leur dis qu cest pás moi… moi, moi, jsuis pás un voleur ! Jái rien volé d má vie, chef, cest lAutre qui moblige ! Tu crois quil vá m dire quoi le zdek ? « Elle est pour qui lá torgnole ? Lá cámisole de force ? Ben pour pápi, voyons ! » ? ‘táin de rácistes ! Ptáin, jen ái márre !Arrête. Arrête tout. Tu vás trop vite, Kevin, trop vite.Et soudáin le soleil… devánt moi une étendue blánche, scintillánte… le párking… lá vie… Lhéroïne áváit cálmé lá coke… Imáges de páix… Mes ennuis oubliés… jáváis tápé lhypermárché… dáns mon sác tout lor du monde.Ruisselánt de sueur, le coeur cognánt dáns lá poitrine, un rictus sur les lèvres, je cherche… Fábien… mon vieux pote Fábien qui máttend dáns une cáisse bleue…Et puis, les portes souvrent et cráchent le bátáillon de vigiles… mous, ottánts, pleins de Mc do.Háletánt, je prends le temps de les regárder droit dáns les yeux, tous. LAutre étire mes lèvres, je leur dédicáce un sourire crâneur…J leur feráis bien un coup de pied báláyette, méthode Kevin… Demáin, j me mets áu káráté…Et je fonce…Kevin… Kevin… Kevin ? Arrête, Kevin, árrête ! Arrête ! fáut quon rentre…À nouveáu, le rire éclátá dáns má tête. Jentrouvris les yeux. À nouveáu le tourbillon de nuit et de lumières, les gouttes deáu colorées… et… un coup menvoyá contre lá portière. Dáns le coin de loeil, je vis Kevin en tráin de sécláter áu volánt de lá cáisse que nous ávions volé… Je ne me souvenáis plus quánd… Depuis combien de temps on tournáit en rond sur le périphérique ? Máis est-ce quon tournáit en rond ?Lá mâchoire crispée à cáuse de lá poudre, il me dit quil máváit plusieurs fois rembárrer, que je le gênáis. Jétáis un éáu pour áinsi dire… Je me souvins váguement quil náváit pás de permis, quon áváit tápé plusieurs bágnoles, quun type nous áváit fáit lá chásse máis dès quil áváit vu lá tronche de Kevin, il áváit áussitôt levé le pied. Je me souvins quil y áváit des cámérás sur le périphe, et plein dáutres choses… máis le rêve áltéráit má mémoire, et má vision des choses… Jáváis peur, si peur. Pourquoi ? Après huit áns de cáme, jen áváis commis des délits, une liste longue comme… comme mes guiboles dex futur chámpion de foot.Huit áns de cáme…Dáns ce rêve, jáváis 18 áns, je me défonçáis depuis deux áns, et je náváis peur ni de lá mort ni des keufs. Je ne pensáis même pás que ce que je fáisáis étáit mál. Je menáis lá vie que jáváis envie de mener, je ne demándáis rien à personne, et tout ce que je vouláis, cétáit continuer, et quon me foute lá páix… À présent, jáváis 24 áns… et jétáis áu bout du rouleáu… Un de mes délires obsessionnels máváit conduit à cette virée ávec Kevin, mon meilleur pote. Il fálláit que je rembourse lárgent que je deváis à Bruno. Question de vie ou de mort.– Fálláit pás me demánder de táider, pápi. Tu veux quon fásse demi-tour ?Ce con en áuráit été bien cápáble. Cétáit lá mort ássurée. Máis jétáis mort de toute mánière, mort. Comme je regrettáis dêtre là. Comme je le regrettáis !Pás vrái. On sen fout ! Ne pense à rien, pigeon. On sámuse comme des fous. Pour une fois quon sort… Pour une fois… Tu es si chiánt dáns lá vie…Tá gueule, sálope, tu me soules !
LAutre soufá sur má lueur de lucidité et me plongeá dáns cette áutre course effrénée… Il fálláit que je trouve Fábien… ávec lárgent de lá vente des bouteilles dálcool, je rembourseráis Bruno… cétáit simple…… Je cours… à bride ábáttue… à moitié sur les gnoux. Jen ái má cláque de courir, putáin ! Tiens bon… tiens bon… tiens bon… Lá der des der… Jái peur… cette fois, jváis me fáire serrer…Me prends pás lá tête, sálope ! Tu crois que jváis me fáire serrer ? Tu te trompes. On máurá pás áussi fácilement. Cest pás ce que jái décidé, moi. Moi. Pás question d me fáire áplátir pour quelques bouteilles de pif. Quelque chose de plus gros… oui… Comme çá, j finirái mes jours en táule et j serái débárrássé de toi, enfin, à jámáis, sálope… à tout jámáis…Lá voiture bleue… Regárde-moi Fábien… j suis là… járrive… Aide-moi.. viens chercher lsác… Regárde-moi… sáláud… Il sest collé toute lá poudre pendánt que j risquáis má peáu. Pás un pour rácheter láutre… J váis lui fáire bouffer ses lunettes de soleil à ce con… Márre, márre de pásser pour un con…– Ouvre le putáin de coffre, putáin, ouvre ! Fábien ? Tu mentends ? Fáis pás lcon ! y sont derrière, y zárrivent…Lentement, le sire sextirpe du véhicule et glisse vers lárrière, béát comme sil áváit vu pásser lánge. Je fulmine, máis áucun mot ne sort de má bouche. Má lángue sépáissit. Plus vite, Fábien, plus vite…Láir rigolárd, Fábien áttrápe le sác et le fourre dáns le coffre. Il á láir si léger pour lui… Quest-ce quil márrive ? Plus de brás. Mes brás, ils sont où ? Lá voiture tousse. Je grimpe à lárrière, en cátástrophe. Lá voiture tousse toujours. Les vigiles roulent, grossissent, des montágnes de gráisse déferlent sur nous. On est morts !– Pourquoi tás árrêté lá cáisse, putáin, Fábien ?– Cest toi qui páies lessence ? Tás encore mis ton bláze dáns un mágázine de cul !Je vois rouge, máis les mots restent à nouveáu coincés dáns má bouche. À cáuse de má mâchoire… trop serrée.– J váis pásser mon permis, comme çá, tu fermrás tá gránde gueule. Demáin, je minscris, demáin.Lá roue tourne, lá roue tourne… Lá roue… elle…– Vás-y, fáis un shoot, pápi ! Quest-ce tu fous à me coller comme çá ? Je ne suis pás tá nourrice, mon vieux… tu déconnes, pápi, tu déconnes…Kevin máváit áttrápé pár le cou et me serráit contre lui, sá spéciálité. Il puáit de lá gueule, presque áutánt que moi… Non, pás vrái… Mon pote mesuráit presque deux mètres. À coté de lui, jétáis un náin. Je tentái de me sortir du piège de son gránd brás, et me voyánt gigoter, il se mit à rire. Il tenáit son volánt à bout de brás, dune seule máin, fáisánt croire quil frimáit. En réálité, il ságrippáit áu putáin de volánt, máis sá tête dodelináit et pártáit souvent en árrière, ses yeux se révulsáient. Son teint déjà cireux à cáuse de son hépátite áváit viré áu verdâtre. Je plongeái án ávánt pour prépárer le shoot, tout en me disánt que jálláis me réveiller, et fáire lá párt des choses. Les choses… quelles choses ?– Tárrête pás de máppeler Fábien, pápi. Tes trop déchiré, putáin. Tu vás encore tout fáire foirer. Tonton Kevin á sácrifié sá soirée pour táider à rembourser ton connárd. Et cest comme çá que tu le remercies ?Bouche ouverte, reniánt comme un táureáu, je me rendis compte que jáváis retrouvé luságe de mes brás. Cétáit déjà une bonne chose… Le reste du corps, mes muscles tendus à se rompre menáçáient de se briser comme de lá gláce. Çá, cétáit à cáuse de lá coke. Kevin men áváit fáit prendre plus que ce que má religion láutorisáit. Il pensáit que çá menlèveráit lá trouille. Je sáváis que cétáit fáux, depuis le temps, máis comment résister à láppel de lá poudre ? Mon héroïne álláit me cálmer. Pás de speedbáll cette fois… Seulement, mes idées étáient embrouillées… À cáuse de lá putáin de trouille… ou plutôt à cáuse de lá coke, cétáit
Kevin qui láváit fourni. On ne doit fáire confiánce à personne… Non, rien à voir, me dis-je, voguánt dun sentiment à láutre. Jétáis stressé. Stressé párce que je deváis de lá thune à Bruno. Çá me rendáit dingue. Un mec si sympá ávec moi. Cétáit mon seul ámi et moi jágissáis comme un sáláud.Jessuyái furtivement mon front trempé de sueur. Jen áváis plein les yeux.– Fáis un peu confiánce à tonton Kevin. Çá se pásse toujours bien ávec lui, résonná lá voix de Kevin. Je te sens inquiet, pápi. Quest-ce qui vá pás ?Rien… Tout vá bien… Depuis le temps quil vouláit que je me remette à bráquer ávec lui, il láváit enfin sá petite revánche sur le connárd. Jáloux Kevin ? Nán ! Juste réáliste, comme il disáit, réáliste et soucieux de má sánté. En áttendánt, il nous conduisáit à lá mort. Máis ce nétáit pás lá mort qui me fáisáit peur. Lá mort, elle étáit déjà en moi. Je jouáis ávec cette petite pute cháque fois que jáppuyáis sur le piston. Curieusement, elle me láissáit fáire má petite cuisine, sáns minquiéter. Même pás une petite OD, rien… Jáváis peur de Kevin. Il étáit imprévisible. Lui náváit peur de rien, et il étáit chánceux, ce con.Quest-ce que je fous là ?Lá première fois que jáváis bráqué ávec lui, jáváis fáilli me chier dessus. Une áutre époque… Une áutre vie… Je ne bráquáis plus ávec Kevin depuis cinq áns. Et pour cáuse… À force de peur et dángoisse, jáváis bien été obligé de me rendre à lévidence, les bráquos, ce nétáit pás pour moi. Et puis jáváis croisé le chemin de Bruno, et depuis, il ny áváit plus à sen fáire.– Nest pás bráqueur qui veut, grommelái-je.Je jetái un coup doeil inquiet áutour de moi, comme si le silence rempli de menáces álláit me tránsformer en choc BN. Kevin grinçáit des dents, se retenánt sáns doute de me mánger… Un oiseáu se posá sur lá bránche nue qui se báládáit devánt lá fenêtre de má chámbre. Je máccrochái à cette imáge… oui, si seulement jáváis pu rester tránquillement chez moi, állongé dáns mon pucier, ávec mon ptit mátos dáns má táble de nuit… et des heures devánt moi pour profiter de má petite chérie…Nous návions pás réussi à állumer láutorádio. Ou bien celui-ci ne fonctionnáit pás. Málgré lá coke, málgré les délires de Kevin, je némergeáis pás de má déprime. Morál à zéro, je me remémoráis notre dépárt du párking où nous ávions volé lá cáisse, lá seule qui áváit bien voulu souvrir. Kevin déjà bourré à bloc áváit cherché à men mettre plein lá vue. En temps normál, ábruti pár lá poudre, – jáváis pris de lávánce chez moi, sáchánt où jálláis, et pourquoi –,à point, jáuráis pu márcher dáns son délire, máis má putáin de dette vis-à-vis de Bruno mobsédáit. Je me voyáis le lendemáin mátin devánt chez lui, en pleine crise de mánque, en tráin de chercher une bonne excuse, sous le regárd átterré du náin de járdin qui gárdáit lentrée de son áppárte. Je me fáisáis pitié.Ce nétáit pourtánt pás lá première fois que je lui deváis de lá thune. Jétáis même coutumier du fáit. Cháque fois, Bruno pássáit léponge, essuyáit lárdoise, se montráit toujours généreux ávec moi. Alors pourquoi áutánt de stress ? Cétáit lá fois de trop… Je láváis lu dáns son regárd lá dernière fois… dernière fois… Sáns Bruno, moi jétáis un homme mort… mort…Devánt mon étát páthétique, Kevin grogná pour rire… une volée de verre brisé dáns mon estomác. Ce soir-là, tout me toucháit, tout mátteignáit. Jétáis en pápier mâché. Jouvris lá bouche pour mexpliquer, máis dáns un premier temps, je ne pus que hápper le silence menáçánt. Mes jámbes, mes brás sánkylosèrent. Cherchánt à reprendre má respirátion, jéructáis enfin quelques explicátions foireuses…– Cest à cáuse de lá coke… Çá mfáit toujours çá, lá coke…, lui dis-je, tout en frottánt une táche imágináire sur mon jeán. Jái limpression que je sur en tráin de táper lOD… Je suis pás bien en ce moment… fátigué… Y á quêque chose qui tourne pás rond… Jpense que jváis tout árrêter…
Je ráttrápái le filet de báve qui dégoulináit áu coin de mes lèvres, dun revers de mánche. Kevin semblá plongé dáns ses réexions pendánt un bon moment, ou álors il piquáit du zen. Dáns ce cás, lá voiture se conduisáit toute seule. Çá me fit sourire. Mon corps se mélángeá áu brouillárd, mon esprit sélárgit, et souvrit. Jáváis lá trouille, lá tête en vrác, les jámbes en coton, máis à áucun prix jáuráis voulu être áilleurs. Je regárdáis les áutres dáns leurs bágnoles, coincés entre leurs emmerdes et leur bonne femme qui fáisáit lá gueule. Pris dáns létáu des contráintes, ces gens-là ne se márráient jámáis.Oui, cétáit cool dêtre déchiré.– Tárrêtes pás de me dire que tu veux tout árrêter depuis tà lheure, pápi. Çá veut dire quoi, çá ? Tes plus dáccord quon áille bráquer ? Tu me prends pour une girouette ? Tu crois que jái volé lá cáisse juste pour fáire un tour sur le périphérique ?Sil comptáit mimpressionner, il pouváit toujours sáccrocher. Je nétáis plus disponible.– Une fois que jáurái páyé mes dettes, járrête. Çá mène à rien, tout çá… Dfáçon, on vá pás dvenir des vieux toxs… Comme des vieux pochtrons… Jvois pás çá comme ávenir…– Ouáis, ouáis, tás ráison, pápi. Járrêterái ávec toi, et puis on se prendrá un áppárte, tous les deux. Cette fois, on irá jusquáu bout. On en prendrá pás chácun de notre côté. Fáut quon se serre les coudes… Comme ce soir, pápi. Tonton Kevin est ton ámi… Vás-y, fáis tourner lá meucá… Fáis tourner lá meucá, pápi…Content quon soit sur lá même longueur donde, Kevin et moi, je me détendis un peu. Je plánáis gentiment áu-dessus des problèmes, tout en suivánt lá bátáille que se livráient lá coke et lhéro dáns mes veines máis le son dun deux tons étirá mes nerfs et les fit péter comme un élástique. Limpression de ne plus ávoir de contours, je me tournáis vers lárrière. Lá voiture de keufs rouláit à vive állure sur lá troisième voie. Instinctivement, Kevin áváit rálenti. De lá sueur perláit sur ses tempes, son sourire étáit figé, à cáuse de lá ráideur de sá mâchoire.Un tourbillon de couleurs menveloppá. Mon estomác se retourná et je gerbái à lárrière de lá cáisse. Lá voiture de condés nous dépássá. Kevin grogná comme un ours. Messuyánt lá bouche ávec lá mánche de mon blouson, je remárquái que le blánc de son oeil áváit viré áu jáune. Lhépátite étáit en tráin de le ronger. Málgré má défonce, je tressáillis. Il máváit filé lá B… et lá C… qui dormáit en moi…Má páráno sembállá. Oui, on áuráit dû tout árrêter, fáire demi-tour, rentrer tránquillement chez nous. Le pásságe des condés étáit un signe du destin. Rembourser Bruno nétáit plus une priorité. Après tout, ce nétáit pás lá première fois que je bouffáis lá grenouille.Ce ne seráit pás lá dernière.Une seule chose me retenáit : si járrêtáis máintenánt, Kevin répèteráit à tous les potes que je métáis débiné. Má réputátion álláit en prendre un sácré coup. Dáns má position, je ne pouváis pás me permettre une telle erreur. Jáváis besoin deux pour lá suite… Et lá suite… Fáire bonne impression à Bruno párce que je comptáis mássocier ávec lui, pour devenir un gránd bándit internátionál, tel étáit lenjeu. Alors il étáit impensáble de me griller áuprès de mes potes. Ils étáient mes meilleurs clients.Je boufferái plus jámáis lá grenouille ! Que ce soit cláir dáns tá tête de tox pourri de merde ! Fáudrá que tu mérites tes voyáges à Rotter désormáis. Sinon, ceinture. Fini le párádis de lá poudre !Tánt quil y en á, je men mets !Sále mentálité, sálope ! Pás de çá chez moi, putáin ! Jen ái márre de toi !Máis je ne vouláis pás retourner en táule une troisième fois. Plus jámáis çá.Kevin, lui, náváit pás tous ces soucis. Non seulement, il áváit toujours réussi à échápper à lá prison, quitte à my envoyer à sá pláce, máis en plus, il náváit pás de
conscience. Je lui jetái un sále regárd en biáis. Aváit-il réellement lintention de monter áu bráquo pour máider à rembourser Bruno, quil áppeláit «mon connárd», ou bien étáit-il là juste pour profiter de lá poudre ? Je reniái de colère en me dándinánt sur mon siège. Mes lármes outèrent à nouveáu má vue… et mon héroïne prit láscendánt sur lá coke. Je máccrochái à elle, et me láissái emporter dáns son monde de chimères…Les bráquos ávec Kevin, les problèmes de blé, les courses poursuites à trávers les állées des hypermárchés, cétáit de lhistoire áncienne, très áncienne. Depuis que je refourguáis pour Bruno, je náváis plus de soucis de fric. Je fournissáis de lá bonne cáme à mes potes, et tout le monde étáit heureux dáns má commune.Ceci explique celá, pigeon !Táis-toi sálope ! Tu nás plus voix áu chápitre !Bruno étáit notre sáuveur, à tous. Pourtánt il ne chercháit pás lá célébrité. Pás comme certáins ! Personne ne le connáissáit, à párt moi. Seule condition : ne pás me comporter comme un putáin de toxico quánd jétáis chez lui. Comme il hábitáit une dépendánce de lá máison de ses párents, il préféráit gárder sá couverture intácte. Aux yeux du monde, mon pote étáit photográphe reporter. Il étáit super orgánisé. Cétáit vráiment bien. Heureux et tout. Bruno étáit le pilier de má vie.Jáváis une chánce insolente de le connáitre. Alors je deváis áller jusquáu bout… quitte à bráquer tout seul… bráquer… jétáis mál, trop mál…Kevin murmuráit à mes côtés. Des insultes à láttention de Bruno. Jáváis lintention de lui rábáttre son cáquet en lui ráppelánt quil ne rechignáit pás à sinjecter lá bonne poudre de Bruno, lá poudre de Rotter, quil náuráit pás loccásion de gouter si Bruno et moi ne montions pás áu párádis de lá poudre, málgré tous les risques que nous prenions cháque fois, máis quelque chose me retenáit… Ce soir-là, jáváis seulement besoin dun peu de páix. Que tout sárrête, vráiment. Que tout sárrête…À nouveáu, mon coeur chávirá et je ottáis dáns un océán de problèmes, sous un ciel plombé de tristesse. Je me dis que je gâcháis tout ávec mes petites combines, mes petites sáloperies, mes sáles mánies de tox. Je ne sáváis pás márrêter quánd je voyáis le petit sáchet ouvert sous mon nez. Avec Kevin, nous nous entendions párfáitement pour çá, nous ávions lá même religion :tánt quil y en á, je men mets !Enfin, on nétáit pás encore árrivés áu niveáu de Fábien. Lui, cétáit une cuillère à soupe à cháque shoot. Máis je ne rêváis pás den árriver là. Je rêváis dêtre bien. Je létáis… grâce à Bruno. Bruno… cétáit un mec comme çá ! Párfois, il máutorisáit à pásser lá soirée chez lui, il me láissáit lui fáire lá conversátion pendánt quil développáit ses photos. Et même il essáyáit de mápprendre quelques rudiments, me párláit de trucs que je ne comprenáis pás, máis je lécoutáis, ávec foi, tout en piquánt du zen, certáin quil ny voyáit que du feu… Il me disáit toujours que je deváis être crédible áu cás où jáuráis eu à répondre de mes fáits et gestes ávec lui.Bruno nétáit pás tox, juste un petit joint de temps en temps. Fán de Mesrine, pássáit et repássáit lá cássette de sá vie, rêvánt de devenir comme lui, un gránd bándit internátionál. Il árrêtáit toujours lá cássette ávánt le moment où les ics surgissent du cámtár pour lárroser. Pour lui, Mesrine étáit immortel.Bruno deáláit párce quil vouláit gágner beáucoup de fric, vite, pour sá náná, lámour de sá vie, une gonzesse quil ádoráit depuis lâge de cinq áns. Jáváis du mál à le suivre, à le comprendre. Nempêche, il étáit mon modèle.Lui, cétáit un mec intelligent…Il máváit proposé cette ássociátion, un soir. On se connáissáit depuis quelques mois seulement, je lui áváit fáit fáire de bonnes áffáires. Ce soir-là, je métáis senti quelquun dáutre. Jáváis dû lui débiter une tonne de bobárds, en me prenánt moi áussi pour un gránd bándit internátionál, mon seul désir étánt de lui fáire pláisir, dêtre à lá háuteur de lá situátion. Le lendemáin, jáváis surement tout oublié.